Spiritis: Genèse et parcours d’une petite idée
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Aperçu du livre
Spiritis - Latifa Samira Chaker
Spiritis
Latifa Samira Chaker
Spiritis
Genèse et parcours
d’une petite idée
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2017
ISBN : 978-2-312-05445-2
À mes enfants : Haythem et Hind !
Pour me faire pardonner l’histoire de Lee.
À mes petits-enfants : Haroon et ceux
qui vont venir…
Á Myriam… !
Prologue
Il est 23 h et quelques… et je n’ai pas encore sommeil. Je me mets dans mon lit, éteins la lumière et me fais voyageuse sur les chemins oubliés de mon existence…
Chaque nuit, je prends la même route vers l’intérieur de moi. A peine mon esprit reposé et bien détendu, il s’ouvre sur d’autres dimensions… Je me lance alors dans l’exploration de mes assises, Essence de mon identité profonde, Support de ma réalité… Je gratte pour vérifier et analyser la solidité de mes souterrains. Je me dois de maintenir ma stabilité, parfois fragilisée, sinon je ne saurais exister en tant que conscience individuelle et universelle. La quête intellectuelle, spirituelle me permet de créer un lien intime entre mon monde intérieur et l’univers en entier.
Il m’est parfois difficile d’établir un contact avec les différents « moi ». Je me perds souvent dans le brouillard, entre directions et sens, au centre des points cardinaux. Et là, je ne trouve pas mieux que de m’arrêter au beau milieu du carrefour, celui de la nuit. Je me repose un peu, renouvelle mon énergie et attends !… Ensuite, je choisis selon les caprices du moment et le besoin du repos : ou bien continuer ma quête jusqu’au bout ou alors annuler le voyage, rebrousser chemin et me laisser sombrer dans le sommeil.
D’autre fois, Obscurité et Bouillard se dégagent dès les premiers pas et une lumière intense m’envahit, me transforme en source lumineuse qui éclaire les lieux et dégage la route, et alors j’avance…
Sur ces lieux perdus, je trouve souvent des bouts épars de moi-même, oubliés, cassés, détruits. Ce genre de rencontre ralentit mon rythme et ma marche vers le rêve. Ces débris, des déchets de moi-même freinent mon élan, gênent ma conscience et réveillent mon aversion contre certaines gens vils et bas… Pourtant, parfois je me baisse et prends soigneusement entre les mains de précieux petits morceaux de moi-même. J’essaie de les coller les uns aux autres, dans l’espoir de colmater les petites brèches qui menacent encore mon édifice d’écroulement. Naïvement, j’espère régler de la sorte, quelques affaires en suspens afin d’obtenir l’image idéale de moi, celle qui puisse me convenir, me contenir…
Mais comme le temps est à sens unique et qu’il emporte dans son cours Illusions, Rêves et Désirs, il ne s’arrête point pour me permettre de réparer les bavures de la vie. Je laisse finalement ces bouts, là où ils sont, pour ne pas me perdre en chemin et m’éparpiller vainement. Il est inutile de trop regarder en arrière, au risque de devenir distance en échappant à soi-même.
Plusieurs chemins de sens opposés se présentent à moi, je choisis celui qui va devant. Je suis bloquée vers l’avant, sans aucune possibilité de revenir en arrière… Et je prends la route. Je continue à avancer sans avoir un but précis et je marche… marche… marche !
Ces chemins perdus s’arrêtent toujours au même endroit, au seuil du domaine des rêves. J’arrive souvent à instaurer une paix au fin fond de moi… ! Les pensées positives finissent par me bercer tendrement et me plonger dans un sommeil serein, qui donne sur l’autre monde. Et je m’abandonne… Ce que je fais chaque nuit.
Sauf que cette nuit le sommeil tarde à venir. Il doit s’occuper des malheureux insomniaques qui ont plus que moi, besoin de lui… Alors je me redresse dans mon lit et me mets à écrire… Mais bien que j’aie à portée de la main mon PC, j’opte pour le crayon et le papier, mes plus anciens et chers outils d’écriture qui, avec quelques livres de chevets, ne quittent jamais ma table de nuit.
Sans réfléchir, luttant contre le sommeil qui commence finalement à me gagner et sans aucun contrôle, ma main se met à courir sur le papier, guidée par le seul pouvoir des mots. Faisant fi de leur graphie, des règles qui gèrent morphologie des verbes, syntaxe, sémantique… La main rapide noircit feuille sur feuille.
Investie d’une mission secrète et espérant l’accomplir au plus vite, elle court, court, court, voulant précéder l’éveil de mes propres pensées pour qu’elles ne puissent pas la rattraper et m’embrouiller dans leur logique. Dans cette folle course de minuit et dans cet épais brouillard d’idées foisonnantes, oscillant entre conscient et inconscient, rêve et réalité, la main devient de plus en plus incontrôlable…
Indépendante, ma main possède un « soi » propre à elle qui pense, réfléchit, prend les rênes de mes idées et dirige souvent mon esprit. Capable d’aller se promener à sa guise dans les méandres et les oubliettes de la mémoire, ma main se laisse guider par l’inconscient, gardien suprême des secrets et source d’intuition et de créativité.
Rebelle, ne voulant pas céder à la fatigue qui commence à la freiner, ma main continue sa course en griffonnant ses propres signes, se référant à son propre avis, refusant sur son passage tout contrôle logique. Elle ne s’occupe que du rythme effréné de sa course, pour écrire au plus vite son propre scénario qui n’appartient pas au domaine du réel, mais à celui de l’hallucination, du délire et de la fiction…
Indépendante, ma main possède un « soi » propre à elle qui pense, réfléchit, prend les rênes de mes idées et dirige souvent mon esprit. Capable d’aller se promener à sa guise dans les méandres et les oubliettes de la mémoire, ma main se laisse guider par l’inconscient, gardien suprême des secrets et source d’intuition et de créativité.
Rebelle, ne voulant pas céder à la fatigue qui commence à freiner son rythme, elle continue sa marche en griffonnant ses propres signes, se référant à son propre avis, refusant sur son passage tout contrôle logique. Elle ne s’occupe que du rythme effréné de sa course, pour écrire au plus vite son propre scénario qui n’appartient pas au domaine du réel, mais plutôt à celui de l’hallucination, du délire et de la fiction…
Naissance
– Bozour !
– Qui vient de parler ? Qui a dit bozour ?
– Bozour ! C’est moi ! Suis là…
– D’abord, on dit « bonjour » et non pas « bozour ». Et puis, je ne te vois pas. Où es-tu ? Qui es-tu ?
– Ze Suis là, Ho ! Ho ! Tu ne me vois pas ? Moi, ze suis si petite ! Ze viens à peine de naître et ze ne sais pas qui ze suis ! Snif… snif… ! Ze ne sais pas où ze suis, maintenant ni ce que ze fais ici… snif… snif !…
– Hum !… Hihihi ! C’est pour cela que je n’arrive pas à te voir. Je comprends maintenant. Allons ! Cesse de pleurnicher !
– Qu’est-ce que tu comprends ? Hein !… Est-ce que tu sais qui ze suis et où ze suis ? Hier z’étais dans un autre endroit très confiné, avec beaucoup d’autres qui me ressemblent. Elles ne sont pas encore nées. Nous n’étions toutes rien que des impressions en état d’embryon… Moi, ze suis sortie la première. Et ze suis là, mais ze ne sais pas encore qui ze suis… Et toi, qui es-tu ?
– Hé ! Hé ! Hé ! Doucement et arrête de zozoter ! Ecoute-moi bien ! D’abord on me vouvoie, moi. On me dit « vous ». Et toi… puisque tu viens de naître, alors tu es « Petite-Idée », qui…
– Hein ! Z’aime bien !
– … Qui dois m’écouter et ne plus me tutoyer, ni m’interrompre. Tu vois, moi, je suis grand(e) ! Je suis même très grand(e). Je suis presque éternelle dans ce monde !
– Ho !
– Oui, Petite… ! Moi, je suis l’impitoyable Idée-Fixe ! Celle qui ne s’en va presque jamais sans faire ou faire faire ce qu’elle veut. Tu sais, on ne peut pas m’abandonner. On ne peut pas me déloger facilement ! Quand on essaie de me laisser tomber, je me cache dans un coin sombre et sinueux pour surgir à l’improviste et imposer ce que je désire. Et si on n’arrivait pas à m’apprivoiser, je pourrais devenir terrible et on ne pourra plus me contrôler, me commander ni me déloger ! Je peux facilement me transformer en grandes choses : belles ou mauvaises.
– Oh !… Tu es… euh, vous êtes très grand, Oncle Idée-Fixe !
– Tu as bien fait de m’appeler Oncle Idée-Fixe et non pas Tante Idée-Fixe comme le font certains !… Dans ce monde, il n’y a que des mâles…
– C’est quoi les mâles ?… C’est où, notre monde ? Qui sont les autres et où sont-ils ? Et, qu’est-ce que ze… euh ! Hum ! Hum !… je fais là, moi ? Et pourquoi suis-je née ici ?
– Ho ! Ho ! Ho ! Stop ! Tu poses trop de questions à la fois. Je te répondrai plus tard. Tu m’affaiblis ! Toutes ces nombreuses questions m’embrouillent et dispersent mon énergie. En m’éloignant trop de mon champ d’action, mon attention diminue et ma concentration s’affaiblit et je m’étiole…
– Euh !…
Idée-Fixe se montre de l’index et continue son discours :
– Moi, Idée-fixe, je ne dois pas beaucoup bouger. Est-ce-que tu me comprends ? Si je me déplaçais souvent, je pourrais disparaître ! Je dois rester sur place pour mieux me fixer et devenir plus solide. Ainsi, mon Maître me gardera pour longtemps. Aussi longtemps que je resterai fixe. Jusqu’au jour de ma promotion… à un rang plus élevé.
– Euh !…
Se sentant fière devant l’admiration que lui montre Petite-Idée, Idée-Fixe poursuit ses explications avec beaucoup de sérieux :
– Quant à notre monde, c’est le meilleur des mondes ! C’est le plus beau et le plus effrayant des mondes ! Il est presque éternel ! Il est immense ! Il est tellement vaste, qu’on ignore ses confins. Mais surtout, il est le plus libre. On n’arrive jamais à le contrôler ni à le contenir et encore moins à l’enfermer. Tu vois Petite !
– Ho !…
De plus en plus fière d’elle-même, Idée-Fixe lève les bras, hausse la voix et dit d’un ton grandiloquent :
– Notre monde… c’est le Monde des Idées ! C’est un espace abstrait, virtuel. Il est tellement caché, tellement mystérieux et insaisissable qu’il resta inconnu, jusqu’à maintenant. Nul n’a pu atteindre ses confins ni arriver à le commander. Pas même le Maître à qui nous échappons le plus souvent, d’ailleurs…
– Mais alors, nous sommes si petites dans ce monde et par rapport à lui. Puis, ton maître ! C’est qui ton Maître ?
– C’est vrai que nous sommes petites dans ce monde ! Mais non pas par rapport à lui. C’est nous qui constituons ce monde… !
– Ah, bon !
– … Sans idées, il cesserait d’exister. Les idées aussi se transforment et peuvent devenir immenses. Quant au Maître, il n’est pas seulement le mien. C’est le Nôtre, Petite. Il est aussi le tien et celui de toutes les autres. Et Cesse donc, de me tutoyer à la fin. Je te l’ai déjà dit…
– Oh pardon, et… les autres, vous dites ? Heu, c’est qui les autres ? Je ne vois personne…
– Ouf !… Tes questions me fatiguent et m’affaiblissent ! Je vais quand même t’expliquer un peu plus, ensuite tu t’en vas. Voilà, nous ne sommes pas seules ici, toi et moi. Il y a plein d’autres idées qui vivent autour de nous. C’est pour cette raison qu’il ne faut plus dire…
Et là, elle articule les mots :
– … Je ne vois personne, mais plutôt : « je ne vois aucune idée… ». Compris ?…
Petit-Idée se sent désemparée. Mais comme elle veut tout comprendre, elle arrive à dire timidement :
– C’est que je ne les vois pas, les autres idées !…
– Qui cherche trouve !… Pour ne pas rester une petite idée passagère qui finira par mourir, tu dois chercher. Tu as besoin de toutes les autres idées pour survivre.
– D’accord ! Je vais chercher pour grandir. Je ne veux pas mourir. Je viens à peine de naître. Je ne peux pas mourir si vite !
– Mais si, Petite ! Mais si ! Tu peux mourir n’importe quand. Toutes les idées peuvent mourir facilement, et parfois même, juste après leur naissance ! Innombrables sont les petites idées disparues ainsi. Tiens, même les idées des classes supérieures, si elles ne se développaient pas rapidement, elles pourraient mourir aussi facilement que les petites. Il n’y a qu’Idée-fixe qui est la plus résistante.
– Oh !… C’est… C’est… Hé, c’est qui notre Maître ?
– C’est compliqué…
– Qu’est ce qui est compliqué ? Et c’est qui, notre Maître ?
– Tu me plais, Petite ! Je crois que plus tard, tu seras une Idée-fixe.
– Chouette !… Mais, qu’est ce qui est compliqué ?
Idée-Fixe ne trouve pas facilement les arguments nécessaires pour expliquer les choses convenablement, pourtant elle continue à jouer le rôle improvisé d’instructeur et poursuit sa leçon dans sa propre logique :
– Evidemment que tu seras une idée fixe. Et, comment dire ? C’est compliqué, car c’est nous qui… Nous sommes plutôt les maîtres de notre Maître ! Voilà ! Mais nous lui faisons croire que c’est lui, qui est le nôtre…
– Euh ! Pourquoi ?
Là, Idée-Fixe s’énerve carrément et répond à Petite-Idée en élevant la voix :
– Va-t’en Petite !… Va poser tes questions ailleurs ! Va chercher ailleurs, tes réponses. Tes nombreuses questions me brouillent. En cherchant des réponses pour toi, je risque de perdre beaucoup d’énergie et de finir par m’évaporer. A ce moment-là, je ne serai plus une idée fixe.
– Et vous deviendrez quoi alors ?
– « Tout cela n’est pas vrai ! » Dit une voix intruse, derrière elles. Petite-Idée cherche du regard l’origine de la voix, mais sans résultat. Cette intrusion accentua l’énervement d’Idée-Fixe qui, furax crie de toutes ses forces au visage de la Petite :
– Va-t’en ! Va-t’en ! Sinon je… « Oh ! Si je me connectais à toutes les idées qui passent je finirais par me perdre. ». Se dit-elle,
– « … Ce n’est pas vrai », répète la même voix intruse qui passait par là.
– Heu !…
Petite-Idée n’a plus le choix. Elle s’en va toute seule, tête basse et triste. En voulant réfléchir à ce qu’elle vient d’entendre, elle constate que les petites idées nouvellement nées ne peuvent pas trop réfléchir par elles-mêmes. On réfléchit plutôt pour elles. Elle se met alors à pleurer au risque de devenir une idée noire sans le savoir…
Et… Elle continue sa route…
Arrivée à ce stade d’écriture, ma main s’arrête net. Des flashs commencent à bombarder mon esprit somnolent par une pluie d’images/météorites.
Ce phénomène me perturbe pour un instant. Ma main se fige. Mon esprit s’échappe et se laisse guider par ces flashs qui le dirigent vers la mémoire lointaine, dans un coin sombre et d’accès difficile. Et là, des images floues, sans consistance se mettent à jouer à cache-cache avec lui. Toujours dans les vapes, mon esprit n’arrive pas à saisir la nature de ces formes imagées. De vagues impressions de nostalgie l’enveloppent et une petite éclaircie lui montre des images subliminales accompagnées d’archétypes indéfinis. Et des êtres de lumière surgissent de l’ombre. D’un coup, un sentiment de bien-être s’empara de moi, même si mon esprit, encore en torpeur, ne pouvait pas préciser ces formes, ni les situer…
« Mais bon !… », pensé-je. Je suis sûre que je saurai de quoi il s’agit, au moment opportun… Et si ces images étaient vraiment importantes, elles finiraient bien par revenir, se préciser et s’imposer…
AVEC LES JUMELLES
Je m’arrête un instant et j’essaye de me reprendre en mains pour pouvoir continuer ma marche vers l’avant ; et c’est à ce moment que Petite-Idée voit une apparition devant elle : « Mais qui sont ces deux-là ? ». Pense Petite-Idée.
– Bozour, euh… hum, hum, bonjour ! Dit-elle.
– Bon jour Petite-idée ! Disent en chœur, les deux nouvelles arrivées.
– Oh ! Elles me connaissent, pense-t-elle fièrement. Bonjour mesdames. Vous êtes euh… Vous êtes… qui, vous deux ?
– Moi, je suis Grande-Idée et voici ma sœur Belle-Idée.
– Vous êtes euh ! Vous êtes… euh !
– Oui, nous savons très bien que nous sommes impressionnantes toutes les deux, disent-elles en chœur !
– Je ne peux pas différencier entre vous. Est-ce que vous êtes jumeaux ?
– Non, nous ne sommes pas jumelles, lui dit Grande-Idée. Il y a beaucoup d’autres qui nous ressemblent : il y a Bonne-Idée, Superbe-Idée, Magnifique-Idée, Splendide-Idée… et puis…
– Pourquoi as-tu employé un terme masculin pour nous désigner, demande Belle-Idée ? Nous sommes pourtant du genre féminin.
– Parce qu’Idée-Fixe m’a affirmé que dans ce monde il n’y a que des mâles ; même si certains ont l’apparence des femelles…
– Hum !… Écoute-nous bien Petite-Idée, lui dit Belle-Idée, il ne faut pas prendre à la lettre tout ce que te dit