TRAVIS SCOTT rôde autour du sommet de l’immense construction en fausse pierre qui, dans quelques jours, servira de scène à sa tournée Circus Maximus. Parfois il chante, parfois il s’arrête. Au fil de ses déambulations, il visite différentes parties de la structure, qui ressemble ici à un rempart, là à une ruine antique, un peu plus loin à un astéroïde solitaire, puis à une île corallienne surgie des océans, parsemée d’une multitude de têtes rondes sculptées, de tailles et d’expressions faciales différentes. Il est saisissant de voir Scott interpréter ses chansons sans l’engagement physique absolu que l’on a identifié comme sa signature, mais, à ce stade, il n’en est pas encore question. Il semble essayer de comprendre des choses uniquement accessibles à lui, élaborer les règles d’un monde qu’il a créé. Au bout d’un moment, il descend de la scène, sort et monte dans une voiture où il demande qu’on passe un album de Radiohead (In Rainbows), puis qu’on baisse le son. Je le complimente sur la scène. Il acquiesce: “Ouais, ça te chauffe? Il faut que je peaufine un peu, mais on y arrive. C’est quelque chose de nouveau.” Je lui demande ce qu’il aimerait que les gens pensent en la voyant. “Je veux juste qu’ils se sentent bien”, répond-il. “Il ne s’agit pas vraiment de pensée, mais plutôt d’action. Vous ne venez pas ici pour penser, vous venez ici pour vous laisser aller.”
Et les têtes, d’où lui viennent-elles?
“Je crois que ce sont des idées à la Disneyland”, répond-il.
Je sens qu’il ne veut pas que je les surinterprète, mais je lui dis que je n’arrive pas à savoir si elles sont amicales ou terrifiantes. “Non, ce ne sont que de bonnes ondes”, dit-il. Puis il se ravise un peu. “Je ne sais pas, le caractère terrifiant est subjectif. Je ne voulais pas que ce soit ringard, que ça soit trop léger, voire cartoon. La vie n’est pas que lumineuse. Il y a des hauts, et il y a des bas.”
Toute personne lisant ces lignes et connaissant un tant soit peu les deux dernières années de la vie de Travis Scott acquiescera probablement, supposant volontiers qu’il devait lui-même y penser en me répondant ceci, et qu’il est également bien conscient que cela apparaîtrait comme une référence évidente. Mais, étrangement, que ce soit par pudeur ou par dissimulation, ou parce que les moyens que nous mettons en œuvre pour supporter une histoire douloureuse nous sont propres et échappent à la compréhension d’autrui, Travis Scott n’en laisse rien transparaître.
est court. Tous les trajets le sont, à Lititz, en Pennsylvanie, où il n’y a pas grand-chose autour du vaste complexe de studios assorti de son écosystème technique construit ici pour les artistes qui répètent leurs tournées. Cinq minutes après notre départ, nous nous arrêtons devant un restaurant. Scott dit à son manager qu’il voudrait s’asseoir dans la voiture un peu plus longtemps, fumer, et nous continuons