Eau noire avec requins: Un thriller fantastique
Par Pascal Holtzer
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À propos de ce livre électronique
Manu, un adolescent violent et asocial vit seul avec sa grand-mère. Dans un monde fantasmagorique peuplé de prédateurs qu'il croit maîtriser, il se débat avec les échos d'un traumatisme sanglant dont il ignore l'essentiel. Le monde entier est son ennemi, à l'exception de sa grand-mère qu'il vénère. Celle-ci tente de protéger son petit-fils d'un terrible secret familial qui les maintient dans une sauvagerie permanente. Malgré tout son amour et la force de son caractère, elle ne parviendra pas à éviter le pire.
Plongez dans ce thriller, et découvrez l'histoire de Manu et sa grand-mère : malgré son amour et sa force de caractère, elle ne parviendra pas à contenir la violence de son petit-fils et à éviter le pire.
EXTRAIT
La terre commence à entrer dans ma bouche, dans mes narines, j'aime bien. Je me frotte la gueule sur le sol, je creuse avec mes dents, j'avale, j'en ai dans les yeux. Je vois les requins. Ça crisse, j'y vais à pleines mottes. Une caillasse pointue m'entaille la lèvre, ça coule. Je continue de bouffer, les goûts se mélangent bien. Un jour j'ai creusé un trou et j'ai baisé la terre.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Auteur de romans noirs et de textes pour le théâtre, Pascal Holtzer est également metteur en scène et compositeur. Il dirige Unique & Compagnie depuis le début des années 90, et travaille régulièrement pour le spectacle vivant, le cinéma et la télévision.
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Aperçu du livre
Eau noire avec requins - Pascal Holtzer
Table des matières
Résumé 3
Eau noire avec requins 4
Lui 6
Elle 11
Lui 14
Elle 18
Lui 22
Elle 29
Lui 32
Elle 36
Lui/ Elle/ Lui/ Elle/ Lui/ Elle/ Lui 39
Lui 43
Elle 47
L’autre 49
Lui 51
Elle 57
Lui 60
Elle/ Lui/ Elle/ Lui... 64
Elle 69
Lui 72
L’autre 74
Elle 75
Lui 79
Elle 82
Lui 84
Elle 86
Eux 88
Lui 91
Eau noire avec requins 99
Résumé
Manu, un adolescent violent et asocial vit seul avec sa grand-mère. Dans un monde fantasmagorique peuplé de prédateurs qu'il croit maîtriser, il se débat avec les échos d'un traumatisme sanglant dont il ignore l'essentiel. Le monde entier est son ennemi, à l'exception de sa grand-mère qu'il vénère. Celle-ci tente de protéger son petit-fils d'un terrible secret familial qui les maintient dans une sauvagerie permanente. Malgré tout son amour et la force de son caractère, elle ne parviendra pas à éviter le pire.
« La terre commence à entrer dans ma bouche, dans mes narines, j'aime bien. Je me frotte la gueule sur le sol, je creuse avec mes dents, j'avale, j'en ai dans les yeux. Je vois les requins. Ça crisse, j'y vais à pleines mottes. Une caillasse pointue m'entaille la lèvre, ça coule. Je continue de bouffer, les goûts se mélangent bien. Un jour j'ai creusé un trou et j'ai baisé la terre. »
Auteur de romans noirs et de textes pour le théâtre, Pascal Holtzer est également metteur en scène et compositeur. Il dirige Unique & Compagnie depuis le début des années 90, et travaille régulièrement pour le spectacle vivant, le cinéma et la télévision.
Pascal Holtzer
Eau noire avec requins
Thriller
ISBN : 978-2-35962-78-00
Collection Rouge
ISSN : 2108-6273
Dépôt légal novembre 2015
©Ex Aequo
©2015 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays.
Toute modification interdite.
Éditions Ex Aequo
6 rue des Sybilles
88370 Plombières les bains
www.editions-exaequo.fr
Le noir est le refuge de la couleur.
Gaston Bachelard
Lui
Je m’appelle Manu. Dans Manu, il y a main et je te la fous sur la gueule. Il y a aussi nu et je te la refous sur la gueule. Maintenant que tu as dégusté mon aller-retour, je raconte. Je sais plein de trucs, des bennes à ordures pleines. J’ai pas beaucoup de printemps, mais j’ai des chiées de nuits noires et blanches, des cimetières bourrés de morts-vivants et du crachat à revendre, suffit de demander. Plus question de cracher en l’air pour que ça me retombe sur le caillou, j’en ai trop bavé, maintenant je cible. T’as tout intérêt à lire l’avis de tempête gravé sur mon front avant de t’approcher. Le connard qui veut ma peau je lui arrache la sienne et j’en fais du papier à rouler pour la saison. Ensuite je fume tranquillement, comme maintenant.
En bas, la grosse conne de voisine me reluque de travers, un gamin qui fume, quelle misère. Je descends mon futal et la regarde en souriant. Une petite brise me réjouit les bijoux, je bouge plus, c’est bon. La truie se met à gueuler et je me marre franchement. Va te. Pas par moi, faut pas rêver. Le ventilo de la colline me durcit l’outil, et hop, atterrissage sur gland, une guêpe se pose. Je laisse faire et ferme les yeux. Les bestioles, ça me connaît. Mes meilleurs potes sont des requins qui lacèrent l’eau noire. Avis de tempête avec requins. Je les suis, je les dépasse, ils me filent le train, ils savent que je trouve toujours de la bonne barbaque. On se retrouve plus tard, mes petits ailerons. Je rouvre les yeux, la demoiselle en pyjama rayé a quitté mon dard, le sien faisait pas le poids. C’est le pied, cette colline. Les bestioles viennent me voir, on cause, on se comprend. Les morts-vivants aussi pointent parfois leur face de rat, mais la colline leur fout les jetons, ils restent derrière les arbres. Peuvent toujours s’amener, je les bouffe quand je veux. Le mec de la voisine m’aboie dessus en agitant son râteau. Je te le fous dans le cul, ton râteau, et par le peigne, si tu me cherches. Ces bœufs ont pas supporté que je flambe leur grange. Ça m’a fait chier pour la laine roussie des moutons, mais fallait serrer la vis, alors j’ai serré. Un feu d’enfer de Dieu, au poil, mieux que la Saint Jean. Le bois était bien sec, c’était fastoche. Putain de flambée, chauds les marrons et tout. Me suis déguisé en bon petit gars avec un bonnet de nuit piqué à Théo et j’ai ramené ma gueule enfarinée, un seau d’eau sous le bras, pour aider. Les voisins m’auraient tué. Le pied intégral. Le râteau s’agite moins maintenant, ce con a dû sentir ma gamberge. Il sait que la prochaine fois c’est son pieu qui réchauffera le coin, poils du cul grillés, couenne fondue et zob de braise. À la niche, enflé, te sifflerai quand j’aurai envie de te voir danser.
J’ai la colline et j’ai la maison. Le reste est à vomir. C’est même pas un trou. Un trou tu peux y mettre ce que tu veux, de la merde ou du purin. Ici, tout est bouché. Un jour, je ferai tout péter et on mettra les voiles. Elle et moi. On emmènera pas Théo. Ni les morts-vivants. Ni la viande froide. De l’autre côté de la pourriture, là-bas, il y a un coin pour nous. Faut que je lui en cause. Rien qu’elle et moi.
La terre commence à entrer dans ma bouche, dans mes narines, j’aime bien. Je me frotte la gueule sur le sol, je creuse avec mes dents, j’avale, j’en ai dans les yeux. Je vois les requins. Ça crisse, j’y vais à pleines mottes. Une caillasse pointue m’entaille la lèvre, ça coule. Je continue de bouffer, les goûts se mélangent bien. Un jour j’ai creusé un trou et j’ai baisé la terre. La terre c’est bon pour tout. Pour bouffer, pour niquer, pour pioncer et même pour enterrer la merde. Mais il y en a trop, de la merde. Elle est partout maintenant. J’étouffe un peu, alors je me relève pour respirer l’air qui rafraîchit. Me ferais bien une connerie cette nuit, genre avec canif. Avis de tempête avec canif. Les requins sont pas loin, ils pourraient m’aider à déchiqueter un truc, ou quelqu’un. Pourquoi on se boufferait pas la panse pourrie d’un gros merdeux ? Un qui pue. On l’attacherait à une pale du vieux moulin écroulé, et roulez jeunesse. On se marrerait à voir chialer sa grosse, le manège enchanté, un truc de môme, quoi. Mes potes les requins choperaient un bout de viande à chaque passage du pourri dans l’eau et tout le monde applaudirait Manu et ses bestioles de la mort. Entrée gratos, frissons garantis. Vais y réfléchir. Je continue de mâcher de la terre, ça nettoie, mais ça nourrit pas, j’ai les crocs. En bas, je vois Théo qui s’active dans la cour. Je l’aime pas trop, mais j’ai rien à lui reprocher et il fait tout à la maison. Je l’espionne quand même, on sait jamais. En cas de problème, je suis le seul sur qui elle peut compter. Je la protège, c’est mon trésor. Si quelqu’un lui fait du mal, je lui arrache les couilles avec mes dents, mais je prends plus de temps qu’avec la terre. Après je lui fais un machin que j’ai vu se préparer dans la cuisine sur un rôti, je le larde. Des dizaines d’incisions au canif et remplissage des fentes avec, disons pour changer de l’ail, des clous rouillés, de l’eau de javel, des morceaux de verre pilé, des mégots allumés et pourquoi pas quand même un peu d’ail. Et après le hors-d’œuvre je passe aux choses sérieuses, vraiment sérieuses. J’ai l’imagination large. Pas touche à mon trésor. Si on lui fait misère, je saigne. T’as qu’à essayer d’avoir simplement une mauvaise pensée, rien qu’une toute petite mauvaise pensée pour elle, tu regretteras d’avoir été chié par ta mère, t’auras envie d’y retourner à fond, même par le trou du cul, mais il sera trop tard. C’est le printemps dernier que le fils du maire a failli la renverser avec sa bagnole de con. Je vais te dire, le fils du maire s’est planté en caisse une semaine après, cervelle sur le pare-brise et tripes à l’air. T’as pigé ou je te fais un dessin ? Un beau dessin rouge ? Faut dire que je ne connaissais pas encore la recette du lardage de rôti. On apprend tous les jours.
J’ai appris à peigner les cheveux de ma belle. Elle les laisse filer sur son dos comme une rivière et je tremble de plaisir. Puis je peigne lentement d’une main, de l’autre je lisse, putain que c’est doux. Presque aussi doux que sa peau. Regarde pas ou je t’encule avec la bouteille de schnaps du vieux Théo. Ce soir je prendrai mon temps. J’ai besoin de m’adoucir les nervures. Faudra d’abord que je me lave, elle voudra pas que je la peigne crasseux comme je suis. Je peux comprendre. Pour elle il faut du propre, du doux, c’est mon trésor.
Je descends pieds nus. La terre, toujours. Il fait frisquet, j’ai le poil qui se hérisse. Théo me fait signe qu’on va bientôt bouffer. Je passe à côté de la vieille baraque des chiottes en bois. Je suis le seul à y aller encore. On a fait installer une vraie cuvette derrière la cuisine, mais moi j’aime bien poser ma merde dans ce grand trou sans fond, le bruit est génial, ça me donne des idées, cette profondeur noire et puante. Il y a parfois des rats. Je leur cause de mes requins, on échange. J’en vois un gros qui file pas fier en m’apercevant. Près de la maison, ça sent la soupe. Théo mange pas avec nous, c’est comme ça. Je sais même pas s’il mange, ce mec est pas comme tout le monde. La porte est ouverte et dans le dernier rayon de soleil, mon trésor apparaît. Elle est là devant moi, la femme de ma vie. Une constellation à elle toute seule. Des yeux comme des étoiles, un regard à tomber par terre. Sur son visage, des rides dans tous les sens, des chemins, des sentiers, des pistes, des ravins, que des passages où la vie s’est baladée, pas toujours les mains dans les poches. Grand-mère. Viens là que je t’embrasse ma beauté d’amour. Elle me serre contre elle en brossant mes cheveux crottés de sa main ferme. Ses mains, c’est quelque chose. Quand elle t’en retourne une, tu t’étales comme un rien. C’est la plus forte. Je ronronne en appuyant la tête contre elle. Allez, tu peux bien exploser, planète de merde, moi je suis bien.
— Va te laver.
Avec Grand-mère, c’est jamais un mot de trop. Ceux qui clouent, ceux qui aiment, pas un de plus. Je la sens de méchante humeur. Si j’apprends qu’on la fait suer, ça va chier. Je vais vers ma chambre, me retourne et on se regarde, elle et moi. Putain de putain, qu’est-ce que j’aime ça. Ses yeux sont froids comme la lame de la faux de Théo, mais il y a un reflet pour moi sur la lame, le reflet du trésor. Ça fait un bail que je travaille ce regard-là seul face au miroir. J’en suis pas loin. Vous verrez, bande de cons. On dansera sur vos cadavres. On a déjà commencé, d’ailleurs.
Ma chambre c’est le foutoir. Grand-mère touche jamais à mon bordel, elle respecte. Le disque tourne depuis des heures, le bruit me fait penser à la pluie. Le bras est bloqué en bout de course, on dirait un serpent prisonnier qui pige pas qu’il peut pas aller plus loin. Je le libère. La rondelle reste