Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La patiente zéro: Mon enfer social et médiatique au Mali
La patiente zéro: Mon enfer social et médiatique au Mali
La patiente zéro: Mon enfer social et médiatique au Mali
Livre électronique129 pages1 heure

La patiente zéro: Mon enfer social et médiatique au Mali

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Basée sur une histoire réelle, La patiente zéro - Mon enfer social et médiatique au Mali retrace la vie de Inna, une Franco-Malienne, confrontée à la maladie de la Covid-19 en 2020. Elle se voit déclarée cas zéro au Mali lors de ses vacances dans son pays d’origine.


À la suite de ce malheureux évènement, sa vie bascule complètement avec la rencontre de Toto le troubadour qui s’improvise journaliste pour la circonstance. Ce dernier, dans une recherche effrénée de buzz, crée un scénario digne d’un film hollywoodien et déchaîne chez le peuple une vague de haine incommensurable à l’égard de la malade. Il l’accuse d’avoir importé sciemment la terrible pandémie dans le but de tuer tous les Maliens.


Ainsi, la mère de Marcel va subir la vindicte populaire. D’aucun appelant à son exécution sur la place publique, tandis que d’autres suggèrent le recours à l’injection létale afin d’éliminer « celle par qui le Corona est entré au Mali ». Cette œuvre autobiographique est donc le cri du cœur d’une mère devenue tristement célèbre malgré elle…
LangueFrançais
Date de sortie29 juil. 2022
ISBN9791037758040
La patiente zéro: Mon enfer social et médiatique au Mali

Auteurs associés

Lié à La patiente zéro

Livres électroniques liés

Biographies culturelles, ethniques et régionales pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La patiente zéro

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La patiente zéro - Inna Maïga

    Pourquoi avoir choisi une femme comme victime et qui suis-je ?

    Pour certains hommes, il est plus facile de s’attaquer à une femme, car selon les croyances naturelles, elle est vulnérable et bien entendu, inférieure au mâle dominant. Alors qu’en société, ce dernier se pavane et bombe le torse, la pauvre femelle qui n’a aucun droit hormis celui qu’on lui concède ; ferme son clapet et courbe l’échine.

    « Cette croyance de la supériorité de l’homme à la femme » ; Olivia Gazalé ne l’avait-elle pas dénoncé dans son passionnant ouvrage : Le mythe de la virilité ?

    Lorsqu’elle écrit : « Il a toujours existé une hiérarchie des sexes dans les croyances culturelles », ne mettait-elle pas ainsi en évidence comment l’idéologie virilisée a transformé des différences sexuées en injustices sociales ? Pas de divinités ni d’héroïnes chez la gent féminine. Depuis l’antiquité, affirme-t-elle, tout est fait de façon à justifier l’infériorité de la femme.

    Du temps d’Hésiode Premier au VIII siècle avant notre ère, Pandore n’était autre qu’une femme démoniaque créature répandant souffrances et calamités sur la terre. Olivia Gazalé poursuit en citant Homère qui ne voie en Hélène que la femme dangereuse, responsable de la guerre de Troie. La philosophie ne fut pas de reste selon Olivia Gazalé. En disant que la femme est faite pour être soumise à l’homme ; Aristote n’avait-il pas à l’instar d’autres philosophes conceptualisé cette domination ?

    À partir de là, ne vous demandez surtout pas pourquoi au lieu de s’attaquer à un homme, ce monsieur Toto a choisi la toute petite chose sans défense que j’étais à ses yeux. Il trouvait en moi la cible toute désignée pour sa rubrique : « Patient Zéro du Covid-19 au Mali ».

    J’étais une femme seule. Je venais de France ; un Pays que les Maliens commençaient à détester cordialement et au moment où le tout « Puissant Occident » se trouvait démuni face à un invisible infiniment petit. Il ne fallait pas plus pour me cataloguer et me désigner comme l’indésirable espionne envoyée par l’impétueux Emmanuel Macron pour disséminer le virus et tuer tous les Maliens. Cela permettrait de maintenir ses troupes sur le sol malien afin d’exploiter ses richesses tant convoitées. Bien que testée positive le même jour qu’un homme de 67 ans ; le « patient zéro du Covid-19 au Mali » ne pouvait être que moi ; faible femme.

    Mon nom est Inna. Certains amis de mon père m’appellent « Ministri Mousso » (Madame la Ministre) en référence à Mme Sissoko Inna Cissé qui fut la première femme membre d’un gouvernement au Mali et dont je porte le nom.

    Moi, je suis gentille, assertive, bienveillante, avec mes défauts comme la plupart des personnes et j’aime bien rigoler ! Je ne suis pas ce qu’on appelle une personne sans cœur ni difficile. Mais je ne suis pas non plus le genre de personne à accepter qu’on porte atteinte à sa dignité. Je ne me laisse piétiner par quiconque au motif que je suis une femme. Tout allait bien dans ma vie jusqu’au jour où trois hommes, de surcroît des frères, car ayant la même nationalité que moi, ont décidé de faire de ma vie un enfer sur terre.

    Colportant les pires mensonges à mon sujet en m’accusant de commettre un forfait tel que jamais personne ne l’avait commis, nulle part au monde, ils racontaient à qui voulait l’entendre que j’étais rentrée au pays, envoyée par Macron pour exterminer le peuple malien. Il n’en fallait pas plus pour faire de moi, la personne au mieux, à fuir sinon à abattre.

    Comment est-ce pensable que des frères puissent être aussi insensibles à la détresse d’une sœur et véhiculer à son endroit une haine incommensurable. Avant cet évènement, j’étais à mille lieues d’imaginer qu’il puisse exister sur terre des personnes aussi malsaines ! Acculée de toute part, je n’ai eu d’autres choix que de me battre pour rétablir la vérité.

    Adolescente, je changeais souvent d’école du fait de l’activité professionnelle de mon père médecin. Ainsi, je fis successivement mes études secondaires à l’école Mamadou Konaté, à l’école de l’Ex-Base militaire et à l’école fondamentale de Badalabougou à Bamako. Le domicile de mon père où j’habitais, n’étant pas toujours à proximité des écoles que je fréquentais, je devais parfois marcher des kilomètres pour rentrer chez moi après les cours. Cela m’amena assez tôt à acquérir une certaine autonomie. Après mon cursus à l’école fondamentale, j’obtins mon baccalauréat au lycée de Badalabougou, situé sur une colline jadis appelée la Colline du savoir. La colline du savoir, puisqu’elle abritait un lycée réputé à l’époque pour la qualité de son enseignement, était dite opposée à la colline du pouvoir, Koulouba, où le palais présidentiel se trouvait perché sur un autre mont. Lycéenne, je vécus ces fantasmes et me mêlai à ces vantardises qui nous faisaient rigoler. De belles années passées au lycée, où mes camarades et moi poursuivions les études avec insouciance. Comme c’était le cas de beaucoup de jeunes de notre âge ; entre fêtes et sorties, nous avions l’impression que la vie nous appartenait et que le monde devait tourner au gré de nos désirs.

    Ces moments de joie partagés ne nous éloignaient cependant pas de l’essentiel. Quand il le fallait, nous passions en groupes ou en solo des jours et des nuits entières sans sommeil à bûcher des leçons ou faire des chapitres d’exercices afin d’être prêts lors des contrôles surprises.

    Orientée plus tard à l’École normale supérieure (ENSUP) où j’obtins après quatre années d’études supérieures, mon diplôme de maîtrise en Lettres modernes, j’étais destinée à une carrière de professeur du secondaire. Cependant, je choisis d’évoluer dans l’import-export entre mon pays natal et certains pays européens dont la France, l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, l’Autriche, mais aussi les États-Unis et l’Angleterre. Dans ces pays, j’achetais du prêt-à-porter que je retournais vendre chez moi, au Mali.

    Ma dernière expérience me conduisit en Martinique, où malheureusement je fis de mauvaises affaires. En effet, j’avais croisé le chemin, par l’intermédiaire du Net, d’un homme qui me fit miroiter une offre alléchante contre la vente d’objets d’arts africains. Fâcheusement, cette transaction montée de toutes pièces n’était qu’une grande supercherie, qui fit couler mon commerce et mit un terme à ma carrière commerciale.

    Ce voyage, qui au départ n’avait aucun rapport avec l’immigration, finit par en avoir l’air par la force des choses. Une de mes amies, Astou, qui vivait déjà en France, me suggéra d’y rester travailler pendant un moment. J’y consentis ; le temps de me refaire une santé financière afin de recommencer mes activités. À l’époque, le chemin le plus facile et le plus rapide pour l’accès à l’emploi était dans le domaine de l’hôtellerie. Astou m’accueillit et s’occupa de moi comme elle l’aurait fait avec sa propre sœur. La jeune femme, volontaire et très généreuse, me servit de canne à remarcher. Jeunes et d’un enthousiasme débordant, ensemble, nous nous heurtâmes aux aléas mais aussi aux joies que procure la vie d’immigré.

    En métro, en train ou lors des balades à pied, Astou me fit découvrir Paris ; la ville des lumières aux mille contrastes avec ses lieux célèbres comme la tour Eiffel, l’Arc de Triomphe ou Notre-Dame de Paris. Alors que j’évoluais dans l’hôtellerie : nouveau job pour moi, j’eus une révélation. En fait, il n’y a pas de sot métier comme on a tendance à le croire en Afrique.

    Profession femme de ménage était aussi honorable qu’une autre. Du moment que ce travail me permettait de gagner ma pitance et subvenir à mes besoins dans la dignité, tout va bien dans le meilleur des mondes.

    Malgré les réticences d’Astou et de tous mes proches qui cherchaient à me dissuader de trop en faire, je m’y lançai sans modération. Cependant, au fil du temps, n’ayant pas eu l’opportunité d’être formée aux gestes et postures indispensables à l’exercice de ce métier pénible, je constatai l’usure de certaines de mes articulations. Obligée de consulter un médecin à la suite de douleurs récurrentes, ce dernier me conseilla de mettre fin, sans attendre à mon nouveau métier. Il avait constaté, disait-il, grâce à des examens de radiologie, que mes disques lombaires avaient subi de gros dommages. Continuer à effectuer ce type d’activité pourrait être fâcheux pour ma colonne vertébrale si je n’y prenais garde.

    Cependant, tenant à tout prix à mon indépendance financière, je fis fi des conseils du médecin et m’entêtai à exercer ce métier, jusqu’au jour où ce travail eut raison de ma santé physique. Cette attitude inconséquente produisit chez moi des dommages hélas irréversibles. Et pourtant, j’aurais pu y mettre fin, car la vie m’avait fait rencontrer mon

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1