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Nothus Sanguis - Tome 2: Les prophéties
Nothus Sanguis - Tome 2: Les prophéties
Nothus Sanguis - Tome 2: Les prophéties
Livre électronique857 pages8 heures

Nothus Sanguis - Tome 2: Les prophéties

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À propos de ce livre électronique

Gerwald de Lockhaân, retenu en prison, subit les pires tortures tandis qu'Azanaïs fuit en Ecosse...

Alors que le Comte de Lockhaân attend dans les geôles de son propre castel de passer en jugement, Azanaïs embarque pour l’Ecosse afin de rejoindre son père qui se rappelle à son bon souvenir par l’intermédiaire de guerriers brittons du Strathclyde où il semble qu’il réside depuis qu’il a quitté son village de Montfort, il y a plus de dix ans de cela. Pendant ce temps, le Comte est soumis à la question afin qu’il avoue les crimes que lui impute l’Evêque Sigisbert ; mais, insensible qu’il est à la torture grâce à la potion que Nénoga lui a fournie, Calixte décide de prendre les choses en mains et de lui infliger des sévices plus intimes. À la stupeur des spectateurs du supplice, il apparaît que le Comte ne possède aucun appareil génital.

Plongez-vous dans le second tome de cette saga historique et découvrez un univers sombre mêlant raids viking, fois chrétiennes, mystères druidiques et sciences occultes !

EXTRAIT

Quand une clameur se fit entendre le long de la rampe qui menait au castel de Lockhaân, Azanaïs s’était précipitée dans le réduit qui conduisait au souterrain. Le temps d’ouvrir le passage secret et de descendre les marches, elle eut le loisir d’entendre les gardes de l’évêque se saisir du Comte Gerwald. Elle hésita un instant puis elle ferma la trappe et la bloqua en enfonçant la pierre sous la tête sculptée du dragon. Son cœur battait avec une telle violence qu’il lui faisait mal. Une indescriptible angoisse l’avait envahie et elle ne parvenait pas à se dominer. Elle restait là, près de la tenture noire, et hésitait à s’enfoncer dans le souterrain, comme le lui avait ordonné le Comte. Elle répugnait à l’abandonner à son sort, d’autant qu’elle ne l’imaginait pas favorable.
Quand, enfin, elle se décida à s’engager dans le boyau qui menait au laboratoire, sa main tremblait et un sombre frisson lui parcourut le corps. Une besace pendait à un crochet. Azanaïs la prit pour y transporter la boîte contenant les fioles de la panacée du Comte, ainsi que l’escarcelle remplie de deniers d’argent et d’or. Elle frissonna. À nouveau, son estomac se noua sous la pression d’une main invisible appartenant à son angoisse. Pourquoi Gerwald ne s’était-il pas enfui avec elle ?

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

De quoi tenir en haleine pendant de longues heures les passionnés du genre. - Ouest France

À PROPOS DE L'AUTEUR

Française d’origine bretonne, V. H. Buquet est née en Belgique. C’est très jeune qu’elle commence à écrire des histoires qui, au fur et à mesure de son développement émotionnel, prirent plus de corps, plus de profondeur. Après divers emplois dans des domaines très variés, et après d’autres formations qui le furent tout autant, elle eut l’opportunité d’être engagée chez un notaire comme assistante juridique. À présent, ayant décidé de retourner à ses racines, elle vit entre la Bretagne et la Belgique, attendant de se fixer définitivement dans les Côtes-d’Armor.
LangueFrançais
Date de sortie4 sept. 2019
ISBN9782851138194
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    Aperçu du livre

    Nothus Sanguis - Tome 2 - V. H. Buquet

    V. H. Buquet

    Nothus sanguis

    Tome II

    Les prophéties

    Roman

    ycRfQ7XCWLAnHKAUKxt--ZgA2Tk9nR5ITn66GuqoFd_3JKqp5G702Iw2GnZDhayPX8VaxIzTUfw7T8N2cM0E-uuVpP-H6n77mQdOvpH8GM70YSMgax3FqA4SEYHI6UDg_tU85i1ASbalg068-g

    © Lys Bleu Éditions – V. H. Buquet

    ISBN : 978-2-85113-819-4

    Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

    Quatrième époque

    Chapitre vingt-sept

    Bleiz

    Cinq silhouettes, fragiles et insolites dans cette fin du jour, descendaient vers une crique escarpée où une embarcation sommaire les attendait.

    À son bord, trois hommes s’impatientaient devant la lenteur de la progression de leurs passagers. Les pèlerins, encapuchonnés dans leurs longs manteaux qui dissimulaient leur apparence, prenaient grand soin de l’un d’entre eux, de taille nettement plus petite, et qui se retournait sans cesse.

    Le petit groupe fantomatique arriva enfin à hauteur de la barque.

    — « Il faut lever l’ancre immédiatement ! La mer est bonne et le ciel est dégagé ! Pressez-vous, nous n’avons pas beaucoup de temps ! » s’écria le capitaine du frêle esquif.

    — « Il faut attendre Nénoga ! Nous ne pouvons partir sans elle ! » s’insurgea une petite voix bien déterminée à se faire entendre.

    — « Elle nous rejoindra plus tard ! Nous ne pouvons manquer la marée ! » lui répondit un des étranges passagers. Il aida le petit personnage rétif à monter à bord et fit signe au capitaine qu’il pouvait prendre la mer.

    — « Comment saura-t-elle où nous rejoindre ? » Azanaïs avait ôté son capuchon et contemplait, visiblement très contrariée, la côte qui s’éloignait d’elle inéluctablement.

    — « Ne t’inquiète pas, nous avons laissé des consignes. Elle sait exactement où nous nous rendons. Ce n’est pas la première fois qu’elle voyagera seule ! » L’homme qui l’avait aidée à embarquer tentait de la convaincre de sa bonne foi.

    Il était le seul, hormis les trois marins, à parler le francique. Ses compagnons s’exprimaient dans la langue que Nénoga affectionnait pour converser avec ses dieux.

    Les étoiles s’allumaient une à une dans le ciel, petits points de repère éclairant la route de ces navigateurs nocturnes.

    Azanaïs n’avait jamais pris la mer et elle fut rapidement en proie à son mal. L’un des marins, la voyant livide et tentant, tant bien que mal, de réprimer des haut-le-cœur, lui conseilla de fixer l’horizon, tandis que son interlocuteur précédent lui tendait des brins de persil.

    L’homme, qui avait dit s’appeler Liscus, affirmait que cette herbe était souveraine contre le mal de mer.

    La jeune fille s’empara de la brindille et la foula de la main avant que de se l’appliquer sous le nez. Tandis qu’elle respirait cette essence bienfaisante, elle se remémorait les évènements endurés depuis la veille…

    +++++++++++++++++

    Quand une clameur se fit entendre le long de la rampe qui menait au castel de Lockhaân, Azanaïs s’était précipitée dans le réduit qui conduisait au souterrain.

    Le temps d’ouvrir le passage secret et de descendre les marches, elle eut le loisir d’entendre les gardes de l’évêque se saisir du Comte Gerwald.

    Elle hésita un instant puis elle ferma la trappe et la bloqua en enfonçant la pierre sous la tête sculptée du dragon. Son cœur battait avec une telle violence qu’il lui faisait mal.

    Une indescriptible angoisse l’avait envahie et elle ne parvenait pas à se dominer. Elle restait là, près de la tenture noire, et hésitait à s’enfoncer dans le souterrain, comme le lui avait ordonné le Comte.

    Elle répugnait à l’abandonner à son sort, d’autant qu’elle ne l’imaginait pas favorable.

    Quand, enfin, elle se décida à s’engager dans le boyau qui menait au laboratoire, sa main tremblait et un sombre frisson lui parcourut le corps.

    Une besace pendait à un crochet. Azanaïs la prit pour y transporter la boîte contenant les fioles de la panacée du Comte, ainsi que l’escarcelle remplie de deniers d’argent et d’or.

    Elle frissonna. À nouveau, son estomac se noua sous la pression d’une main invisible appartenant à son angoisse. Pourquoi Gerwald ne s’était-il pas enfui avec elle ?

    La fuite ! Pour un homme tel que lui, c’était lâcheté ! Pour la jeune fille, c’était différent. Elle n’envisageait pas cette attitude avec le même regard que les hommes de la trempe du Comte de Lockhaân.

    S’il s’était toujours montré très discret en société, s’il avait mené une vie en retrait du monde, il n’avait jamais, pour autant, reculé devant l’ennemi.

    Quand la situation l’exigeait, il savait prendre les armes. Ses qualités de combattant lui avaient d’ailleurs valu de devenir le maître d’armes de Gurvan de Montfort.

    Si personne, jamais, ne l’avait provoqué en combat singulier, c’est que l’on savait sa dextérité et sa détermination. Dans la lice¹, ce n’était plus le charmant et courtois seigneur de Lockhaân, mais un fauve souple et dangereux, rapide et féroce, prompt à vous envoyer ad patres², sans questionnement ni remords.

    Il n’y avait que les lâches et les coupables qui fuyaient devant l’adversité. Gerwald de Lockhaân n’était ni l’un ni l’autre, et comptait affronter son destin avec honneur et courage.

    Et il lui en faudrait face à ces juges dévolus à une cause inique³.

    Mais, déjà, Azanaïs avait repris sa progression dans ce labyrinthe caverneux. Elle s’était armée d’un flambeau puisqu’il n’y en avait plus au-delà du palier où aboutissaient les trois escaliers.

    Comme elle l’avait fait maintes fois, elle emprunta celui de droite qui menait à la grande bibliothèque. Il faisait étrangement calme. Tout était silencieux. Aucun son émanant du castel ne parvenait jusqu’à elle. Cela ajoutait à son anxiété.

    La flamme vacillante de sa torche formait d’étranges ombres sur les parois inégales du souterrain.

    Elle arriva enfin au bas de l’escalier. Un courant d’air frais et moite, transportant les exhalaisons du sous-bois, l’enveloppa soudain. Elle tressaillit.

    Des bruissements étranges la confortèrent dans la sensation bizarre qu’elle avait de ne pas être seule. Sûre que quelques rongeurs et autres petits animaux devaient se partager cet espace, elle continua sa progression vers la sortie qu’une faible lueur dénonçait au bout de ce boyau humide.

    Encore quelques toises⁴ et elle atteindrait le bloc de pierre pivotant.

    Elle éteignit sa torche, de crainte que sa flamme dansante ne s’aperçoive de l’extérieur. Il faisait jour dehors mais la prudence n’était pas, et avec raison, superflue à cette heure dramatique de son existence, car il lui sembla entendre des voix de l’autre côté de la paroi de granit.

    De glisser un œil par la fente, libérée entre les blocs amovibles, lui confirma la présence de cavaliers et de gens d’armes qui fouillaient tous les buissons, tous les creux et recoins de la colline. Était-ce elle que ces hommes recherchaient avec tant de zèle ?

    Son cœur s’emballa à nouveau au point qu’elle se sentit mal. Elle décida d’attendre la nuit pour quitter le souterrain. Bien sûr, la lune serait pleine mais la densité ligneuse de la forêt ferait écran à sa pâle clarté.

    Il fallait donc s’armer de patience et attendre que le jour cède la place au crépuscule…

    +++++++++++++++++

    Calixte s’était approché de Gerwald de Lockhaân, toujours fermement maintenu par les hommes de l’évêque Sigisbert.

    — « Je peux encore t’aider, Lockhaân, mais je t’en conjure, parle ! Dis-moi où elle est ! Je te donne ma parole que ta vie sera épargnée. »

    Le jeune Duc parlait bas et frôlait presque l’oreille de son interlocuteur empêché dans ses mouvements par la poigne ferme et armée des gardes épiscopaux.

    Sa voix se voulait convaincante et son regard le suppliait presque.

    Fallait-il y voir du remords ? Ou ce fieffé gredin feintait-il afin d’infléchir la méfiance du Comte de Lockhaân ?

    — « Je n’ai rien à te dire, Calixte ! Ni à toi ni à ce prélat intrigant et fanatique. À mes yeux, vous n’êtes que des traîtres et je ne transige pas avec les félons ! »

    « Je te l’ai dit, déjà ! Jamais tu n’auras Azanaïs ! Sur ma vie, j’en fais le serment ! »

    Gerwald n’avait pas haussé le ton pour jurer cette promesse. Il défiait son jeune adversaire avec froideur et dédain.

    — « Dans ce cas, je ne donne pas cher de celle-ci ! Je te laisse donc aux mains de ce saint homme qui saura, je n’en doute pas, te faire avouer tes ignobles péchés. Mon oreille se réjouira d’entendre tes plaintes et tes supplications quand le bourreau officiera. »

    « Moi aussi, je te l’ai dit : Tu vas souffrir, Lockhaân ! Mais, cette fois, je n’aurai pas à me salir les mains. Et dis-toi bien ceci : Je retrouverai Azanaïs. Elle est à moi ! Tu n’as été qu’une parenthèse dans son existence. »

    « Je lui ferai oublier, sous mon étreinte, tes pauvres assauts ! Et si, pendant ces instants délectables, ton image devait venir troubler mes ébats, ce ne serait que pour me rappeler tes horribles souffrances sous la torture. »

    « Et je crois bien que ce souvenir me stimulera bien plus qu’aucun aphrodisiaque ou autre mixture à base de mandragore ! »

    Calixte non plus n’avait pas haussé le ton. Mais il crachait son venin au visage du noble seigneur entravé, avec mépris et cruauté.

    — « Je ne te donnerai pas cette satisfaction. C’est toi qui vas souffrir, Calixte ! Car celle que tu dis aimer te déteste et te méprise ! Jamais elle ne te pardonnera ce que tu t’apprêtes à accomplir. »

    « Ne te fais pas d’illusion ! Tu ne la retrouveras jamais ! Elle est déjà loin maintenant ! C’est un autre que toi qui jouira de sa compagnie ! Un autre à qui elle est destinée depuis toujours et qui n’est certes pas toi ! »

    Gerwald souriait. Sa satisfaction n’était pas feinte. Il savait maintenant que Nénoga avait raison et qu’Azanaïs avait un autre destin, bien plus complexe que celui que le malheureux Comte lui destinait.

    Mais surtout, une destinée dans laquelle Calixte n’avait ni emploi ni avenir !

    +++++++++++++++++

    « "J’avais renoncé à patienter dans la splendide bibliothèque qu’abritait le souterrain. Je préférais attendre, assise à même le sol boueux du boyau qui menait à l’extérieur, que le soir se décide à tomber. La curiosité, l’impatience et l’appréhension me tenaient en alerte.

    Il semblait que tous les hommes du Duché avaient été réquisitionnés pour quadriller le terrain ; et la colline était investie par des dizaines de soldats, de serfs et de gueux, à qui l’on avait promis une récompense.

    Leurs voix me parvenaient distinctement et leurs discutions n’abordaient que le sujet de l’or qu’on leur avait fait miroiter.

    Certains serviteurs du Comte s’étaient mêlés à cette foule, oublieux désormais de toute loyauté envers leur maître.

    J’étais dégoûtée ! Comme les hommes pouvaient être versatiles⁵ ! Gerwald ne méritait pas cet abandon et cette trahison ! Comment quelques onces d’or avaient-elles pu convaincre cette populace de livrer un tel homme à ces chiens aux ordres de l’évêque ?

    Je savais que les portes n’avaient pas cédé ! C’était nos propres serviteurs qui avaient ouvert à ce monstre de Sigisbert !

    Je me souvenais de lui. Déjà, à Geunaerouant, il avait réussi à apporter le malheur dans ce tranquille couvent. Même ma bonne Jeanne se méfiait de lui !

    Ne m’avait-elle pas affirmé que de devoir suivre cet homme aurait été pire que d’être enfermée dans le grenier de l’abbatiale pour le restant de mes jours ?

    Cette fois aussi, il apportait la calamité et l’affliction. Déjà, son œuvre s’accomplissait puisqu’il n’avait pas fallu longtemps pour révéler la nature profonde des humains, prompts à trahir et à livrer le plus merveilleux de leurs représentants !

    Le Comte n’était décidément pas récompensé de ses bontés !

    Mais que pouvait bien lui reprocher l’évêque ? Gerwald était bon-chrétien ! Il donnait sans compter à l’Église et aux abbayes. Quels griefs pouvait bien avoir contre lui ce prélat manchot et ambitieux ?

    En un sens, cette question me rasséréna un peu. Après tout, le Comte de Lockhaân n’était pas homme à se laisser impressionner ! Il saurait se justifier des accusations que l’on portait contre lui !

    Et puis, sa science l’aiderait sûrement à venir à bout de ses adversaires, si besoin était !

    Mais pourquoi alors m’avoir affirmé que c’était moi que l’évêque voulait atteindre ? Il ne me connaissait même pas !

    Soudain, mes craintes réapparurent avec plus de force. Et si Gerwald m’avait dit cela pour me forcer à partir ? Peut-être était-ce réellement lui qui était visé ?

    J’eus soudain l’envie irrépressible de remonter dans le réduit qui donnait derrière la grande salle. Je devais faire quelque chose pour l’aider ! Sans doute quelqu’un l’avait-il dénoncé ? Ne m’avait-il pas prévenu que son art ne faisait pas l’unanimité au sein du clergé ?

    Je pourrais peut-être plaider sa cause ? J’avais tant à dire pour sa défense !

    Je me relevai, prête à faire demi-tour, lorsque j’entendis un groupe d’hommes qui approchait de l’entrée du souterrain…" »

    +++++++++++++++++

    C’était le début de septembre. Ce jour semblait ne pas vouloir finir et l’attente était longue pour Azanaïs.

    Ce tunnel inconfortable, dans lequel elle avait décidé d’attendre la nuit, lui faisait néanmoins un acceptable poste d’observation, du moins pour ce qui était de l’écoute.

    Étrangement, les sons parvenaient comme amplifiés dans ce caverneux conduit, et permettaient de se faire une idée assez précise des évènements du dehors.

    Ainsi, alors que la jeune fille avait pris la décision de retourner au castel pour soutenir le Comte dans son épreuve, elle fut interpellée par un conciliabule qui l’alerta.

    — « Sale bête ! Elle est partie par là ! » Une voix s’était démarquée des autres pour crier cette constatation.

    — « Je l’ai vu le premier ! Il est à moi ! Ça me fera au moins vingt deniers ! » hurla un second compère.

    — « Peste soit de toi ! Je l’ai perdu de vue ! Où est-il passé maintenant ? » Le premier homme semblait dépité de voir sa proie lui échapper. Mais qui ou que traquait-il donc ?

    Soudain, un halètement familier se fit entendre par-delà le bloc de granit qui servait de porte au souterrain.

    La jeune fille le reconnut immédiatement.

    — « Bleiz ! » s’écria-t-elle dans un souffle.

    Un jappement lui répondit.

    Mais déjà, les poursuivants de la jeune louve l’avaient repérée.

    — « Là ! Près du gros rocher ! Viens ! Il ne faut pas qu’il nous échappe ! » La première voix manifestait son enthousiasme d’avoir retrouvé l’objet de sa convoitise.

    — « Attends ! Nous n’avons que des bâtons ! Il faudrait peut-être quérir une lame ? Je ne veux pas me faire égorger par ce maudit animal ! » L’arrêta l’autre interlocuteur.

    — « Pars si tu veux, couard, mais moi, je ne laisserai pas passer ma chance ! Je ferai manger ma famille toute une semaine grâce à ce démon ! »

    Le premier traqueur était pugnace.

    Azanaïs pouvait l’entendre s’approcher, prudemment, de la pauvre « Bleiz » qui grognait, menaçante, et toutes dents découvertes.

    Un glapissement douloureux avertit la jeune fille que le loup avait dû se voir asséner un coup violent. Il fut suivi d’une attaque de l’animal contre son agresseur, comme en témoignaient les grondements et aboiements rageurs qu’émettait le canidé.

    L’homme tenta de se protéger des crocs de la louve, mais, au bout de quelques secondes, il renonça au combat et partit en courant rejoindre son compère resté plus en retrait.

    — « Tu as raison ! Il nous faut une arme plus appropriée pour mâter ce monstre ! » conclut-il.

    Azanaïs tenta d’apercevoir la scène où se déroulait cette échauffourée. Elle n’avait pas un bon angle de vue depuis l’interstice existant entre les deux blocs de pierre.

    Le jappement se fit entendre à nouveau, derrière le rocher pivotant.

    Azanaïs actionna la barre de métal, qui maintenait les deux battants de pierre ensemble, afin de pouvoir ouvrir au pauvre animal, venu chercher refuge auprès d’elle.

    Hélas ! Le galop de plusieurs chevaux approchait dangereusement de l’ouverture secrète. La jeune Comtesse de Lockhaân laissa retomber aussitôt la barre métallique.

    Elle avait conscience d’abandonner l’animal à un sort incertain, mais sa propre survie en dépendait. Les hommes, à l’extérieur, semblaient surexcités. Dieu seul savait quelle serait leur réaction s’ils la découvraient, dissimulée dans le souterrain et, par la même occasion, trouvaient l’accès qui menait à l’or et à tous les trésors de Lockhaân !

    Bleiz s’impatientait et tentait, en vain, de creuser une ouverture dans la terre caillouteuse où l’herbe rare et courte croissait, comme par miracle.

    L’acharnement du pauvre loup n’échappait pas à Azanaïs. Impuissante derrière ces blocs herculéens, elle ne pouvait qu’imaginer les efforts désespérés de l’animal aux abois pour se mettre à l’abri.

    La jeune fille tenta de dissuader la louve de continuer son entreprise.

    — « Va-t’en, Bleiz ! Je t’en supplie, va-t’en ! Sauve-toi ! Ils vont te tuer ! Pars, je t’en conjure ! Laisse-moi ! »

    La jeune fille était en pleurs. Elle répétait inlassablement cette litanie mêlée de sanglots, suppliant, menaçant, ordonnant… Sans succès.

    D’ordinaire si obéissant, le fidèle animal restait sourd à ses prières et à ses ordres.

    Azanaïs ne prêtait plus attention aux conversations des cavaliers qui avaient mis pied à terre, et elle tentait, de l’autre côté du battant, de creuser la terre pour permettre à Bleiz, dans un mince espoir, de pénétrer dans la grotte.

    Hélas, trois fois hélas ! Il n’y avait que quelques centimètres de terre qui recouvraient la roche indifférente aux coups de griffes et aux raclements d’ongles.

    Un instant, pourtant, la jeune fille sentit au bout de ses doigts, le souffle saccadé et la truffe tiède et humide de son compagnon. La pointe d’une langue chaude et baveuse lui lécha l’extrémité des phalanges et un jappement comblé vint confirmer leurs retrouvailles.

    Mais aussitôt, un terrible hurlement s’ensuivit, accompagné d’acclamation pour le fin tireur qu’était l’archer qui avait réussi à atteindre sa cible…

    +++++++++++++++++

    — « Je crois savoir que tu as conservé quelques cellules en ton castel, Lockhaân ! Voici donc l’occasion pour moi d’en faire la visite ! »

    « On m’a souvent vanté le confort de ta demeure. J’espère que cette réputation n’est pas surfaite ! Car nous allons élire nos quartiers dans ces geôles, le temps qu’il faudra pour que la vérité émerge de son puits ! »

    « J’ai fait quérir le bourreau de Koadaerouant. Il sera là avant ce soir ! Car je ne doute pas que tu nieras les crimes qui te sont reprochés ! »

    « Mais j’en ai mâté de plus coriaces que toi, Lockhaân ! Sache qu’aucun suppôt de Satan ne m’a jamais résisté ! Tu ne feras pas exception à cette règle ! »

    L’évêque jubilait.

    Se mesurer à un homme tel que Gerwald de Lockhaân était pour lui l’aboutissement de sa carrière.

    Il n’était plus confronté à des paysans incultes et impressionnables ni à de jeunes nobliaux protégés par les plus hautes instances du clergé. Non ! Cette fois, il avait face à lui un adversaire à sa mesure. Un homme craint, respecté, intouchable…

    Sauf pour lui !

    Enfin, Sigisbert avait le pouvoir ! Celui de mettre à terre l’homme le plus riche, le plus puissant, le plus énigmatique de tout Montfort ! Celui que même les Ducs redoutaient !

    Il en jouissait presque ! En abattant un tel homme, il faisait siens ce pouvoir, ce respect, cette crainte.

    Enfin, il serait l’égal des puissants ! Il serait reconnu, en Montfort et ailleurs, comme celui qui avait brisé la dernière figure emblématique du Duché, objet d’un culte inavoué, dernier vestige d’une civilisation obsolète et équivoque, symbole d’un art dont Dieu était absent.

    Car même si son ambition le guidait dans cette entreprise, il croyait sincèrement rendre service à l’Église en anéantissant Gerwald de Lockhaân.

    Sigisbert avait les défauts des nobles de son temps mais il était pieux ! Sa fidélité envers la chrétienté était authentique.

    Ses méthodes étaient, certes, très contestables, mais son but était d’expurger le monde de tous les foyers d’infection diabolique, païenne ou animiste⁶.

    — « Ainsi te voilà devenu la main ancillaire⁷ de ce diable de Calixte ! Faut-il que tu sois tombé bien bas pour obéir à un tel démon ! »

    Le Comte de Lockhaân ironisait sur la condition de l’évêque. Il était notoire qu’il était « persona non grata ⁸» dans de nombreux fiefs. Le procès qu’il avait infligé au jeune Gurvan, mais surtout, le massacre de Sainte Luce dont la rumeur le rendait responsable, avait entaché sa réputation et sa crédibilité.

    Cependant, dès que l’on brandissait la croix, telle une oriflamme, son ombre s’étendait à l’infini sur les consciences vertueuses de ces chrétiens, prompts à combattre chez leurs semblables ce que Dieu pouvait reprocher en eux-mêmes !

    On expiait ses fautes en les faisant avouer ou en les condamnant chez autrui. Le châtiment de ces malheureux réprouvés serait la repentance d’autres pécheurs inavoués, et le trépas des hérétiques un sésame vers le Paradis pour leurs accusateurs !

    « Sais-tu au moins quel maître tu sers ? S’il y a un diable ici, c’est de ce côté qu’il faut le chercher ! Que t’a-t-il promis qui te tient tant à cœur pour que tu acceptes de lui céder ton âme ? »

    Gerwald continuait de provoquer l’évêque.

    — « Je n’ai d’autre maître que Dieu ! Ne tente pas d’insinuer le doute en moi ! Je n’ai pas besoin d’autres yeux que les miens pour reconnaître le Démon ! Tu es une plaie, Lockhaân ! Une plaie qui gangrène ce pays ! Je ne te laisserai pas continuer ton œuvre destructrice. »

    Sigisbert avait perdu son sourire suffisant. La colère et l’indignation l’avaient gagné.

    L’évêque fit signe à ses hommes, et Gerwald fut emmené vers la partie la plus sombre, la plus profonde du magnifique castel, reliquat d’une époque archaïque et oubliée.

    +++++++++++++++++

    « "Cette plainte me glaça les sangs. J’étais, subitement, tétanisée.

    Les voix des assassins de mon loup s’approchaient de moi et m’agressaient involontairement, psychiquement et physiquement.

    Je voulais hurler ma douleur, ma colère, ma peine, mais je ne pouvais pas. Dans un sursaut de lucidité, je m’empêchai d’exprimer ce flot de sentiments profonds et mortifiants.

    Je ne pouvais cependant empêcher les larmes de me sourdre des yeux.

    Je tombai à genoux, la bouche déformée en un cri étouffé. Les poumons vidés comme une éponge dont on a exprimé le liquide.

    Je ne parvenais pas à reprendre mon souffle. La souffrance était telle qu’elle me paralysait la face.

    Au-dehors, les voix continuaient de converser.

    — « Joli coup, mon gars. Veux-tu que j’aille le chercher pour toi ? » demanda un des individus.

    — « Non ! Qu’il pourrisse là où il est ! De toute façon, le Duc ne m’en donnera pas un denier ! » lui répondit l’archer.

    — « Quoi ! Le Duc ne récompense pas leur chasse ? » S’enquit un second personnage.

    — « Que nenni ! C’est lui rendre service, certes, mais c’est là, d’après lui, un devoir. Il estime ne pas avoir à le rémunérer ! » confirma le tireur.

    — « Peste soit de ce morveux ! » maugréa un troisième. « Le Comte, lui, au moins, nous en payait un bon prix lorsqu’on en abattait ! »

    Ils abandonnèrent donc leur victime devant l’entrée dissimulée du souterrain.

    J’attendis d’être sûre qu’ils se soient éloignés pour ouvrir enfin le battant.

    Je découvris mon loup, gisant dans une flaque de sang, une flèche dans le flanc.

    Il me sembla qu’il respirait encore !

    Je me précipitai vers lui. Un spasme le secoua. Alors, un fol espoir m’envahit.

    Je me mis à chercher, frénétiquement, dans ma besace, le boîtier contenant l’élixir du Comte. Sous mes doigts énervés, la serrure résistait et ne faisait qu’attiser ma fébrilité.

    Je réussis enfin à ouvrir le petit loquet et sortit précipitamment une fiole du précieux liquide. Dans mon exaltation, elle me glissa des mains et vint se perdre dans la terre boueuse où nous avions de concert, Bleiz et moi, usé nos griffes et nos ongles.

    Par chance, elle ne se brisa pas. Avec mille difficultés, je parvins à ôter le capuchon de cire qui en obturait le col.

    Je m’approchai de ma louve, lui retirai d’un coup sec la flèche qui la saignait, et fit couler le soluté dans la gueule de l’animal.

    J’attendis que le miracle s’accomplisse…

    Rien ne se passa !

    Quand je compris enfin que j’avais administré ce remède à un animal mort, toute la douleur de mon impuissance ressurgit, me submergea et m’engloutit, telle une lame de fond lorsqu’elle s’abat sur le rivage, détruisant tout sur son passage.

    Je serrai la dépouille de mon loup tout contre moi, la berçant en un geste mécanique et absurde, laissant déferler mon chagrin et ma colère dans un pleur silencieux.

    Combien de temps restais-je ainsi, à genoux, étreignant ce cadavre comme un enfant dans son giron ? Je ne saurais le dire.

    Mais il faisait nuit noire lorsqu’un bruissement tout proche me fit tressaillir et sortir de ma torpeur…

    +++++++++++++++++

    Chapitre vingt – huit

    Rencontre… s

    Azanaïs, mortifiée d’avoir sacrifié sa louve au bénéfice de sa propre survie, ne parvenait pas à se détacher de la pauvre dépouille sanguinolente de Bleiz.

    La mort commençait à raidir le cadavre que la jeune fille tentait en vain de réchauffer, refusant l’évidence.

    D’avoir découvert cette bête dans une mare rouge sombre avait réveillé en elle d’horribles souvenirs. Et revenait à sa mémoire le corps sans vie de sa mère, baignant dans son sang.

    Forcée d’endurer ce déchirement et ce chagrin silencieusement, elle se remémorait, instinctivement, la terrible nuit de l’été 997, qui lui avait arraché les siens et lui avait imposé la vie qu’elle avait menée jusqu’alors.

    Au loin, on apercevait la lueur orangée des feux qui avaient été allumés, éclairant, jusqu’au bout de la nuit, les cours et le ciel du castel de Lockhaân.

    Que pouvait-il bien se passer, là-bas ?

    Égarée dans sa douleur, Azanaïs avait sombré dans une torpeur hypnotique. Indifférente au monde qui l’entourait, elle n’avait plus conscience de son état, ni du temps qui s’écoulait, ni même de la nuit qui avait fini par tomber.

    Le battant du souterrain était resté ouvert, offrant la vue de son noir conduit à la forêt désertée.

    Lassés de leur chasse infructueuse, les sbires du Duc de Montfort s’en étaient allés rejoindre les leurs au castel assiégé, pour s’enquérir, çà et là, des suites de l’arrestation tapageuse de Gerwald de Lockhaân.

    L’agitation et l’émoi qu’avait provoqués l’arrivée de l’armée de l’évêque ne s’étaient pas atténués. Et la foule des villageois, paysans et serfs du Comte se pressait autour du mur d’enceinte, défendu par une cohorte de gardes, armés jusqu’aux dents.

    Dans cette cohue grouillante et mouvante, une forme enveloppée de bure et tenant un bâton à la forme torturée réussissait à se frayer un passage parmi les badauds agglutinés les uns aux autres.

    Arrivée à la passerelle, l’étrange silhouette s’adressa aux hommes qui en gardaient l’accès. Au bout de quelques longues secondes, ils la laissèrent pénétrer dans la basse-cour.

    L’étrange moine rabattit plus avant le capuchon de son scapulaire sur son visage, dissimulant celui-ci à la vue des diverses personnes qui le croisaient. Il parvint ainsi à gagner la porte qui donnait accès aux geôles.

    — « Que veux-tu, moine ? Il n’y a aucune âme à sauver par ici ! » lui lança le garde qui lui barrait le passage.

    Toujours sans se départir de son calme, le singulier personnage releva légèrement sa capuche et fixa intensément le soldat. Celui-ci, tout comme les gardes de la passerelle, finit par lui ouvrir la porte menant à la prison.

    Le curieux pasteur s’engouffra dans le sombre escalier qui descendait vers les ergastules⁹. Sans hésiter, sans se retourner, il disparut, absorbé par les ténèbres des profondeurs des culs-de-basse-fosse.

    +++++++++++++++++

    ‘"Je tressaillis soudain, lorsque j’entendis un bruissement insolite provenant de la forêt. Il me semblait très proche de moi, mais j’étais incapable de le situer avec précision.

    Je me rendis compte, à cet instant, de ma vulnérabilité et surtout du fait que je n’avais pas refermé le battant du souterrain !

    Quelle imprudence !

    Je me relevai d’un coup, laissant choir la dépouille de Bleiz et cherchant, dans la noirceur sylvestre de la nuit, l’origine de ce craquement étrange.

    Tout à coup, émergeant dans un rayon de lune, un homme hirsute m’apparut. Je ne pus réprimer un cri aigu, même si je m’en voulus immédiatement de l’avoir émis.

    Je n’arrivais pas à distinguer les traits de ce quidam¹⁰ et celui-ci semblait tout aussi hésitant que moi. Pourtant, au bout de quelques secondes, il ouvrit la bouche.

    — « N’aie pas peur ! Ce n’est que moi ! C’est Pépin ! Ne me reconnais-tu donc pas ? » me demanda-t-il en chuchotant.

    — ‘Pépin ? Mais que fais-tu par ici ? Comment m’as-tu trouvée ?’ le questionnai-je à mon tour, toujours sur le ton de la confidence, perturbée par son arrivée.

    Il s’approcha.

    À cet instant, toute l’animosité puérile que j’avais ressentie envers lui depuis qu’il s’était débarrassé du frère de Bleiz me quitta.

    Enfin un visage familier et amical !

    — ‘Ils l’ont tuée, Pépin ! Et je les ai laissé faire !’ sanglotai-je en me précipitant dans ses bras.

    Déstabilisé par mon attitude et cette soudaine affection, le pauvre homme hésitait à me serrer contre lui. Mais sa nature généreuse l’incita vite à ce geste rassurant et protecteur.

    — ‘Allons ! Ce n’est pas de ta faute ! Bleiz a dû tromper la vigilance de Nénoga.’ me déculpabilisa maladroitement Pépin.

    — ‘C’est tellement injuste ! Elle était venue chercher protection auprès de moi et je l’ai abandonnée ! Tout comme j’ai abandonné Gerwald !’

    ‘Je suis égoïste et lâche ! J’ai fui et n’ai pensé qu’à ma propre sécurité ! Regarde le résultat ! Bleiz est morte, abattue par les hommes de cet horrible évêque. Et maintenant, ils vont s’en prendre au Comte, j’en suis sûre !’

    ‘Oh, Pépin ! Que dois-je faire ? Je ne sais plus ! J’ai si peur !’ Et je me remis à sangloter de plus belle !

    Le pauvre Pépin soupira. Il était tout aussi désemparé que moi.

    — ‘Je crois qu’il est préférable que tu te rendes chez Nénoga. Il est inutile que tu t’exposes. Je vais aller voir ce qui se passe au castel. J’en saurai plus une fois là-bas.’

    ‘Mais ne t’inquiète pas outre mesure ! Le Comte est un homme puissant ! On ne peut s’en prendre à lui impunément. Par contre, toi, tu es en danger ! Les hommes du Duc prêtent main-forte à ceux de l’évêque. Alors je pense qu’il est de bon conseil de t’éloigner de cet endroit.’

    Soudain, Pépin m’apparaissait comme un sage.

    Mais lui-même, ne courait-il pas de risques en se rendant à Lockhaân ? Pour tous, il était mon oncle ! Si l’on me cherchait, il pouvait être arrêté et interrogé. Et l’on savait ce que ‘interrogé’ signifiait…"’

    +++++++++++++++++

    Pépin dissimula le cadavre de la louve dans les buissons puis il partit pour Lockhaân malgré les appréhensions d’Azanaïs.

    Cet homme, fort et généreux, n’écoutait que son cœur et celui-ci le poussait à porter secours au Comte Gerwald. Il considérait cet acte comme un devoir. Car il était bien moins convaincu de l’immunité de son seigneur qu’il ne l’avait laissé croire à la jeune fille.

    À nouveau seule, Azanaïs entama sa progression dans le sombre et sinueux chemin qui menait à la demeure occultée de Nénoga.

    Elle connaissait cette route par cœur et grand bien lui fit, car il n’y avait que de très rares rayons de lune qui parvenaient à percer le bouclier feuillu de cette forêt de RunGwadeg.

    Enfin, se découpa dans la nuit le rempart que formait la haie de la maison. Tout était silencieux. Rien ne troublait ces ténèbres, pas même la pâle lueur d’une maigre chandelle.

    Nénoga devait dormir, ignorant les évènements qui troublaient le castel de Lockhaân.

    Azanaïs frappa doucement à la porte de la devineresse. Le silence seul lui répondit. Au bout de plusieurs tentatives infructueuses, elle se décida à ouvrir. Elle pénétra dans la chaumière, obscure et déserte.

    À tâtons, elle chercha un briquet pour allumer une lampe à huile. À la faible lueur de cet éclairage, elle remarqua que les volets intérieurs n’avaient pas été fermés à la petite fenêtre de la hutte. Cela signifiait que Nénoga s’était absentée quand il faisait encore jour. Peut-être avait-elle été appelée au chevet d’un malade ?

    La jeune fille se déchargea de sa besace et en vida le contenu. Ne sachant pas trop quoi penser de l’absence de sa bienfaitrice, Azanaïs s’agenouilla devant la cheminée froide et noire de suie. Elle retira la première pierre du cendrier, comme elle l’avait vu faire par la prophétesse, et s’aperçut que l’espace qu’elle offrait était entièrement vide.

    Étrange ! Quand Nénoga avait été surprise à dévoiler cette cachette, il avait semblé à la jeune fille qu’elle y rangeait une partie de ses objets du culte.

    Néanmoins, Azanaïs saisit l’opportunité de se décharger de son fardeau dans un endroit sûr, pour y dissimuler une partie des deniers que contenait la bourse. Elle y plaça également la clé, qui ouvrait toutes les portes du souterrain, ainsi que l’élixir du Comte, à l’exception d’un flacon qu’elle garda dans son escarcelle pour son usage personnel.

    Elle fit l’inventaire de sa fortune : Deux bourses, dont l’une contenait la dague de Nénoga et l’autre une partie de l’argent que lui avait confié Gerwald, une fiole et un médaillon, aussi laid que précieux à ses yeux.

    Elle prit place près de la table et attendit. Elle frissonna. Ce silence oppressant n’avait rien de rassurant et Azanaïs n’avait de cesse de s’interroger sur le sort du Comte de Lockhaân, sur l’absence de Nénoga et sur le retour de Pépin.

    C’est ce dernier qu’elle devait avouer attendre le plus impatiemment ! Elle espérait qu’il serait porteur de nouvelles encourageantes ou, du moins, qu’il pourrait dresser un bilan approximatif de la situation.

    Un hululement déchira la nuit et la jeune fille sursauta. C’était la première fois que la forêt la déstabilisait. D’ordinaire, elle l’avait toujours considérée comme un asile sûr et protecteur. Maintenant, une inquiétude sournoise l’avait envahie, contre toute logique.

    Le silence et la lumière ondoyante de la lampe eurent raison de sa veille. Azanaïs s’endormit, la tête reposant sur ses bras croisés, avec, pour oreiller, la table rugueuse et nue de cette pièce vaincue par l’obscurité.

    +++++++++++++++++

    Le bourreau se faisait attendre.

    À Lockhaân, tandis que le jour déclinait, l’évêque et Calixte de Montfort s’étaient enfermés dans la pièce jouxtant la grande salle, et qui avait tant éveillé l’intérêt des divers intervenants.

    La fouille de ce réduit n’avait rien donné. Les deux compères décidèrent cependant que cette pièce était l’endroit idéal pour conclure par écrit leur pacte. Celui-ci devait être rédigé avec discrétion.

    — « Tu as tenu tes engagements, Calixte, à moi, maintenant d’honorer les miens ! »

    L’évêque Sigisbert souriait, comme il savait si bien le faire pour mettre en confiance son interlocuteur.

    « Tu m’as rendu l’évêché de Sainte Luce. Mais tu as le pouvoir de me l’ôter si tu le désires et cela m’inquiète. Je ne doute pas que je puisse te faire confiance mais il est préférable, pour nous deux, que ces accords soient couchés sur parchemins. »

    À sa manière de présenter les choses, il était clair qu’il était maître du jeu. Il ne demandait pas, il imposait.

    Cela avait le don d’exaspérer le jeune Duc, qui n’aimait décidément pas ce prélat.

    Sigisbert continua :

    « Comme tu le sais, Lockhaân sera jugé pour sorcellerie. Ce délit est grave, très grave ! Et les premiers témoignages qui m’ont été rapportés font état de ce que cette jeune femme, que tu convoites, y est intimement liée. »

    « Il semblerait qu’elle ait élevé un loup ! Certains affirment qu’elle ne s’est pas contentée de le nourrir mais se serait unie à lui charnellement ! »

    « Si cette femme a forniqué avec ce démon, je crains pour toi, mon jeune ami ! Peut-être t’a-t-elle envoûté ? Cet amour, que tu lui portes, a tout de déraisonnable ! Je suis très circonspect quant à son innocence ! »

    Sigisbert ne s’était pas départi de ce ton paternaliste qu’il adoptait pour s’adresser à Calixte. Mais la réaction de celui-ci ne se fit pas attendre.

    — « Mensonge que tout cela ! Vous ne la connaissez pas ! Sinon, vous sauriez que je dis vrai. La jalousie que l’intérêt que je lui porte provoque, ajoutée à la peur que vous inspirez feraient dire n’importe quoi à ces paysans ! Ils craignent tant pour leur éternité qu’ils enverraient en enfer Dieu lui-même si cela leur permettait d’échapper à vos menaces ! »

    Le Duc était blême. Mais l’évêque aussi ! Il s’était levé.

    — « Vous blasphémez, mon fils ! À genoux et priez afin que Dieu vous pardonne ces paroles ! »

    Encore une fois, l’évêque ordonnait.

    — « Je m’arrangerai avec Dieu plus tard ! Vous allez m’écouter ! Si vous n’abandonnez pas immédiatement l’idée de convaincre ma promise de commerce avec le Diable, je jure, devant Dieu et sur le sang du Christ, que je vous ferai subir le même traitement que celui que vous réservez à Lockhaân ! »

    « Si vous ne voulez pas perdre le seul bras qui vous reste, je vous suggère de changer de discours immédiatement. »

    Calixte était vert de rage. Il avait haussé le ton et s’était approché, menaçant, de l’évêque. Celui-ci, cependant, continua de le provoquer.

    — « Crois-tu que tu m’impressionnes, Calixte ? Est-ce avec ta maigre escorte que tu m’arrêteras ? »

    « Je suis un prince de l’Église et tu n’es qu’un bâtard doublé d’un pécheur ! N’oublie pas que tu me dois la place que tu occupes ! »

    « Crois-tu que le peuple de Montfort appréciera de savoir le rôle que tu as joué dans la perte de ton frère ? Enfin ! Quand je dis ton frère, nous savons tous deux qu’il n’en est rien ! »

    « Sois moins arrogant ! Tu n’as aucun pouvoir sur la vie de cette fille ! Alors, montre-moi un peu plus de respect et peut-être consentirai-je à plus de mansuétude à son propos… »

    Tous les muscles de la mâchoire du Duc de Montfort se raidirent. Il respira profondément.

    — « Que veux-tu que je signe, Sigisbert ? Quel chantage me proposes-tu ? Je suppose que c’était là le but de cette menace ? » Calixte n’était pas dupe. Il était intelligent et savait qu’il n’avait pas tous les atouts dans son jeu pour l’instant.

    Sur un ordre de l’évêque, Azanaïs pouvait être exécutée. Si Sigisbert la reconnaissait coupable, elle serait poursuivie sans relâche et il ne pourrait jamais la faire sienne. Cette éventualité le contrariait et contrariait ses projets.

    Il décida donc d’afficher un profil bas, tout au moins pour le moment…

    +++++++++++++++++

    Le soleil brillait encore bien haut dans le ciel lorsque le chanoine délégué par l’évêque se présenta devant la demeure sur pilotis du bourreau de Koadaerouant. Celle-ci se situait à l’extérieur de l’enceinte de la ville.

    — « De qui dois-je m’occuper, cette fois ? » demanda, intrigué, le tourmenteur.

    — « Tu le sauras bien assez tôt ! Contente-toi de me suivre, je t’expliquerai en chemin ce que l’on attend de toi ! » lui répondit, très évasif, le prêtre.

    Ils se mirent aussitôt en route, escortés d’une garde conséquente. L’intérêt et la perplexité de l’exécuteur s’exprimaient par un flot de questions que l’homme ne manquait pas de poser à la moindre occasion, au grand dam du chanoine à qui la discrétion avait été demandée.

    — « Tu m’agaces, Thomas pince pis ! Si cela peut te faire taire, sache seulement que tu seras grassement payé ! Enfin, si tu t’acquittes correctement de ta tâche ! » lui lança, franchement exaspéré, le chanoine Odon, déjà très incommodé de voyager en compagnie de ce personnage haï et méprisé, revêtu d’un habit et d’un chapeau couleur « sang de bœuf », que l’on ne pouvait ni toucher ni appeler du nom de son horrible métier, sous peine de le froisser ! Et heurter la susceptibilité d’un bourreau équivalait à vexer la mort¹¹ !

    Réconforté par la promesse d’un salaire important, Thomas se fit violence et cessa d’importuner son compagnon de voyage.

    Ce surnom de « pince pis » lui venait de ce qu’il parvenait à faire confesser à ses victimes leurs fautes les plus inavouables en leur arrachant les tétons. Il y était tellement habile que cette pratique lui était demandée quasiment à chaque « interrogatoire ».

    Au pas cadencé des chevaux, leur progression était assez rapide. Ils s’engagèrent bientôt dans la forêt de RunGwadeg…

    +++++++++++++++++

    Les rêves d’Azanaïs n’avaient rien d’attrayant. Ennoguen hantait sa nuit. Son regard bleu s’était éteint et ses yeux ressemblaient à ceux de Nénoga. Son teint était pâle et il était vêtu de noir.

    Il ouvrait la bouche mais aucun son ne sortait de ce trou noir que dévoilaient ses lèvres, singeant en cela l’entrée du souterrain de Lockhaân.

    Plus il s’approchait d’elle, plus il ressemblait à l’abbesse Mathilde. Azanaïs le regardait avancer sans pouvoir bouger. Mais elle le suppliait de s’éloigner. Il lui faisait peur.

    Il étendit les bras, désireux de la toucher. Cependant, ce n’était plus lui ! C’était Nénoga mais avec des cheveux noirs. L’ombre avait retrouvé sa voix pour lui ordonner dans un souffle sépulcral :

    « Attends-moi, petite ! Attends-moi !

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