Les oiseaux oublient de dormir: Roman
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Camille Nicole Cardera est née en 1951. Elle a grandi à la campagne. Elle adorait lire et très tôt, elle a porté en elle le désir d’écrire. C’est son professeur de Français au collège qui lui a donné le goût de l’écriture. Après une année d’hypokhâgne et des études de Lettres Modernes, elle a appris la graphologie et a obtenu un diplôme de graphologue.Les oiseaux oublient de dormir, est son deuxième roman publié après Avec les doigts du vent.
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Aperçu du livre
Les oiseaux oublient de dormir - Camille Nicole Cardera
CAMILLE NICOLE CARDERA
LES OISEAUX OUBLIENT DE DORMIR
À Bertrand, Pénélope, Clio et Safiyé,
« La vie humaine n’a lieu qu’une seule fois et nous ne pourrons jamais vérifier quelle était la bonne et quelle était la mauvaise décision, parce que, dans toute situation, nous ne pourrons décider qu’une seule fois. »
Milan Kundera
« L’insoutenable légèreté de l’être »
PREMIERE PARTIE
Chapitre 1
Il s’appuie sur une canne. Il boite à peine, essaie de s’astreindre à marcher normalement. Il s’arrête, regarde en l’air et sourit, respire à fond et reprend sa déambulation au bord du bassin où nagent des poissons rouges. Il s’amuse à ralentir sa progression juste pour éprouver la patience du garçon qui l’accompagne.
– Va dans la remise, tu trouveras sur l’étagère la boîte bleue où je mets leur nourriture.
L’enfant part en courant. Il en profite pour s’asseoir sur le banc de teck noirci. Les rayons du soleil adoucis par le filtre des arbres caressent ses mains. Une mésange charbonnière se trémousse sur la branche rampante du figuier, on dirait qu’elle veut l’interpeller, elle semble avoir une question à lui poser :
– Qu’est-ce que tu as fabriqué pendant ces deux semaines ?
Il s’amuse de son manège. Les oiseaux ont leurs repères temporels, ils connaissent nos habitudes et viennent aux nouvelles.
– Ah ! Merci Shiki ! Tu peux en donner aux poissons ? Je crois qu’ils sont affamés ! Pas trop à la fois, par petites doses, c’est mieux…
– Ça fait combien de temps qu’ils n’ont rien eu à manger ?
– Depuis hier.
– Hier ? T’es sûr ? Qui est-ce qui s’est occupé d’eux ?
– La voisine.
– Alors, ce n’est pas étonnant qu’ils soient si gros !
– Pourquoi ? Tu crois qu’elle leur donne trop ?
– J’sais pas.
– Tu ne sais pas ?
– Nan…
– Moi, je crois qu’elle les a bien soignés, regarde comme ils attendent !
Son petit-fils l’intrigue, il affirme et se dérobe.
Les mystères de l’enfance…
– Grand-père ?
– Oui ? Tu peux arrêter, ils en ont assez.
– Tu crois ? Ils ont l’air d’en vouloir plus.
– Tu as dit qu’ils étaient trop gros !…
– Mais non, c’était pour t’embêter à cause de la voisine.
– Qu’est-ce qu’elle t’a fait la voisine ?
– Rien, mais elle m’appelle Kiki j’ai horreur de ça !
Il s’esclaffe, c’était donc ça !
– Elle n’a jamais pu retenir ton prénom, elle n’est pas du tout versée dans la littérature, encore moins dans la poésie japonaise, je suis un amateur de haïkus, je t’ai déjà expliqué ?
– Oui Masaoka Shiki.
– C’était un grand maître du haïku.
– Je m’en fiche, j’aurais préféré m’appeler Victor ou Louis.
– Deux grands poètes français, ceux-là.
– Mais non, c’est le nom de mes copains.
– Ah oui ! Que je suis bête ! Tu n’aimes pas ton prénom ?
– Je le déteste !
– Tu l’as dit à tes parents ?
– Non !
– Pourquoi ?
– J’sais pas.
– Ils t’ont appelé Shiki parce qu’ils veulent peut-être que tu deviennes poète ou artiste ?
– C’est débile ! C’est un nom de chien !
– Mince alors… Tu veux que je leur en parle ?
– Ce n’est pas la peine, c’est foutu !
Il ne sait plus, que peut-il dire ? Cette découverte de l’aversion de son petit-fils pour son prénom le consterne.
– Dis-moi Shiki, ça te rend malheureux ?
– Ben tu sais c’est un tas de trucs, Shiki, je l’ai lu sur l’ordi de maman, c’est aussi un livre d’horreurs.
– Oh ! Ce n’est peut-être pas si terrible… C’est toi qui fais le prénom, moi je trouve que tu es un chic type !
– Tu ne te rends pas compte, c’est grave nul ce que tu dis, chic-Shiki tu le dis pareil, c’est « tchi » d’abord pas « chi ».
– Tu as tout à fait raison. Si on allait chercher ta trottinette cet après-midi ?…
– Tu peux conduire ?
– Mais oui, bien sûr, je suis complètement guéri, j’ai un genou neuf.
– Pourquoi t’as besoin de ta canne alors ?
– Ça fait bien, quand j’avais ton âge, je rêvais d’être un vieux avec une canne et un chapeau melon comme Charlot.
– Ah d’accord, quand même tu ne marches pas vite !
– C’est parce que j’aime prendre mon temps.
– Ouaip, moi je trouve que tu es une vraie tortue !
– Et toi le lièvre. Tu connais le lièvre et la tortue ?
– Nan ! C’est quoi ?
– Une fable, un genre de poème.
– Je déteste les poèmes, tu t’appelles comment ?
– Marc pourquoi ?
– C’est qui Marc ?
– Moi, comme toi tu es Shiki.
– Mais non, tu vois bien que toi c’est Marc et moi c’est un monsieur japonais. T’as de la chance. C’est comme Victor et Louis, ils sont eux c’est tout.
– Il t’embête à ce point ton prénom ?
– Nan…
Il prend la canne de Marc et saute à cloche-pied.
– Grand-père je peux t’appeler Marc ?
– Bien sûr !
– C’est cool ! Et toi tu m’appelles Alexandre.
– Mais je ne peux pas faire une chose pareille. Changer ton prénom ? Tes parents vont m’en vouloir !
– Ah Marc, s’il te plaît ! J’adorerais m’appeler Alexandre.
– Alexandre Le Grand ?
– C’est qui ?
– Un guerrier conquérant macédonien qui est allé très loin en Orient.
– J’en ai marre, moi, c’est toujours quelqu’un, toi ce n’est personne, c’est pas juste !
– Écoute Shiki… Euh… Alexandre. Quand les parents choisissent un prénom c’est parce qu’ils l’aiment, ils adorent toute l’histoire qui va avec, c’est une question d’amour, par exemple pour moi, mes parents ont peut-être pensé à Marc Aurèle, l’empereur romain philosophe ou bien au peintre Marc Chagall, tu vois ce n’est jamais personne, c’est un saint ou quelqu’un qui a écrit ou peint ou un ami, un aïeul. Tout dépend de ce qui inspire les pères et mères.
– C’est quoi un aïeul ?
– Quelqu’un comme moi, un grand-père ou le père de mon grand-père ce qui fait mon arrière-grand-père.
– Et il s’appelait comment ?
– Je crois bien que c’était Gustave.
– Ah non c’est trop moche !
– Plus moche que Shiki ? Tu es le premier dans la famille, c’est formidable.
– Nan…
– Reporte la boîte dans la remise, tu veux bien ?
Shiki s’en va en claudiquant avec la canne, la boîte sous le bras.
Marc est perplexe. Il se demande ce qui a pu perturber Shiki, la voisine peut-être, mais ce n’est pas une vieille femme sans imagination qui l’a traumatisé à ce point en usant d’un gentil sobriquet. Il est un peu torturé, semble-t-il.
Il repense à ce portrait d’un garçon recroquevillé d’Egon Schiele, qu’il a vu récemment dans une exposition. C’est étrange, il lui a trouvé une ressemblance avec son petit-fils, la beauté des traits, le regard clair est perdu dans le vague, la bouche aux lèvres bien dessinées exprime une mélancolie dégoûtée. Il est maigre comme Shiki et son visage émacié suscite le malaise. Que pense-t-il ?
Marc se demande ce qui provoque la colère de Shiki contre son prénom. Est-ce seulement une question de sonorités, une certaine idée du ridicule ?
Il se lève et continue sa marche vers la véranda. Shiki vient le rejoindre au moment où il ouvre la porte. Il lui tend sa canne.
– Je peux m’en passer, tu sais…
– On va chercher ma trottinette ?
– On va manger d’abord, Mariette nous a préparé des polpettes, elle sait que tu adores ça.
– Ouaip, trop cool, elle est géniale Mariette, Maman ne sait pas les faire. À chaque fois qu’elle essaie, c’est dégueu.
– Elle essaie souvent ?
– Nan
– Heureusement alors ?
– J’sais pas.
– Si elle essayait plus souvent, elle finirait par y arriver.
– Elle n’aime pas faire à manger.
– Et papa ?
– Oh, papa, il s’en fout, il ne pense pas qu’il a faim.
– C’est pratique. Allez viens on va se laver les mains !
Ils chahutent jusqu’au lavabo des toilettes.
Quand ils reviennent se mettre à table sous la véranda ensoleillée, une femme les attend. Shiki lui saute au cou, elle l’embrasse sur le bout du nez. Elle rejette ses longs cheveux frisés en arrière et ses grands yeux sont comme deux flashes d’un bleu lagon tellement transparent qu’on l’observe fasciné par tant d’éclat liquide.
– Tu m’as fait des polpettes, Mariette ?…
Il chantonne, Shiki, et danse d’un pied sur l’autre, il se trémousse avant de s’asseoir une jambe repliée sous les fesses. Il tambourine avec sa fourchette et son couteau.
– Tu apprends toujours la batterie à ce que je vois ?
– Ouaip, le prof dit que j’ai le sens du rythme.
– D’accord, mais pas dans la sauce tomate, attention je te sers, c’est très chaud !
– T’as fait des spaghettis avec ?
– Évidemment ! Je vais les chercher, je les ai gardés au chaud.
Elle revient avec un grand faitout qui fume et embaume les aromates.
– Tu as mis des herbes ?
– Oui, pourquoi tu n’aimes pas ça ?
– Si, si c’est juste que je préfère nature.
– Je ne me souvenais pas, excuse-moi…
– Ce n’est pas grave !
Il la regarde, elle semble hésiter à lui en mettre plein son assiette.
– Tu peux m’en mettre plus ?
– Je t’en remettrai quand tu auras fini. Papa, je te sers ou tu te débrouilles ?
– Je me sers, assieds-toi ! Quelle journée magnifique pour mon retour à la maison et ce festin, je n’en pouvais plus de la nourriture du centre de rééducation. Heureusement que tu m’apportais des cerises tous les jours, et la confiture de fraises a bien amélioré mes petits déjeuners.
– J’ai profité de l’intermède pour te faire quelques réserves, tu verras j’ai trouvé des Maras des bois, tu as une douzaine de pots de confiture qui t’attendent sur l’étagère dans la cave. Tu pourras y descendre ?
– Oui, bien sûr ! Ne me dis pas que tu repars !
– Papa… Tu sais que c’est essentiel pour moi, du moins pour le moment. Tu vas bien maintenant !
– J’irais encore mieux si je ne passais pas ma vie à trembler de te savoir en train de risquer ta vie en Somalie.
– Nous ne sommes pas des têtes brûlées, on y va pour soigner les gens pas pour jouer aux héros.
– Je connais ta théorie et je la respecte. Parlons d’autre chose…
Shiki s’est arrêté de manger, il regarde sa tante avec des yeux suppliants.
– C’est où la Somalie ?
– En Afrique, t’inquiète je ne fais rien de dangereux. Continue à manger.
– Je mange si tu me promets d’être là pour mon anniversaire.
– J’essaierai.
– Tu parles ! Tu dis ça, mais tu sais bien que tu feras comme d’habitude, tu vas m’envoyer une carte postale et un cadeau et puis c’est tout. Moi, j’ai envie que tu viennes.
– Allez, termine ton assiette.
Il se remet à manger sans entrain.
Marc baisse la tête. Il n’a pas respecté leur accord tacite. Il a parlé.
Quelque temps après la naissance de Shiki, Mariette a choisi de faire de l’humanitaire. Depuis plusieurs années, elle fuit et se met en danger comme si cette manière de vivre la dédouanait de quelque chose qu’elle refuse d’admettre. Elle est médecin anesthésiste, elle pourrait exercer son métier ici, c’est une spécialité où il existe une vraie pénurie, mais elle ne veut rien entendre. Sa vie est ailleurs.
Ils restent silencieux. Shiki a fini, il regarde dans le vague.
– Tu sais ce que j’ai préparé en dessert ? Ton gâteau au chocolat blanc.
– Ah ?…
– Mais c’est quoi ça ? Tu pleures ?
– Nan ! C’est le soleil qui m’éblouit.
– Tu veux que je te prête mes lunettes ?
– Si tu veux.
Il renifle. Mariette n’est pas dupe, mais elle fait semblant de croire à son explication. Il met les lunettes qu’elle lui tend et se mouche dans le mouchoir en papier qu’elle a posé sur sa main.
Quand ils ont terminé, elle les houspille un peu pour qu’ils l’aident à desservir. Puis ils partent chercher la trottinette.
Mariette en profite pour allumer une cigarette. Elle ne veut pas fumer devant Shiki. Elle s’en va dans quelques jours. À chaque départ c’est un arrachement, il n’y a pas d’autre mot, elle se déchire pour éviter la déroute. On peut présumer de ses forces à un moment donné et devoir redoubler de courage ensuite pour assumer les conséquences de ses choix.
Lise, Lisette pour leurs proches comme elle est Marie Mariette, l’a accueillie à Roissy avec soulagement, elle se sentait incapable de s’occuper de leur père pendant le laps de temps de l’intervention qu’il devait subir au genou droit. Elle est toujours débordée, son travail, son mari, son fils, sa maison, elle parle à une vitesse phénoménale, elle court, se précipite sur tout, elle brasse du vent, vole, passe et se plaint de ne ramasser que des miettes. Normal, c’est une passoire trop lâche qui ne retient que des fragments et elle ne fait rien de ça, elle le reconnaît, quand il s’agit de sa famille, elle est inapte et se réfugie dans cette constatation pour refuser de prendre la moindre initiative ou responsabilité.
Mariette sera là… Solaire, solide, elle est née pour suppléer. Mariette ne lui en veut pas, elle l’aime c’est tout.
Mariette a toujours été là, c’est une sœur jumelle impérissable, même loin elle est efficace.
Mais parfois Mariette voudrait abattre les cartes et dire je m’en fous, je sais que j’ai perdu…
Son père la surprend, elle est restée assise devant son café froid, la tête dans les mains. Il s’arrête dans l’élan qui le porte vers elle. Il va dans la cuisine et elle l’entend qui charge le lave-vaisselle. Une idée la traverse, vider son sac, c’est de plus en plus fréquent cette envie de tout déballer. Ah ! Papa, Papa si tu savais ! Elle se secoue et s’entend lui lancer :
– Laisse Papa, je vais finir.
– Pas question, je me débrouille très bien.
– Je n’en doute pas, mais profite du fait que je suis encore là pour te reposer.
– J’ai horreur de ça, allez, j’ai fini de jouer au vieux et puis j’adore les petits trucs du quotidien, c’est ce qui me permet de me sentir vivant, autonome, normal tu vois…
– Shiki est resté dans l’impasse ?
– Oui, il espère retrouver Enzo, le petit qui habite tout au fond, il est plus vieux, mais ils s’entendent bien. Je le sens vulnérable, c’est mieux qu’il passe du temps avec ses copains.
– Ah toi aussi ?
– Comment ça toi aussi ?
– Tu sens que Shiki est fragile.
– Je ne sais pas si on peut aller jusque-là, mais il semble perturbé par certaines choses, son prénom par exemple, il me dit qu’il le déteste, il veut que je l’appelle Alexandre.
– Mais non ! Shiki c’est merveilleux, toi et son père, vous lui avez donné les clés pour comprendre, il devrait être fier au contraire.
– Il est trop jeune.
– Il faut qu’il aille au Japon. Moi, je vais l’emmener.
– Je viens avec vous.
– Si tu veux. Oh Papa !…
Elle éclate en sanglots et se précipite dans l’entrée. Il l’entend qui monte les escaliers à toute allure. Il reste interdit avec son éponge dans la main. « Mais qu’est-ce que j’ai dit de si terrible ? Elle est partie pleurer dans sa chambre de petite fille » pense-t-il, cette idée le rend malheureux. Qu’est-ce qui rend la vie de Mariette si compliquée ? Et Lisette ? Pas mieux, elle entoure sa vie d’opacité, elle se cache derrière une prétendue suractivité.
Ses filles restent un mystère. On dirait qu’elles s’appliquent à le tenir à distance tout en lui manifestant une affection sans failles. Elles se sont beaucoup inquiétées au moment où il est resté seul. Il sait qu’il peut compter sur elles, mais elles font toujours très attention qu’il ne sache rien de leurs pensées comme si quelque chose devait rester caché. L’éclat de Mariette à l’instant ? Une anomalie !
Marc termine de ranger la cuisine et sort dans son cher jardin. Il veut de toutes ses forces lutter pour rester jusqu’au bout dans sa maison. Il ne veut à aucun prix de ces résidences pour séniors aux noms trop séduisants : les Hespérides ou Beausoleil… Se retrouver parmi de vieux moutons recueillis, souvent bigots, dans ces maisons sinistres, un cauchemar qui le hante. Le lilas blanc qu’il a eu tant de mal à apprivoiser embaume. Il lui en a fallu de la patience pour trouver l’endroit où il accepterait de pousser, il l’a changé trois fois de place. Bizarre comme les plantes sont parfois capricieuses, elles aussi. Il s’installe sur le charpoy qu’il a trouvé il y a longtemps chez un marchand d’antiquités indiennes en Bretagne. Mariette l’a sorti et installé sous le saule pleureur. Il est à peine allongé qu’il entend la porte de la véranda coulisser, c’est elle. Elle se dirige vers lui avec son sac à main et son trousseau de clés.
– Je rentre chez moi Papa, je t’ai fait des provisions. Je passe te voir demain.
– Et Shiki, tu ne vas pas lui dire au revoir ? Il va être déçu.
– Je lui ai préparé son goûter sur la table de la cuisine.
– Marie, qu’est-ce qui ne va pas ?
– Rien de grave, j’ai des moments de faiblesse comme tout le monde.
– N’essaie pas de me tromper avec des banalités, tu es malheureuse, pourquoi ? C’est Lise ?
– Lise ? Non !
– J’ai l’impression que vous me tenez à l’écart de quelque chose qui vous concerne toutes les deux.
– Tu te fais des films.
– Oui ! C’est normal, ça fait des années que vous me menez en bateau, en fait pour être exact c’est depuis la naissance de Shiki.
Marc s’est redressé.
– Assieds-toi un moment.
– Papa, dans quelques jours, je repars, j’ai des démarches administratives à faire.
– Tu pleures et tu ne veux pas expliquer à ton père la raison de ton chagrin ?
– J’ai passé l’âge.
– C’est une façon inélégante de me renvoyer au mien.
– Mais non ! Un truc de bonne femme, tu sais bien, hormonal et bizarre, complètement ridicule. Oublie !
– Je vois, tu fais l’anguille, je vais rester discret et inquiet comme d’habitude.
– À demain Papa.
Il la regarde partir, appuyé sur un coude, perplexe et troublé.
Chapitre 2
– Beurk ! Pourquoi tu lui fais ça ?
– C’est grave dégueu, mais j’aime bien.
– Il t’a rien fait cet escargot ! Peut-être qu’il a peur ! Arrête, tu lui fais mal.
– T’es pas normal, qu’est-ce que ça peut bien faire de toute façon.
– Pose-le je te dis !
– Hé Shiki chiqué, tu es pire qu’une meuf !
Shiki reprend sa trottinette et s’éloigne à toute allure. Quand il sait qu’il est hors de vue, il s’arrête et vomit tout son déjeuner. Il a les yeux et le nez qui coulent, il s’essuie avec la manche de son sweat et repart vers la maison. Il s’écroule au pied du charpoy où son grand-père dort encore en poussant de lourds soupirs, il chasse l’air de ses poumons avec un bruit singulier. Ça siffle, ça gronde on dirait qu’un bouchon empêche que ça sorte. Shiki n’est pas rassuré. Il vient de voir l’escargot mourir petit à petit entre les mains d’Enzo. Il a compris la mort en entendant son père parler de Papélou, il a dit :
– Il a eu comme un hoquet et a rendu son dernier souffle. Mon père