Noémie et Maxime en Irlande, Le Connemara
Par Suzie Pelletier
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À propos de ce livre électronique
La situation se complique quand, voulant photographier un lever de soleil, Maxime tombe sur une scène qui l'étonne. Il décide de l'enregistrer sur son cellulaire. Capturé par des pirates modernes, il n'aura malheureusement pas le temps de montrer le cliché à des adultes. Un bâillon sur la bouche et une cagoule sur la tête, les pieds et les poings liés, il es cavalièrement jeté dans le coffre d'une voiture.
Maxime s'en sortira-t-il ? Noémie et le petit Dermot réussiront-ils à lui venir en aide ?
Suzie Pelletier
Native de Sherbrooke, Suzie Pelletier habite Kirkland, dans l’ouest de l’île de Montréal, depuis plus de 25 ans. Elle écrit des nouvelles depuis l'adolescence. Elle est également une conférencière inspirée, une animatrice scolaire d'expérience et un coach en écriture.
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Avis sur Noémie et Maxime en Irlande, Le Connemara
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Aperçu du livre
Noémie et Maxime en Irlande, Le Connemara - Suzie Pelletier
www.editionsdudefi-sp.ca
Chapitre 1
Route N-17, Sligo, 28 juillet
Isabelle tourne la tête vers la gauche pour regarder par la vitre de la Ford Focus. Elle admire un moment la forêt verte qui défile à quelques mètres d’elle seulement. Encore une fois, l’effet la surprend. Visiter l’Irlande apporte son lot d’apprentissages! Par exemple, les voitures circulent à gauche et la place du chauffeur se situe à la droite du véhicule. Elle jette un coup d’œil à son conjoint qui manœuvre l’automobile et elle sourit. Isabelle s’est habituée à cette différence avec l’Amérique en quelques minutes, mais Simon se bat encore avec le concept, même après un mois à parcourir les routes d’Irlande. Tout de même, elle est reconnaissante qu’il ait accepté de conduire aujourd’hui. Elle a vraiment besoin de se reposer.
L’architecte ferme les yeux et inspire profondément. Les derniers jours l’ont épuisée. Les heures à visiter des usines de fabrication et des sites de construction écologique se sont rapidement accumulées. En plus, elle a participé à trois rencontres avec des professionnels spécialisés dans l’utilisation des énergies vertes. Les débats l’ont enthousiasmée, mais le temps passé ensuite à discuter l’a éreintée. Il lui reste encore à évaluer la valeur de ces informations en fonction de ses objectifs de recherche et à concilier le tout sous forme de rapport. Jusqu’à présent, elle est satisfaite. C’est ce qui compte. Ça confirme la validité de ce projet d’un an qui l’amène à travailler avec des spécialistes partout en Europe. Elle reviendra au Québec avec de nouvelles idées, des connaissances particulières et des liens précieux avec le monde universitaire européen et les industries innovatrices.
Un coup de pied à l’arrière de son siège la sort de sa bulle. Elle ouvre les yeux et fronce les sourcils. Elle devrait pouvoir profiter de quelques jours de vacances avec sa famille pour relaxer. Pourtant…
D’où vient ce vent de chicane qui a envahi l’habitacle depuis leur départ ce matin? Isabelle tente de rester calme, d’oublier les claquements de langue de Maxime et les gigotements de Noémie. Elle se concentre sur les habitations qu’elle aperçoit le long de la route, entre deux bouts de campagne. Finalement, elle revoit dans sa tête l’horaire des jours précédents.
À son arrivée à Galway le 15 juillet dernier, la famille avait besoin de quelques jours de répit afin de se libérer du stress accumulé lors de son passage à l’île d’Achill. Quelle aventure incroyable! La peur a été au rendez-vous!¹ Dès que les Fournier-Turcotte se sont installés sur l’île pour leur semaine de résidence, Noémie a affirmé qu’un petit bonhomme vert l’épiait constamment. Personne ne l’a crue, bien sûr. Puis la Garda, la police irlandaise, a enquêté sur des vols survenus au village. Cette fois, la population de Keel a accusé les adolescents! Malgré sa peur, la rebelle a tenté de trouver le leprechaun qui l’embêtait. C’est ainsi que Noémie et son frère, qui l’avait suivie, ont été emprisonnés dans une grotte par la marée montante. Enfin libérés des flots, les jumeaux ont retrouvé leur père fou d’inquiétude, pour finalement se faire arrêter par la Garda. «Heureusement que ça s’est bien terminé», songe Isabelle. L’aide de Patricia, sa collègue, et de son conjoint David a contribué à résoudre l’intrigue.
Ainsi, deux jours dans un hôtel de Galway, à profiter de la piscine et de quelques escapades dans la capitale du comté, les ont remis d’aplomb. Puis ils ont pris la route pour explorer quelques sites touristiques situés un peu plus au sud.
Isabelle a particulièrement aimé la visite de deux jours sur Inis Mór, la plus grande île de l’archipel d’Aran posté à l’entrée de la baie de Galway. La balade en bateau entre Rossaveal, dans la région du Connemara, et l’archipel, l’a revigorée. L’air frais du large lui a fait un bien immense. La charmante maison d’hôte construite au XVIIe siècle l’a tout simplement captivée. Isabelle prend plaisir à l’atmosphère de ces gîtes du passant, quand l’odeur du café, des œufs et du bacon la réveille le matin. Elle a aussi adoré les longues marches en compagnie de Simon, son mari, et de leurs enfants, Noémie et Maxime, pour visiter les différents sites historiques à proximité. Son endroit préféré fut l’immense Dún Aonghasa, un fort qui trône au sommet d’une paroi à pic, à cent mètres de hauteur.
De retour sur la terre principale d’Irlande, la famille s’est rendue aux falaises de Moher, au sud-ouest de Galway. Bien que le vertige l’ait dérangée lors de la randonnée sur le sentier juché à 200 mètres au-dessus des flots, Isabelle a su profiter de la promenade. D’ailleurs, le ciel complètement dégagé, d’un bleu radieux, permettait d’admirer les îles d’Aran, visitées les jours précédents.
Par la suite, les Fournier-Turcotte ont vadrouillé dans le secteur des Burrens, dans le Munster. Ils se sont amusés à imaginer la vie des Irlandais à l’époque médiévale quand les chefs de clan contrôlaient encore ce secteur. Elle sourit au souvenir de la belle conversation qui a suivi entre les jumeaux et Simon, le professeur d’histoire, alors que les Fournier-Turcotte examinaient les environs du dolmen de Poulnabrone.
— Papa, d’où viennent toutes ces crevasses sur le sol? a demandé Maxime.
— Ah! s’est exclamé son père en se frottant les mains, heureux de connaître la réponse. Nous nous trouvons sur un plateau calcaire qui a travaillé sous l’effet du gel et du dégel ainsi que de l’érosion. Il s’effrite comme ça depuis 350 millions d’années. À certains endroits, la couche de calcite fait 780 mètres de profondeur.
— C’est aride, a ajouté Noémie. Les arbres sont peu nombreux, et ils sont plutôt rabougris là où la nature leur permet de pousser. Les plantes se cachent dans les crevasses, sans doute à l’abri des tempêtes.
— Tu as raison, ma chouette. Si tu regardes vers l’horizon, tu remarqueras que rien n’empêche le vent de circuler sur ce plateau. D’ailleurs, nous portons tous un manteau léger pour nous protéger des bourrasques qui font voler la poussière. On peut facilement imaginer l’effet dévastateur des rafales lors des jours de gros grains. Elles arrachent tout sur leur passage.
— Est-ce pour ça que les Irlandais ont choisi cet endroit désertique pour les procès? a demandé Maxime. Les accusés ne peuvent pas se sauver bien loin avant qu’on les rattrape.
— Peut-être, a répondu Simon. Pourtant, un grand décorum entourait ces évènements au Moyen Âge. Le dolmen de Poulnabrone est une infrastructure probablement fabriquée par l’homme préhistorique. Il a toujours servi de point de ralliement pour toute la région. Le roi, le chef de clan ou un visiteur montait sur la roche plate qui surplombe le paysage environnant afin de s’adresser à la foule. Il est sans doute devenu naturel de l’utiliser pour les affaires d’État, comme les procès. De tout temps, jusqu’au milieu du XXe siècle je dirais, l’information circulait grâce aux voyageurs qui passaient d’un village à l’autre, généralement pour le commerce. Pas de twitter qui s’emballe entre le Japon et le Canada ou de Facebook colporteur! Juste des gens qui se parlent.
— Donc, on ne procédait pas seulement aux jugements ici, a conclu Noémie, l’endroit servait aussi de salle municipale.
— Quelle belle analogie! a acquiescé Simon en tapant dans ses mains.
Isabelle aime cette curiosité chez les jumeaux. À quatorze ans, tout les intéresse. Leurs yeux brillent devant de nouveaux faits ou des expériences différentes. Elle est si fière d’eux. L’apprentissage demeure une constante au cœur de leur vie.
Quelques jours plus tard, alors qu’ils roulaient vers le nord, en direction de Letterkenny, ils ont ri en essayant de mémoriser les paroles de Molly Malone, la chanson thème de la ville de Dublin.
In Dublin’s fair city,
where the girls are so pretty,
I first set my eyes on sweet Molly Malone,
As she wheeled her wheel-barrow,
Through streets broad and narrow,
Crying, «Cockles and mussels, alive, alive, oh!»
«Alive, alive, oh,
Alive, alive, oh»,
Crying «Cockles and mussels, alive, alive, oh».
She was a fishmonger,
And sure ‘twas no wonder,
For so were her father and mother before,
And they each wheeled their barrow,
Through streets broad and narrow,
Crying, «Cockles and mussels, alive, alive, oh!»
She died of a fever,
And no one could save her,
And that was the end of sweet Molly Malone.
Now her ghost wheels her barrow,
Through streets broad and narrow,
Crying, «Cockles and mussels, alive, alive, oh!»
Puis ils l’ont appris en gaélique en écoutant un enregistrement déniché par Maxime sur Internet. Ne maîtrisant aucunement ce langage très différent du français et de l’anglais, leurs efforts ont déclenché de nombreux éclats de rire dans l’habitacle.
Alors? Qu’est-ce qui a changé depuis cette journée mémorable pour que le voyage en sens inverse, de Letterkenny à Galway, devienne infernal?
1.
Pelletier
, Suzie. Noémie et Maxime en Irlande, l’île d’Achill, Éditions du Défi, Kirkland, 2018.
Chapitre 2
Route N17, sud de Sligo, 28 juillet
Isabelle observe Simon un moment. Tenant solidement le volant de ses deux mains, il se concentre. Lorsqu’une claque de Noémie sur le bras de son frère lui arrache un grognement, le chauffeur fronce les sourcils. Cependant, la femme doute que ce soit en raison de la route bien aménagée. Le comportement des jumeaux le dérange, lui aussi. Plus patient qu’elle, il tolère mieux la discorde qui s’est installée dès le matin entre Noémie et Maxime, sans motif apparent.
Pour oublier sa frustration devant l’attitude des adolescents, la mère retourne à sa réflexion. Elle se remémore l’étonnante conversation qu’elle a eue en décembre dernier avec le directeur de l’École d’architecture de l’Université Laval. On lui proposait d’explorer l’utilisation, par les spécialistes européens, des différentes technologies vertes en construction de bâtiments. Heureuse qu’on pense à elle, dynamisée par l’idée même de ce voyage, elle a jonglé durant des mois entre son intérêt marqué pour ce type de recherche et sa volonté de rester proche de son mari et de ses enfants.
Elle s’apprêtait à refuser quand Simon lui a offert la solution idéale. Le professeur en histoire du cégep André-Laurendeau a pris un congé sans solde d’une année pour que la famille accompagne Isabelle en Europe. Ainsi, Simon enseignera aux jumeaux, qui commenceront leur troisième année du secondaire en septembre prochain.
Noémie, qui gère plus difficilement les changements, a résisté quelque temps à ce périple qui l’empêchera de voir ses copains de classe durant toute une année. Elle a fini par accepter, malgré l’adaptation presque continue que ce voyage exigera d’elle. D’ailleurs, depuis leur départ, elle clavarde aussi souvent qu’elle le peut avec son amie Mathilde, qui lui donne toutes les nouvelles du Québec. Ça l’aide à réduire l’effet de la distance. Quant à Maxime, il a accueilli tous ces changements comme un pro, y compris le fait que son père deviendra son enseignant au cours de l’année scolaire. Il échange régulièrement des photos avec son ami Léopold, resté au Québec.
Un claquement de langue sort Isabelle de sa bulle. Elle tourne la tête vers Noémie et Maxime, qui s’observent comme chien et chat. Du coin de l’œil, elle voit Simon lever les yeux au ciel. Elle regarde sa montre. Encore une heure et demie avant d’atteindre Galway, leur destination. Ça va devenir très pénible!
Pourtant, Isabelle garde de bons souvenirs de leur passage, ces derniers jours, à Letterkenny, une ville située dans le comté de Donegal, dans le nord-ouest de l’Irlande. Elle a admiré ce pays de montagnes et de routes tortueuses. Elle se rappellera longtemps cette ville dessinée sur le flanc d’une colline où l’eau de pluie dévale les rues comme si les gens d’ici avaient construit un lit d’asphalte juste pour elle.
Les enfants ont semblé apprécier la visite. Noémie, Maxime et Simon ont passé une journée complète dans le parc national de Glenveagh. Ils ont d’abord grimpé la pente abrupte du mont Errigal dont le sommet culmine à 749 mètres. De ce pic, le plus haut de la région, ils ont observé les environs sur plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde, jusqu’à la mer. Cette magnifique journée s’est terminée par une promenade à pied dans le fond d’une vallée nommée Poisoned Glen². La fierté transparaissait dans leurs yeux quand ils ont raconté leur sortie de plein air à Isabelle. Celle-ci a admiré les photos avec un pincement au cœur. Elle aurait tellement aimé participer à l’expédition. Les images de la montagne qu’ils avaient gravie quelques heures plus tôt l’ont époustouflée.
Comme s’ils n’en avaient pas eu assez, la conversation sur leur périple en plein air s’est poursuivie tard en soirée. Isabelle s’est contentée d’écouter la plupart du temps, mais sa curiosité a été piquée par un endroit au nom particulier.
— Pourquoi dit-on que cette belle région est empoisonnée? a-t-elle demandé alors qu’elle voyait un sourire s’afficher sur les trois visages.
— C’est bizarre en effet, a précisé Simon, et nous avons dû faire des recherches sur le sujet de façon plus poussée pour découvrir le pot aux roses. Les enfants, vous l’expliquez à votre mère?
Se consultant à peine, les jumeaux se sont servis de leur iPad pour écrire chacun une expression dans une fenêtre Google. Puis ils ont livré le résultat en utilisant une méthode fort connue de leurs parents, celle consistant à compléter systématiquement la réponse de l’autre.
— Nous pensons… a commencé Noémie.
— … qu’il s’agit d’une erreur de traduction, a