Noël sanglant - Hoteiosho - L'île aux sacrifices
Par Sylvain Johnson
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À propos de ce livre électronique
L’hostilité des villageois et le déshonneur de sa situation compliquent les choses.
Son oncle l’héberge et, peu à peu, les secrets du groupe isolé émergent les uns après les autres.
Masanori, notre héros, apprend qu’un festival se déroule sous le couvert de l’obscurité durant trois jours en décembre : une célébration où des forces maléfiques centenaires visitent les humains pour collecter leur dû et renouveler des alliances ancestrales…
Hosheito, c’est le père Noël japonais, un des sept dieux de la chance, une entité presque oubliée dans
une société prisonnière de la technologie et dominée par une économie capitaliste florissante.
Et si cette entité de légende existait vraiment ?
Sylvain Johnson
Sylvain Johnson est un écrivain Québécois passionné de lecture, de cinéma et de randonnée pédestre. Né à Montréal, il passera une partie de son enfance en Mauricie. Après un séjour au Cégep en Arts et lettres et un court passage à l’Université de Trois-Rivières, il retourne à Montréal afin d’y travailler dans des salles de courriers pour de grandes compagnies. Depuis quelques années il se consacre presque entièrement à l’écriture et à sa famille, son fils et sa femme. Il est auteur des Contes Interdits Le joueur de flûte de Hamelin et La petite sirène, ainsi que des romans Le Monstre de Kiev, La perle Scandinave et Sang de cochon.
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Avis sur Noël sanglant - Hoteiosho - L'île aux sacrifices
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Aperçu du livre
Noël sanglant - Hoteiosho - L'île aux sacrifices - Sylvain Johnson
Remerciements
Un gros merci à François Doucet pour l’idée et à Simon Rousseau de l’avoir acceptée. Merci à tous ceux et celles qui ont travaillé de près ou de loin sur ce roman, en particulier Gabriel Thériault. Encore une fois, merci à ma femme d’écouter mes élucubrations et de me conseiller comme elle le fait. Et merci à mon fils de me motiver au quotidien.
« Qui ne peut vivre dans l’honneur
doit mourir dans l’honneur. »
Proverbes et adages du Japon (1895)
1
8 septembre 2022
Osaka, Japon
Des gémissements obligent Masanori à s’arrêter, bien que ce genre de son dans un hôtel ne devrait pas le surprendre. Dieu seul sait ce qui se manigance dans les chambres d’un établissement aussi luxueux, où la discrétion du personnel facilite des relations physiques, des plus agréables aux plus malsaines. Ce qui trouble toutefois le jeune policier est que le bruit émane d’une pièce à la porte entrouverte. Dans le couloir envahi par l’odeur de multiples fleurs colorées disposées dans des vases à intervalles réguliers, il tend l’oreille, le visage baigné par la clarté artificielle des lampes. Sa montre indique minuit dix.
Le son ne se répète pas, et même s’il se répétait, en quoi cela le concernerait-il ? Il provient peut-être, probablement même, d’une relation sexuelle entre adultes consentants. Il baisse le regard sur la mallette noire qu’il tient à la main, et qui lui a été remise à sa sortie du poste de police par un confrère du nom de Aki.
— Tu passes près de l’hôtel Sato sur la rue des oliviers ? lui avait-il dit.
— Oui, pourquoi ?
— Un homme d’affaires de Tokyo en visite a égaré sa valise dans un restaurant et on vient de nous la rapporter. Tu peux la lui ramener ? Voici son numéro de chambre.
Voilà pourquoi Masanori s’est ainsi retrouvé, à la fin de son long quart de travail, dans cet établissement hors de prix pour y restituer l’objet perdu à son propriétaire.
Ces mêmes gémissements s’élèvent à nouveau, suivis cette fois par la sonnerie qui annonce l’ouverture des portes de l’ascenseur situé au bout du couloir de l’étage. Au moment où il jette un coup d’œil dans cette direction, quelqu’un sort rapidement de la pièce d’où montent les bruits étranges pour se diriger vers la cabine. Masanori entrevoit une silhouette sombre, vêtue d’un chandail à cagoule et d’une casquette aux tons ténébreux. L’individu porte un masque sanitaire en tissu gris qui lui couvre une grande partie du visage, et il semble le regarder, sans bouger, jusqu’à ce que les cloisons se referment. Dès que les deux parois d’acier réfléchissantes glissent pour se refermer sur le passager, les chiffres du panneau de contrôle amorcent une valse descendante.
Masanori s’approche plus encore de la porte entrouverte. Son instinct lui dicte que quelque chose de louche se déroule. C’est une impression inqualifiable, souvent ressentie pendant son travail. Cette intuition lui a même sauvé la vie. Soudain, il regrette d’avoir laissé son arme de service dans la boite à gants de sa voiture personnelle. Comme il devait rentrer chez lui, sans la moindre raison de craindre pour sa sécurité, il n’a pas jugé bon de l’emporter.
En ce moment, le Smith et Wesson modèle 37 lui manque beaucoup, ne serait-ce que pour lui offrir la possibilité de se défendre. Prudent, il se penche vers l’interstice, découvre que la pièce de l’autre côté est plongée dans l’obscurité.
Le son se répète. Cette fois, il semble renfermer davantage de douleur que de plaisir. Masanori tente tant bien que mal de se raisonner. Une bonne partie de la population n’éprouve-t-elle pas un penchant sadique ? Lui-même pratique le sexe avec brusquerie et parfois même un peu de violence.
Lorsque, pour une quatrième fois, les gémissements reprennent, Masanori ne peut plus se leurrer : quelqu’un souffre à proximité et cela suffit pour qu’il repousse doucement la porte de la main. Les sens à l’affût, il avance d’une enjambée ou deux en interpellant les occupants.
— Allo ? Il y a quelqu’un ?
Ses paroles ne reçoivent pour réponse qu’une série de râlements précipités, paniqués, et qui finissent de le convaincre d’investir l’endroit. C’est dans une suite qu’il pénètre, avec petit salon, cuisinette et chambre à coucher. Le tout est meublé avec gout et luxe. Masanori active les plafonniers et, dans une lumière trop crue qui chasse les ténèbres, il traverse les deux premières pièces sans rencontrer quiconque.
Il continue de s’annoncer, à haute voix cette fois, presque en criant.
— Police !
Le lit défait aux couvertures souillées de sang capte vite son attention. Cette vision le paralyse momentanément, il craint ce qu’il va découvrir par la suite. Puis, son regard tombe, à gauche, sur deux pieds étendus sur le plancher de l’autre côté du matelas, et l’agent en civil s’approche de quelques pas. Nerveux, il lutte pour garder son sang-froid.
Contre le mur de droite, accroupie au sol, une femme nue se tient le visage. À la voir bouger avec difficulté, et incapable de former des mots cohérents, Masanori suspecte qu’elle se trouve en état de choc ou plus probablement sous l’influence de drogues débilitantes. Il s’avance dans la pièce qui doit couter davantage chaque nuit qu’un mois de son maigre salaire. L’horreur chasse vite une telle pensée déplacée dans ces lieux et ces circonstances. Tandis que la femme retire les mains qui lui couvrent la figure, il remarque à quel point ses bras sont lacérés. Pétrifié par la surprise, il aperçoit des gouffres boursoufflés, ensanglantés, là où devraient être ses yeux. Les blessures et les contusions sur son corps délicat témoignent du fait qu’on l’a tabassée.
Masanori réalise alors que la chambre est une véritable scène de crime. Plus troublante que le spectacle horrifique devant lui, une idée nouvelle se fait jour en son for intérieur : le responsable de ces mutilations abjectes est peut-être le criminel le plus dangereux de notre époque. Un nom émerge de ses pensées les plus sombres, un nom qu’il n’ose prononcer à voix haute de peur d’éveiller le démon insatiable qui habite cette bête inhumaine qu’on surnomme le Nopperabo¹ d’Osaka ! Ce réputé violeur en série aveugle ses victimes en leur crevant les yeux. Il abuse ensuite d’elles avec violence, brutalité, humiliation et mépris. Aucune n’a pu l’identifier : il les surprend dans leur chambre d’hôtel, très souvent dans leur sommeil. Impossible d’établir un portrait-robot d’un malfaiteur au visage inconnu. À ce jour, on répertorie vingt-deux femmes qui ont subi d’horribles sévices aux mains de celui que le chef du département de police de la ville d’Osaka considère être le « pire criminel au pays depuis Sataro Fukiage² ».
Masanori prend son cellulaire d’une main qui tremble. Il a chaud, il a peur ; lui qui désire devenir enquêteur ne sait plus trop comment réagir devant cette pauvre femme qui souffre. Ce visage mutilé, ces coulées de sang qui trempent le tapis et ces gémissements frénétiques qui montent de la proie le paralysent. Des sueurs froides s’emparent de lui.
Au cœur de la frayeur et de la folie qui le guettent, une image s’impose à son esprit. Il revoit la silhouette dans l’ascenseur, le masque sanitaire, la cagoule, et le calme glacial.
Une terrible question le trouble, manque de le faire vomir tant le stress lui tord les triples. Vient-il de croiser le Nopperabo ? C’est possible, en fait, c’est plus que probable.
D’autres gémissements, de plus en plus désespérés, l’arrachent à sa torpeur et à cette peur qui le tenaille.
— N’ayez pas peur, je vais vous aider.
Faute de trouver mieux, il accourt à la salle de bain et en revient avec une compresse d’eau froide. Dès qu’il pose la main de la victime sur la compresse pour qu’elle la maintienne en place sur son visage, le sang imbibe déjà le tissu. Comment diable soigner une telle mutilation ? Son devoir exige qu’il apporte son aide à cette pauvre victime, mais l’idée que le criminel le plus recherché du pays est en train de se sauver le pousse à abonner lâchement la victime. En trombe, il quitte la chambre et court vers l’ascenseur qui est déjà passé du onzième au huitième étage. Sans hésiter, il se jette dans la cage d’escalier tout juste à côté et dévale les marches avec toute l’énergie que lui procurent ses trente ans et ses nombreuses séances de jogging matinal.
D’égoïstes pensées chassent sa peur : peut-être que rattraper le violeur en série pourrait lui ouvrir les portes d’une promotion, ou du moins de la gratitude de ses supérieurs, pavant ainsi la voie à une belle carrière ? Mais surtout, il désire arrêter le criminel et sauver plusieurs jeunes femmes d’un destin aussi horrible. Il refuse de le reconnaitre, mais il se voit déjà en héros.
Et toujours cette culpabilité qui revient : pourquoi n’a-t-il pas emporté son arme ?
Les paliers d’escalier se succèdent au rythme de ses battements cardiaques de plus en plus rapides, de son souffle qui l’oppresse et de la sueur qui ruisselle sur son front. Il atteint le huitième, puis le septième étage. Enfin, il se risque à pénétrer sur l’étage pour consulter le panneau numérique de l’ascenseur et déterminer à quel palier s’arrêtera la sombre silhouette masquée.
Les chiffres rouges lumineux révèlent que la cage d’ascenseur se trouve au cinquième, ce qui lui permet de croire que la destination du monstre est le rez-de-chaussée. Masanori retourne dans l’escalier et saute pratiquement les marches deux par deux, conscient qu’au moindre faux pas, c’est la dégringolade et la vilaine blessure. Toute prudence est écartée, balayée par l’adrénaline.
Lorsqu’il arrive enfin au rez-de-chaussée, il se promet, dès cette histoire terminée, de délaisser le jogging pour débuter un entrainement plus intense. Il pousse la porte à la volée et se retrouve dans le hall d’entrée de l’hôtel. Il entraperçoit la réception, un vaste espace comblé de fauteuils, de télévisions, d’un café désert et de plusieurs petites boutiques hors prix aux vitrines sombres. En quête d’indices, il se plante devant l’ascenseur et constate qu’il s’est arrêté au premier étage.
— Merde !
Le jeune flic hésite un moment. Remonter via l’ascenseur ? Ou attendre que l’individu s’engage dans l’escalier ? Combien d’issues y a-t-il dans cet hôtel ? Il ne peut pas toutes les contrôler, encore moins toutes les bloquer. Le fuyard pourrait se faufiler par une des nombreuses sorties d’urgence. Incertain, Masanori serre les poings, ses mâchoires carrées s’agitent pour faire grincer ses dents, un tic nerveux qui lui vient de l’enfance. Il réalise qu’il n’est pas seul, deux employés le regardent avec curiosité derrière le comptoir. Masanori sort son badge pour le leur montrer, et les interpelle.
— Appelez la police tout de suite ! C’est une urgence.
Il doit agir, et vite. Il décide de gravir les escaliers. Dans la cage, il lève le regard au moment où une silhouette sombre, qu’il reconnait, arrive dans sa direction. Elle descend les marches d’un pas rapide. Les deux hommes s’arrêtent, se toisent un court moment, avant que le suspect se mette à remonter à la course d’où il vient. Masanori ne perd pas de temps et s’élance à sa suite, tout en jurant et en maudissant l’idée que le suspect lui file ainsi entre les doigts.
Leurs foulées claquent sur le béton et résonnent comme autant de déflagrations de mitraillette dans une rue du Chicago au temps d’Al Capone. Le policier tente désespérément d’interpeller le pourchassé :
— Arrêtez, police !
Au quatrième, un employé de l’hôtel, un sac de plastique à la main, surgit dans la cage d’escalier au moment où l’homme arrive à sa hauteur. Une collision survient, l’employé est poussé dans les marches qu’il dégringole en criant, son sac se déchire sous lui, répand des ordures ici et là.
Masanori lui jette un coup d’œil rapide, puis le dépasse vite : l’homme semble n’avoir aucune blessure sérieuse, seulement quelques ecchymoses.
Une étrange intuition s’empare soudain du policier, en particulier lorsqu’il constate qu’ils sont pratiquement revenus au niveau où tout a commencé, au onzième étage.
Que fiche le violeur ? Il retourne sur la scène du crime ?
Lorsque Masanori s’introduit au onzième étage à la suite du tueur, il débouche dans un couloir vide. Plus aucune trace du monstre. Prudent, les mains hautes, prêtes à frapper, il s’avance, s’assurant que les portes de chaque côté de lui sont closes, dans la crainte d’une attaque sournoise. Il récupère un vase qui trône sur une petite table, le vide de ses fleurs et de son eau directement sur le tapis. Faute de mieux, cela lui servira d’arme. Son parcours le conduit à la pièce où des cris de détresse s’élèvent toujours. La pauvre femme appelle à l’aide. Comme l’hôtel se trouve près d’un poste de police et que des agents rôdent toujours dans les parages, et puisque l’endroit est fréquenté par les riches et les puissants de ce monde, les secours investissent peut-être déjà l’établissement. Les occupants des autres chambres restent couchés et enfermés. Si jamais ils ont eux aussi entendu des bruits suspects, ils préfèrent s’abstenir de se mêler de ce qui ne les regarde pas. C’est le genre d’établissement où les riches invitent leurs maîtresses, où les vedettes montantes négocient leurs prochains contrats, et où ont lieu des auditions secrètes qui tiennent plus de la prostitution. Il hésite. Le violeur retourne-t-il sur la scène du crime et, si oui, pourquoi ? Et s’il s’était tout simplement trompé et qu’il n’était pas sur la bonne piste ?
Le flic profite de cet instant de répit pour reprendre son souffle, tandis que la sueur coule abondamment sur son corps. Il sursaute au moment où la porte de l’ascenseur s’ouvre avec son habituelle sonnerie. Trois policiers en émergent, dont un confrère qu’il connait bien. Dès que les hommes s’approchent, Masanori leur explique brièvement, en quelques mots, ce qui s’est passé. Les visages se décomposent, les armes sortent de leurs étuis et la méfiance, la peur et l’adrénaline s’emparent des agents. Masanori se départit de son vase, maintenant que les secours sont arrivés.
Des cris montent de la chambre, ce qui fait reculer les nouveaux venus. Que fait donc l’ambulance ? Probablement en route. Le trafic de plus en plus problématique dans cette ville en pleine expansion ralentit souvent les véhicules d’urgence. Pourtant, c’est la nuit, la circulation à son minimum ne devrait pas causer de soucis.
Les quatre hommes pénètrent dans la pièce, se déploient pour envahir la suite et l’explorer, le doigt sur la détente. À peine sont-ils entrés que la découverte de la femme nue et barbouillée de sang refroidit les esprits. Peu à peu consciente des multiples individus qui l’entourent, la victime implore leur aide, les mains vissées sur le visage. Lorsqu’elle tend faiblement un bras, cela leur permet de voir son visage défiguré par la douleur et les gouffres vides de ses yeux que ne masquent plus les paupières mutilées.
Masanori s’est placé à l’arrière du groupe. Un pied dans la chambre, l’autre dans le couloir, il cherche toujours le tueur du regard. Quand il capte soudain du bruit dans le couloir, il fait signe à ses collègues d’écouter attentivement. Les trois autres flics se figent, on entendrait une mouche voler. Masanori s’élance sans prévenir dans le corridor et tombe, quelques pas plus loin, sur une personne qui lui tourne le dos et s’éloigne en marchant vers l’ascenseur. Aussitôt qu’il reconnait les vêtements du violeur, il l’interpelle.
— Stop ! Police. Restez où vous êtes !
Son appel immobilise d’un coup l’inconnu, qui tentait vraisemblablement de fuir tandis que les forces de l’ordre s’activaient dans la suite. Pendant qu’un des agents
