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Anamorphose: Tome 2 : Faits et causes
Anamorphose: Tome 2 : Faits et causes
Anamorphose: Tome 2 : Faits et causes
Livre électronique321 pages4 heures

Anamorphose: Tome 2 : Faits et causes

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À propos de ce livre électronique

Les parents de Laura ont été assassinés sauvagement sous ses yeux alors qu’elle n’avait que cinq ans et les meurtriers sont restés impunis. Elle a échafaudé un plan diabolique pour les venger, quinze ans plus tard, en maquillant la mort de ces brutes en règlement de compte.
Comment va-t-elle rebondir, maintenant que la tâche qu’elle s’était assignée est accomplie ? D’autant plus qu’elle est recherchée par la bande mafieuse, à laquelle appartenaient les assassins de ses parents, à qui elle a subtilisé des lingots d’or provenant d’un trafic entre l’Afrique et la Suisse.
Comme dans le premier volume, la capitaine Stéphanie Poucet et le journaliste Simon Dumoulin sont concernés par cette enquête qui se déroule à dans le Sud-Ouest de la France et en Espagne. En toile de fond de celle-ci, ils continuent à se trouver confrontés à l’éternelle recherche de la vérité sur la tragédie de l’explosion de l’usine AZF de Toulouse.
Ainsi que l’évoque le titre de cette suite romanesque Anamorphose « Œuvre dont les formes sont distordues de telle manière qu’elle ne reprenne sa configuration véritable qu’en étant regardée soit, directement, sous un angle particulier, selon le Larousse » ce nouvel opus offre aux lecteurs différents angles de lectures, imbriquant une fiction policière et des faits réels.
LangueFrançais
Date de sortie24 juin 2016
ISBN9791029005220
Anamorphose: Tome 2 : Faits et causes

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    Aperçu du livre

    Anamorphose - Yves Le Denn

    cover.jpg

    Anamorphose

    Yves Le Denn

    Anamorphose

    Tome 2

    Faits et causes

    Les Éditions Chapitre.com

    123, boulevard de Grenelle 75015 Paris

    Du même auteur

    Kathy, Société des Écrivains, 2009

    L’Homme qui devait mourir, Éditions Bénévent, 2011

    La Dame blanche, Éditions Bénévent, 2012

    D’une guerre à l’autre, les éditions Chapitre. com, 2015

    Anamorphose, tome 1, Home-Jacking, les éditions

    Chapitre.com, 2015

    © Les Éditions Chapitre.com, 2016

    ISBN : 979-10-290-0522-0

    « Ce n’est pas la fiction qui imite la réalité, mais la réalité qui imité l’art. »

    OSCAR WILDE, La critique en tant qu’artiste.

    Avis aux lecteurs

    Comme pour le premier tome, je demande au lecteur de ne pas perdre de vue que ce roman est une œuvre de fiction, et que les personnages en sont imaginaires, même s’ils s’intègrent dans des événements réels.

    L’auteur.

    Prologue

    30 juin 2009

    J’ai suivi pour le quotidien Le Soir le procès de la catastrophe d’AZF, qui s’est tenu dans une salle spécialement aménagée pour y accueillir mille plaignants et témoins. Sept magistrats ont été réquisitionnés, pour se relayer dans un procès qui a duré plusieurs mois, repoussant aux calendes grecques les affaires en cours.

    Ce déploiement matériel et humain contrastait avec l’indigence de moyens octroyée à la police et à la justice pour mener l’enquête. Je garde le souvenir de cet adjudant-chef qui s’était retrouvé seul à la tête d’une cellule de recherche dont les membres avaient été dispersés dans différentes sections. Je revois aussi le juge d’instruction se gelant dans un préfabriqué posé au milieu des lugubres décombres. Des audiences décousues ne lui ont jamais permis de suivre aucune des pistes jusqu’au bout, du fait que celles-ci aboutissaient toujours à une impasse ou sur une voie que l’enquête avait rapidement survolée, voire jamais explorée. Certains témoins se sont plaints d’avoir été entendus trop tard ou que leurs dépositions se soient égarées. Les experts ont endormi l’auditoire, ou l’ont perdu dans les méandres d’explications que seuls des scientifiques peuvent comprendre, et se sont étripés dans l’indifférence générale.

    Le dernier jour du procès, à la veille des vacances d’été, le public a applaudi le discours de clôture du président du tribunal qui se félicitait de la manière dont s’étaient tenus les débats et qui tenait à remercier « le personnel judiciaire, communal, la Croix-Rouge, les techniciens, le service d’aide aux victimes du CHU de Toulouse, les services de sécurité, les policiers… »

    On se serait cru à une distribution des prix à la fin de l’année scolaire. De la tribune réservée aux journalistes, je pouvais voir le visage crispé de mon amie Stéphanie qui contenait sa colère. Elle portait une robe en voilage rouge, au col arrondi, dégageant ses épaules bronzées de grande sportive. Cela faisait deux ans et demi que je la connaissais, mais je ressentais toujours la même attirance qu’au premier jour de notre rencontre. Nos métiers respectifs, elle dans la gendarmerie et moi dans le journalisme, nous éloignaient souvent, mais nos retrouvailles étaient toujours aussi fougueuses.

    Pendant la période du procès, j’avais refusé de m’installer chez elle, sachant que cette nouvelle épreuve allait lui rappeler la perte de son frère, comme elle devait en affecter beaucoup d’autres. Elle n’avait d’ailleurs pas beaucoup insisté. En dépit de son caractère explosif, elle demeurait secrète et pudique. Elle en savait beaucoup plus sur moi, sur ma vie passée, mes échecs sentimentaux, ma recherche permanente d’une vérité derrière laquelle j’espère trouver un certain réconfort. Elle se moquait souvent de ma naïveté et de la confiance que j’accordais aux autres. Elle prétendait que cette attitude était incompatible avec le cynisme nécessaire au métier de journaliste.

    Cela provenait sans doute du fait que je n’avais pas suivi une formation littéraire, mais un cursus scientifique, et que j’étais tombé dans le journalisme pendant mes études en agronomie, en publiant des articles dans la feuille de chou de l’école sur des associations humanitaires dont l’objectif était de creuser des puits et de fournir les moyens de se nourrir aux huit cents millions d’affamés de la planète.

    Après avoir quitté la tribune de presse, poussé par la foule, je me suis rapproché d’elle.

    – Pas trop déçue ? lui demandai-je.

    – Tu parles ! Avant le passage à la brosse à cirage du président, toute cette journée a tourné autour des indemnisations. J’en comprends l’intérêt pour les blessés ou les sinistrés, mais je trouve cela inconvenant pour les disparus et leurs familles, me répondit-elle en bousculant sans ménagement le flot d’une foule fatiguée qui se dirigeait vers la sortie.

    Puis, elle serra très fort mon bras et ajouta :

    – Simon, emmène-moi vite loin d’ici. J’ai l’impression d’avoir perdu mon frère une deuxième fois.

    Nous roulâmes silenciepusement, perdus dans nos pensées, jusqu’à la bastide cachée dans les coteaux des Corbières, que j’avais héritée de mon grand-père viticulteur et qui nous servait souvent de refuge. Je repensais à la conversation que j’avais eue pendant une suspension de séance avec Pierre Buzet, gendarme en retraite, dont l’épouse avait été sauvagement tuée par de mystérieux cambrioleurs qui avaient incendié leur maison. Courageusement, il avait témoigné lors du procès, à propos des fondamentalistes conduisant deux véhicules qui avaient été signalés comme suspects au peloton de gendarmerie autoroutier, dont il faisait partie à l’époque, et qui avaient été contrôlés au péage d’autoroute de Valence-d’Agen.

    – Je ne sais pas si mon témoignage a été utile, me confia-t-il, désabusé. J’ai l’impression que ce jugement s’appuie entièrement sur une enquête dont vous savez, comme moi, qu’elle a été menée depuis le début pour aboutir, comme le souhaitait le procureur de la République, à un accident industriel dans le hangar 221 de l’usine AZF.

    – J’ai toujours pensé qu’un procès équitable ne pouvait s’appuyer que sur une enquête correctement menée, répondis-je. Quand une piste est délibérément désignée au départ par le procureur comme étant la bonne, le rôle des enquêteurs disparaît au profit d’une instruction menée à charge. Toutefois, si ce procès ne disposait pas des moyens pour ébaucher un début de vérité, j’espérais qu’il permettrait au moins de souligner, pour les observateurs impartiaux, toutes les zones laissées dans l’ombre.

    Il désigna deux confrères que je venais de quitter pour le rejoindre et qui se trouvaient dans la tribune de presse.

    – Votre livre et ceux de vos collègues ont pourtant bien démontré que la version officielle ne tenait pas la route.

    Plusieurs ouvrages étaient sortis quelques mois avant le procès. Certains démontraient, preuves à l’appui, que la piste de l’attentat était plausible. Mais le procureur de la République et les personnes placées au plus haut sommet de l’État n’avaient pas voulu, dès le début, en entendre parler, afin d’éviter un quelconque lien avec la destruction, survenue dix jours plus tôt, des deux tours du World Trade Center par des avions de ligne détournés par des islamistes, ce qui avait plongé le monde entier dans la stupeur. J’avais également évoqué cette hypothèse dans mes premiers articles dans l’hebdomadaire L’exploit, mon employeur à l’époque, mais ma rencontre avec Pierre Buzet et celle de nombreux témoins – qui avaient entendu ou constaté deux explosions distinctes, vu des faisceaux lumineux géants traverser la route qui séparait l’usine de la SNPE de celle d’AZF, avant l’explosion du hangar 221, et subi des phénomènes de tétanisation pendant plusieurs secondes – m’avaient convaincu qu’une première explosion, extérieure à l’usine sinistrée, avait eu lieu.

    Depuis notre premier entretien, j’avais vu la santé de cet homme – que j’avais connu solide comme un roc – se dégrader peu à peu, sans doute en raison de la mort tragique de son épouse, mais aussi à cause d’un secret qu’il ne souhaitait garder que pour lui, ce qui ne l’avait pas empêché de m’aiguiller vers l’hypothèse d’une fuite de dérivés de l’hydrazine, survenue à l’usine de la SNPE. Ceux-ci dégageaient des odeurs de soufre et d’œuf pourri que beaucoup de voisins avaient signalées la veille. Ils auraient pu provoquer une première explosion et causer les perturbations électriques constatées par EDF sur ses transformateurs. Dans ce cas, le courant de retour aurait été à l’origine d’un arc électrique provoquant la seconde explosion, beaucoup plus importante, huit secondes plus tard.

    Comme beaucoup d’autres Toulousains, il s’était insurgé de la façon dont l’enquête avait été menée et investi à fond dans la recherche des véritables causes de la catastrophe. Toutefois, je n’avais jamais réussi à savoir ce que cherchaient dans sa maison les mystérieux cambrioleurs qui avaient assassiné son épouse en essayant de la faire parler.

    Notre hebdomadaire, ainsi que d’autres, avait été poursuivi par des plaintes, déboutées par la suite, mais mon rédacteur en chef m’avait demandé d’arrêter d’enquêter sur cette affaire et, dans les mois qui suivirent, me fit comprendre que le nouveau propriétaire du journal souhaitait que je démissionne sous la forme d’un accord transactionnel, comme ce fut le cas de tous mes collègues qui avaient participé à l’enquête.

    À défaut d’une notoriété que je ne recherche pas, mes qualités de journaliste étant reconnues, j’ai été rapidement embauché par le quotidien Le Soir pour y tenir la rubrique scientifique. Ma participation au procès dans la tribune réservée aux journalistes accrédités était due à la maladie soudaine de l’une de mes consœurs, qui avait suivi l’affaire depuis le début et jusqu’à son dernier souffle, car elle n’avait pas survécu au mal sournois qui avait eu raison de sa pugnacité. Cette courageuse femme, médecin de profession, avait toute sa vie œuvré pour faire triompher la vérité dans un scandale national de santé publique, ce qui lui avait souvent valu d’être poursuivie juridiquement par les personnes qu’elle mettait en cause. Elle avait toujours réussi à s’en sortir, mais, hélas, la maladie l’avait rattrapée.

    Dieu merci, nous ne sommes pas dans un de ces pays où les journalistes sont abattus par des hommes de main pour les faire taire, comme ce fut le cas d’une journaliste russe qui portait le même prénom qu’elle. Cependant, bien que nous vivions dans une démocratie où le droit d’expression est, paraît-il, sacré, cela n’empêche pas que des intérêts économiques ou politiques puissent prévaloir sur celui-ci.

    Comme je ne suis pas de ceux qui renoncent, avec son aide et son soutien, j’avais continué discrètement à enquêter sur le drame de Toulouse et à me rapprocher des courageux témoins, dont les déclarations n’avaient pas été entendues pendant l’enquête, et des scientifiques qui sont les seuls aujourd’hui à pouvoir travailler dans une relative indépendance.

    Ces informations m’ont permis de rédiger un ouvrage dont je fus contraint à retarder la sortie, au grand désespoir de mon éditeur, en raison de nouvelles révélations qui me contraignirent à vérifier et à recouper mes sources. À chaque fois que j’avançais, je découvrais de nouvelles interrogations, mais les personnes qui auraient pu répondre à mes questions me fuyaient.

    Tous ceux – témoins, journalistes, scientifiques – qui n’acceptent pas « la vérité, révélée dès le premier jour » ont subi des pressions, leurs maisons ont été cambriolées, ils ont reçu des insultes écrites ou verbales ; quant aux vols des ordinateurs, ils ont cessé le jour où des hackers astucieux ont réussi à les neutraliser, après avoir pris connaissance de certaines informations.

    Souvent, la réalité dépasse la fiction.

    Deux ans et demi s’étaient écoulés depuis que la persévérance de Stéphanie avait permis l’arrestation de nombreux trafiquants qui, sous le couvert de vols de voitures échangées entre Toulouse et Francfort, faisaient circuler des quantités importantes de drogue et de métaux précieux. Bien que détenu à la prison de Lannemezan, Daniel Pastel dirigeait cet important réseau avec la complicité d’anciens truands remis en liberté à la suite de clémentes décisions de justice. Cet homme dangereux et habile s’appuyait sur une mafia industrielle et financière, dont certains membres avaient été interpellés puis remis très rapidement en liberté, faute de preuves probantes. Tout ce beau monde bénéficiait d’appuis hauts placés dans les milieux internationaux politiques et bancaires. Bien malin celui qui arrivera à prouver que l’or qui avait été saisi dans les véhicules volés provenait de mines situées dans des territoires où le peuple mourait de faim.

    Non seulement la mort de son frère hante en permanence mon amie, mais elle est également troublée par l’étrange destin de Laura, cette jeune fille qui a assisté, alors qu’elle avait cinq ans, à l’exécution de ses parents par Daniel Pastel, aidé de ses complices, et qui avait passé toute sa jeunesse à échafauder, puis à mettre en œuvre, un plan diabolique pour les venger{1}.

    Au retour de sa mission, en décembre 2006, elle m’avait expliqué comment Laura s’était débarrassée de deux truands dont l’un était l’assassin de ses parents, et qu’elle avait volontairement demandé à son adjoint de ne pas divulguer la confession que la jeune fille lui avait faite au téléphone après avoir accompli sa vengeance. Elle était inquiète, car elle savait qu’une partie de l’or des trafiquants n’avait jamais été retrouvée. Selon elle, la jeune fille se serait enfuie avec ce butin, et elle se demandait comment cette gamine allait se sortir de la situation dans laquelle elle s’était mise.

    À l’époque, je lui avais répondu que son histoire me touchait également et, dès que mon ouvrage sur la catastrophe d’AZF serait terminé, je me lancerai dans une enquête à son sujet.

    Celui-ci est enfin sorti, au grand soulagement de mon éditeur, à la fin de l’année 2007 et j’ai donc pu me lancer dans la rédaction du livre que j’avais projeté d’écrire sur Laura.

    J’ai interrogé les rares témoins qui l’ont connue enfant, mais n’ai jamais pu rencontrer les parents qui l’ont recueillie après le drame. Ces derniers ont pris une retraite anticipée dans un département d’outre-mer et ont changé de nombreuses fois de résidence, comme si l’accusation d’attouchements que Laura avait proférée à l’encontre de son oncle était fondée. Ses camarades de classe, aussi bien à Paris qu’à Toulouse, l’ont décrite comme une adolescente secrète, cherchant toujours à garder ses distances, mais très en avance sur le plan des études et toujours prête à les aider. L’un de ses professeurs au lycée Chaptal l’avait même classée parmi ses élèves surdoués. Ce qui, à ses yeux, présentait autant d’avantages que d’inconvénients, surtout pour l’intéressée qui pouvait se sentir incomprise. D’autres personnes ont loué ses capacités sportives et son intérêt pour les disciplines mécaniques comme le pilotage de motos ou d’hélicoptères. C’est ainsi que j’ai appris qu’elle avait suivi des cours à Toussus-le-Noble et avait obtenu avec succès sa licence de pilote d’hélicoptères.

    Les circonstances ont fait que je n’ai jamais été en mesure de la rencontrer, pendant ces années d’enquête où je suis passé, comme une ombre fuyante, quelques heures ou quelques minutes après elle. Son comportement était celui d’une fugitive, toujours méfiante et prête à fuir. Il faut dire que je la comprends : même si elle a parfaitement maquillé la scène du crime de l’assassin de ses parents, elle l’a quand même revendiqué, et ignore que le policier à qui elle s’est confiée n’a pas parlé. Mais je pense que ce qu’elle craint le plus n’est pas la police ou la justice française, mais ceux qu’elle a bernés en s’enfuyant avec une partie des lingots d’or, objet de leur trafic.

    Si le destin de chaque individu est préalablement écrit, comme le pensent certaines personnes, celui de Laura serait-il d’être perpétuellement traquée et de devoir fuir pour survivre ?

    Stéphanie, avec qui j’ai souvent évoqué le sujet, m’a répondu qu’elle est confiante dans la détermination de la jeune fille à savoir maîtriser sa vie. Mon amie dispose, sans doute en raison de son métier, d’une aptitude à savoir jauger les capacités des individus à se sortir des avatars de la vie. Pour ma part, je suis plus sceptique, sachant que les personnes qui la traquent disposent de soutiens internationaux si importants qu’ils seront toujours capables de passer au travers des mailles du filet, quitte à sacrifier certains comparses inutiles.

    Manquant du témoignage de la principale intéressée, j’ai essayé de reconstituer son parcours hors du commun, en puisant dans mon imagination tous les éléments absents et en me plaçant dans le récit comme un personnage, prenant ainsi mes distances par rapport aux événements qui, bien qu’ancrés dans la réalité, sont les éléments d’une œuvre romanesque dont les personnages principaux sont purement imaginaires. Par contre, le lecteur trouvera en annexe les différents témoignages remis à la justice qui lui permettront de faire son opinion sur le déroulement des faits.

    On trouvera dans l’épilogue de cet ouvrage, rédigé après l’énoncé en novembre 2009 du verdict du procès de la catastrophe toulousaine, des informations que j’ai pu recueillir sur la façon dont Laura a réussi à prendre en main son destin et qui m’ont permis de terminer le récit de sa folle aventure, qui n’est sans doute que le début d’une vie que je lui souhaite longue et heureuse.

    1

    Décembre 2006

    Après la chute de l’hélicoptère qui lui avait permis de faire évader Daniel Pastel et son complice Joseph Herriot, Laura avait enfin pu mettre en œuvre la vengeance qu’elle espérait depuis sa plus tendre enfance. Non seulement elle n’avait éprouvé aucun remords, mais un grand sentiment de délivrance l’avait traversée. Elle se sentait d’autant plus sereine que la mise en scène qu’elle avait échafaudée – mettre dans les mains de Joseph Herriot l’arme qui lui avait servi à abattre Pastel, puis tuer celui-ci avec une arme dérobée à un policier – lui semblait être une happy end qui la mettait entièrement hors de cause. Le cœur léger, elle avait pris la route pour Vielha, en Catalogne, la ville la plus proche du lieu d’atterrissage de l’hélicoptère, par un petit chemin escarpé, sans sentir le froid et la fatigue.

    Qui aurait pu penser que cette petite et fragile silhouette, qui s’éloignait dans le soleil couchant, courbée sous le poids de son sac à dos, était l’auteur de ce double meurtre qui ressemblait à un règlement de compte entre deux truands ?

    Très vite, elle avait marché dans un sous-bois de chênes, par sécurité, pour éviter les recherches aériennes de l’hélicoptère qui s’était écrasé et dont elle s’était échappée, puis elle avait passé la nuit dans une baraque de bergers. Le lendemain, elle prit un copieux petit déjeuner dans un bar de la ville, où elle en profita pour faire une rapide toilette. Personne ne fit attention à elle, car elle était entourée de touristes qui se préparaient à aller skier dans la station de Baqueira. Il en fut de même quand elle monta dans le bus qui effectuait deux fois par jour la liaison avec Lleida, où elle souhaitait trouver un véhicule de location, car elle savait qu’il n’y avait aucune agence dans cette petite ville, sans doute trop proche de la frontière. Avec son anorak, dont elle avait rabattu la capuche, ses grosses chaussures de marche et son sac à dos, sa tenue était semblable à celle de tous les adeptes de la glisse.

    Pablo, le nationaliste basque qui l’avait aidée à sortir Daniel Pastel de sa prison, lui avait laissé de quoi vivre tranquillement pendant quelques mois et fourni de nouveaux papiers. À sa demande, ceux-ci avaient été établis à son véritable nom, Laura Sanchez, que son oncle avait souhaité lui faire abandonner, en lui attribuant le sien pour éviter la curiosité des journalistes après l’assassinat de ses parents. Pendant le trajet, elle se recroquevilla sur son siège et s’endormit comme une souche jusqu’à Lleida.

    Sans difficulté, elle y trouva une agence de location où elle opta pour un Toyota RAV4 qui lui permettrait de gravir sans encombre les chemins escarpés et probablement enneigés qui la mèneraient jusqu’à la chapelle abandonnée de Sant Jordi, afin de pouvoir y récupérer les emballages qu’elle avait déposés dans la crypte, quand elle s’était enfuie précipitamment avec Herriot de Toulouse. Ces derniers n’étaient pas des conditionnements ordinaires. Ils avaient servi à transporter de la drogue. Tous les truands qui les avaient manipulés pensaient qu’il s’agissait d’un alliage de plomb comme cela se faisait communément pour éviter que celle-ci ne soit identifiée par les scanners. En réalité, il s’agissait de caissettes en métaux précieux, moulées spécialement pour se glisser dans des caches sur des véhicules rapides.

    Elle dîna rapidement dans un bar à tapas et décida de prendre la route sans tarder. Le GPS de son smartphone indiquait une durée de parcours de trois heures pour atteindre la chapelle Sant Jordi. Il était une heure du matin quand elle longea la rivière du Nere, puis tourna à droite à l’endroit où on devinait la masse sombre d’anciennes ruines. Pour grimper vers la chapelle, il fallait s’engager sur la piste forestière de la Tuca. Alors que dans la vallée, la route était sèche, en montant, la neige fit son apparition et devint de plus en plus épaisse. Par cette froide et claire nuit, le chemin de pierres se glissait entre des petits chênes tordus et des sapins pliant sous le poids de la neige. Elle bifurqua vers l’est pour ne pas s’engager dans la forêt, puis se laissa glisser jusqu’à la chapelle abandonnée. Tout y était tranquille et calme. Elle éteignit ses phares et attendit quelques minutes. La lune éclairait la voûte du portail qui perçait l’un des murs de pierres noyés dans l’ombre. Elle enfila un anorak et un bonnet, puis fouilla dans son sac pour en sortir une lampe frontale qu’elle fixa autour de sa tête. Depuis toujours, elle voyageait avec peu de choses, en ne gardant que les objets qui lui semblaient utiles. Peu d’objets avaient de l’importance pour elle, mais elle était agacée quand l’un d’entre eux lui manquait. Elle attendit d’être dans la chapelle pour allumer sa lampe. Le puissant faisceau Led de la torche se balada sur les pierres, au gré des mouvements de sa tête. Elle se dirigea directement vers la crypte voûtée et contourna l’autel vermoulu. Elle descendit trois marches humides et glissantes, poussa avec ses mains gantées une pierre tombale sous laquelle le pinceau lumineux de sa lampe accrocha l’éclat des boîtes métalliques enfouies entre des débris de bois et quelques ossements. Il lui fallut plusieurs voyages entre la crypte et sa voiture. Son cœur battait à tout rompre et à chacun d’entre eux, son soulagement s’amplifiait. Elle marqua un temps d’arrêt, assise derrière le volant, pour savourer cette étape de son plan. Mais tout n’était pas terminé : elle était détentrice d’une petite fortune, mais était-elle certaine de pouvoir en négocier la vente ?

    Il était convenu qu’elle devait rejoindre Sam à Barcelone d’où il se chargerait d’acheminer les emballages vers une fonderie située de l’autre côté de la Méditerranée. Il connaissait bien la composition de cet alliage, car il l’avait lui-même coulé dans des moules adaptés. Ce travail délicat avait été effectué dans une usine dont les commanditaires de l’opération étaient actionnaires dans les différents trafics.

    Depuis l’opération commando montée pour délivrer Pastel, elle n’avait pas cherché à le joindre. Mais il devait être informé par les journaux de son évasion, puis de son assassinat. Il savait donc que la première partie du plan s’était parfaitement déroulée. Mais à présent qu’elle disposait de la précieuse marchandise, elle se posait des questions sur la poursuite de celui-ci.

    Que savait-elle sur Ahmed Samin que tous

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