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Planète assoiffée: Quelle gouvernance mondiale pour l'eau?: 30 arguments pour un changement
Planète assoiffée: Quelle gouvernance mondiale pour l'eau?: 30 arguments pour un changement
Planète assoiffée: Quelle gouvernance mondiale pour l'eau?: 30 arguments pour un changement
Livre électronique309 pages3 heures

Planète assoiffée: Quelle gouvernance mondiale pour l'eau?: 30 arguments pour un changement

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À propos de ce livre électronique

L'eau ne sera jamais une ressource comme les autres : elle est le sang de l'écosystème global que constitue la planète qui accueille toute l'Humanité.

Dans un ouvrage publié il y a une décennie déjà, une quarantaine de scientifiques concertés par le « Rés-eau-ville » du CNRS en France s’entendirent sur l’expression « eau mondialisée ». Ils renvoyaient à l’idée d’acteurs, cohabitant, en s’opposant dans une arène mouvante qui se joue des frontières de l’État-Nation.

Si une vision mondiale de l’eau a maintenant plus que dépassé le stade de la constatation, donnant même vie à une forme tacite de gouvernance mondiale, il faut encore élever le niveau du débat. Lorsqu’un haut-fonctionnaire de la FAO vous confie que dans son organisation « la gouvernance mondiale de l’eau est un sujet tabou », il y a peut-être péril en la demeure dans notre maison la Terre…

Pour relever le défi de nourrir et de donner adéquatement de l’eau à l’ensemble du vivant de manière pérenne, le statu quo n’est pas envisageable. Quand les humains doivent s’organiser pour vivre ensemble, la solution la plus durable passe par la construction de solutions ensemble. C’est là l’idéal de la démocratie et si l’eau c’est la vie, vivement aussi la démo-EAU-cratie! La bonne gouvernance de l’eau est ainsi ; sa bonne gouvernance mondiale aussi. Proposant cette voie - n’affirmant donc pas ses solutions d’emblée - l’auteur nous livre cependant son constat de 30 raisons qui imposent, dès aujourd’hui, à l’humanité le devoir d’agir pour mieux organiser une nécessaire gouvernance mondiale de l’eau.

Ce livre vise à nourrir le débat. Urgent! En ayant une vision globale des enjeux. Parce qu’en face d’une évidente planète ASSOIFFÉE, il faudra le plus vite possible convenir de quelle gouvernance mondiale de l’eau l’humanité doit se doter. Parce que nous, les humains, ne devons pas faire l’économie de cette solution et, sans doute, ne pas laisser aux plus puissants d’entre nous en imposer.
LangueFrançais
Date de sortie12 juil. 2023
ISBN9782981928238
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    Aperçu du livre

    Planète assoiffée - Daniel Allard

    Préface

    du professeur frédéric lasserre

    Nous ne pensons même plus au geste que nous posons, cent fois répété chaque jour, lorsque nous ouvrons un robinet pour laisser couler de l’eau, limpide et potable, puis la laisser disparaître vers les égouts. Nous ne pensons pas non plus à tout le processus de captage, de transport, de purification de cette eau lorsque nous arrosons notre pelouse, remplissons notre piscine, lavons notre automobile ou notre trottoir au jet. L’abondance de l’eau fait désormais partie de nos vies, et nous en oublions à quel point nous sommes privilégiés.

    L’eau est abondante à la surface de la Terre : mais 98% de ce volume est salé. Même en tenant compte du fait que l’eau douce constitue seulement 2% de l’eau totale, et qu’un maigre 0,02% de l’eau totale est mobilisable pour les usages des sociétés humaines, cette quantité d’eau douce disponible représente malgré tout environ 5 492m³ par personne et par an en 2020. Soit un volume très appréciable sachant que le seuil de rareté est estimé, lui, à environ 1 000 m³/personne/an.

    Même avec une population mondiale estimée à 9,5 milliards d’habitants en 2050, contre 7,8 milliards en 2020, le volume moyen théorique serait de 4 510 m³/personne/an. L’eau n’est donc pas une ressource rare à proprement parler. Théoriquement, il y a donc de l’eau pour tous. Mais derrière ce chiffre global, se cachent de très grandes disparités, sociales et régionales. Ce sont les investissements dérisoires comparés aux besoins des populations, les choix en matière d’aménagement et de mobilisation de la ressource, et surtout la médiocre gestion collective de la ressource qui souvent expliquent les difficultés d’accès à l’eau potable, l’assainissement défaillant, les quantités accessibles insuffisantes ou encore la prévention calamiteuse des inondations.

    Des disparités dans la qualité des eaux disponibles, tout d’abord. Dans les pays développés, l’eau est généralement traitée et potable – encore que, du fait des pollutions tant industrielles qu’agricoles, on observe un nombre croissant de régions où l’eau ne respecte plus les normes sanitaires établies par les pouvoirs publics. Mais dans le monde en développement, avoir accès à de l’eau potable est encore souvent un privilège : l’eau n’est que rarement traitée et constitue donc souvent un vecteur de nombreuses maladies. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), environ 850 millions de personnes ne disposaient pas d’un service d’approvisionnement en eau traitée, et 2,3 milliards ne bénéficiaient d’aucun service d’assainissement des eaux usées, en 2018. Résultat : près de 19% des décès dus à des maladies infectieuses sont imputables à la consommation d’eau contaminée. Chaque jour, 6 000 personnes, des enfants surtout, meurent de maladies diarrhéiques. Même en mettant en oeuvre les mesures préconisées par les Nations Unies, soit de diminuer de moitié la part de la population sans accès à l’eau potable, on devra déplorer plusieurs millions de décès à cause de ces maladies. De plus, les normes environnementales sont souvent peu contraignantes, et les mécanismes d’application des règlements existants manquent d’autorité : la pollution, beaucoup plus que dans les pays développés, contribue à empoisonner l’eau et à rendre encore plus difficile la gestion d’une ressource très disputée.

    Des inégalités spatiales se cachent aussi derrière cette apparence d’abondance globale. C’est que l’eau de la Terre est effectivement répartie inégalement à sa surface. Alors que des pays et des territoires disposent de quantités par habitant et par an considérables, comme l’Alaska (1 563 200 m³/hab), la Guyane (803 100 m³/hab), l’Islande (519 300 m³/hab), la République démocratique du Congo (208 700 m³/hab), ou le Canada (79 300 m³/hab), d’autres au contraire doivent apprendre à composer avec des ressources renouvelables des plus limitées, comme Singapour (141 m³/hab), Malte (129 m³/hab), l’Arabie saoudite (115 m³/hab), la Libye (113 m³/hab), ou encore la bande de Gaza (53 m³/hab)…

    L’Asie rassemble 61% de la population mondiale, mais ne dispose que de 36% des ressources en eau utilisables ; l’Europe abrite 12% de la population, mais 8% de l’eau ; à l’inverse, en Amérique du Sud vit 6% de l’humanité, mais on y trouve 26% des ressources hydrauliques mondiales. Deux milliards de personnes manquent d’eau douce et ne disposent globalement que de moins de 1 000 m³ par personne et par an, considéré comme le seuil de rareté réel par les Nations Unies. En 2025, on estime qu’ils seront 2,4 milliards de personnes à se trouver en dessous de ce seuil de rareté. La tentation est parfois grande, lorsque ces gisements existent, d’exploiter les aquifères fossiles afin de permettre un développement accéléré, mais cette eau gardée pendant des millénaires dans les profondeurs de la Terre n’est, justement, pas renouvelable : viendra le temps où ces nappes s’épuiseront. Que se passera-t-il alors pour ces pays ? Déjà, des disputes se profilent pour le contrôle de ces ressources lorsque celles-ci s’étendent à travers les frontières.

    Au-delà de ces inégalités spatiales, il faut bien constater que si certaines sociétés composent avec la rareté, pour d’autres cependant, cette rareté constitue un problème de plus en plus aigu. Car c’est là une autre dimension de la question de l’eau : la rareté est rarement absolue, elle est plus souvent relative, relative à une structure de consommation, à des capacités de mobilisation de la ressource et d’adaptation qui varient d’une société à l’autre. À coups de milliards de dollars, les Américains ont canalisé le Colorado, mobilisé les ressources en eau de l’ouest des États-Unis et ont fait verdir le désert ; mais la Jordanie, plus pauvre, très agricole et confrontée à la difficile question du partage de la ressource avec Israël, son puissant voisin, souffre bien davantage de la rareté de l’eau, à quantité disponible per capita comparable, qu’Israël de l’autre côté du Jourdain. Le poids considérable de l’agriculture dans la consommation mondiale de l’eau, soit 70%, reflète à la fois le poids politique de ce secteur dans les pays développés, et l’importance stratégique de la ressource en eau dans les pays en développement, où une agriculture peu modernisée emploie encore la plus grande partie de la population.

    Des techniques existent pourtant pour réduire la consommation de l’eau : gestion plus efficace de l’eau dans les secteurs industriel et agricole ; changements dans les habitudes quotidiennes pour réduire la consommation urbaine ; développement du recyclage. On parle aussi de la tarification, pour établir un lien sans équivoque entre l’eau et sa valeur réelle d’usage, tarification qui se décline selon de nombreux modes et n’est pas nécessairement synonyme d’une privatisation dont le bilan social n’est pas toujours très positif.

    Mais l’impact de ces mesures semble encore limité alors que la demande poursuit son augmentation, sous la double impulsion de l’accroissement de la population mondiale, et de l’élévation du niveau de vie d’une partie des habitants du monde en développement. De 1950 à 2020, la population mondiale a triplé, mais les prélèvements en eau ont plus que quadruplé et la consommation a été multipliée par 3,8. Une personne née dans un pays développé consomme, en moyenne, 30 à 50 fois plus qu’une autre vivant dans le monde en développement. De plus, la distribution de la ressource en eau pourrait être considérablement affectée par les changements climatiques. Quel sera l’impact de ceux-ci sur les quantités disponibles, leur distribution dans le temps et dans l’espace ? Achèveront-ils d’assécher de vastes espaces, ou au contraire leur impact demeurera-t-il aussi limité que leur éventualité, comme l’affirment les détracteurs des théories sur les changements climatiques ?

    Comme le pétrole et les sols fertiles, l’eau sera au centre des préoccupations des États. Elle le sera aussi à l’intérieur même des États en particulier dans les pays en développement, où des conflits d’usage opposent des villes en expansion à des campagnes qu’il faudrait plus productives pour nourrir des millions de bouches supplémentaires. On peut toujours arguer que c’est de la science-fiction : reste que la catastrophe de la mer d’Aral, les maladies encore véhiculées par des eaux polluées en Afrique noire, l’érosion de la diversité biologique des espèces aquatiques en Europe occidentale et les milliards de dollars de dégâts dus aux inondations chaque année sont bien réels, et aucun décideur ne peut dire qu’il ne savait pas.

    Un stress majeur se développe sur une ressource en eau lorsqu’une population prélève plus de 40% des ressources renouvelables. En 1995, 30,5% de la population mondiale connaissait un stress hydrique fort ; on prévoit que la proportion grimpera à 35% en 2025. La tension montera-t-elle au point d’aboutir à des conflits ? L’eau sera-t-elle, comme on l’entend de plus en plus, au coeur des conflits du XXIe siècle ? Ou bien ce nouveau siècle verra-t-il le triomphe progressif d’un esprit de coopération autour d’une ressource fondamentale et pour laquelle n’existe aucun substitut ? De nombreuses idées ont émergé et ont été débattues pour tenter de remédier à cette gouvernance fort imparfaite et porteuse de vives tensions à terme. Le Programme du Millénaire des Nations Unies prévoyait d’améliorer considérablement l’accès à l’eau potable et aux services de traitement des eaux usées. De 2000 à 2019, la part de la population mondiale ayant accès à une eau minimalement traitée est passée de 81% à 90%, la part de la population mondiale ayant accès à des systèmes de traitement des eaux usées est passée de 56% à 64%. Il y a donc eu des progrès, inégaux selon les régions, même si beaucoup reste encore à faire. Des recherches sont en cours pour bonifier l’efficacité et diminuer les coûts de systèmes de culture et d’irrigation pour optimiser les volumes disponibles pour l’irrigation. Certains ont envisagé la création d’une autorité mondiale de gouvernance de l’eau, un projet séduisant sur le papier, mais pour lequel le faible taux de ratification de la Convention de New York de 1997 sur les usages des cours d’eau à des fins autres que la navigation laisse entendre une faible acceptabilité de la part des États. D’autres ont proposé l’intervention du secteur privé à travers la privatisation massive des services d’eau à travers le monde – les expériences menées dans les années 1990 et 2000 n’ont cependant pas été concluantes et ont souvent provoqué de vives réactions sociales…

    Cet ouvrage de Daniel Allard explore donc différentes avenues pour appréhender le problème de la gouvernance de la ressource en eau. Une chose est certaine : il importe de commencer à poser des gestes pour gérer une rareté croissante. Il ne reste que peu d’années avant que la rareté de l’eau ne devienne un frein majeur au développement dans certaines régions, et un catalyseur de tensions autrement plus vives que celles que nous connaissons depuis le XXe siècle.

    Frédéric Lasserre

    Professeur de géographie à l’Université Laval (Québec)

    « Les discussions sur l’eau sont gangrenées par l’indifférence ou la démagogie (…) La passion qui entoure les débats sur l’eau ne reflète que l’impuissance de beaucoup à mettre en œuvre les engagements auxquels ils ont, officiellement, souscrit (…) L’eau est une question éthique et politique », ainsi tonnait, comme préfacier, Angel Gurria, alors secrétaire général de l’OCDE et aussi membre du Conseil consultatif pour l’eau et l’assainissement auprès du secrétaire général des Nations unies.

    Dans « L’eau – Pour une culture de la responsabilité », d’Antoine Frérot, Éditions AutrementFrontières, Paris, 2009, pp 7-8.

    Nous tenons à signaler qu’en avril 2021, notre préfacier, le professeur Lasserre, a publié son vingt-troisième ouvrage, dans ce cas avec Anne Choquet (Brest Business School) et Camille Escudé-Joffres (Sciences Po, CERI) sous le titre : Géopolitique des pôles. Vers une appropriation des espaces polaires. L’ouvrage a été édité chez Le Cavalier Bleu Éditions. Il traite des régions polaires, engagées dans un processus de changements climatiques majeurs qui font redouter une cristallisation des rivalités pour l’accès aux richesses minières et énergétiques, sans oublier les nouvelles routes maritimes dégagées par la fonte de la banquise. Heureusement, leur analyse précise de la situation et des acteurs en présence montre que les scénarios-catastrophes de guerres en ces territoires sont grandement exagérés. Et plutôt que l’affirmation de la souveraineté individuelle des États, on assiste à la mise en place d’une coopération au travers de traités internationaux spécifiques et d’instances de dialogue. Parce que l’enjeu est avant tout de gérer les impacts dévastateurs des changements climatiques, au regard desquels la question de savoir à qui appartiennent les pôles semble au final dérisoire.

    Introduction

    mondialisation et gouvernance de l’eau

    Eau : eau douce, salée, potable, saumâtre ; chaude, tiède, froide, brûlante, en ébullition, glaciale, glaciaire ; eau propre, eau sale ; eau distillée, eau dure, eau de parfum, de toilette, minérale, gazéifiée, gazeuse ; eaux captées, canalisées, polluées, usées, épurées, rejetées, sauvages ; radioactive, eau lourde ; eau de source, eau de mer, eau de ruissellement, circulante, dormante, courante ; mers, lacs, ruisseaux, rivières, fleuves, baies, lagons, étangs, mares, marigots, ravines, rigoles, oueds, chotts, karst, floes, puits, chutes d’eau, cascades, océans, abysses, nappe, goûte d’eau, verre d’eau ; eau bénite, eau sacrée, eau corporelle, eau cellulaire, eau d’égout, eau morte, eau vive ; eau brune, verte, bleue, grise ; amont, aval, colonne d’eau, eau fossile, eau vadose, eau juvénile ; eaux météoriques, atmosphériques, superficielles, continentales, marines ; hydrosphère, cryosphère, cryoclastie, inlandsis, frasil, glace, iceberg, eau d’icebergs, glacier, neige, nuage, orage, pluie, grêle, averse d’eau, brouillard, brume, bruine ; système lotique, système lentique ; aqueduc, barrage hydroélectrique, irrigation, érosion, hydroélectricité, moulin à eau, abyssage, navigation, évaporation, évapotranspiration, transpiration, condensation, sublimation, vapeur d’eau, machine à vapeur, précipitation, rosée, inondation ; eau virtuelle ; Océan mondial… En l’état, l’eau c’est globalement cela.

    Gouvernance : bien vivre ensemble, organiser les partages, gérer les conflits ; ensemble de principes, normes, règles, procédures de prise de décisions, programmes communs…

    Mondial : l’humanité dans sa totalité ; la Terre comme écosystème global.

    Planète assoiffée : comme ce qui guette l’humanité à moyen terme et l’oblige à revoir son mode de gouvernance si elle veut survivre.

    Le propos spécifique de ce livre est la gouvernance mondiale de l’eau. Nous nous sommes demandé s’il n’était pas avenu, en ce XXIe siècle bien entamé, de réfléchir dans toute sa profondeur possible à la question de l’eau et de la mondialisation. Parce que notre recherche initiale cumulait facilement une trentaine d’arguments poussant à justifier une gouvernance mondiale de l’eau. Mais attention ! Pas n’importe laquelle. On ne parlera pas ici de la création d’un gouvernement mondial, mais certes de la gouvernance en rapport avec le global et une vision complètement planétaire de la planète Terre.

    Ce que l’on souhaite regarder ici est la variable eau de l’écosystème terrestre, à l’échelle de la Terre entière, et toujours en matière de bonne gouvernance. Parce que nous sommes a priori convaincus qu’une gouvernance mondiale de l’eau soit devenue une nécessité. Nous tenterons cependant de poser les bonnes questions. En plus d’ajouter une analyse, des réflexions, que nous espérons utiles et pertinentes.

    Le XXe siècle entre déjà dans l’Histoire comme le siècle de toutes les mondialisations, parce que bien peu d’aspects de la vie humaine auront échappé à ce phénomène. Mais dans ce XXIe siècle qui avance la mondialisation doit-elle aussi inclure la gouvernance de l’eau ? Une vision globale et mondiale de l’eau permettrait-elle de parvenir à relever les défis de pénuries qui menacent, surtout l’humanité ? Les États, individuellement, sont-ils incapables de répondre adéquatement aux besoins de leur population ? L’état du monde actuel offre-t-il les bons outils, politiques, juridiques ou institutionnels, pour prévenir ou gérer les crises ? Ou peut-on considérer que l’outil importe peu, si la volonté politique des États en faveur d’une coopération réelle n’existe pas ?

    Mondialisation… comme menace au pouvoir des États, remise en question de la souveraineté, évidente et nécessaire interdépendance entre les nombreux acteurs dans la gouverne des nations. Cette menace perçue envers leur souveraineté constitue, en effet, un frein réel à la collaboration interétatique dans nombre de régions affectées par des disputes au sujet du partage de l’eau.

    Et gouvernance de l’eau… comme nécessité et manière pour l’humanité d’envisager la gestion de la ressource vitale qu’est l’eau douce et surtout l’eau potable.

    Avec l’avènement de la Révolution industrielle et de moyens techniques considérables pour modifier l’environnement, la gestion de l’eau dépasse largement l’échelle locale. Pendant longtemps, les humains se sont installés près d’une source d’eau et s’en servaient, l’exploitaient. Au besoin, barrages ou aqueducs comblaient la distance, car ces outils existent depuis longtemps : c’est leur mobilisation massive à partir du XIXe siècle qui a permis aux sociétés de bouleverser la gestion de l’eau. Avec l’explosion de la population, mais aussi de ces moyens techniques (grands barrages, canaux de détournement des fleuves, systèmes d’irrigation performants), l’eau peut désormais être mobilisée en grande quantité, au point parfois d’assécher, oui assécher, certains fleuves. De très grands fleuves, d’ailleurs. Il fut souvent constaté que le fleuve Colorado ne porte plus fièrement son nom rendu à la frontière avec le Mexique, et que le fleuve Jaune n’honore plus sa propre existence n’arrivant même plus à s’écouler jusqu’à son aboutissement naturel de la mer de Chine.

    De fait, les situations de rareté se multiplieront pour de multiples raisons dans les années proches. Dans de nombreuses régions, la dynamique de l’accroissement de la population, de la mobilisation considérable des ressources en eau et des frictions entre États pourrait conduire à une aggravation de la tension pour le partage de la ressource. Déjà, l’Afrique et le Moyen-Orient sont sous le radar des analystes. Il ne semble certainement pas superflu de se demander si la résolution des nouvelles raretés et crises appréhendées passe par une vision mondiale de la gouvernance de cette ressource vitale et si stratégique.

    L’ONU recensa un jour 300 zones de conflits potentiels et 1 800 litiges enregistrés de par le monde… Il existe aussi nombre de traités entre États, souvent bilatéraux. Sous l’égide des Nations Unies, la Convention de New York sur les usages des cours d’eau à des fins autres que la navigation a été signée en 1997 et est entrée en vigueur en 2014. Cette nouvelle Convention a derrière elle une très longue histoire. En 1959 déjà, l’Assemblée générale de l’ONU avait demandé au Secrétaire général de l’organisation d’entreprendre une étude sur le problème du partage des ressources internationales en eau…

    Bref, la gouvernance de l’eau comporte déjà un volet international. Et l’intérêt de la communauté internationale pour les enjeux liés à l’eau n’est certes pas tout récent. Dorénavant, sa bonne gouvernance requiert-elle une réelle organisation et une gestion mondiales ? Voilà bien l’objet du présent ouvrage.

    Dans une première partie, nous tenterons un état de situation. Cette partie visera à cerner la situation actuelle, mais aussi prévisible en matière de disponibilité d’eau douce pour l’humanité.

    Le chapitre 1 visera à prendre toute la mesure du défi. Il permettra d’avoir la bonne compréhension des crises à résoudre en matière d’eau dans le monde de demain avec l’horizon 2030 à 2050 : inventorier les perceptibles crises de rareté/partage, les crises alimentaires et d’assainissement, la problématique des droits et besoins également. Il faut initialement faire le meilleur constat possible du problème à régler.

    Au chapitre 2, on voudra ensuite analyser, tout particulièrement, la réalité de l’efficacité des frontières politiques et de l’exercice de la pleine souveraineté politique des États et le bilan de l’historique des expériences de coopération internationale en matière de gouvernance de l’eau : Commission mixte internationale (1909), Commission du Mékong, Commission de Bassin du Lac Tchad, etc. On analysera donc ce que nous enseigne l’histoire récente des relations internationales et des outils de coopération entre les États face au défi de l’eau.

    Et parce que tout au long de notre démarche on parlera beaucoup d’États et de souveraineté, on se penchera, pour finir cette première partie, sur l’exemple européen. Sur cette Union européenne devenue une expérience d’organisation politique supra-étatique inégalée dans l’histoire moderne. L’humanité peut-elle s’inspirer de l’UE, qui a plus de 50 ans d’expérience en matière de gouvernance supra-étatique, notamment environnementale, pour mieux gouverner la ressource eau ? Nous approfondirons cet aspect au chapitre 3.

    Devant notre constat –et l’hypothèse– de l’inefficacité du statu quo, une deuxième partie explorera donc des voies de solutions d’une autre gouvernance. Tout le chapitre 4 rassemblera un corps argumentaire face à l’enjeu et au débat sur la gouvernance mondiale de l’eau. C’est ici que se trouve le corps central de ce livre. Pour faciliter la réflexion du lecteur, nous y développerons une suite

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