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Haine Secrete
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Livre électronique278 pages4 heures

Haine Secrete

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À propos de ce livre électronique

Deux paisibles parents Africains dcouvrent lhomosexualit de quatre de leurs cinq enfants de la pire manire. Une bourrasque indite et dvastatrice dan leur contexte social qui pulvrise tout sur son passage et laisse Jean-Nol, leur fils cadet imprgn dune haine inqualifiable. Pour ce garon d peine vingt ans, les responsables de sa tragdie familiale ne sauraient tre que les mdias.
Il pense avoir vaincu les sentiments qui empoisonnent son existence lorsquun reprsentant suprme de la catgorie professionnelle dteste croise sa route : Jean Nol est devenu guide dans une rserve naturelle de renom, et Rocky Butten, clbre cinaste Hollywoodien, voyage en Afrique pour la premire fois de sa vie, prtendument pour des vacances.
HAINE SECRETE est lhistoire dun phnomne qui apparat comme tant universel tout en rvlant combien la pression sociale, combine avec une certaine perception des valeurs traditionnelles, sont susceptibles de conduire un jeune homme lextrme.
De la saga de Jean-Nol rsulte un autre constat, tout aussi universel : quels que soient le sujet ou lendroit dans le monde le psychisme humain est influenable, fluctuant, absolument incontrlable ; juste un lectron libre.
LangueFrançais
ÉditeurAuthorHouse
Date de sortie13 févr. 2015
ISBN9781496966698
Haine Secrete
Auteur

J. Mairy Dietch

J. Mairy Dietch’ studied literature and graduated from Yaoundé University with a bachelor’s degree in private law. She always loved writing, but life contingencies delayed the actual expression of her passion. She currently lives in Alexandria, Virginia, with her two children, while accompanying her husband around the world in his missions as a consultant in the oil industry. J. Mairy Dietch’ speaks English, French, and Spanish.

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    Aperçu du livre

    Haine Secrete - J. Mairy Dietch

    AuthorHouse™

    1663 Liberty Drive

    Bloomington, IN 47403

    www.authorhouse.com

    Phone: 1 (800) 839-8640

    © 2015 J. Mairy Dietch’. All rights reserved.

    No part of this book may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted by any means without the written permission of the author.

    Published by AuthorHouse 03/20/2015

    ISBN: 978-1-4969-6668-1 (sc)

    ISBN: 978-1-4969-6669-8 (e)

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    Contents

    Chapitre I

    Chapitre II

    Chapitre III

    Chapitre IV

    Chapitre V

    Chapitre VI

    Chapitre VII

    Chapitre VIII

    Chapitre IX

    Chapitre X

    Chapitre XI

    Chapitre XII

    Chapitre XIII

    Chapitre XIV

    Chapitre XV

    Chapitre XVI

    Chapitre XVII

    Chapitre I

    Dans l’avion qui l’emmenait en Afrique, Rocky Butten se détendit. Il venait d’achever son plateau repas et se réjouissait des vacances qu’il allait s’offrir dans une réserve naturelle située au cœur de la forêt équatoriale. A l’issue des longs mois qu’il avait consacrés à la rédaction du scénario et au tournage de son dernier film, il ne doutait pas que cette destination lui procurerait un cadre idéal pour le repos auquel il aspirait. Cela le changerait de la frénésie de la ville de Los Angeles, où depuis plus de vingt ans, il écrivait des best-sellers ainsi que de magnifiques scénarios destinés au cinéma. Il réalisait personnellement beaucoup d’entre eux, et il lui arrivait parfois de jouer à l’acteur.

    Rocky avait quarante cinq ans. De haute stature, il était doté d’une carrure d’athlète. Ses grands yeux, anormalement écartés l’un de l’autre, semblaient rétrécis aux extrémités. Aussi bleus que ses cheveux étaient noirs, ceux-ci illuminaient un visage à mi-chemin entre le triangle inversé et le diamant hexagonal. Tout en étant un bel homme, le caractère atypique de ses traits ne manquait pas de troubler.

    Le célibat dans lequel il vivait ne lui pesait pas. Sa carrière occupait tout son temps; par conséquent, il aurait été bien incapable de prendre soin d’une épouse et d’enfants. Lorsqu’il ne passait pas des journées entières à écrire, il parcourait les plateaux de tournage à travers le monde, mais pour autant, il n’avait jamais mis les pieds en Afrique. Il s’enthousiasmait déjà de ce qu’il allait y découvrir. Il sortit le guide qu’il s’était procuré en préparation de son voyage et commença à le feuilleter. Mais ses paupières ne tardèrent pas à s’alourdir. Il était épuisé. « Tant pis, se dit-il, je verrai tout une fois sur place ». Il pressa le bouton à sa droite; son fauteuil se transforma en un lit confortable. Il s’allongea, étendit sur lui la couverture en laine vierge juste retirée de son emballage et, au contact soyeux du délicat linge sur son corps, il soupira d’aise. Instantanément, il sombra dans un profond sommeil.

    Rocky ne sentit rien des fortes turbulences qui secouèrent l’appareil pendant une bonne partie du vol. Il ne vit pas non plus l’hôtesse de l’air qui, plus tôt, lui avait passé à grand-peine sa ceinture de sécurité autour de la taille. Il était si fatigué qu’il avait tout simplement oublié d’exécuter cette consigne. Lorsqu’elle revint pour le réveiller au bout des multiples annonces avertissant du proche atterrissage, il la regarda d’un air hébété:

    « Où suis-je? interrogea-t-il.

    — Dans un avion Monsieur. Nous sommes arrivés.

    — Oh, excusez-moi! Je me suis laissé aller.

    — Il n’y a pas de mal, Monsieur. Contre la fatigue on ne peut pas grand-chose. Voici votre veste. »

    Rocky saisit le vêtement que lui tendait l’employée et l’enfila promptement avant de passer ses doigts manucurés dans sa belle tignasse brune. Il se dépêcha ensuite de ranger ses affaires autour de lui.

    Dirigeant son regard vers le hublot, il découvrit un ciel clair, un paysage verdoyant, ainsi que des constructions anarchiques défilant à toute vitesse. A l’inverse des violentes secousses qui l’avaient balloté tout au long de son trajet, le Boeing 777 se posa en douceur sur la piste de l’aéroport de Donlyeu Ville. Les passagers, qui avaient cru leur dernière heure arrivée, bondirent de leur siège à peine celui-ci immobilisé. Rocky n’y comprit rien, mais céda le passage à tous ses compagnons de la cabine « Affaires », lesquels semblaient avoir le diable aux trousses. Les bonnes manières qu’il leur avait vues au début du voyage s’étaient évaporées et toute trace de la plus élémentaire des galanteries avait disparu. Ils voulaient atteindre les issues au plus vite. Incrédule, il les regarda se bousculer. Lorsqu’enfin il put sortir à son tour, il se dirigea avec flegme vers les agents de l’immigration et de la douane. Le délabrement des infrastructures dans lesquelles ces hommes et ces femmes travaillaient le choqua. Néanmoins, il fut profondément ému par les larges sourires pleins de chaleur et la gaîté contenue dans les mots de bienvenue qu’ils adressaient à chaque voyageur. Cela contrastait tant avec la morosité des lieux!

    A l’extérieur un homme l’attendait, muni d’une pancarte gravée de son nom. C’était certainement le guide que lui avait annoncé l’agence de voyage. Grand et mince, il semblait avoir la trentaine. Sa grande bouche tranchait avec la finesse de son visage, et sa peau foncée était aussi lisse que celle d’une femme. Un pendentif en bronze ornait la naissance de son torse musclé, son poignet droit était enserré dans un bracelet, lui aussi en bronze. Sa tête aux cheveux crépus se tournait avec vivacité d’un côté à l’autre: on voyait bien qu’il n’avait pas l’intention de rater la sortie de son client. Il avait l’air énergique, ce qui plut à Rocky. Ce dernier s’approcha de lui et se présenta:

    « Bonjour, je suis Rocky Butten.

    — Bonjour M. Butten. Je m’appelle Jean-Noël Ndengbe. Je serai votre guide pendant votre séjour dans mon pays, répondit le jeune homme.

    — Enchanté, Jean-Noël! Quand partons-nous pour Mampoka? s’enquit le nouveau venu.

    — Immédiatement, si vous le désirez. Nous avons encore le temps d’arriver avant la tombée de la nuit. Mais je suppose que vous êtes fatigué, après votre long voyage. Vous pouvez donc passer la nuit ici à Donlyeu Ville, notre chère capitale, et demain matin, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, nous prendrons la route à la première heure.

    — Ne vous inquiétez pas pour moi, Jean-Noël, J’ai dormi pendant tout le vol. Je préfère que nous partions maintenant.

    — Dans ce cas, allons-y, M. Butten, conclut Jean-Noël »

    Les deux hommes se dirigèrent vers le parking. Ils prirent place à bord d’un luxueux 4x4 après que Jean-Noël ait rangé les bagages de Rocky dans le coffre. Son matériel de cinéaste, commodément entreposé dans une malle rigide, en faisait partie. Si l’objectif principal de son expédition sous les tropiques était de se reposer, Rocky ne comptait cependant pas repartir sans avoir engrangé le plus grand nombre d’images possible. Il savait qu’il ne reviendrait pas de sitôt en Afrique.

    Après avoir quitté la route asphaltée menant à la sortie de l’aéroport, ils s’engagèrent sur un chemin côtier en latérite, bordé d’une végétation luxuriante. On était au mois de juillet, lequel correspondait au début de la saison des pluies dans la région. Entre les arbres, les herbes et les fleurs d’une incroyable diversité, le paysage détonnait de couleurs éclatantes. La chaleur cuisante des mois précédents avait cédé le pas à une douce fraîcheur; la moiteur, qui souvent prenait au dépourvu les gens arrivant à Donlyeu Ville pour la première fois, avait disparu; et Rocky, par la vitre baissée, s’enivrait des odeurs locales. Toutes n’étaient ni subtiles ni agréables, mais tellement nouvelles pour lui. Le poisson tout juste pêché qu’on fumait autour des cabanes au bord de l’eau, les crustacés cuisinés aux épices du pays, le parfum des espèces végétales foisonnant alentour, bref un mélange d’effluves très spéciales qui auraient pu repousser Rocky, mais dont il semblait vouloir s’approprier, à défaut de s’en délecter. Tant et si bien qu’il en oublia son chauffeur, et s’adonna tout entier à savourer paysages et senteurs.

    Jean-Noël, qui depuis un moment se demandait comment saisir l’attention de son passager, augmenta le volume de la mélodie qui s’égrenait dans l’habitacle du véhicule. De par sa longue expérience, il savait que la musique constituait un sujet imparable pour initier la conversation avec ses clients. Mais à sa grande surprise, Rocky ne réagit pas. Dépité de constater que les airs successifs du répertoire national méticuleusement sélectionnés par ses soins étaient sans effet sur son compagnon du jour, il décida d’aller le chercher là où il semblait s’être retiré:

    « Monsieur Butten, que faites-vous dans la vie? demanda-t-il de but en blanc.

    Surpris, Rocky sursauta et se tourna de mauvaise grâce vers son interlocuteur. Il était en train de s’imprégner de l’environnement qui allait être le sien au cours des semaines à venir, et n’appréciait pas d’être interrompu de cette façon. « Il manque de manières, ce guide! », s’énerva-t-il par-devers lui. Néanmoins, il répondit:

    — Pardon, Jean-Noël? Je n’ai pas entendu votre question.

    — Je vous demandais quelle était votre profession.

    — Je suis écrivain.

    — Ecrivain! Et qu’écrivez-vous encore qui n’ait jamais été écrit, cher M. Butten? Il y a des tonnes de livres de par le monde; les hommes écrivent depuis la nuit des temps. Oui, M. Butten, je me demande ce que vous pouvez bien encore écrire! » s’exclama Jean-Noël d’un air dubitatif cependant que Rocky, sans un mot de plus, reprenait le cours de sa contemplation. Il n’était pas d’humeur à bavarder, et encore moins à polémiquer.

    Intelligemment, Jean-Noël se tut. Ils roulèrent en silence jusqu’à la marina, où ils devaient emprunter une embarcation pour les conduire dans l’île sur laquelle se trouvait la réserve naturelle de Mampoka.

    La traversée d’une demi-heure se fit sans encombre. Le guide discutait avec le commandant du petit, mais très élégant bateau, cependant que Rocky continuait d’explorer les environs de ses beaux yeux bleus. La pénombre s’installait et il les plissait toujours un peu plus, comme afin de la transpercer. Il était avide de voir! Un moment plus tard, Rocky aperçut des lumières; il comprit qu’ils étaient presque arrivés.

    A peine eurent-ils accosté qu’une armada d’employés se rua vers eux. Deux jeunes gens en uniforme lui tendirent la main afin de l’aider à quitter l’embarcation. Une colonne de ravissantes demoiselles, elles aussi vêtues d’un uniforme décliné en plusieurs modèles, lui souhaitèrent chaleureusement la bienvenue avec force fleurs, colliers de coquillages et jus de noix de coco. Leur déférence était telle que Rocky eut peur de se voir transporter jusqu’à sa chambre. Même si à cause de son métier et de son aisance financière il était habitué à être servi, cet excès de prévenance le gêna.

    Il fut escorté jusqu’à son bungalow, à l’entrée duquel l’attendait une autre escouade d’hôtesses. Sans lui demander son avis, l’une le débarrassa de la cabosse de noix de coco dont il avait à peine eu le temps de goûter le jus. Deux autres le talonnèrent à l’intérieur de son logement, sans davantage se donner la peine de lui en demander la permission. Tandis que la première lui présentait les lieux dans les moindres détails, la seconde reprenait sa collègue au quart de tour si elle s’avisait d’oublier une virgule de leur laïus judicieusement révisé. Elles répétaient à l’envi des informations qu’il aurait pu lire tout seul dans l’épaisse brochure recouverte de cuir noir qui trônait sur la table, au milieu d’une panoplie de dépliants publicitaires.

    Sur ces entrefaites débarquèrent trois préposés aux bagages, dont le dernier ne portait que le sac à dos de Rocky qui lui avait littéralement été arraché des mains un instant plus tôt, et lourd d’à peine deux malheureux kilogrammes. Il se demanda pour quelle raison celui-ci n’avait pas tout simplement été accroché à la poignée de sa valise à roulettes. L’arrivée de leurs collègues mâles interrompit les « présentatrices de bungalow » dans leur exposé, qu’elles se crurent obligées de reprendre depuis le début. Rocky n’en pouvait plus, mais s’efforça de demeurer courtois. Il poussa un soupir de soulagement lorsque la caravane d’accueil s’en fut, mais redouta pendant plusieurs minutes que l’un ou l’autre ne refasse irruption dans la pièce pour une broutille oubliée. Par chance, il n’en fut rien. Il put alors procéder à sa propre exploration en toute sérénité.

    Le bungalow était composé de deux pièces aux murs désespérément blancs. Dans le séjour, une belle initiative avait été prise: une magnifique fresque animalière animait une frange du bar qui se trouvait dans un coin. Rocky pensa que cette pièce aurait été autrement plus chaleureuse si elle avait été agrémentée de quelques tons de la nature environnante. Cependant, hormis la couleur des murs, l’endroit, dans l’ensemble, lui plut. Il était entièrement équipé de meubles en rotin d’excellente facture, y compris la chambre et la salle de bain. Même les sanitaires étaient joliment encastrés dans des réceptacles alliant rotin et fins rondins.

    Rocky prit place dans un fauteuil recouvert d’une robuste toile imprimée de motifs qu’il imaginait bien d’ici: il était confortable. Son œil exercé repéra aussi l’immense rondin ciselé qui servait de table basse, sur lequel trônait l’inévitable plateau de bienvenue. Celui-ci était garni d’une bouteille de vin et d’un panier de fruits variés au milieu desquels il ne put reconnaître que les oranges; les autres lui étaient totalement inconnus. Il se pencha et les huma avec délices. Lorsqu’il releva la tête, son regard fut saisi par les entrelacs de la paille finement tressée dont le plafond était constitué, et ceci acheva de le conquérir. « C’est si beau! Authentique, et d’une surprenante originalité. » pensa-t-il.

    Néanmoins, la minute d’après, saisi par une angoisse soudaine, Rocky se surprit à se demander si cette subtilité esthétique était capable de résister aux averses diluviennes qui, selon ce qu’il s’était laissé dire, faisaient rage ici pendant la saison des pluies. Qu’adviendrait-il de son précieux équipement si, une nuit, sa chambre se retrouvait noyée sous les eaux? Mais tout aussi vite Rocky se ravisa, se disant que les architectes de ce bel ensemble hôtelier ne l’avaient certainement pas attendu pour prévoir un système d’étanchéité efficace. Il se reprocha cet assaut critique injustifié, qui était loin de le caractériser. En général, il faisait confiance.

    Après avoir pris une douche, Rocky se rendit au restaurant. Contrairement au moment de son arrivée, l’accueil y fut serein; juste une serveuse qui, sourire aux lèvres, le conduisit à sa table après l’avoir salué avec une amabilité dénuée de zèle. Il se sentit soulagé. La vaste salle était déjà bien remplie. On avait beau être en saison pluvieuse, les mois de juillet à septembre étaient les plus courus, car ils coïncidaient avec les vacances scolaires. Ainsi, beaucoup de familles en provenance d’Europe ou d’Amérique portaient leur choix sur cette réserve de grande renommée pour leur baptême de feu en terre africaine. Située au cœur de l’Afrique centrale, Mampoka était un site classé au patrimoine mondial de l’humanité.

    Malgré la large panoplie de plats à l’aspect appétissant disposés sur le buffet, Rocky se garda de se laisser tenter. Trop manger le soir l’empêchait de dormir. Il décida donc de commander un repas léger sur la carte. Il mangeait tout en observant les gens autour de lui. Il y avait nombre d’étrangers, pour la plupart fortunés, à en juger par leurs atours. Même s’ils étaient habillés de manière décontractée, la marque de leurs vêtements et leurs bijoux fournissaient des indices infaillibles en ce sens. Côtoyant des familles, il y avait beaucoup de couples qui, au vu de leurs œillades enflammées, ne pouvaient qu’être de jeunes mariés en lune de miel, ou alors des amants du bout du monde venus abriter leurs amours coupables au fin fond de la forêt équatoriale. Mais il n’y avait pas que les étrangers à se trouver dans cette situation. Tout près de Rocky, un sexagénaire ventripotent caressait les tresses de sa toute jeune dulcinée, laquelle aurait pu avoir l’âge de sa fille. Aux bribes de conversation qu’il avait pu capter, l’homme était un riche homme d’affaires, et la jolie demoiselle une étudiante. Rocky sourit. C’était toujours la même histoire depuis que la terre était terre…

    Bien qu’ayant achevé son dîner depuis longtemps, Rocky s’amusait des scènes de vie qui se déroulaient autour de lui en sirotant un breuvage-maison chaud. Appelé « Tisane Mampoka »,

    il était fait à base de citronnelle et de gingembre; la serveuse le lui avait recommandé avec une subtile insistance, à la place du conventionnel café de fin de repas. « Les serveurs sont les mêmes sous tous les cieux, admit le cinéaste par-devers lui; ils parviennent, l’air de rien, à convaincre leurs clients de faire autre chose que ce qu’ils avaient prévu. Je prends toujours un café après mon dîner! » s’exclama-t-il à sa propre intention, pas très fier de lui. C’est alors qu’il vit Jean-Noël s’approcher de sa table.

    « Bonsoir M. Butten, salua ce dernier. Pardonnez-moi de vous importuner mais je vous serais reconnaissant de me dire comment vous souhaitez passer votre journée demain, ce afin que je puisse l’organiser.

    — Vous ne me dérangez absolument pas, Jean-Noël, au contraire. Que me proposez-vous? lui répondit Rocky.

    — Eh bien, si cela ne vous ennuie pas de vous lever de bonne heure et de vous passer de petit-déjeuner, M. Butten, je vous suggérerais de faire une balade au cœur de la réserve aux aurores. Le lever du jour au milieu de la faune à peine réveillée en vaut la peine. Le cas échéant, je préparerai un casse-croûte.

    — Excellente idée, Jean-Noël! A quelle heure voulez-vous que nous partions?

    — Dès cinq heures du matin, si vous n’y voyez pas d’inconvénient. Je viendrai vous chercher à l’entrée de votre bungalow avec notre petit véhicule tout-terrain, répondit le guide.

    — C’est parfait! Je serai prêt, acquiesça le cinéaste.

    — Je n’ai plus qu’à vous souhaiter une excellente nuit, M. Butten.

    — Merci Jean-Noël. Bonne nuit à vous aussi. A demain! »

    Rocky avala sa dernière gorgée de tisane, puis regagna son logement. Il enfila son pyjama, s’empara du guide qu’il avait vainement tenté de lire dans l’avion et se glissa sous les draps. Surpris par leur fraîcheur, il frissonna. Ils n’étaient pas froids, mais glacés. De toute évidence, les deux puissants climatiseurs de sa suite avaient été mis en marche bien avant son arrivée à Mampoka. Rocky se dit que les employés de l’hôtel étaient si soucieux d’éviter toute espèce de contrariété à leur riche clientèle qu’ils en faisaient parfois trop. Il se plongea néanmoins dans sa lecture.

    Telle que décrite dans l’ouvrage, la réserve était un lieu paradisiaque. Mais l’homme décida de ne pas faire preuve d’un trop grand enthousiasme à l’avance. Dans quelques petites heures, il jugerait par lui-même si les merveilles tant vantées étaient bien réelles. « Décidément, aujourd’hui, je suis en pleine crise de méfiance », se moqua-t-il de lui-même en repensant à sa frayeur à l’idée de voir son matériel immergé sous des tonnes d’eau de pluie, supposées s’être engouffrées dans son bungalow par le joli, mais si fragile plafond de paille tressée. En souriant, il referma son livre. Bercé par le roulis tranquille de la mer, il soupira d’aise et s’endormit sur-le-champ. Cependant, il se dit vaguement que son bien-être du moment n’était pas seulement dû à la proximité de l’océan; la « Tisane Mampoka » devait y être aussi pour quelque chose, décida-t-il.

    Le matin, Rocky se réveilla sans effort, devançant même la sonnerie de son alarme. Après s’être revigoré d’une bonne douche à l’eau froide, il se prépara un café corsé, qu’il but sans se presser. Et lorsque Jean-Noël se gara devant sa porte, il entreposa son matériel de filmage à l’arrière, puis grimpa vivement dans la voiture, se dispensant d’utiliser le marchepied. Il se sentait alerte! Les deux hommes s’enfoncèrent ensuite dans la pénombre matinale, que tentaient désespérément de percer les rayons du jour.

    Chapitre II

    Phares allumés, Jean-Noël conduisait à vitesse modérée. Assis à côté de lui, Rocky fut surpris par le silence du moteur du petit 4x4. Alimenté au gazole, il se serait attendu à davantage de pétarades.

    A mesure qu’ils s’éloignaient de la plage aux abords de laquelle s’étendait le complexe hôtelier de Mampoka, la piste se rétrécissait. Les branchages pénétraient dans le véhicule par les vitres, leur chatouillant le visage. Parfois, ils se retrouvaient pataugeant dans les eaux boueuses d’un cours d’eau, ou alors esquivant un tronc d’arbre jeté en travers du chemin par le vent. Quand ceci survenait, ils s’arrêtaient, écartaient l’obstacle, puis poursuivaient leur route. Le temps était frais, les ténèbres prévalaient toujours. Ils étaient cernés d’arbres incroyablement hauts, présentant une forme étagée. Beaucoup atteignaient les 70 mètres. Rocky se sentit subitement oppressé, tant la végétation était dense. Il respira à pleins poumons; l’air était véritablement pur! Il essaya de ne plus penser à son inconfort. Soudain, il s’écria:

    « Arrêtez-vous un instant, Jean-Noël!

    Sur la cime d’un arbre, Rocky venait d’apercevoir une multitude de paires d’yeux brillants, et se demandait à quels animaux ils pouvaient bien appartenir.

    — Que se passe-t-il, M. Butten? demanda Jean-Noël.

    — Chuuuttt…! Il y a des bêtes

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