Noémie et Maxime en Écosse
Par Suzie Pelletier
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À propos de ce livre électronique
Dans quel danger les Fournier-Turcotte ont-ils mis les pieds ? Le vieil homme est-il une menace ? Ou est-il là pour les aider ?
Suzie Pelletier
Native de Sherbrooke, Suzie Pelletier habite Kirkland, dans l’ouest de l’île de Montréal, depuis plus de 25 ans. Elle écrit des nouvelles depuis l'adolescence. Elle est également une conférencière inspirée, une animatrice scolaire d'expérience et un coach en écriture.
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Avis sur Noémie et Maxime en Écosse
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Aperçu du livre
Noémie et Maxime en Écosse - Suzie Pelletier
détermination.
Chapitre 1
Inverness, 14 septembre, 9 h 30
Simon Turcotte lève les yeux de son ordinateur pour observer ses adolescents. Noémie et Maxime sont assis l’un en face de l’autre, au bout de la table de la cuisine. Le père enlève ses lunettes pour mieux porter attention aux jumeaux âgés de quatorze ans penchés sur leur travail, un devoir supplémentaire qu’il vient de leur imposer.
Il sourit. Il les trouve si beaux. Noémie a hérité de sa chevelure rousse, qu’elle garde longue, de ses taches de rousseur et de ses yeux verts. Aujourd’hui, elle s’est fait une queue de cheval. Les cheveux de Maxime quant à eux sont très courts et aussi blonds que ceux de sa mère. Son teint pâle et ses prunelles bleues viennent également d’Isabelle.
Les jumeaux soupirent et bougent de la même façon devant leur copie. Leurs gestes s’arriment presque parfaitement depuis toujours.
Simon fronce les sourcils. Aujourd’hui, ils lui en ont fait voir de toutes les couleurs. Il y a quelques minutes, ils l’ont traité de «kelpie»! Ici, à Inverness, on entend souvent parler de cette créature métamorphique. Elle est parfois décrite comme une fée, mais on la soupçonne surtout d’être maléfique. Sur le coup, l’insulte l’a déçu. Simon n’agit pas de manière malicieuse.
Historien de profession, il s’intéresse évidemment aux légendes des pays qu’il explore. Pendant les préparatifs de leur voyage d’une année en Europe, il a longuement discuté du monstre du loch Ness avec ses enfants. Décrit comme un énorme serpent des mers ou un plésiosaure¹, il apparaît dans la littérature depuis le début du Moyen-Âge. On le connaît à travers le monde à cause d’un cliché en noir et blanc, truqué et plutôt flou, qu’un photographe a pris en 1933 et partagé avec de nombreux journaux au Royaume-Uni, en Europe et en Amérique.
Au village de Drumnadrochit se trouvent les ruines du château d’Urquhart, sur la grève du loch Ness, datant du XIIIe siècle. Chaque année, des milliers de touristes sont attirés par l’idée d’apercevoir la bête imaginaire, appelée familièrement «Nessie», du haut de la tour à moitié détruite par le temps. Bien sûr, les scientifiques réfutent l’existence de cette créature. La famille Fournier-Turcotte a profité de sa visite pour inventer toutes sortes d’histoires à propos de ce phénomène.
Or, dans les montagnes des Highlands, la légende du monstre du loch Ness est moins populaire que celle des kelpies. Selon les récits, ces êtres fantaisistes habiteraient surtout les rivières profondes, les fleuves, les lacs ainsi que les fjords d’Écosse. On raconte qu’ils raffolent de la chair humaine. Pour attirer leurs victimes, ils se transforment en magnifiques étalons. Quand un individu tente de monter l’un d’eux, il ne peut plus se libérer, et la créature fantastique l’entraîne dans l’eau pour le noyer.
Les jumeaux ont lu quelques articles à leur sujet avant d’arriver en Écosse, mais sans trop s’y attarder. Les mythes mettant en vedette ces bêtes maléfiques mangeurs d’humains ne les intéressaient pas vraiment.
Il y a trois semaines, leur attitude à ce sujet a changé. La petite famille se trouvait à Falkirk, une ville située en bordure de la M9. Elle s’était arrêtée tout près d’un immense espace vert nommé l’Hélix alors qu’elle voyageait entre Édimbourg et Inverness. Simon et Isabelle avaient décidé de s’installer dans une sandwicherie pour commander un repas. Aussitôt assis dans le restaurant, la serveuse s’est adressée aux jumeaux:
— Avez-vous vu nos kelpies, les enfants?
Maxime a grincé des dents. Il déteste qu’on le traite comme s’il avait dix ans. Toutefois, la curiosité l’a emporté sur l’agacement. Malgré son caractère généralement terre à terre, l’adolescent a une imagination fertile. Tous ces mythes le fascinent. Ce jour-là, il en a presque oublié de manger!
À l’entrée du parc Helix, une statue représente deux immenses têtes chevalines pour symboliser ces êtres métamorphiques.
— À notre époque moderne, les gens ne voyagent plus à cheval, a indiqué la serveuse. Alors, ces créatures maléfiques se changent maintenant en homme ou en femme pour séduire des personnes du sexe opposé afin de les entraîner dans leur royaume.
Maxime ne bougeait plus. Il était captivé par ce récit. Le propriétaire de l’établissement s’est approché pour ajouter son grain de sel. Il a placé une main sur l’épaule du garçon, puis il a ouvert tout grands ses yeux globuleux et a annoncé d’une voix tonitruante:
— Les kelpies aiment la chair tendre des enfants! Ils sont très malins et utilisent tout un tas de subterfuges pour les piéger!
— Ça va faire! Nous sommes des adolescents, pas des bébés! a lancé Noémie avec contrariété.
Sa frustration indiquait non seulement ses doutes sur la légende, mais également une certaine angoisse. Et si ces êtres maléfiques existaient pour de vrai! C’était peu probable, mais bon…
— Je me méfierais à votre place, a répliqué le restaurateur en s’éloignant. Vous semblez fort appétissants.
La discussion sur ces créatures mythiques s’est poursuivie durant le reste du trajet vers Inverness. Assis à l’arrière de la voiture, Noémie et Maxime exploraient le Web à l’aide de leurs tablettes électroniques et de leurs téléphones pour trouver des informations. Plusieurs textes indiquaient que ces bêtes maléfiques étaient responsables de disparitions et de naufrages à travers l’histoire. D’une certaine manière, les jumeaux savaient qu’ils avaient affaire à une légende inventée pour faire peur. Pourtant, depuis ce jour, ils n’arrêtent pas d’en parler comme s’il s’agissait d’une réalité.
Et là, Noémie vient de traiter son père de «kelpie». Une insulte! Simon ne regrette pas sa décision de voyager en Europe pour une année avec sa famille. Certes, les deux premiers mois, les jumeaux étaient en vacances d’été, ce qui a facilité leur quotidie n. Depuis que l’école a repris, la situation est un peu plus tendue. Simon se demande comment retrouver l’atmosphère décontractée du début de leur périple…
L’année scolaire a commencé deux semaines plus tôt. Simon, Noémie et Maxime s’ajustent lentement à leur fonction respective, celle d’enseignant de troisième secondaire pour le premier et d’étudiants pour les deux autres. Professeur d’histoire au cégep, Simon croyait se glisser aisément dans ce rôle. Mais Noémie et Maxime contestent continuellement ses méthodes, comme ce matin. Or, quand ils étaient au Québec, les jumeaux étaient des élèves modèles. S’il ne trouve pas une solution rapidement, cette année risque de devenir très pénible.
Simon sait que Noémie et Maxime en ont discuté avec leurs amis du Québec. Léopold Simionov et Mathilde Janssens les connaissent depuis la maternelle. Mathilde est également la blonde de Maxime. Les deux adolescents restés au Québec ont grondé les jumeaux. Selon eux, ces derniers ne saisissent pas la chance qu’ils ont de voyager à travers l’Europe pendant un an. Que leur père se montre un professeur un peu trop autoritaire est un moindre mal.
Simon a sursauté en entendant le mot «autoritaire». Jamais on ne l’a traité de la sorte depuis qu’il enseigne au cégep.
Il laisse échapper un long soupir. Il s’ennuie de sa femme. Isabelle saurait l’encourager et l’aider à trouver une solution. Mais elle est partie mercredi matin pour Édimbourg afin de participer à un symposium sur la protection de l’environnement dans le domaine de l’architecture. Cette activité fait partie du travail de recherche qu’elle a accepté au printemps dernier.
Quand l’Université Laval lui a proposé ce plan qui l’amènerait à voyager pendant une année en Europe, Isabelle a presque refusé. Elle ne voulait pas vivre loin de sa famille durant de longs mois. Pourtant, Simon savait que ce sujet d’actualité la captivait depuis des années. D’ailleurs, à son retour au pays, elle envisage d’intégrer ce qu’elle aura appris aux techniques canadiennes.
Simon trouvait dommage de la voir passer à côté d’une telle expérience. Il a pris un congé sabbatique d’une année pour la suivre avec Noémie et Maxime. À ce moment-là, il n’imaginait pas que faire l’école aux jumeaux serait un si grand défi. Il en a parlé à Isabelle, la veille de son départ. Ils marchaient dans les rues presque désertes du quartier résidentiel où ils habitent depuis un peu plus de trois semaines.
— Je ne comprends pas, lui a dit Isabelle après l’avoir écouté. Tu as l’habitude. Tu négocies merveilleusement bien avec eux quand il ne s’agit pas d’école. Pourquoi cherches-tu à gagner cette fois?
— Voyons donc! Je suis leur professeur. Je ne peux pas tolérer qu’ils contestent tout le temps ma façon d’enseigner, sinon, je vais perdre le contrôle.
Étonnée par l’attitude sévère de Simon, Isabelle a pris un moment pour réfléchir. Sa réponse a surpris son mari:
— J’ai confiance en toi. Tu vas trouver le moyen d’atteindre ton objectif avec ta classe de deux élèves.
Comme les jumeaux s’approchaient d’eux, leur conversation s’est arrêtée. Depuis, Simon ressasse la phrase nébuleuse de sa femme, lui cherchant encore un sens.
Simon se lève silencieusement pour éviter de déranger Noémie et Maxime, qui tentent de terminer le plus vite possible le travail qu’il leur a donné pour couper court à leurs contestations. Il marche vers la large fenêtre du salon de l’appartement loué dans le secteur sud-ouest d’Inverness. Du troisième étage de l’édifice, il regarde le parc du château Heather. Les arbustes de bruyère qui entourent le terrain herbeux sont encore en floraison à la mi-septembre. Les bouquets rose-rouge, violacés à quelques endroits, forment un tapis épais en bordure des routes partout dans les Highlands.
Même à cette distance, il note le nuage de vapeur qui monte jusqu’à un mètre au-dessus du gazon. Le sol plutôt rocailleux de cette région d’Écosse n’a pas absorbé complètement la pluie torrentielle de la veille. Ainsi, le chaud soleil de la fin de l’été fait lever l’humidité dans une brume blanche, légèrement transparente, qui s’accroche encore à la végétation.
Le thermomètre collé à la fenêtre indique que la température extérieure est de dix degrés Celsius, quatre de plus qu’à son réveil. À cette période de l’année, en Écosse, elle peut grimper jusqu’à seize degrés. Il pleut souvent, dans cette région du monde. Aujourd’hui, toutefois, Simon peut admirer le merveilleux ciel bleu où se glissent ici et là quelques nuages blancs.
Il ferme les yeux. Au cégep, il doit garder le contrôle d’une classe qui réunit parfois une trentaine d’étudiants. Sinon, il n’arriverait pas à leur enseigner quoi que ce soit. Mais cette année, son groupe ne comprend que deux élèves seulement. Ses enfants. En plus, ils sont brillants. Il sourit et sort son téléphone pour envoyer un texto à sa femme.
Simon@: Je suis là pour aider Noémie et Maxime à terminer le programme de troisième année. Pas besoin de gagner. Je dois les impliquer. Je change mon rôle de professeur pour celui de coach.
La réponse ne tarde pas:
Isabelle@: Voilà! Je savais que tu trouverais la solution!
Les mots de sa femme lui redonnent de l’énergie. Simon retrouve sa place en face de son ordinateur. Là, il constate que les jumeaux le dévisagent.
— Vous avez terminé votre texte! se réjouit-il. Bravo! Maintenant, je veux qu’on discute de quelque chose de très important.
1. Plésiosaure: animal aquatique qui a vécu à l’époque jurassique, il y a près de 200 millions d’années.
Chapitre 2
Simon, Noémie et Maxime sont assis autour de la table de la cuisine. L’ordinateur et les tablettes sont éteints. Ils ont rangé les livres d’école. Pour amadouer les jumeaux, Simon leur a offert un chocolat chaud et des galettes au gruau. Ça ne marche pas.
— Tu es trop autoritaire! reproche Noémie dès que Simon ouvre la discussion.
— En tout cas, je ne choisirai pas ton cégep. Je ne veux pas me retrouver dans ta classe, ajoute Maxime.
«Ouch!» songe Simon. Les mots des adolescents le