Si nos icônes Simone Veil et Gisèle Halimi, chacune mère de trois fils, avaient eu des filles, celles-ci auraientelles repris leur flambeau ? La réponse n’est pas certaine. Car le sens de l’engagement, quel qu’il soit – féministe, politique, antiraciste, écologiste – se transmet-il forcément de mère en fille ? Une interrogation a priori simple mais qui a trouvé peu d’écho lorsque nous l’avons soumise dans les milieux militants. Camille Masclet, sociologue, chercheuse au CNRS, qui y a consacré sa thèse (1), confirme : « Il existe peu d’études sur les questions de transmission de l’engagement, et encore moins du point de vue des militantes. L’idée était peutêtre de ne pas réassigner tout de suite les femmes à des questions familiales. Les premiers travaux sur les militantes montraient leur implication politique, les valorisaient en tant qu’actrices de l’histoire, mais ne les ramenaient pas à la sphère privée. J’ai été surprise de voir que peu d’entre elles avaient fait le récit de leurs engagements à leurs enfants. Elles avaient une formule assez révélatrice : “Je ne voulais pas passer pour la gardienne du temple.” »
À l’instar de la féministe aux mille vies Laure Adler (2) : « Ce n’est pas “De mon temps ceci, de mon temps cela…” Une transmission implicite mais non sans réticences. poursuit Laure Adler. “Écoute maman, ce n’est pas le sujet, n’en parle pas.” “On va arrêter de travailler pendant un an, deux ans, voire trois, parce que contrairement à toi, on va s’occuper de nos enfants.” (Elle rit.)