Dans le miroir de tes yeux
Par Melina Favre
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À propos de ce livre électronique
Dès lors que Maëlys et Mia se reconnectent à elles-mêmes et décident de s’écouter, le Destin concourt à déposer sur leurs chemins des personnes attachantes, présentes au bon moment pour fournir une clé de lecture originale et résiliente des évènements qui chamboulent leur existence.
Se soutenant mutuellement dans leur transformation, Maëlys et Mia vont raviver leurs rêves, réinventer l’amour et prendre enfin leur place, tout en suivant chacune sa voie (et sa voix intérieure). Sortant de leur image lisse, routinière et politiquement correcte, les deux héroïnes deviennent alors les « meilleurs exemples de désobéissance et d’insoumission » pour leurs enfants.
Dans ce roman mêlant émotions, humour, synchronicités et amour de la Vie, le parcours des deux jeunes femmes invite à se reconnecter à soi et à reprendre les rênes de sa vie avec confiance !
A PROPOS DE L'AUTRICE
Coach, formatrice et hypnothérapeute, Melina Favre accompagne depuis 2015 les personnes hypersensibles en quête d’épanouissement, de sens et d’identité. À travers son programme FLAM’S (Fleurir Librement Avec Ma Sensibilité), elle les aide à se reconnecter à leur corps, leurs émotions et leur être profond afin de trouver leur place et d’entretenir des relations authentiques. Elle prend la plume avec passion pour continuer à vous transmettre sa vision positive.
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Avis sur Dans le miroir de tes yeux
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Aperçu du livre
Dans le miroir de tes yeux - Melina Favre
Melina Favre
Dans le miroir de tes yeux
Prologue
Le jour du choc.
Des yeux se ferment, des cœurs s’ouvrent
Maëlys Levron-Rossignol, une chambre à l’odeur de formol, dans une petite ville française
Jeudi 8 mars 2018, 13 h 55
Ce jour-là, quand j’ouvre les yeux, je suis prise d’effroi. Je me réveille tout juste d’un rêve étrange dans lequel je m’étais égarée au cœur d’une montagne sombre et brumeuse où le bruissement d’une brise se mêlait aux hululements du hibou. Je courais, haletante. Je ne parvenais pas à retrouver mon chemin dans l’obscurité. Au loin, un murmure me répétait sans cesse : « Tu t’es perdue, Maé, tu t’es oubliée sur le bas-côté… »
Encore tremblante, j’ouvre péniblement les yeux en regardant tout autour de moi. Je cligne des paupières, éblouie par un rayon de soleil qui n’arrive pourtant pas à effacer le teint blafard des murs ternes de ma chambre… ma chambre ? Non, ce n’est pas ma chambre ! J’essaie de fouiller dans ma mémoire pour comprendre. Je m’appelle Maëlys – Maé pour les intimes, 34 ans, mariée à Loris et maman d’Eva, Kilian et Flore. Mais que fais-je dans ce lit, alors que j’ai une sensation d’urgence et la profonde conviction que je dois retrouver ma petite Eva adorée ? Je me redresse précipitamment, laisse glisser mes jambes sur ma droite en direction du sol. Assise sur le rebord du lit, mes pieds se balancent dans le vide et je sens mes fesses, nues sous ma chemise à l’envers, fouler les draps froids. L’odeur lancinante de désinfectant me provoque des nausées. Mon crâne va exploser ! Je sens monter en moi une grande anxiété. Il faut que je quitte cette pièce !
Ainsi, après avoir quelque peu surestimé mon énergie, d’un bond, je saute du lit. Je sens une vive douleur à mon poignet gauche, alors que les fils qui me relient à la vie et que je n’avais pas remarqués jusqu’alors, s’arrachent. Que m’a-t-on fait ?
Prise de panique, je sors de la chambre qui vacille déjà. Je crois voir une forme sombre qui fond sur moi et je m’effondre dans une chute sans fin. Puis, le néant…
Je ne me doute alors pas une seconde que, loin d’être la fin, c’est le début d’une exploration dans les tréfonds de ma conscience.
*
Mia Bugiardo-Pécoud, l’étage au-dessous
Jeudi 8 mars 2018, 13 h 47
Ce jour-là restera à jamais gravé dans ma mémoire, lorsque toi, Maman, sur ton lit glacé, tu me transmets ces paroles d’amour, les plus belles et aussi les plus tristes, les plus vraies et les plus douloureuses, sans nul doute les plus fortes que tu ne m’aies jamais murmurées :
– Mia, mon trésor, j’ai toujours été impressionnée par cette force et cette audace qui faisaient de toi cette jeune femme à la fois affirmée… engagée et solidaire.
Tu t’arrêtes et inspires péniblement, tes yeux semblent quitter ce monde un instant, pour celui des souvenirs. À moins que la lumière céleste ne t’attire déjà à elle… Mais non, l’heure n’a pas encore sonné. Ta voix reprend avec mélancolie :
– Je comprends à cet instant que j’ai eu l’impression de vivre à travers toi, ce que je n’ai osé vivre en moi. Ton père a été aimant, c’est vrai. Mais aujourd’hui, je serais bien en peine de te dire qui je suis vraiment…
Tu pousses un profond soupir qui me laisse l’âme en lambeau, me fend le cœur en mille morceaux.
– Tes études, cet avenir professionnel prometteur… Puis ce brusque retour à la famille… Je sais, Lino et toi, dans vos débuts, avez vécu le feu d’une passion qui semble pouvoir tout guérir… mais n’est-ce pas un leurre ?
Dans ton regard, je perçois une grande tristesse mêlée à une certaine forme de révolte sourde. Je ne sais pas si tu parles de moi ou de toi, nos vies s’entremêlant comme celles de tant de femmes. Tes paroles résonnent au plus profond de mon être.
– Emma, Tigane et Rose enchantent ta vie… Quels cadeaux ! Tu es leur modèle, ne l’oublie jamais…
Tes yeux ne m’ont encore jamais fixée avec autant d’intensité, alors que tu chuchotes tes dernières paroles sensées, comme si ta voix s’éteignait. Je pense : quelqu’un tourne le bouton du volume là-haut, c’est la fin de la chanson…
– Et toi, la Mia que je connais et qui enchante mon cœur depuis 31 ans, où es-tu passée ? Quel est ton Essentiel ?
Ce n’est plus qu’un souffle de vie qui s’envole déjà vers l’Ailleurs. Tu m’as exprimé ton amour d’une manière si impactante, Maman. Merci de m’avoir fait ce don avant de t’effacer discrètement comme tu as vécu. J’effleure ta joue terne dans un dernier geste tendre. Je te rends ce que tu m’as donné.
Chapitre 1
Le jour où le Phoenix prépare sa « renait-sens »
Maëlys, confinée de chambres en pensées
De mars à mai 2018
La larme fugace qui a tracé son chemin sur ma joue abimée n’est pas née de la douleur physique, mais de la pensée que mes enfants allaient être effrayés à la vue de mon visage défiguré par ma chute sur le goudron. Et ça n’a pas manqué ! Ma petite Eva m’a dit que j’étais « moche ». Kilian était horrifié et n’osait pas m’approcher. Flore, de son côté, avait ses jolis yeux noisette qui brillaient d’inquiétude.
Après que j’ai retrouvé mes esprits, les médecins urgentistes m’ont garanti que le scanner était rassurant et que j’avais eu beaucoup de chance avec cet accident de vélo. « Rien qu’un petit
traumatisme crânien, un repos de 4-5 jours et puis c’est bon, vous pourrez reprendre vos activités. » Il fallait juste que je m’allonge et repose mon cerveau, donc pas de lecture, de télévision, ni de travail sur mon ordinateur. Sortie de l’hôpital le jour même, je suis rentrée en transports publics. « Un petit rien. »
À ma grande surprise pourtant, les blessures visibles ont guéri bien plus rapidement que les blessures profondes. J’ai dormi sept jours et autant de nuits, puis il m’a fallu pratiquement deux mois avant de pouvoir enfin ramener mes enfants à l’école. Il y a eu les vertiges, les migraines ophtalmiques et, peut-être le plus dur, cette peur sournoise de mourir, de ne plus être là pour mes enfants. Ça commençait par des palpitations, sans prévenir, je croyais que mon cœur devenait fou. Ça cognait fort et, tout à coup, une pulsation restait en suspens, comme une note sur une portée des quatre saisons de Vivaldi. Puis, je me mettais à claquer des dents et j’étais parcourue de tremblements incontrôlables, semblable à un chef d’orchestre qui aurait perdu le contrôle de ses musiciens. Mon muscle cardiaque devenait alors douloureux et j’avais encore davantage peur de mourir.
L’IRM suite à mes migraines et douleurs cardiaques n’a pourtant rien montré d’inquiétant. À l’hôpital, ils m’ont demandé de prendre des anxiolytiques, mais j’ai refusé. Je pense que les douleurs ne sont pas anodines. À vrai dire, je crois que ça me rassurait de les sentir, j’avais la sensation de garder un peu le contrôle. Je sais, ça peut paraître bizarre, mais je me disais que, comme ça, je ne passerais pas à côté des symptômes de quelque chose de grave dissimulé par des médicaments.
À plusieurs reprises, j’ai dû supplier mon médecin de prolonger mon arrêt maladie et la boîte de cosmétiques dans laquelle je gère la comptabilité commençait à trouver le temps long. Après un arrêt de 8 semaines, j’ai recommencé progressivement à travailler. Mais tout n’est pas fini. Cette angoisse viscérale me prend d’ailleurs encore de temps à autre, tel un étau qui écrase ma poitrine. Si je ne suis plus là pour mes enfants, qui saura prendre soin d’eux ?
Ces deux mois de parenthèses, ça a surtout été un temps fou en tête à tête avec moi-même, face à ma réalité, à mes peurs, à mes timides aspirations, à mes débuts de remises en question existentielles. Et ce rêve étrange refait surface de temps à autre…
« Tu t’es perdue, Maé, tu t’es oubliée sur le bas-côté… »
*
Mia, les pieds sur terre, le cœur ailleurs
De mars à mai 2018
Lino a pu s’accorder un jour de congé pour que je prépare ton ensevelissement. Par contre, il était en séminaire à Bruxelles le jour où nous t’avons recouverte de lys blancs. « Un séminaire immanquable et d’une importance vitale pour ma carrière, tu comprends ? » Et célébrer une dernière fois la vie, ce n’est pas aussi vital, semble-t-il ? Emma m’a demandé jusqu’à quand tu serais morte, en me regardant de ses grands yeux verts innocents. Tigane a gardé son chagrin pour Bidouille (son doudou extraterrestre) et Rose a beaucoup pleuré dans mes bras en regardant l’album des dernières vacances chez toi.
Voilà deux mois que tu es partie rejoindre les étoiles après m’avoir réveillée à moi-même. La tristesse reste présente, mais je ressens de plus en plus de gratitude pour ces paroles que tu as su avoir avant ton dernier souffle. C’est dans ces moments de transparence pure, lorsque les derniers filtres se sont dissipés, que les interrogations essentielles peuvent naître. Et depuis ce jour, reviennent sans cesse ces questions sur le sens de LA vie et le sens que je donne à MA vie, à notre vie de couple… Comment vivre à ses côtés, sans m’oublier en route ? Par ta vie de douce soumission silencieuse, tu m’as montré l’exemple à ne pas suivre.
Chapitre 2
Le jour où j’ai croisé tes yeux
Maëlys, une ville, où flotte un fumet de déjà-vu
Vendredi 13 juillet 2018, 19 h 12.
À la sortie de la conférence intitulée « Chemins en conscience », donnée par Véronique Fontaine, une coach belge installée dans la région depuis quelques années, je croise ton regard d’un vert profond. Je ressens immédiatement un étrange mélange d’admiration et de profonde compassion et je devine que, sous cette apparence de femme dynamique et affirmée, ce concentré d’énergie au sourire mutin entre parenthèses, cache un bien douloureux secret. C’est comme si tu étais entourée d’un halo lumineux avec deux flèches scintillantes pointées sur ta tête : je me sens attirée vers toi comme un aimant. D’ailleurs, je me demande s’il y a un rapport avec l’Amour au sens large, lorsque l’on parle d’aimant… L’obsession de te connaître me tenaille depuis le premier regard, comme si tu ne te trouvais pas sur mon chemin par hasard, peut-être même comme si je te connaissais depuis toujours. Tu sais, ce sentiment de déjà-vu. Je m’approche à pas hésitants. C’est la première fois que j’aborde une inconnue de cette manière et j’appréhende ta réaction. Je crois que j’ai un peu peur que tu ne m’envoies sur les roses.
– Heu… salut… Je m’appelle Maëlys, mais tu peux m’appeler Maé ! Comment t’as trouvé la conférence ?
– Enchantée, moi c’est Mia ! GÉ-NIAL, y a pas à dire, ça m’a beaucoup parlé et toi ? me réponds-tu, avec des yeux pétillants et un sourire engageant.
– Oui aussi, j’avais vraiment besoin d’entendre ces mots-là aujourd’hui !
Tout naturellement, nous allons boire un verre Chez Zana, ce petit café intime à l’ambiance zen discrète, qui deviendra notre cocon d’épouses épuisées, notre QG de femmes bien décidées à faire bouger les choses. Après avoir échangé nos avis et nos « Moment-Eurêka ! » – jolie formule utilisée par la conférencière – nous dévions sur nos déboires amoureux, comme si nous étions de vieilles copines. Au détour de chaque phrase, nous nous trouvons des points communs, indices morcelés d’une future complicité prometteuse. Le même nombre d’enfants et leurs âges similaires, les problèmes de couple, la lassitude et l’épuisement dans notre rôle de femmes-mères-épouses-superwomen, le manque d’épanouissement professionnel, les prises de conscience de cet état profond d’insatisfaction suite à une épreuve, le sentiment d’impuissance grandissant, l’immobilisme destructeur, les émotions cachées, enfouies et surtout, ce sentiment d’être un peu mortes à l’intérieur.
*
Mia, cette ville, théâtre de petits cadeaux et surprises
Vendredi 13 juillet 2018, 19 h 12
La pensée fugace que c’est ma mère qui t’envoie sur ma route me traverse l’esprit et je la balaie d’un léger hochement de tête imperceptible. Vite, vite, faire taire cette partie de moi qui me fait penser des choses effrayantes, comme des messages qui viennent d’un Ailleurs. Alors je t’observe. Je détaille le volume de tes cheveux noirs frisés, ta peau métissée aux délicats reflets caramel, tes rondeurs que je devine sous cette robe violette un peu trop grande et aussi cette cicatrice qui naît sur ton arcade sourcilière droite et descend jusqu’à ta joue. J’ai envie d’avancer ma main, de déposer la pointe de mes doigts sur ce sillon pour l’effleurer sur toute sa longueur, le suivre et comprendre d’où il vient. Peut-être aussi pour effacer tes blessures. Je me retiens, ça serait bizarre, je ne te connais que depuis trois minutes à peine… Mais qu’est-ce qui me prend ?
Au fil de la discussion, je pressens que tu es mon espoir de mieux me comprendre. Je me reconnais à travers tes mots. Tes questions font naître des réponses qui semblent venir du plus profond de moi sans aucun effort.
Quand nous avons terminé notre tisane Zen’d’orange, je sens à travers notre discussion un regain d’énergie surprenant : toutes les barrières dans nos vies, qui semblaient des chapes de plomb, se sont subitement transformées en imperméables rose fluo, qu’on pourrait enlever dès le premier rayon d’espoir. Nous scellons un pacte secret : J-365. Tout semble désormais possible !
Chapitre 3
Le jour où je n’ai plus pu me contenter de survivre
Maëlys, sur le pas de la porte de tous les possibles
Vendredi 13 juillet 2018, 21 h 05
Attirés par le cliquetis de la clé dans la serrure, après une galopade façon dernière course de la saison dans l’hippodrome, mes trois adorables fripouilles se jettent dans mes bras avec de retentissants cris de joie mêlés d’impatience, de curiosité et de reproche.
– Maman ! T’étais où ? me questionne Flore.
– T’as fait « cro » long ! On t’attendait pour lire l’histoire ! râle Eva.
– Maman, tu sais, Kevin m’a prêté sa toupie. Est-ce que je peux scanner le code avec ton téléphone ? s’empresse d’ajouter Kilian.
Je me sens directement submergée et la dernière once de zenitude acquise à travers la conférence et la rencontre avec Mia, s’envole comme par magie lorsque je découvre Loris sur sa chaise de bureau, qu’il a fait rouler jusqu’à la table basse pour y poser ses pieds en éventail, fixant les joyaux multicolores qui défilent sur l’écran de la tablette. Mon imagination lui rajoute un filet de bave au coin de la bouche qu’il a entrouverte. Je soupire en remarquant l’état du salon, de la salle à manger et de la cuisine et j’abandonne l’idée d’aller voir plus loin. Je me dis que ça m’apprendra à vouloir me prendre une soirée à moi ! Mes yeux lancent des éclairs qui s’écrasent silencieusement sur le dossier de la chaise à roulettes, qui fait apparemment aussi paratonnerre.
Après une histoire inventée en trois minutes chrono en main, comme seuls savent le faire les parents au bout du rouleau, je chante encore une petite chanson. Alors que je m’apprête à soupirer de soulagement, il faut encore écouter les dernières requêtes avant que Morphée n’emporte dans son monde mon valeureux bataillon fatigué. Cette fois, c’est la bonne. Ma petite pause méritée de quelques heures peut enfin débuter ! J’hésite à faire une remarque à Loris sur ma déception de retrouver l’appartement dans un tel état et les enfants encore debout à cette heure tardive, mais finalement je préfère m’éclipser dans mon lit discrètement. Je ne veux pas prendre le risque que lui aussi me demande « son histoire ». Vraiment plus d’énergie pour ça ce soir. J’ai lu dernièrement sur internet qu’une étude a révélé que les hommes hétérosexuels qui partagent les tâches ménagères plus équitablement avec leur conjointe ont une vie sexuelle plus épanouie. Tu m’étonnes !
Notre discussion n’est que partie remise. Je lui proposerai demain qu’on aille voir cette coach de vie belge qui a éveillé ma curiosité par sa conférence.
*
Mia, sur un autre pas de porte, similaire à peu de chose près
Vendredi 13 juillet 2018, 21 h 35
À mon retour, je paie gracieusement la baby-sitter qui s’est endormie devant une série policière à la télé. Lino n’est pas là. C’est bizarre qu’il ne soit pas encore rentré, alors qu’il est censé finir à 17 h 30, mais je commence à être habituée. Il a dû rester boire un verre avec des collègues. Ça ne m’agace même plus – ou presque plus. Je vais vérifier dans les chambres, remonter une couverture, entrouvrir une fenêtre, déposer délicatement une nuée de bisous. Une fois dans le salon, je repense à ce pacte, à cette promesse un peu folle qu’on s’est faite plus tôt, Maé et moi. Est-ce vraiment réaliste d’être épanouies dans un an jour pour jour ? Je me demande comment je vais bien pouvoir me débrouiller pour convaincre Lino de faire une séance de coaching de couple avec la conférencière belge. Je suis sûre qu’il aura toutes les excuses du monde : pas le temps, pas sérieux, je me suis fait monter la tête, on dirait une secte, notre vie de couple est parfaite, ou alors c’est à moi de faire des efforts, lui n’a rien à se reprocher, il rapporte déjà assez d’argent pour vivre luxueusement, qu’est-ce que je veux de plus ? Et ça tourne, tourne dans ma tête. « Ainsi font, font, font, les petites réflexions », il manque juste les « trois petits tours et puis s’en vont ». Je pense à ce que je vais lui dire, ce qu’il pourrait bien me répondre, comment le ton risque de monter. Je dévie de la réalité et imagine une bagarre entre nous. Mon mental échafaude une histoire à dormir debout, avec pour héros principal un vigoureux voisin qui s’invite en sauveur et m’emmène sur son tapis volant dans le ciel étoilé.
31 ans que je cherche le bouton OFF, sans succès.
Il se fait tard. Tout ça peut bien attendre demain. Mais quand même, une balade en tapis volant dans les étoiles, ça me tenterait bien, car « il est grand temps de rallumer les étoiles », je suis bien d’accord avec Guillaume Apollinaire…
*
Maëlys, comme le dindon de la farce sous un édredon
Samedi 14 juillet 2018, au réveil
Aujourd’hui c’est samedi, il est dix heures trente et les enfants font tranquillement la grasse matinée, comme tous les samedis. Je m’étire à la manière d’un félin et je pense à la chance que j’ai d’avoir François Vincentelli ¹ dans mon lit. Mais, en me tournant vers lui, je découvre avec stupeur un horrible monstre vert dont les pustules se mettent à exploser d’un liquide visqueux et âpre comme l’urine. Je me mets à hurler, avant d’enfin me réveiller en sursaut, haletante, nez à nez avec Kilian qui se tient face à moi.
– Maman, j’ai fait pipi au lit…
Je jette un coup d’œil furtif sur le réveil et écarquille les yeux… Cinq heures quarante-neuf. Balayage à droite. J’espère naïvement que Loris va me proposer de s’en occuper, pour une fois. Des ronflements un peu trop réguliers à mon goût me parviennent. Croyez-en mon expérience : ils sont purement simulés. « C’est de bonne guerre, à chacun son tour ! » se moque ma petite voix. Je me lève en soupirant. Un samedi matin habituel vient de débuter.
*
Mia, allongée en équilibre instable sur le rebord d’un lit trop petit
Samedi 14 juillet 2018, 6 h 13
J’ouvre les yeux et il me faut quelques secondes pour réaliser que je suis dans le lit d’Emma. Je rajuste le haut de mon pyjama, me lève sur la pointe des pieds et tire prudemment la porte derrière moi. Naïf, mon cœur balance un instant entre un retour dans ma chambre et un petit footing – c’est déjà quand la dernière fois ? Peut-être avant Pâques avec Coralie, la voisine, ça fait… deux mois et quelques… Bon d’accord. Trois mois. Je choisis une troisième option, plus raisonnable : aller préparer le petit-déjeuner, après avoir vérifié que Lino est bien dans le lit, parce que je ne l’ai pas entendu rentrer cette nuit.
Des fruits, des tartines, du lait et du jus d’orange fraîchement pressé. Ça en jette ! Les enfants se lèvent au compte-gouttes, s’installent en ronchonnant : trop de fruits, pas assez de confiture, le lait est trop chaud et la sœur a eu plus de fraises. Je me mets en mode automatique, m’imagine en train de courir au ralenti comme dans un film et croiser ce sympathique voisin qui promène son chien, celui qui nous avait invités au SEL ² régional l’été passé. Bon ok, j’avoue, c’est le même que celui du rêve-éveillé du tapis volant. Je l’imagine assis à table qui me sert un café et me regarde tendrement. Stop ! Mais ça ne va pas Mia ? Je dois vraiment avoir besoin de vacances.
Lino entre dans la pièce. Il est déjà en tenue de football. Oui, samedi matin, c’est football, « parce qu’il faut décompresser de la semaine, tu vois ». Un rapide baiser sur ma tempe, un signe de la main à la ronde et il est aussi vite parti qu’il n’était venu. Je sens quelque chose en moi se déchirer encore un peu davantage. J’essaie de me raisonner. Il fait ça chaque samedi, alors pourquoi aujourd’hui ça me rend encore un peu plus triste ?
– Papa, tu vas où ? demande Tigane.
– Il est déjà parti. Au foot, je lui réponds d’une voix lasse.
– Mais je voulais lui montrer le dessin que j’ai fait pour lui hier avec la baby-sitter ! C’est même « pô » juste…
Je prends Tigane dans mes bras et le réconforte comme je peux. C’est pourtant sur ma joue qu’une larme coule. Je l’écrase rapidement avec la manche de ma jaquette. Je console, mais je ne remplace pas.
Chapitre 4
Le jour où le soufflé est retombé
Mia, au QG des découragées
Mercredi 18 juillet 2018, 19 h 37
Après t’avoir fait la bise, je m’installe – m’écroule serait peut-être plus approprié – sur la chaise en face de toi. Tu as l’air sincèrement heureuse de me voir, malgré mon retard. Ça me réchauffe un peu le cœur, je vais pouvoir me laisser aller.
– Bonsoir Mia, ça me fait un bien fou de te voir ! Oh… ça n’a pas l’air d’aller très fort !
– Non, en effet, je n’ai pas réussi à parler à Lino, il est toujours occupé ou simplement absent… Et chez toi, comment ça s’est passé ?
Je regarde ton sourire las, tes cheveux en bataille attachés à la va-vite en un chignon lâche et je remarque que tes lèvres tremblent un peu lorsque tu me réponds :
– Oh chez moi… J’ai réussi à demander à Loris qu’on aille voir Véronique Fontaine pour un coaching de couple.
– C’est génial, non ? Tu n’as pas l’air convaincue.
– Oui, si on veut. Mais il dit que notre couple va plutôt bien et qu’il préfère qu’on se débrouille seuls comme on l’a toujours fait, sans compter que c’est pas dans notre budget, ajoutes-tu en baissant les yeux.
Tu prends le ticket de l’addition et tu le roules entre tes doigts nerveusement. Puis tu le jettes avec découragement, avant de poser tes coudes sur la table et d’appuyer ton visage sur tes poings avec un long soupir. Comme tu n’as pas l’air décidée à poursuivre, j’insiste :
– Et toi, qu’est-ce que t’en penses ?
– C’est vrai qu’on doit faire un peu attention à notre budget en prévision de l’achat d’une maison…
– Mais… ?
– Mais dans la situation actuelle de notre couple, je ne m’imagine pas rester éternellement avec lui et, dans ce cas, je ne vois pas l’intérêt d’acheter une maison. Quant à se faire aider, je ne trouve pas que ça soit honteux, au contraire. Pour moi ça devient vital.
– Donc… ?
– Donc je vais essayer de le convaincre !
– Tu vas essayer ?
Je remarque alors ton corps qui semble grandir de dix centimètres d’un coup, tes épaules qui se redressent, tes yeux qui s’illuminent d’une lueur nouvelle. C’est avec entrain que tu me réponds :
– Je vais le convaincre. Mais assez parlé de moi… Et toi ?
– Je réfléchis de plus en plus sérieusement à installer des barbelés électrifiés pour garder Lino dans la maison.
– T’as qu’à acheter des menottes – ça marche toujours, le coup des menottes – tu l’attaches le temps de lui parler.
Nous partons d’un bon éclat de rire. Quand nous sommes un peu dépitées ou fatiguées de nous battre en vain, souvent, nous sourions, nous les filles. L’avez-vous déjà remarqué ? Il y a mille sortes de sourires, dont certains cachent d’autres émotions. J’ai nommé : le sourire à toute épreuve. Ce que je pense à ce moment est un vrai gros cliché, certes, mais le rire entre copines, c’est notre foot à nous, les femmes…
*
Maëlys, entre deux portes, prête à claquer celle du passé
Mercredi 18 juillet 2018, 21 h 39
Les enfants sont couchés, je prends mon courage à deux mains et je rejoins Loris dans le salon. Seule la lumière bleue de l’écran de sa tablette où défilent des images de motos à vendre, éclaire le petit salon dont la forme asymétrique m’avait tellement séduite lors de notre première visite. J’écarte d’une main les habits à plier, les jouets oubliés et les télécommandes, puis je me laisse tomber sur le canapé avec un soupir qui sent la fin de journée. Je prends mon courage à deux mains, et je commence :
– Loris. Il faut qu’on parle.
– Mmh…
– Tu viens, il faut qu’on parle.
– Oui, oui, deux minutes…
Mon cerveau traduit « cause toujours, tu m’intéresses ».
J’attends deux minutes, je consulte mes messages sur mon téléphone. Cinq minutes passent. Je me lève et je commence à ranger la table du repas du soir, que Loris n’a pas pensé à débarrasser malgré mon absence. Une nuée de moucherons volette autour du plat de cerises coupées avec application (pour qu’Eva n’avale pas les noyaux…) et boudées avec impertinence. Je me sens épuisée et j’aimerais qu’on respecte mes efforts pour que cette maison soit un havre d’amour pour tous. La vaisselle de midi jonche encore l’évier. Je me sens accablée. J’ai envie de baisser les bras, de tourner les talons et de m’en aller. Alors je me lève, je me dirige vers Loris et j’explose :
– C’est toujours pareil avec toi ! Je dois tout faire dans cette maison, t’es toujours planté devant ta tablette ou sur ton portable.
– Mais Maé tu exagères, j’ai travaillé toute la journée, moi. J’ai besoin de décompresser !
– Ah tu sous-entends que moi je ne fiche rien de la journée, c’est ça ?
– C’est toi qui le dis. Écoute on est en bonne santé, on a un toit, des enfants, de quoi tu te plains honnêtement ?
– Des fois, je me demande franchement pourquoi je t’ai épousé !
Loris décolle enfin son regard de l’écran hypnotisant et, hagard, me fixe de ses grands yeux turquoise piqués de sang. Une veine s’agite au coin de son œil gauche, synonyme d’une fureur qui semble s’être réveillée d’une longue léthargie, telle une lionne à qui on aurait arraché sa cuisse de gazelle. Atteint dans son orgueil, tous les muscles du corps bandés à leur paroxysme, il se lève d’un bond.
– C’en est trop ! Je me casse ! hurle-t-il en se dirigeant vers le hall d’entrée.
Je sursaute en entendant le claquement de la porte de l’appartement, comme une baffe sur mon cœur. Je reste seule avec ma peine et j’éclate en sanglots. Ma petite Eva se tient à deux pas de moi, interdite. Elle s’approche à pas légers et me serre fort dans ses petits bras boudinés. Elle me tapote le dos, comme je le fais avec elle, lorsqu’elle est triste.
– Tu as un « ro » chagrin maman ? Respire, ça va aller…
*
Mia, entre deux portes, prête à ouvrir celle de la confrontation
Mercredi 18 juillet 2018, 23 h 49
En entendant la porte d’entrée cogner contre le mur, je me précipite sur Lino, qui zigzague tel un papillon nocturne près d’une lampe halogène. Une forte odeur de cigarette et d’alcool se dégage de son veston de grand couturier.
– C’est à cette heure-ci que tu rentres ? T’aurais pu me prévenir ! On n’arrive jamais à se trouver un moment les deux.
– Oh mamma mia, mais quel accueil ! Un moment les deux, ça peut s’arranger ! lance-t-il d’une voix un peu forte.
Après avoir pris le temps d’allumer la radio sur la première chaine de musique qu’il trouve – elle diffuse un concerto pour piano de Beethoven – Lino s’approche de moi avec son regard langoureux. Il doit se dire que le charme du Sud fait son effet. Un peu malgré moi, je le laisse m’embrasser passionnément. Ses mains se posent sur mes hanches dans un geste possessif qui, autrefois, me faisait me sentir unique à ses yeux. Il me susurre au creux de l’oreille que je suis à lui et qu’il me désire profondément. Il me fait alors basculer et me dépose un peu brutalement sur le carrelage froid de la cuisine. Un frisson désagréable me parcourt la colonne vertébrale et les bras. Alors qu’il m’enjambe, s’agenouille au-dessus de moi et s’apprête à écraser sa bouche avide sur la mienne, je le repousse avec une force que je ne reconnais pas, je me lève d’un bond et je m’empresse d’éteindre la radio : le piano, là, tout de suite, ça me glace !
Je veux vraiment lui parler maintenant.
– Ma ! Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?
– Je voudrais un moment tous les deux pour parler.
– J’ai trop envie de toi maintenant et je sais que toi aussi… Parler ça peut attendre, me dit-il de sa voix rauque.
Tel un félin fou, Lino me plaque contre le plan de travail, avant d’ouvrir précipitamment la fermeture de ma blouse, de dégager ma poitrine, qu’il commence à lécher avec une sorte de fureur désespérée et incontrôlable. Je lève les yeux en direction de cette petite araignée qui nous observe depuis le plafond et je me dis qu’elle doit penser que nos ébats se déroulent passionnément, comme d’habitude. Si les araignées sont sensibles à la pornographie, elle doit se frotter ses huit pattes. Me coupant de mes sensations pour mieux supporter, parce que je me dis que ça ira plus vite, je me demande si les araignées bandent. C’est con. Je crois que je suis forte, mais une larme roule pourtant sur ma joue alors qu’il explose en moi en me répétant que je lui appartiens.
Mon esprit essaie de me transmettre un message. Il me vient un flash dans lequel Lino est affublé d’un short en cuir et d’une cagoule noire à bout pointu, tenant à la main un gourdin à l’extrémité duquel se balancent une chaine et une tête de mort, la tenue du parfait petit bourreau. Lino a toujours été un amant très passionné et plutôt attentif. Mais, ce soir, j’aurais souhaité qu’il écoute mon âme davantage que mon corps et celui-ci se met en mode automatique, pendant que mon âme part dans des aspirations incongrues.
Alors que l’Homme, le « vrai », ronfle, nu, sur le canapé, je vais voir mes enfants dormir paisiblement et je me
