“Être angoissé, c’est prendre au sérieux l’énormité du sujet”
Gaël Giraud est économiste et prêtre jésuite, ce qui n’a rien d’incompatible. Ce chercheur au CNRS, enseignant et directeur du département justice environnement à l’université de Georgetown (États-Unis), tisse un lien étroit entre économie et écologie. Celui qui a l’oreille des politiques a réduit son empreinte carbone individuelle bien en deçà de la moyenne française. Dans cette interview technique et sensible, il nous explique pourquoi les gestes du quotidien en faveur de l’environnement sont indispensables, pourquoi la transition écologique ne pourra avoir lieu si les banques ne mettent pas un terme à leurs investissements “bruns”, et comment nous devons nous inspirer des populations des Sud dans notre rapport au vivant.
SVHS : Aujourd’hui, nous hésitons à acheter une bouteille en plastique, à prendre l’avion… Nous sommes attirés par la décroissance, la baisse de la consommation. Mais est-ce vraiment utile et avons-nous raison de changer nos habitudes ?
Oui, c’est utile. Nous pouvons agir au niveau individuel. Un citoyen qui fait de gros efforts en France peut réduire son empreinte carbone de 20 %, d’après le cabinet en conseil de stratégie climatique Carbone 4. Disons même de 25 % à 30 % si c’est un franciscain particulièrement austère!. Cet aveu nourrit une angoisse terrible. C’est comme si on vous disait: Vous êtes démunis. Heureusement, ce n’est pas vrai pour le climat, car on peut agir et l’on sait comment: il faut devenir végétarien, ne plus prendre l’avion, utiliser les transports en commun, ne plus rouler en voiture thermique, vivre dans un bâtiment thermiquement rénové… Je ne dis pas que c’est simple, mais les ingrédients sont connus. En revanche, la mauvaise nouvelle, c’est qu’il reste 70 % des émissions qui ne dépendent pas de l’individu mais de tout le reste: les services publics, les grosses entreprises, etc. Ce sont des choses sur lesquelles l’individu seul n’a pas prise, mais sur lesquelles on peut agir collectivement et politiquement. Au fur et à mesure que l’urgence grandit, que peu de choses adviennent, les scientifiques se rapprochent de la sphère politique parce qu’il faut porter ces questions au plus haut niveau. C’est ce qui se passe dans , le film d’Adam McKay avec Leonardo DiCaprio. La France est le pays le plus en retard et le seul de l’Union européenne à ne pas tenir ses engagements en matière d’énergies renouvelables. Pourtant, l’accord de Paris a été signé chez nous!
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