La mémoire retrouvée: Nouvelles
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À propos de ce livre électronique
Samira, Emma, Antoine et tous les autres gentils personnages vont vous raconter un tas de choses.
Des choses tristes, des choses joyeuses, des choses de la vie.
Cet amour qu’ils ont approché et serré dans leurs bras aussi fort qu’ils le pouvaient.
De ce conjoint, de cet enfant, de ce parent, de ces êtres qu’ils aiment ou ont aimés d’un amour qu’on ne peut jamais oublier.
À PROPOS DE L'AUTEURE
Arminda Fernandes Andiazabal est née à Bayonne en 1968 et habite Biarritz depuis de nombreuses années. La littérature occupe une grande place dans sa vie. Elle fait partie du comité de lecture des talents Cultura. C’est à l’aube de ses quarante-sept ans que l’envie d’écrire lui vient. Elle consacre sa plume aux histoires de vie toujours empreintes d’amour, d’espoir, de résilience et toujours extraordinaires. Son premier roman, Le Vœu, fut publié aux éditions Vérone en juin 2018.
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Aperçu du livre
La mémoire retrouvée - Arminda Fernandes Andiazabal
Samira
Samira est arrivée en ce lieu, par une journée pluvieuse et glaciale, à la fin novembre.
Elle voudrait savoir ce qu’elle fait là, elle fouille dans sa mémoire mais elle semble avoir effacé les dernières heures de sa vie. Elle se voit quitter la maison, tomber dans les bras de Théo, l’embrasser, l’aimer, lui demander pardon, appeler Éric, et plus rien… l’abîme.
Durant plusieurs jours, elle vit ses yeux rivés sur le plafond, sur les murs, sur le sol. Elle peut dire combien de toiles d’araignées les habitent et combien d’autres saletés ornent chaque recoin de ce lieu sordide. Des jours comme les autres défilent. Des gestes comme les autres sont faits. Des mots comme les autres sont dits. Des émotions comme les autres sont tues.
Et puis un soir comme un autre sonne l’heure de la mémoire retrouvée. Des bribes de souvenirs refont surface. Elle voudrait les étouffer. Ne rien dire et tout cacher aux yeux du monde, et tout oublier. Mais tout oublier, elle sait qu’elle ne le pourra jamais !
Alors malgré tout ce que l’écriture pourrait soulever, elle décide, une nuit de décembre à Biarritz, de raconter son histoire. De la jeter au visage du monde.
Samira a grandi dans une cité de la banlieue parisienne. Son proche horizon était formé d’une atmosphère bitumeuse. Mais enfant, elle ne le percevait pas de la sorte. Elle posait son regard innocent et rêveur loin devant et ne s’attachait qu’à la beauté des choses. Elle partait à la quête du moindre joli détail. Quelques arbres aux feuilles d’un vert étincellent, quand elles n’étaient pas orangées, jaunes, tentées des couleurs automnales. Aux fleurs diverses et variées, à leurs mille teintes et à leurs mille senteurs. Aux bancs publics où s’installaient les vieux et les mères de famille pour discuter. Aux chants mélodieux des oiseaux. Samira s’inspirait de toutes ces précieuses petites choses et transformait son horizon austère en paysage fabuleux. Pourtant ses journées étaient bien loin, comme dans ses livres préférés, du conte de fées.
Ses parents dans le seul but de vivre une vie meilleure c’est le cœur gros, qu’ils avaient quitté le Maroc. Mais ils avaient transporté dans leurs maigres bagages toutes les coutumes de leur pays. Et ils les avaient soigneusement déposées dans chaque recoin de leur nouvelle demeure en France.
À leur arrivée, ils avaient quatre enfants. Et deux années plus tard, ils en avaient six.
Leur petit appartement au dernier étage d’une tour de la cité était composé de trois chambres minuscules, d’une cuisine exiguë, d’un salon de taille acceptable qui devait, également, leur servir de salle à manger. Et aux lueurs du crépuscule, ce même salon se transformait en chambre parentale. Et ce partage d’une vie commune et de promiscuité avait peu à peu étouffé les chances qui paraissaient déjà faibles de cette famille, de connaître sous leur toit les joies liées à un espace de liberté fait de confort.
La mère, fatiguée de traîner un ventre abîmé par les grossesses et un dos usé, exigeait de son mari de retenir, quand il lui ferait l’amour, sa semence. Car enfanter, elle ne le voulait plus.
Les premières années, elle fut contente de voir son non-désir d’enfanter exaucé. Elle se sentait soulagée d’un poids au sens propre comme au figuré.
Mais un jour, elle apprit qu’elle était enceinte. Le malheur s’abattait sur elle, sa demeure, sur tous les membres qui l’occupaient. Mettre au monde un nouveau bébé était déjà en soi pour cette mère, une infortune, un chemin de croix qui jamais ne connaîtrait une fin. Mais elle ne savait pas que ce malheur pouvait prendre un visage féminin.
Elle qui avait donné la vie qu’à des garçons, elle n’avait jamais envisagé la possibilité de la donner à une fille. Une malédiction. À la cité, on leur reprochait de naître filles. Et dans ces fameuses coutumes transportées dans leurs bagages, elle équivalait à une existence où la soumission était reine, la servitude, l’abnégation, ses sujets. Et pour le foyer de cette enfant, s’installaient les affres de la peur.
La mère de Samira, elle-même, ne sortait jamais sans être accompagnée de son mari. Où qu’elle aille, elle était escortée. Dans l’esprit des parents de Samira et dans celui de tous ceux qui portaient des croyances comme les leurs, dès qu’une femme frôlait une forme de liberté, elle se voyait critiquée, accolée de vilains faits, de mauvaises intentions.
Des rumeurs des plus sordides, au plus folles couraient dans les couloirs des immeubles jusqu’aux caisses du Lild du coin.
Les journées de la mère de Samira, ennuyeusement, se ressemblaient, se répétaient. Plongée dans un univers qu’elle appréciait à peine. Elle allaitait Samira, lui changeait son lange, mais jamais elle ne l’embrassait, ne lui parlait. Elle rangeait, nettoyait la demeure familiale, préparait les repas, regardait la télévision.
Du lundi au dimanche, disons chaque jour, elle offrait un parfum dont le mélange était fait d’odeur de persillade, d’eau de Javel, de ragoût, de friture… Elle ressemblait la plupart du temps à « une morte vivante ». Elle vivait quasi murée dans le silence.
Elle évitait cette triste avalanche de questions intérieures, car par le passé, elle ne leur avait pas trouvé un sens acceptable. Alors la mère de Samira les fuyait comme la peste.
Elle ne portait, également, que peu d’attention à ses garçons. Elle les regardait à peine grandir. Et encore, les regardait-elle seulement grandir ? Samira n’en est pas certaine.
Le père travaillait. Il quittait la maisonnée le matin et n’y revenait que le soir. Il parlait peu et uniquement avec ses fils.
Chaque jour, le pauvre homme pudique à souhait et muet comme une carpe face à la gent féminine embrassait sa fille, à coup de regard, elle était son miroir d’âme fait d’amour. Samira ne l’apprendra que bien des années plus tard.
Il n’élevait jamais la voix. Fatigué par ses longues journées de travail, il partait se coucher très tôt.
Il accompagnait, chaque samedi, sa femme aux courses. Et passait le reste de son temps, les yeux rivés sur l’écran du téléviseur familial.
Les parents de Samira avaient connu l’exil dans l’espoir de cueillir, dans l’eldorado qu’était pour eux la France, des fruits gorgés de la promesse d’une jolie vie.
Mais ils n’avaient pas réussi leur intégration. Leurs repas étaient uniquement composés de mets marocains. La langue parlée sous leur toit était exclusivement la leur. L’arabe. La mère de Samira portait de longues tuniques amples aux couleurs foncées. Et le voile quand elle mettait un pied hors du domicile familial.
Et jour après jour, mois après mois, année après année, les parents de Samira avaient déchanté et avaient accepté leurs illusions perdues. Et leur sacro-sainte volonté, ils se l’étaient promis crachés et jurés, était de repartir au Maroc, dès que leurs enfants voleraient de leurs propres ailes.
Ils n’y seraient pas plus riches, pas plus beaux, pas plus intelligents et peut-être pas plus heureux mais ils retrouveraient leur vraie place. Et leur famille restait là-bas.
Curieusement, ils ne priaient qu’à la maison. Samira ne porte pas le moindre souvenir d’avoir vu ses pieds fouler une mosquée ailleurs qu’au Maroc.
Les frères de Samira, quand elle vint au monde, étaient tous quasi adultes. Et eux leur petite sœur ils