Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Handicapé-e: Nouvelles
Handicapé-e: Nouvelles
Handicapé-e: Nouvelles
Livre électronique187 pages4 heures

Handicapé-e: Nouvelles

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Tournant autour de sept héroïnes, Handicapé-e met en exergue des fléaux sociaux qui minent la gent féminine en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Des récits poignants ressortent le vécu de nombreuses femmes qui peuvent être une mère, une sœur, une fille, une amie, etc. Ce roman offre une autre perspective de la féminité qui, loin d’être un handicap, se définit comme un monde de possibilités pour celles qui sont souvent reléguées au second plan.

À PROPOS DE L'AUTEURE

D’origine camerounaise, Claude-Winnie Pefolé F. est juriste de formation et Magistrate de profession. Engagée dans la promotion de la jeunesse et de l’épanouissement de la jeune fille, elle préside une association qu’elle a créée à cet effet. Elle se consacre également à des publications liées au social, au juridique, etc.
LangueFrançais
Date de sortie11 juin 2021
ISBN9791037720122
Handicapé-e: Nouvelles

Auteurs associés

Lié à Handicapé-e

Livres électroniques liés

Fictions initiatiques pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Handicapé-e

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Handicapé-e - Claude-Winnie Pefolé F.

    Préface

    Pourquoi ? Loin de moi toute prétention d’être féministe, du moins dans sa conception péjorative, telle que la société misogyne la conçoit. Ce féminisme intégriste qui réclame un libertinage absolu et tous azimuts pour la femme n’est pas l’objet de mon propos. La réalité c’est qu’on ne peut pas créer une égalité parfaite où même la nature a voulu une inéquation.

    Ce dont il s’agit ici c’est beaucoup plus d’équité. Reconnaître à une femme la possibilité de faire valoir ses compétences et ses atouts autres que sa féminité, mieux que ses caractères sexuels secondaires de féminité, est exactement l’objet de mon propos. Je cherche en toute humilité à éveiller les consciences sur ce qui nous paraît normal au quotidien, mais qui, en réalité, érige des barrières colossales autour de l’épanouissement et du bien-être de la gent féminine. C’est donc dire ici que le féminisme, c’est l’amour pour ce qui permet à la femme de s’autonomiser, de se réaliser, de fleurir.

    C’est un fait indéniable, la femme est indispensable et intervient dans tous les aspects de la vie de l’homme. Ces domaines d’intervention sont-ils si dérisoires pour qu’au lieu de contribuer à magnifier la femme, on aide plutôt à la mépriser, à la mésestimer ? On a pour habitude de dire qu’elle a été tirée du côté de l’homme, près de son bras pour bénéficier de sa protection, et près de son cœur pour être aimée. Cette coutume exprime les besoins de protection et d’amour qui sont l’essence même de la femme qui, face à l’homme, n’ambitionne ni de le combattre ni de le soumettre. Toutefois, est-ce vraiment de cette façon qu’est perçue la femme dans son rapport de dépendance par rapport à sa source ? De même, est-ce à dire que sans lui, aucune éclosion n’est possible ?

    La société actuelle impose encore une pléthore de limites aux femmes qui, chaque jour, démontrent qu’elles ont des potentialités bien au-delà de ce que n’importe quel mortel aurait imaginé. Non seulement son simple mérite ne lui est pas reconnu, mais son œuvre déconcerte, tant elle n’est pas appréciée à sa juste valeur, parce qu’on ne s’y attendait pas, du moins de la part d’une femme.

    Jusqu’à quand le sexe féminin sera-t-il, pour reprendre Simone Veil, « un défaut » ? Jusqu’où ? jusqu’à quand les tâches les plus insignifiantes et les moins gratifiantes seront celles des femmes, et que celles de raisonnement, d’intellect, de conception, de créativité seront confinées uniquement à l’autre genre ? Même dans ce cas, est-ce un motif nécessaire pour considérer la femme moins que ce qu’elle est, simplement humaine, comme le mâle ? donc égale sur le plan des droits humains, mais également spéciale du fait de ses spécificités ? Je m’abstiens volontairement de les appeler des fragilités, elles en sont, mais n’enlèvent rien à l’humanité féminine ni aux potentialités d’icelle.

    Cet essai, qui oscille entre histoires réelles et personnages fictifs, est une contribution infime mais modeste à l’éveil des cœurs et des consciences quant aux rôles que la femme peut jouer dans la société, mais également aux freins qui empêchent ces missions d’être atteintes, et à la femme de s’illuminer, notamment le regard social, la famille, le conjoint, le travail…

    C’est aussi un appel à la jeune fille, afin qu’elle puisse croire en ses capacités. Elle doit réaliser que la féminité, contrairement à ce qu’on peut lui avoir fait penser, n’est pas une malformation. Même dans une société qui distribue gratuitement des préservatifs et subventionne leur acquisition, outil d’activité sexuelle non indispensable, alors qu’en face, des jeunes filles qui, nécessairement par leur physionomie naturelle, manquent de serviettes hygiéniques pour leurs menstrues mensuelles obligatoires, être femme n’est pas un handicap. Cette société, où des femmes gestantes perdent leur emploi de ce fait, n’est pas la société qui peut leur garantir le maximum de chances. Néanmoins, la fille doit croire en elle, en ses potentialités, en ses capacités. L’image que je me fais de la femme forte est celle de la mère, la fille, la ménagère, mais aussi la technicienne, la manager, la chef d’entreprise, la décideuse. La jeune fille doit intégrer dans son esprit qu’Oprah Winfrey, Serena Williams, Winnie Mandela, Michelle Obama, Angela Merkel, Chimamanda Ngozi Adichie, Maya Angelou, Winnie Harlow, Ségolène Royal, Hillary Clinton, Ellen Johnson Sirleaf et même sa mère, la bayam sellam, la ménagère, l’institutrice, l’infirmière, toutes ces femmes ont porté des serviettes hygiéniques, mais cela ne les a pas empêchées de côtoyer les cimes du ciel, les plus hautes sphères de responsabilités, familiales comme sociétales. La femme est tout, peut tout et aspire à tout, aucune limite n’est infranchissable ou hors de sa portée, sauf celle qu’elle-même se sera imposée.

    Histoire d’une naissance

    « C’est une fille ! »

    Cette phrase qui a résonné en lui comme un coup de massue. C’est avec la mine décomposée que Pierre s’est éloigné de la maternité ce jour-là…

    Je m’appelle Micheline. J’avais, au moment de la naissance de cette fille, l’âge de 26 ans. J’ai connu Pierre en classe de première dans un collège de la place, alors que je n’avais que 18 ans. Ce jeune homme, beau, svelte, propre, de teint clair, aux dents blanches, élancé, me donnait le sentiment d’être privilégiée. J’étais privilégiée qu’il daigne poser son regard sur moi. J’étais une jeune fille noir ébène, pas plus de mon mètre soixante, à la corpulence frêle, mais athlétique. J’étais quand même la capitaine de l’équipe de handball de mon collège. Huitième enfant d’une fratrie de douze, dont dix de sang et deux adoptifs, j’avais eu la chance de faire partie des derniers, donc, des plus dorlotés. Mes aînés veillaient au grain sur nous les tous petits, nous apprenant tout, se laver, faire les travaux ménagers, ainsi que faire nos devoirs. C’est vrai que des douze, nous les filles, étions les plus nombreuses ; huit contre quatre garçons. Cependant, dans l’éducation que nous avions reçue, mes parents ne faisaient pas de grande distinction en raison du sexe. Les tâches ménagères étaient réparties en fonction des aptitudes physiques de chacun. C’est donc sans surprise que les garçons devaient fendre le bois et faire la lessive, pendant que le balayage et la cuisine nous étaient confiés. En ce qui concernait les travaux champêtres et la très pénible corvée d’aller puiser de l’eau, la force physique importait peu, tout le monde devait s’y astreindre. D’ailleurs, aucun choix autre n’était permis. Au retour du champ, le week-end, qui était situé à plus de dix kilomètres de notre maison en agglomération, chacun emportait ses provisions de la semaine. C’est donc facile de comprendre que celui qui n’allait pas au champ ou feignait la fatigue pour fuir le travail s’exposait à passer toute une semaine sans provisions ni frites de plantain, ni canne à sucre, ni patate à grignoter pendant les récréations. De retour du champ, il fallait absolument mettre de côté les états d’âme de fatigue et du reste pour se charger la tête d’un récipient, pour aller à la borne fontaine s’approvisionner en eau. Même si les toilettes étaient traditionnelles et ne nécessitaient pas d’eau, il fallait de quoi se laver une fois par jour, et faire la lessive, dont les restes d’eaux usées nous servaient à laver le sol et arroser la cour avant de la balayer, pour éviter de recouvrir le sol à peine propre d’une couche épaisse de poussière. De plus, il fallait approvisionner la cuisine de notre mère en eau potable pour qu’elle puisse nous faire à manger. L’atmosphère à la maison était bon enfant, contrairement à celle du voisinage où les bagarres et les querelles étaient le lot quotidien, du fait de la multiplicité des femmes. Nous étions chanceux et privilégiés d’avoir des parents qui ont fortement subi l’influence du Christianisme et l’ont adopté comme mode de vie. Mon père était le seul du quartier à ne pas avoir plusieurs épouses, notre mère était dans un foyer monogamique. Nous ne connaissions pas les tourments de nos voisins qui se disputaient pour un rien, pour la répartition des morceaux de savon par lit, l’équité de la ration, la préséance de la première épouse ou alors de la « préférée » du père de la maison. Nous n’avions pas cette atmosphère électrique qui risquait de se détériorer à tout moment, nous ne connaissions ni le langage ordurier que frères et sœurs consanguins s’échangeaient dans le voisinage ni les petites combines orchestrées pour déstabiliser tel enfant de telle femme qui se croyait préférée du mari commun. Mieux encore, nous n’avions jamais connu les séances de travail des marabouts, appelés à tour de rôle par les épouses, chacune pour accuser l’enfant de sa comparse ou alors leur mari commun de vouloir en découdre avec elle ou son enfant. C’est de la bouche d’une des épouses de notre voisin que j’ai entendu pour la première fois le mot « répudiation ».

    Or, dans notre petite case familiale, tout était rire, prière, études, bref, une petite vie calme et paisible, avec ses petits incidents insignifiants du quotidien, qui n’étaient que la résultante du nombre pléthorique d’enfants que nous étions.

    Je suis arrivée en première sans trop de difficultés. Je n’étais pas la plus brillante, mais j’avais au moins un niveau qui me donnait d’espérer de belles études. Pourquoi ne pas aller à l’université ? Je n’avais que 18 ans, j’avais tout l’avenir devant moi. Je pouvais devenir professeur de français, vu que mes meilleures notes étaient dans les matières littéraires notamment le français, l’anglais et l’allemand. J’ai même rêvé d’aller en Allemagne, tellement cette langue me plaisait. Mais je savais que ce n’était qu’un rêve, ma famille était suffisamment pauvre et nous nous contentions de vivre de notre pain quotidien et de suivre des études. Aller dans ces grands pays n’était réservé qu’aux enfants de ministres, de ces grands-là qu’on avait le privilège de voir seulement à la télévision, que nos parents nous permettaient d’aller regarder une fois par semaine, le dimanche après-midi, chez l’un de nos voisins, qui affichaient des signes extérieurs d’aisance ; il était d’ailleurs le seul de notre rue à avoir une télévision à écran cathodique dans son salon, ainsi qu’une Renauld 12 dans son parking. On l’appelait tous papa bourgeois.

    C’est ainsi qu’un dimanche, de retour de chez papa bourgeois, mes frères et moi nous sommes rappelés que notre mère avait voyagé et que le riz que nous avions cuisiné en journée avait à peine suffi pour le repas de midi. C’est ainsi que, d’un commun accord, nous décidâmes de puiser dans nos économies alors constituées de notre indemnité journalière et de la quête du dimanche à l’Église, la somme individuelle de trente-cinq francs. Chacun de nous devait avoir droit à quatre gros beignets de cinq francs chacun qu’on appelait à ce temps-là « moloss », des graines de haricots rouges sautées pour dix francs, ainsi qu’une louche de bouillie de maïs de cinq francs. Mon frère aîné collecta la part de chacun et m’envoya à la maison prendre les assiettes qui devaient contenir notre repas, avant de le retrouver au beignetariat, 500 m plus loin.

    Au pas de course, je rejoignis la maison, et du pas alerte la cuisine, pour m’emparer de deux assiettes, l’une pour le haricot et l’autre pour la bouillie de maïs. Les beignets devaient être conditionnés dans les emballages papier desquels le ciment avait été retiré. Toujours dans l’empressement, je pris la grande rue pour rejoindre mon frère aîné Gustave au beignetariat. Au même moment où j’emboîtais la petite porte en tôle du hangar de mami Pauline, la vendeuse de beignets, un monsieur que j’avais à peine remarqué s’apprêtait également à entrer, et je manquai de peu de le piétiner. C’est ainsi qu’il recula légèrement pour me permettre d’entrer sans le bousculer, me laissant, sans lui adresser un regard, aller me loger aux côtés de Gustave qui avait déjà commencé à déguster un gros beignet. « Ventre affamé n’a point d’oreilles », disait-on. La chance d’accompagner Gustave me permettrait d’avoir un beignet en plus, le cadeau que mami Pauline remettait chaque fois que la commande était importante. Plusieurs personnes étaient assises dans le beignetariat, dégustant sur place ou alors attendant que leur commande sorte du feu. Quand je m’assis, Gustave fit signe à la vendeuse de me servir, et m’indiqua de rentrer une fois que mes assiettes seraient remplies, qu’il allait discuter quelques minutes dehors avec son ami avant de nous retrouver à la maison. Je hochai la tête pour acquiescer, et une fois ma commande servie, je pris le chemin de la grande rue. Seulement, à ce moment-là, je fus interpellée par une voix que je ne connaissais pas :

    Je me retournai et je vis un jeune homme, légèrement couvert de barbe, de teint clair, vêtu d’une chemise blanche et d’un pantalon marron kaki.

    Surprise par la question de cet homme qui voulait juste un renseignement, je levai juste la main pour lui indiquer du doigt notre maison vers la fin de rue.

    C’est à ce moment qu’on a tous deux été pris d’un éclat de rire, jusqu’à ce que je me reprenne :

    Je me retournai pour continuer ma route, en souriant. Je me demandais dans mon esprit qui était le courageux qui pensait pouvoir débarquer dans la cour de mon père, toujours assis sur sa véranda pour nous voir rentrer de l’école. J’imaginai la scène et je me dis que c’était impossible qu’un jeune, quel qu’il soit, puisse affronter le regard froid et inquisiteur de mon père. Même si l’envie lui prenait de s’approcher de notre maison, apercevoir mon père à distance allait lui faire rebrousser chemin. C’est pour cette raison que je ne m’étais même pas épuisée à le décourager de mettre les pieds chez nous, au risque de me créer des problèmes avec mes parents. Je pouffai de rire, et continuai ma route, en oubliant ce moment banal, qui allait pourtant marquer à jamais ma vie.

    Le lendemain, nous allâmes à l’école et au retour, après avoir salué mon père et ma mère, j’enfilai précipitamment ma tenue de sport pour me rendre aux entraînements de l’équipe de handball. Il était presque 15 h et je ne devais pas arriver en retard. J’y allai en trottinant, profitant ainsi pour faire mes propres échauffements. Mon équipe et moi avions fait des entraînements comme à l’accoutumée, et à 17 h, j’étais déjà revenue à la maison. Je pris ma douche à la hâte pour aller manger mon repas de midi que ma mère avait pris le soin de conserver dans un plat recouvert d’un autre plat. C’était ainsi dans les familles nombreuses, le repas était directement servi dans les plats et chaque enfant avec le temps reconnaissait le sien. Les absents avaient la chance que maman recouvre leurs plats et les sécurise à la cuisine, à l’abri des regards des plus gourmands. À peine je touchai à mon repas que j’entendis mon père scander mon nom.

    Je sortis en mâchouillant une bouchée de riz que je faillis rendre à l’instant quand j’aperçus, là devant moi, se tenant face à mon père, Pierre. Seule ma mère observa et comprit ma réaction, non pas de surprise, mais de stupeur. Mes parents allaient me tuer, un homme était venu à la maison pour demander à me voir. J’étais morte, ce jour, c’était le jour de mon décès. Je m’attendais déjà à voir mon père se lever pour se lancer à ma poursuite avec son bâton quand je l’entendis dire, et ce, en dialecte :

    Quel ne fut pas grand mon étonnement ! Il parlait mon dialecte, pire encore, il était assis à côté de mon père avec qui il discutait sous le regard suspicieux de ma mère. Les gouttes de sueur froide qui coulaient dans mon dos m’empêchèrent de finir mon repas, alors que j’étais affamée. C’est à ce moment-là que ma grande sœur, Jeanne, s’approcha de moi en me demandant :

    À ce moment, mon père m’a interpellé et ma sœur s’est éclipsée. Je me suis rapprochée de la véranda, toute tremblante, prête à détaler si mon père avait changé d’avis quant à son apparente cordialité.

    Pour acquiescer, je hochai juste la tête.

    C’est comme ça que je suivis bêtement le jeune inconnu qui avait dit être mon ami, habitée par un sentiment oscillant entre la colère et l’incompréhension.

    Je suis restée figée là, sur place, à le regarder, interloquée, choquée, surprise. Je pouffai de rire, tapé dans mes mains, je lui souhaitai bonne soirée sans autre mot dire, et je rebroussai chemin pour rentrer chez nous. Je pris bien

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1