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Une économie écologique pour le Québec: Comment opérationnaliser une nécessaire transition
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Livre électronique678 pages7 heures

Une économie écologique pour le Québec: Comment opérationnaliser une nécessaire transition

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La crise écologique que nous traversons se manifeste notamment par le dérèglement climatique, le déclin de la biodiversité et diverses formes de pollution et de dégradation des écosystèmes. Cette crise est de nature socioéconomique dans la mesure où ce sont les systèmes de gestion et d’aménagement du territoire qui en sont la cause. Pour parvenir à en atténuer les effets, nous proposons une économie écologique pour le Québec, soit une approche fondée sur une meilleure compréhension des systèmes sociaux, économiques et environnementaux et de leurs interactions. Nous cherchons à savoir comment orienter les politiques publiques et l’économie québécoise afin de respecter les limites de la biosphère, tout en assurant une qualité de vie pour tous.

Cet ouvrage réunit des textes issus de recherches interdisciplinaires au croisement du développement économique et de l’atteinte d’objectifs écologiques et sociaux. Il offre des analyses et des réponses pour alimenter les débats politiques au Québec dans un contexte d’urgence climatique, et nous invite à remettre en question la transition basée seulement sur l’efficience technologique.

Ce livre s’adresse à toute personne intéressée par les questions environnementales dans leurs dimensions socioéconomique et écologique.
LangueFrançais
Date de sortie9 mars 2022
ISBN9782760555624
Une économie écologique pour le Québec: Comment opérationnaliser une nécessaire transition

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    Aperçu du livre

    Une économie écologique pour le Québec - Alejandra Zaga Mendez

    INTRODUCTION /

    L’exigence de la transition écologique

    Jean-François Bissonnette, Alejandra Zaga Mendez et Jérôme Dupras

    L’intelligence humaine est, en définitive, le seul outil

    dont dispose l’humanité pour s’échapper du cul-de-sac

    où elle s’est engagée. […] Mais le savoir ne suffit pas ; il faut

    aussi transformer ce savoir en croyances, en des convictions

    assez généralisées pour engendrer des actions collectives.

    André Lebeau (2011, p. 153)

    Au moment d’écrire ces lignes, le monde est toujours aux prises avec la pandémie de COVID-19. Lorsque ce grand chantier de réflexion sur la transition écologique au Québec a été lancé au début de l’année 2019, nous étions loin de nous douter de la succession des événements qui entraîneraient la plus importante mobilisation des pouvoirs publics depuis la Seconde Guerre mondiale. Au diapason des regroupements scientifiques et des mouvements sociaux qui, face à l’accélération des changements climatiques, réclament une transition écologique, c’est avec un sentiment d’urgence que nous avons entrepris cet ouvrage. Or, en contexte de crise sanitaire, l’urgence n’a plus rien d’une abstraction, elle nous a rattrapés, et nous faisons désormais collectivement l’expérience d’une rupture dans nos expériences sociales et économiques.

    Ainsi, notre démarche scientifique demeure d’autant plus importante. Elle s’appuie d’abord sur les résultats des communications du colloque de l’Acfas portant sur la transition économique et écologique tenu en mai 2019, qui a rassemblé plus de 30 experts en environnement et plus d’une centaine de citoyens engagés, venus exprimer leur vision de la transition. Bien avant la crise sanitaire liée à la COVID-19 sévissait déjà une crise écologique aux effets différenciés et bien documentés par la communauté scientifique¹. Nous voulions que cette urgence d’agir et de se pencher vers des solutions viables résonne au Québec, où des scientifiques travaillent à l’analyse des conséquences des changements climatiques, aux outils politiques pour accélérer la transition ainsi que sur les dimensions politiques de la crise environnementale.

    À part l’urgence, la crise actuelle présente de nombreux parallèles avec la crise écologique. D’une part, ses conséquences sont différenciées en fonction des occupations, des classes sociales, des genres et des groupes culturels et ethniques, et elle nous plonge dans l’incertitude. Cette incertitude remet en question le paradigme moderniste procroissance qui est la cause de la crise écologique actuelle. D’autre part, la crise écologique, comme la crise sanitaire, ne saurait être atténuée sans de vigoureuses mesures mobilisant tout autant les autorités publiques, les organisations de la société civile, que les entreprises et les individus.

    L’idée d’une transition vers des modèles de développement et d’occupation du territoire qui permettent d’affronter ces crises est cruciale dans le débat public. Cette introduction veut ainsi offrir d’abord des pistes de réflexion sur ce que représente la transition écologique dans le contexte de la gestion des territoires et des ressources naturelles au Québec. Nous entendons la transition comme l’ensemble des actions et des connaissances permettant l’enchâssement des systèmes économiques dans les limites des écosystèmes, dans une perspective de justice sociale ; c’est ce que nous appelons l’économie écologique. Nous proposons que les réponses à cette crise reposent sur une modification des relations économiques et des institutions sociales qui les sous-tendent afin de trouver des solutions démocratiques à la fois au péril des changements climatiques, et à la préservation de la santé et de la sécurité de la population. Notre analyse se penche sur la capacité d’action des pouvoirs publics afin de mobiliser des ressources économiques et de mettre en œuvre des mesures de régulation écologique en s’appuyant sur l’exigence sociale et les consensus scientifiques. Le postulat sur lequel cet ouvrage est fondé est que la transition écologique est appréhendée selon une pluralité de perspectives étroitement associées aux divers secteurs de gestion de l’environnement. Nous sommes bien conscients que la transition écologique requiert une perspective transcendant les cloisons des secteurs d’activité, tels qu’ils ont émergé au cours de l’histoire récente. La complexité de la gestion des écosystèmes nous oblige néanmoins à aborder les enjeux et les perspectives de transition en fonction des divers secteurs environnementaux et des intervenants qui les représentent. Nous présenterons par la suite le contenu du livre et la façon dont les thèmes abordés s’inscrivent dans une perspective multisectorielle de la transition.

    Crise écologique et crise sanitaire

    Si les événements liés à la crise sanitaire de la COVID-19 ont momentanément détourné l’attention médiatique des menaces environnementales qui compromettent la survie d’une part grandissante de l’humanité, d’aucuns ont su rappeler le lien de dépendance entre les activités économiques et les écosystèmes dans lesquels elles s’inscrivent. C’est à juste titre que plusieurs ont su démontrer que les virus sont des composantes des écosystèmes (Vidal, 2020). Il devient manifeste aux yeux du plus grand nombre que la gestion de toutes les composantes des écosystèmes (eau, atmosphère, sols, espèces végétales, animales, bactéries, virus, etc.) peut désormais avoir des effets considérables sur les sociétés. À l’échelle mondiale, la dégradation rapide des écosystèmes qui a eu lieu au cours des dernières décennies, sous l’effet combiné de la croissance économique et des changements technologiques radicaux, a considérablement réduit la résilience des milieux naturels. La dégradation dont ces milieux font l’objet, que ce soit directement par l’extraction forestière, l’urbanisation, l’expansion agricole, ou indirectement par le dérèglement climatique et la pollution, a causé une diminution du nombre et de la qualité des services écologiques rendus aux êtres humains (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques [IPBES], 2019). Parmi ces services figure au premier chef celui de la modulation des menaces liées aux événements climatiques extrêmes (sécheresse, inondations), mais aussi aux virus et aux éléments pathogènes de toutes sortes (Relman et al., 2008). La santé humaine ne peut plus être considérée comme distincte de celle des écosystèmes (Garcia, Osburn et Jay-Russell, 2020). La crise sanitaire liée à la COVID-19 et la crise écologique nécessitent urgemment des réponses concomitantes. Or, en temps de pandémie, la pression renouvelée sur le marché foncier en secteurs de villégiature, la faible baisse de la consommation de combustibles fossiles, la poursuite de la gestion des ressources naturelles dans une perspective extractiviste (forêts et mines), ainsi que l’augmentation des inégalités sociales face à la pandémie ont démontré que le découplage entre protection de l’environnement et activités économiques persiste toujours.

    Le parallèle entre santé des écosystèmes et santé humaine ne pourrait apparaître plus clairement qu’à travers les épisodes climatiques extrêmes, de plus en plus fréquents, telles les vagues de chaleur, sécheresses et inondations. Comme le montrent plus de 6000 études scientifiques, les effets d’une hausse de plus de 1,5 °C par rapport à l’ère industrielle seraient potentiellement désastreux. Malgré une situation géographique, écologique et socioéconomique relativement privilégiée, certains groupes et collectivités plus vulnérables au Québec connaîtront aussi des conséquences qui se conjugueront avec les inégalités sociales et économiques déjà présentes. Comme en font foi les prédictions de la multiplication et de l’intensification des vagues de chaleur, comme celles survenues lors de l’été 2018 et qui ont causé près de 90 morts, les événements extrêmes sont désormais une réalité avec laquelle il faut composer (Bélice, 2018). Une telle hausse des températures moyennes causerait également l’extinction de larges pans de la biodiversité et une hausse massive de réfugiés climatiques.

    Pour ne pas aggraver les effets des changements climatiques, tout en s’adaptant à ceux qui sont prévus, la communauté scientifique s’entend sur la nécessité de diminuer les émissions globales de CO2 de 45% par rapport aux niveaux de 2010 d’ici 2030 pour atteindre une neutralité carbone en 2050 (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat [GIEC], 2018). Dans leur plus récent rapport, le GIEC démontre que si on ne réduit pas de façon importante les émissions de gaz à effet de serre (GES), on pourrait connaitre d’ici 20 à 40 ans une augmentation de la température terrestre au-delà de 2 °C, limite ultime de l’Accord de Paris (Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat [GIEC], 2021). Par conséquent, les gouvernements ont l’obligation d’agir dans la prochaine décennie, entre autres en développant des cadres d’action pour assurer une transition énergétique et écologique. Pour atteindre cet objectif, la compréhension des systèmes sociaux, économiques et environnementaux et de leurs interactions doit pouvoir se refléter dans les politiques publiques, économiques ou non, qui guideront cette transition.

    La pandémie s’avère riche en enseignements au regard des exigences de la transition écologique, et ce, à au moins deux égards, soit les capacités de régulation des États et le potentiel de modulation des comportements. Dans les États à haut niveau de revenus, on observe un déploiement sans précédent de programmes publics afin d’apporter une aide financière aux personnes touchées par les conséquences de la pandémie. Un tel niveau d’intervention étatique en économie semblait chose improbable, voire impossible, avant la crise. L’ampleur des subsides distribués au Canada a même relancé le débat sur le revenu de base universel. Autant en Europe qu’en Amérique du Nord, les règles fiscales qui régissent l’endettement des États sont révisées pour assurer la sécurité de la population. De nombreux secteurs de production canadiens qui semblaient gouvernés principalement par l’offre et la demande sont soudainement apparus vulnérables, au point même que leur bon fonctionnement ou leur survie pourrait dépendre du maintien des mesures d’aide gouvernementale. Les États ont démontré d’étonnantes capacités d’intervention, allant à l’encontre des principes du néolibéralisme qui assignent à l’État uniquement un rôle d’autorité régulatrice des marchés (Harvey, 2007). L’allocation des ressources économiques publiques, loin de suivre un patron prédéfini par des règles fiscales, s’avère largement modulable, du moins en contexte de crise. Cette option ramène à l’avant-plan l’idée d’un nouveau contrat social entre l’État et les citoyens pour favoriser des investissements publics majeurs qui pourraient soutenir le remplacement progressif des énergies fossiles par des énergies renouvelables et le retour à des circuits d’alimentation courts, soit un keynésianisme vert ou encore un Green New Deal (Klein, 2017 ; Rifkin, 2019).

    Nous avons pu constater qu’un ralentissement de l’activité économique entraîne une baisse des (GES), mais que cela peut avoir des conséquences socioéconomiques considérables que les autorités publiques peuvent atténuer. Les modifications à apporter au système économique devront nécessairement aller de pair avec des mesures de soutien aux secteurs économiques vulnérables. Quoi qu’il en soit, les leçons qui sont tirées quotidiennement de cette crise démontrent hors de tout doute que les États disposent de toutes les capacités et ressources économiques nécessaires pour mettre en œuvre la transition écologique dans la plupart des secteurs d’activité (transport, agriculture, foresterie, etc.).

    Davantage, la crise que nous traversons démontre les étonnantes capacités des groupes de la société civile, des entreprises et des individus à adapter leurs comportements afin d’atteindre des objectifs sociaux précis. Suivant le mot d’ordre des autorités sanitaires, les prescriptions et les décrets énoncés ont été largement observés, que l’on pense au confinement, à la fermeture de nombreux commerces ou à l’interdiction de circuler entre les régions. Ces mesures ont démontré que le principe de la liberté individuelle de choix sur lequel repose la plus grande partie de l’organisation économique peut être largement modifié par les autorités publiques, et ce, en peu de temps. Bien entendu, dans le cadre d’une crise sanitaire, ces mesures n’avaient pas la vocation de perdurer ni d’entraîner des changements en profondeur. Néanmoins, la démonstration en est faite, la menace directe pour la santé et la sécurité de la population peut justifier des changements de comportement rapides et coordonnés, dans la mesure où ils sont représentés comme temporaires et légitimés par une menace immédiate. Or la menace sécuritaire liée à la crise écologique n’est pas de moindre importance que la crise sanitaire actuelle et semble appeler, aux yeux de la communauté scientifique, des actions tout aussi importantes et radicales, qui impliquent des changements majeurs de comportements et d’organisation sociale (Lieven, 2020).

    Posture écologique et économique

    C’est à travers le prisme de l’économie écologique que nous observons et analysons le déroulement de la crise écologique, comme de la crise sanitaire, et que nous présentons des perspectives pour y envisager une issue durable. L’économie écologique propose une approche transdisciplinaire visant à offrir des modèles économiques qui tiennent compte des limites naturelles de la planète. L’économie écologique propose un cadre théorique et des approches analytiques qui divergent de l’économie néoclassique, par exemple en refusant le postulat de la croissance économique à l’infini et en reconnaissant la nécessité de recentrer l’ensemble des activités économiques à l’intérieur des limites de la biosphère (Martinez-Alier et Schlüpmann, 1987 ; Daly et Farley, 2011). Ce positionnement théorique permet de saisir les relations entre les activités humaines et la dynamique des écosystèmes. De plus, l’étude de l’économie écologique nous permet de prendre en considération les implications politiques de la transition telles que les interactions entre les échelles de prise de décision et l’échelle de mise en œuvre des actions, ainsi que le rôle des dynamiques de pouvoir.

    Un aspect non négligeable dans cette approche est celui des effets sociaux de la transition : comment développer une économie écologique dans une perspective de justice intergénérationnelle, et en considérant les inégalités écologiques et économiques déjà présentes que les multiples crises, climatiques ou sanitaires, ne font que rendre plus manifestes ? Les mesures associées à l’état d’exception de la crise sanitaire de la COVID-19 ne sauraient faire oublier qu’une transition écologique ne peut survenir autrement que par des processus démocratiques, qui sauront assurer l’inclusion des représentants de tous les secteurs d’activité. C’est en cela que la transition écologique précède et dépasse largement le cadre de la gestion d’une crise par les autorités publiques, mais nécessite une large adhésion sociale, voire une mobilisation de l’ensemble de la société civile et des autorités.

    En effet, les moyens de mettre en œuvre la transition écologique que cet ouvrage souhaite promouvoir diffèrent de façon notoire selon les secteurs d’activité, les écoles de pensée et les contraintes pratiques. Face à des problèmes complexes et persistants amplifiés par les changements climatiques, la question demeure : comment concilier les activités économiques qui assurent le bien-être des collectivités, tout en favorisant la protection de l’environnement et l’amélioration de la résilience des écosystèmes ? En d’autres termes, comment créer un nouveau champ d’action socialement inclusif qui serait celui de la transition écologique ? Si des transformations majeures sont en cours dans la plupart des secteurs d’activité, d’importantes inerties demeurent, surtout en ce qui concerne l’aménagement durable du territoire. Pour cela, il nous semble primordial de favoriser la participation publique et la politisation de tous les domaines de la gestion des ressources naturelles, afin qu’ils empruntent le chemin de la transition.

    Il faut noter que la coconstruction de solutions partagées par une diversité de parties prenantes au sein d’un système socioécologique, soit un système intégré couplant les sociétés et la nature, pose des défis considérables. Pour faire face à ces défis, cette démarche s’appuie sur l’approche de l’apprentissage social, dont le postulat est : un système socioécologique peut être géré de façon durable par des parties prenantes aux intérêts distincts, à condition d’instaurer un processus de gouvernance à l’échelle appropriée (Rathwell et Peterson, 2012 ; Sol, Beers et Wals, 2013). Une gouvernance durable d’un système socioécologique est rendue possible lorsqu’un groupe de parties prenantes représentant l’ensemble des perspectives définit des règles afin d’atteindre des objectifs partagés (Ostrom, 2005). Ainsi, la gouvernance d’un système socioécologique n’est pas fixe, mais vise à permettre d’intensifier le processus d’apprentissage entre les parties prenantes et à façonner de nouveaux réseaux de collaboration (Folke et al., 2005, 2010). La transition écologique revêt dans cette perspective des formes multiples qui se déclinent tant aux échelles municipales, régionales que nationales, dans un Green New Deal localisé (Vansitjan, 2020). Pour reprendre les principes de la philosophie pragmatique de John Dewey, l’échelle d’action ne peut être envisagée selon une conception théorique et abstraite, mais doit se révéler par l’expérience et l’action (Anderson, 2018).

    Présentation de l’ouvrage

    Cet ouvrage comporte deux objectifs principaux. Le premier est d’aborder les débats concernant les notions de transition, permettant à plusieurs écoles de pensée de mettre en lumière la complexité de la transition écologique. Cet ouvrage reconnaît le défi de trouver des notions uniques qui différencient la « transition » des autres discours autour de la durabilité. On peut cependant regrouper ces discours en deux approches. La première approche fait référence à l’efficience technologique (Audet, 2016) qui se concentre sur la réduction des effets écologiques des économies par l’adoption de nouvelles technologies. Ici, l’État se sert des mécanismes tels que la réglementation et les incitatifs afin d’encourager le changement technologique et de faire ainsi décroître l’empreinte, surtout l’empreinte carbone des économies. Une autre approche, plus politique, voire critique, conteste d’abord le système économique et social qui façonne les relations de surexploitation des ressources et d’augmentation des coûts sociaux et environnementaux (Audet, 2016). Cette deuxième approche prône également une approche citoyenne, se basant sur l’échelle locale comme le pilier d’action écologique et de transformation. Cet ouvrage présente des analyses de ces deux approches, afin d’encourager un dialogue multidisciplinaire et enrichissant dans la recherche de solutions politiques basées sur la science.

    Le deuxième objectif de cet ouvrage est de centrer les débats de transition autour de l’aménagement territorial. Le contenu abordé dans cet ouvrage porte un regard particulier sur la façon dont des systèmes socioé-cologiques (forestiers, agricoles, urbains, aquatiques, entre autres) sont organisés par l’intervention des politiques, des acteurs du milieu et des modes d’exploitation économique. L’angle territorial nous semble un aspect important dans la discussion qui entoure la transition au Québec, car il ne s’agit pas juste de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, mais de repenser la façon dont nos milieux de vie seront structurés, permettant le développement économique et social des communautés. Cet ouvrage veut ainsi avancer des propositions en gouvernance environnementale, en écofiscalité et en participation citoyenne qui inspireront des pistes d’action au Québec.

    Cet ouvrage rassemble 15 chapitres, avec des perspectives multisectorielles et interdisciplinaires qui permettent d’intensifier les échanges et le processus d’apprentissage commun de la complexité du processus de transition de bâtir la confiance entre les secteurs, comprendre les besoins des uns et des autres, les modes de fonctionnement, la répartition des ressources, et plusieurs autres sujets au cœur de la transition écologique.

    Ces chapitres sont regroupés en trois parties. La première explore les piliers de la transition, l’interprétation de ces notions et leurs applications dans des approches de gestion territoriales. Dans le chapitre 1, L’Écuyer-Sauvageau fait l’état du discours de la transition au Québec, en analysant son application dans les politiques de développement durable, et particulièrement dans le secteur agricole. Hugo Asselin, dans le chapitre 2, remet en question le modèle d’occupation territoriale du Québec, afin de dégager les angles morts et les défis actuels dans notre système de développement territorial. Le chapitre 3 (De Rocher Chembessi et Cloutier) présente l’économie circulaire comme une stratégie de gestion durable et intégrée des ressources pour le Québec. Finalement, Bernard et Gélinas présentent dans le chapitre 4 le principe de multifonctionnalité comme un pilier à intégrer dans l’application de la transition vers l’aménagement territorial, en se basant sur l’expérience du milieu forestier.

    La deuxième partie de cet ouvrage présente l’application des mécanismes économiques et de gestion pour encourager la transition dans nos milieux de vie, en nous concentrant sur le développement de l’industrie forestière, de nos villes, des milieux aquatiques et agricoles. À partir d’un angle d’aménagement écologique, Drapeau et ses collaborateurs présentent dans le chapitre 5 des stratégies de gestion forestières pour mieux s’adapter aux changements climatiques, prêtant une attention particulière aux forêts âgées. Le chapitre 6 (Messier et al.) aborde le futur de la foresterie en offrant des solutions pour l’aménagement et l’exploitation durable de nos forêts. Dans le chapitre 7, Buttin et ses collaborateurs proposent l’inclusion de modèles mentaux afin d’accroître la participation et la gestion adaptative en foresterie, à partir des études de cas au Québec. Le chapitre 8 (Meloche) démontre comment l’écofiscalité municipale peut devenir un levier dans le développement de la mobilité durable. Durand Folco, dans le chapitre 9, présente le municipalisme comme une occasion de mettre en œuvre la transition à l’échelle municipale en analysant des exemples partout dans le monde. Dans le chapitre 10, Larocque et Biron abordent la santé de nos milieux humides et démontrent leur importance dans la résilience de nos systèmes fluviaux, des écosystèmes à préserver et à mettre au cœur des plans d’aménagement. Dans le chapitre 11, Jacob présente la compensation écologique comme un outil pour encourager la préservation et la transition, en analysant son application dès maintenant au Québec. Enfin, Bissonnette, Zaga Mendez et Dupras (chapitre 12) se penchent sur l’encouragement de la transition en agriculture en prônant la coordination agroenvironnementale et la reconnaissance de l’apport des terres agricoles au bien-être des collectivités.

    Finalement, la troisième partie nous invite à repenser nos structures, en offrant des questionnements critiques et théoriques qui mettent au défi la transition basée seulement sur l’efficience technologique. Dans le chapitre 13, Perron-Dufour se penche sur le rôle de la politique commerciale dans l’atteinte des objectifs de transition, en contestant la compatibilité des principes économiques de la mondialisation avec la durabilité environnementale. Dans le chapitre 14, Fournis nous offre une analyse des modèles de gouvernance historique des ressources au Québec, plus précisément l’extractivisme, et présente la transition comme une réévaluation de l’économie politique. Dans le chapitre 15, Guay-Boutet et ses collaborateurs s’intéressent au rôle de la monnaie dans notre système financier, en dégageant les façons dont nos politiques monétaires pourraient abandonner les biais procroissance et ainsi permettre une transition durable.

    Conclusion

    Chaque secteur d’activité économique et de gestion des ressources naturelles (forêt, agriculture, eau, mine, énergie) nécessite des approches adaptées à sa réalité. Cela ne veut pas dire que les divisions sectorielles existantes doivent être maintenues. En effet, celles-ci constituent souvent des limites majeures à la transition vers des systèmes plus durables et démocratiques, par exemple en foresterie et dans la gestion de l’eau. Des fossés importants demeurent sur le plan des savoirs et des pratiques entre, d’un côté, les modes de gestion axés sur l’exploitation et l’extraction des ressources et, de l’autre, les modes de gestion visant la protection de l’environnement. Alors qu’il devient essentiel d’envisager de nouvelles approches inter ou multisectorielles, et réellement intégratives, il faudra développer des cadres de référence communs qui ne soient pas liés à des impératifs de rentabilité, d’efficacité ou de gestion technocratique. Comment éviter de reproduire des modèles de gestion technocratique qui relèguent les considérations socioécologiques citoyennes au second plan ? En effet, si la transition s’impose désormais, c’est que des modèles de production ont simplifié la complexité des interactions socioécologiques nous conduisant tout droit vers le mur. Nous sommes d’avis que la participation publique à la définition des priorités demeure indispensable pour qu’une pluralité de perspectives et de façons de comprendre les ressources et le territoire puisse être expérimentée. Des voix ont été occultées et marginalisées historiquement (peuples autochtones, femmes, minorités, etc.), affaiblissant l’intelligence collective pour trouver des solutions à des problèmes criants qui se posent désormais, comme la perte de la biodiversité et les changements climatiques. Il devient plus important que jamais de rompre avec une certaine forme de gestion technocratique centralisée axée sur les besoins de grands investisseurs et la maximisation des profits qui a réduit le potentiel d’action des collectivités et a limité leur autonomie historiquement.

    Si nous reconnaissons les écosystèmes et les systèmes de connaissances qui peuvent permettre d’en faire un usage durable comme des biens communs, il faut reconnaître que ce bien commun ne peut exister que par la participation du plus grand nombre à sa gestion et à son maintien. Les biens communs n’existent pas indépendamment des systèmes socioculturels et politiques qui les sous-tendent. Des modèles servent déjà d’exemple. Pensons aux collectivités territoriales locales qui, de façon auto-organisée et démocratique, mettent en place des projets de gestion durable des écosystèmes à l’échelle de quartiers, de villes ou de villages dans le cadre d’initiatives qui visent la justice sociale (voir le chapitre 9). Ce type d’expériences collectives, si elles ne peuvent à elles seules modifier les grandes orientations d’économie politique, sont prometteuses en tant qu’expérimentations sociales et démocratiques de production et de valorisation des biens communs. En effet, tant et aussi longtemps que les collectivités ne se donnent pas la peine de définir des actions concertées pour la gestion de ce qu’elles jugent comme étant des biens communs (p. ex. la production d’énergie autocentrée, l’agriculture et la production alimentaire de proximité, la gestion des matières résiduelles, l’aménagement des forêts locales, etc.), elles ne peuvent poursuivre l’expérimentation et établir des modèles plus équitables et durables.

    Cependant, favoriser les expériences locales ne signifie pas négliger le rôle de l’État dans sa capacité à redistribuer les ressources financières et à définir des cadres de fonctionnement communs. La mobilisation des collectivités territoriales peut être soutenue par les initiatives des autorités étatiques. Les progrès réalisés au Québec au cours des dernières décennies dans la mise en place de nouvelles lois environnementales démontrent également toute la portée des décisions prises par les autorités publiques. Néanmoins, l’attentisme face au déploiement de nouvelles mesures législatives et de leur application ne peut être en soi une solution ; en parallèle, les initiatives des collectivités territoriales doivent se poursuivre. À cet égard, les politiques redistributives des États, notamment dans la perspective de la doctrine économique du keynésianisme vert, ainsi que les moyens dont ils disposent pour formaliser certaines initiatives citoyennes et locales peuvent être de puissants moteurs de transformation. Autrement dit, il faudra que les collectivités locales, comme les structures administratives situées aux échelons supérieurs, développent des objectifs communs et s’engagent dans des actions collectives pour les atteindre. Cet ouvrage vise à alimenter la réflexion sur la possibilité de ces actions.

    Références

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    Vidal, J. (2020). « Tip of the iceberg » : Is our destruction of nature responsible for COVID-19 ? The Guardian, 10 mars. <https://www.theguardian.com/environment/2020/mar/18/tip-of-the-iceberg-is-our-destruction-of-nature-responsible-for-COVID-19-aoe>, consulté le 10 juin 2021.

    1 La communauté scientifique internationale a sonné l’alarme à de multiples reprises. À ce sujet, voir entre autres : et , consulté le 10 juin 2021.

    Partie 1 /

    Les piliers de la transition

    Chapitre 1 /

    La transition écologique au Québec

    Analyse des discours selon le concept de la durabilité

    Chloé L’Écuyer-Sauvageau

    Économie verte, collectivités résilientes, économie circulaire, énergies renouvelables, technologies propres, mitigation, adaptation, changements climatiques. La liste est longue pour illustrer les discours sur la transition écologique et énergétique. Au-delà de ceux-ci, le recours à des concepts particuliers suppose des rapports différents face à la transition. C’est particulièrement le cas ici puisque le terme « transition » n’est pas neutre et que son sens varie selon les dynamiques d’innovations technologiques, les dynamiques sociales et le sens accordé à l’enjeu des changements climatiques par les parties prenantes (Christen et Hamman, 2015).

    Ce chapitre portera sur la définition de l’expression « transition écologique » au Québec, telle qu’abordée dans le cadre des politiques publiques, mais aussi telle que proposée par des groupes de la société civile. Cette analyse contrastée de trois discours portés par le gouvernement du Québec avec le Plan d’action sur les changements climatiques (PACC), le Front commun pour la transition énergétique et l’Alliance SWITCH permettent de mettre en relief des postures différentes face à la transition. Plus particulièrement, les documents-cadres qui orientent ces discours seront analysés afin d’établir s’ils s’inscrivent dans une perspective de durabilité forte ou faible et afin de déterminer où ils se situent sur le spectre de la transition (Audet, 2016). Une attention particulière sera accordée à la transition en agriculture, puisque ce secteur est important pour le Québec du point de vue économique, social et de la sécurité alimentaire. Il est aussi névralgique dans le domaine environnemental, puisqu’il offre des possibilités de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et qu’une bonne gestion des terres agricoles peut contribuer au maintien de plusieurs services écosystémiques (SE), dont la qualité des sols et de l’eau, la présence d’habitats pour la biodiversité et la pollinisation. Finalement, nous analyserons les points de recoupement et les divergences principales entre ces différentes visions de la transition.

    Durabilité forte et faible : définitions

    Le concept de durabilité a été largement mobilisé et institutionnalisé en réponse aux enjeux environnementaux issus du développement économique au cours de la seconde moitié du XXe siècle (Bartenstein, 2005). Ce concept, toutefois, est suffisamment vague pour en permettre l’adaptation selon différents paradigmes et lunettes de recherche. En économie, deux courants en particulier ont voulu définir et s’approprier ce concept, menant aux versions de la durabilité faible et de la durabilité forte.

    L’approche de la durabilité faible, promulguée par l’économie néoclassique, rend substituables toutes les formes de capital (économique, naturel, humain) (Solow, 1956 ; Martins, 2016) tant que le bien-être social agrégé – soit la somme des préférences individuelles (ou de l’utilité¹) – n’est pas décroissant (van den Bergh, 2010). Cela veut dire qu’il est durable de consommer des ressources non renouvelables, comme le pétrole, tant et aussi longtemps que des ressources financières (c’est-à-dire des profits) ou technologiques sont laissées aux générations futures en échange, de façon à compenser la perte des matières premières par d’autres ressources (van den Bergh, 2010). Cette vision ne prend donc pas en compte le caractère fini des formes de capital naturel ni les processus naturels non linéaires comme les points de bascule ou les boucles de rétroactions. Les tenants de ce type de durabilité s’intéressent aux questions d’équité dans la mesure où les perdants peuvent théoriquement être compensés pour la perte du capital naturel par les retombées économiques de la production, ce qui règle les enjeux de justice environnementale et de déplacement des charges environnementales. En effet, selon les modèles d’optimisation, ces compensations doivent seulement être théoriquement possibles, puisqu’il est question des préférences agrégées et non de la satisfaction individuelle des préférences. De plus, ces compensations n’incluent pas les vrais coûts sociaux et environnementaux des activités, c’est-à-dire la valeur des externalités négatives.

    L’approche de la durabilité forte statue que toutes les formes de capital doivent être conservées et qu’elles ne sont pas substituables entre elles (van den Bergh, 2010). Toutefois, il n’est pas toujours nécessaire de conserver entièrement le capital naturel non renouvelable, mais il est nécessaire de conserver les ressources de façon proportionnelle à la création de substituts renouvelables (Daly, 1991 ; Howarth, 2017). Par exemple, il pourrait être durable d’extraire du pétrole, mais il faudrait que cette exploitation soit faite à un rythme équivalent à la création ou à l’optimisation des sources d’énergie renouvelables. En ce qui concerne les ressources renouvelables, elles doivent être gérées en respectant la capacité des écosystèmes de se renouveler (Daly, 1991 ; Howarth, 2017). Dans le cas de la pêche, par exemple, il ne faudrait pas entamer le stock de poissons, mais plutôt limiter les captures en fonction de leur taux de reproduction. Finalement, en ce qui concerne la génération des déchets, celle-ci ne doit pas dépasser la capacité des écosystèmes à les assimiler (Howarth, 2017). Le concept de la résilience des écosystèmes est central à la durabilité forte, dans la mesure où celle-ci permet une analyse systémique et holistique de la gestion de l’environnement, permettant aux écosystèmes de faire face à différents stress (van den Bergh, 2010). Sur le plan de l’équité, les tenants de la durabilité forte prennent en compte des éléments de justice intergénérationnelle² (Howarth, 2017) et intragénérationnelle³.

    Enjeux dans le contexte de la transition

    Les enjeux environnementaux qui sous-tendent la crise écologique sont complexes et soulèvent des problématiques spécifiques dans le cadre de l’élaboration d’un plan de transition écologique (Audet, 2016). La gestion des risques et de l’incertitude (Audet, 2015), la question des échelles et la justice environnementale sont des éléments importants à considérer dans cette réponse. Tout d’abord, la complexité des questions environnementales et de leurs conséquences peut les rendre difficiles à comprendre et à anticiper (Lemons, 1998 ; Vatn, 2009). En présence d’une combinaison de risques et d’incertitudes, la prise de décision se fait dans un contexte d’information imparfaite et de connaissances incomplètes (Mythen, 2015), bien que le recours au savoir scientifique et aux savoirs de différents groupes puisse permettre de réduire certaines incertitudes (Renn, 2006). Le fait que la transition écologique repose aussi sur des changements sociaux doit être pris en compte (Hall, 1993 ; Audet, 2015). Ensuite, la question des échelles, tant spatiales que temporelles, peut affecter la compréhension des enjeux environnementaux et limiter l’adoption de pratiques de transition. Cet enjeu est causé par plusieurs éléments, dont la non-concordance entre les systèmes sociaux et les systèmes écologiques (Cash et al., 2006). Par exemple, la pollution diffuse dans un bassin versant peut provenir de différentes municipalités, ce qui requiert la collaboration de plusieurs entités décisionnelles, mais sans une bonne cartographie du bassin versant, des sources de pollution ou la présence de forums de discussion pour les entités décisionnelles, le travail de réduction de la pollution peut difficilement être fait. Enfin, les questions de justice environnementale et d’équité portent sur les dimensions distributives et structurelles des enjeux environnementaux, dans une perspective intergénérationnelle ou intragénérationnelle (Martinez-Alier, 2017).

    Par exemple, certains pans de la littérature en justice environnementale s’intéressent aux questions d’exclusion et de distribution des charges environnementales, aux mécanismes qui facilitent leur prédominance dans certains groupes sociaux (entre autres chez les populations moins nanties ou prises avec les effets de la colonisation) et, finalement, aux moyens pris par des communautés pour lutter contre ces injustices (Sikor, 2013 ; Coolsaet, 2015 ; Martinez-Alier, 2017). En plus des éléments mentionnés, la dépendance au sentier (path dependency) ou le « verrouillage » implique que les changements qui surviennent dans un système sont susceptibles de se faire en fonction de tendances réalistes ou envisageables et que celles-ci sont influencées par des décisions antérieures (Wilson, 2007, dans Bailey et Wilson, 2009). Il est d’autant plus difficile de changer de trajectoire, dans le cadre d’une transition, si le paradigme qui soutient la tendance décisionnelle est peu remis en question (Hall, 1993). Il s’agit d’un enjeu dans le contexte de la transition, puisqu’il implique qu’il peut être difficile de changer de trajectoire tant que le paradigme dominant n’a pas été démontré comme étant désuet (Hall, 1993).

    Les enjeux mentionnés précédemment peuvent influencer l’efficacité des outils utilisés par les instances décisionnelles pour contrôler les problèmes environnementaux. Les outils de type réglementaire, incluant les outils de type pollueur-payeur, sont particulièrement utiles pour contrôler des enjeux environnementaux assez bien définis (Jordan et al., 2005). La loi sur la protection de l’environnement, adoptée

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