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L'envers des pôles: Roman psychologique
L'envers des pôles: Roman psychologique
L'envers des pôles: Roman psychologique
Livre électronique94 pages1 heure

L'envers des pôles: Roman psychologique

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À propos de ce livre électronique

Dans la peau d’une maniaco-dépressive internée

Disjoncter par défaut de disjoncteur. Le diagnostic est tombé : irréalité, déni. Se broyer la tête pour ne rien savoir. Troubles de l’humeur. Comme ceux d’un enfant adopté qui resterait à jamais entre deux mondes, entre deux hémisphères, entre deux histoires.

Dans ce texte fort, la narratrice se débat entre les murs, réels comme invisibles, que dressent les affres de la bipolarité. Elle nous fait découvrir, avec douleur, mais aussi avec humour et délicatesse, son troublant univers intérieur.

Un univers totalement innovant et déroutant

EXTRAIT

Il y a tous ces regards autour de moi qui supplient ma voix qui se mure à nouveau sous un silence sans nom, froid et lointain. Plus proche quelques fois, mais qui alors asphyxie, étouffe. Presque carcéral comme l’ombre fragile d’un murmure.

D’autres yeux aussi qui ne croisent pas les miens, et c’est tant mieux. La fuite des regards pour défroisser le mien de ses paupières mi-closes. Et ce marasme de mon corps presque immobile dans lequel j’enferme les jours et les nuits, juste mon cœur qui fait bruit et résonne. Avec l’envie de m’évaporer loin de cette femme qui ronfle, de l’autre côté du rideau, à m’en tuer la tête. J’aimerais sauter à deux pieds d’une dune de sable, me laisser glisser dans les rouleaux de vagues d’écume blanche et réentendre le rire de mes filles. Comment ça va, ce matin ?

CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE

« Le style de Nottet, tout en fourmillant de trouvailles puissantes et poétiques, gronde, s’électrise, se hache, se délite ou coule selon l’humeur de Léa. Plus encore, il porte une voix qui s’immisce en nous sans que nous puissions, ni ne voulions, l’ignorer. C’est en cela que L’Envers des pôles est une œuvre empreinte d’humanité : elle jette une passerelle vers un Autre qui nous paraît dès lors plus proche malgré sa radicale étrangeté… » Samia Hammani, Revue des Lettres belges

A PROPOS DE L’AUTEUR

Nathalie Nottet est née à Namur en 1964. Psycho-criminologue de formation, elle travaille dans le secteur de l’Aide à la jeunesse. Sa pratique de l’écriture est d’abord de nature professionnelle et clinique : pigiste pour la revue Alter Echos, rédactrice à la revue Mille Lieux Ouverts... L’Envers des pôles est son premier roman.
LangueFrançais
ÉditeurWeyrich
Date de sortie7 janv. 2016
ISBN9782874893636
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    Aperçu du livre

    L'envers des pôles - Nathalie Nottet

    Pour ma mère

    qui m’a donné de son énergie

    et le goût des livres.

    Pour ma sœur Christine

    dont mes semelles aimaient frôler ses pas.

    Pour Alma ma fille

    dont le sourire est un soleil.

    L’arbre qui tombe dans la forêt

    fait-il du bruit si personne ne l’entend ?

    Kaon zen

    Au deuxième siècle avant notre ère, Arétée de Cappadoce, médecin grec de l’Antiquité, fut le premier à utiliser le mot manie pour décrire les patients qui rient, qui chantent, dansent nuit et jour, qui se montrent en public et marchent la tête couronnée de fleurs, comme s’ils revenaient vainqueurs de quelques jeux. Il avait remarqué que, par la suite, ces gens changeaient d’humeur pour devenir languissants, tristes, taciturnes.

    Pôle Nord

    Il y a tous ces regards autour de moi qui supplient ma voix qui se mure à nouveau sous un silence sans nom, froid et lointain. Plus proche quelques fois, mais qui alors asphyxie, étouffe. Presque carcéral comme l’ombre fragile d’un murmure.

    D’autres yeux aussi qui ne croisent pas les miens, et c’est tant mieux. La fuite des regards pour défroisser le mien de ses paupières mi-closes. Et ce marasme de mon corps presque immobile dans lequel j’enferme les jours et les nuits, juste mon cœur qui fait bruit et résonne. Avec l’envie de m’évaporer loin de cette femme qui ronfle, de l’autre côté du rideau, à m’en tuer la tête. J’aimerais sauter à deux pieds d’une dune de sable, me laisser glisser dans les rouleaux de vagues d’écume blanche et réentendre le rire de mes filles. Comment ça va, ce matin ?

    Il y a que ça ne va pas et tu le sais, pourquoi cette question chaque matin depuis deux mois alors que tu en connais la réponse, alors que tu croises ma tête vide de son esprit flottant ? Même si tu en espères une autre, il y a que je ne répondrai que par un léger sourire de lèvres pâlottes, presque tremblantes. Il est 7 h 45 et j’ai déjà pris deux pilules. Mes lèvres sont bleutées comme le bleu passé des fleurs qui traînent jusqu’à l’automne naissant.

    Il y a que je suis dans l’Unité 1, appellation incongrue pour une maison aux allures hitchcockiennes abritant des corps peroxydés aux âmes disloquées. Ce bruit incessant des portes et clés qui cognent les mélancolies. Il y a ces raviers de pilules roses, jaunes et bleues comme des Smarties qui fondent dans la main d’un soleil d’été. Il y a la grande aiguille qui arpente ma tête comme un métronome martèle les secondes d’heures interminables et toujours les mêmes. Semaines aux activités toujours les mêmes. Week-ends aux heures encore plus longues, évidées. Il y a que je ne sais plus ce qui me fait du bien, je suis échouée, déportée de ma vie.

    Il y a que je n’ai pas eu le choix de venir, de revenir ici. Je suis gauchère, la mauvaise main depuis qu’Ève a cueilli la pomme, aurais-je tant péché ? Golden et sex-appeal ? Est-ce que les gauchers se lèvent du pied gauche ? Je voudrais retirer le morceau de Granny Smith coincé dans ma gorge serrée. Ça me réveillerait de ce mauvais sort. Ici la vie me confond. Je déteste le téléphone où résonnent mon silence et les clignements de mes yeux noirs.

    Il y a ce rideau blanc qui sépare nos deux vies, mais seulement des regards. Les bruits instruisent l’envers du décor, l’envers de l’autre. Je n’ai pas envie de retirer mes boules Quies. Qui est-ce ? Je ne sais plus. Ça fait plus de vingt ans qu’elles étouffent les décibels de mes nuits. Depuis Bruxelles, un kot encerclé par les trains et les trams. Juste l’envie de m’expatrier de moi. Même si j’aime Bruxelles. Bruxelles, ma belle, je te rejoins bientôt. Aussitôt que la vie me trahit et je sens que son amour aigrit. Spinoza a écrit : Si vous voulez que la vie vous sourie, apportez-lui d’abord votre bonne humeur. Ici, la bonne humeur ne vient pas, pas même en visite. Elle est juste étriquée sous des bosses et cabosses. Comme si elle avait paumé l’adresse du jour, en plus de son adresse ou de sa justesse. Normal que la vie ne sourie pas, pas même sur les visages. Un jour, j’ai calculé que, comme l’homme rêve à peu près une heure trente par nuit, en une vie, ça lui fait cinq ans à rêver. Cinq ans de vie en coulisses, de songes énigmatiques. De quoi satisfaire une horde de psychanalystes de l’inconscient collectif. À Madrid, il y a 3,1 millions d’habitants, au Caire, 7,9 millions, à Berlin, 3,3 millions… des inconscients à la tonne à scruter et des milliers de divans à râper. Des éternelles énigmes à sonder. Paul McCartney a composé des chansons entières en rêvant. Laisser choisir ses rêves.

    Il y a l’angoisse de ma mère qui se camoufle dans les galettes qu’elle m’apporte chaque semaine. Ma voisine adore les galettes. Son corps déborde de son ossature, elle mangerait tout le temps, dit-elle, mais, moi je dirais plutôt qu’elle mange tout le temps et comme le temps, ici, il n’y a que ça… Le gras protège du froid, c’est sans doute pour ça qu’elle ouvre tout le temps la fenêtre. Elle est comme Obélix qui ne cesse de clamer que quand l’appétit va, tout va. Nous sommes, elle et moi, comme deux gosses punies au fond d’une classe, on s’observe la tête en soi. Au début, elle me parlait, puis mon silence l’a contaminée. Ce n’est pas ici qu’on fracassera le mur du son. Des road movies de silences dans des paysages désertiques. Prendre la poussière interminablement. De toute façon, on ne peut pas sortir du bâtiment, ou alors entre quatre planches ou si on mange bien, dort bien, parle bien, tricote bien, cloue bien, ficelle bien. Le problème, c’est que quand ça va mieux, c’est alors, à ce moment précis, que cela va plus mal. J’ai envie d’une pomme vert pomme qui rappellerait à ma bouche sa tendre gourmandise. Faut toujours faire les choses comme si on les faisait pour la première fois, pour que la dernière n’arrive jamais. Mais celle-ci finit toujours par arriver. Même si on est de nature optimiste, le destin est plus fort que les adages. Surtout quand il s’acharne. Mais quand dort-il ? Il doit habiter Liège, la ville qui ne dort jamais. Ou New York, mais c’est beaucoup plus loin. La Big Apple gris métal. Il y aura toujours des chevaliers tristes pour se battre contre des moulins à vent. Même quand ils sont imaginaires. Un monde noir truffé de nuits blanches. Et de zones d’ombre.

    Il y a les séances d’ergothérapie du matin où l’osier croise la pâte à modeler, les clous où les fils d’Ariane s’entremêlent comme des toiles d’araignées, il y a que je ne suis plus certaine de ce prénom Ariane. Sa main vient parfois sur la mienne pour en calmer les légers tremblements.

    Il y a cette salle à traverser, celle des jeux où les vingt-deux hommes de bois ne demandent qu’à jouer et où de vieux fauteuils paressent comme suspendus sur un épais nuage de fumée. Il y a la forêt dont j’aperçois la cime vert tendre, mais il y a que je n’ai pas droit aux

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