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Requiem à Saint-Malo - Rue de la soif: Polar breton
Requiem à Saint-Malo - Rue de la soif: Polar breton
Requiem à Saint-Malo - Rue de la soif: Polar breton
Livre électronique176 pages2 heures

Requiem à Saint-Malo - Rue de la soif: Polar breton

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À propos de ce livre électronique

Y a-t-il un tueur parmi les clients du bar Le « Borgnefesse » ?

Le « Borgnefesse » : un bar louche de la rue de la Soif, une tenancière maquerelle, un vicomte écrivain, une jeune fille pas si nunuche, un journaliste en mal de sensationnel, et bien sûr des cadavres !
Plus qu’il n’en faut pour exciter la curiosité du commissaire Erwan Le Morvan qui mènera l’enquête.

Une nouvelle enquête du commissaire Erwan Le Morvan !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1948 à Laval, R.-G. ULRICH passe sa jeunesse au Mans, puis à Paris avant de s’installer définitivement dans la région Malouine d’où est originaire sa famille. Après une carrière dans les télécommunications, il se consacre aujourd’hui à sa véritable passion l’écriture.
LangueFrançais
Date de sortie27 mai 2020
ISBN9782374690827
Requiem à Saint-Malo - Rue de la soif: Polar breton

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    Aperçu du livre

    Requiem à Saint-Malo - Rue de la soif - R. G. Ulrich

    hasard.

    Première partie

    1

    La veille au soir, le vent de noroît s’était levé. Depuis, il soufflait en rafales, crachant des bouffées de neige et de pluie. Le ciel tourmenté assombrissait les rues de la « Cité Corsaire » qui subissaient les assauts répétés d’un hiver rigoureux, interminable.

    La jeune fille, emmitouflée jusqu’aux oreilles dans un manteau d’homme trop grand pour elle, longea le port de plaisance et s’engouffra dans l’intra-muros par la Grande Porte. Elle hésita un bref instant avant de tourner à droite, le long des remparts, dans la rue Jacques Cartier.

    Le « Borgnefesse » était un bistrot à la façade étroite coincée entre une boutique d’antiquaire et une agence de voyages. La jeune fille colla son visage à la vitre, mais un épais rideau de velours rouge lui masquait l’intérieur. Elle resserra les pans de son manteau et frappa deux coups secs à la porte.

    Une poubelle vide roula dans le caniveau. Un chat efflanqué, affolé par le vacarme, détala en miaulant.

    Quelques secondes passèrent. Plaquée contre le mur pour se protéger du froid, la jeune fille grelottait. Enfin, elle perçut un bruit de pas à l’intérieur, le claquement d’une serrure. La porte s’entrouvrit.

    La femme, en robe de chambre rose, les cheveux ébouriffés par une nuit agitée, le visage boursouflé par une consommation permanente et abusive d’alcool, l’observait d’un œil morne.

    – Tu viens pour la place ? demanda-t-elle d’une voix enrouée.

    – Oui, Madame.

    – Entre…

    Une grosse lampe de style oriental, posée sur le comptoir, diffusait une lumière pâle, voilant les encoignures. Des verres sales, des bouteilles vides, des cendriers pleins, traînaient encore sur les tables. Une odeur âcre, mélange de tabac froid, de sueur aigre et de vin épais, rendait l’atmosphère étouffante, presque irrespirable.

    – Comment t’appelles-tu ? demanda la femme.

    – Ambroisine Kervellec.

    – Ambroisine… c’est vieillot.

    – C’était le prénom de ma grand-mère.

    – En tout cas, c’est pas un prénom pour travailler dans un bar… Tu bois un café ?

    – Je veux bien, merci.

    La femme passa derrière le comptoir, enfila une gauloise au bout d’un fume-cigarette en métal doré, l’alluma. Elle se tourna vers le percolateur.

    – Ici, tu t’appelleras Sonia, dit-elle en posant deux tasses sous l’appareil.

    Le café était trop fort. La jeune fille dut rajouter un morceau de sucre. Elle but à petites gorgées pour ne pas se brûler.

    La femme triturait sans cesse les bagues brillantes qui ornaient ses doigts boudinés. Elle écrasa sa cigarette dans le fond de sa tasse.

    – On m’appelle Madame Maud… Viens, je vais te montrer ta chambre.

    L’escalier de bois ciré craquait à leur passage. Sur le palier du premier étage, Madame Maud, d’un signe de tête, désigna une porte.

    – C’est ici, dit-elle en franchissant le seuil.

    La jeune fille entra à son tour. Elle découvrit la chambre, petite, obscure, dont l’unique fenêtre ouvrait sur les remparts.

    – Ça te plaît ?

    Un léger sourire effleura ses lèvres. Elle parcourait du regard la pénombre de la chambre, jugeant avec indulgence son confort assez rudimentaire. Un instant, elle s’attarda sur un tableau, copie de mauvaise facture d’une œuvre de Renoir, accroché au-dessus du lit, dans un cadre toc, qui représentait une femme nue, un peu grasse, les seins lourds, vautrée sur des coussins de soie.

    – C’est bien, murmura-t-elle enfin lorsque Madame Maud eut poussé la porte d’un réduit attenant qui avait été aménagé en cabinet de toilette : une douche et un lavabo ébréché.

    La jeune fille n’en croyait pas ses yeux. Jusqu’à présent, elle partageait, dans la maison familiale étriquée, une pièce exiguë avec ses deux jeunes sœurs, et se lavait le matin dans la cuisine au robinet de l’évier.

    Aujourd’hui, elle était comblée…

    – Enlève ton manteau.

    Elle obéit. Dessous, elle portait un jean délavé et un chandail bleu clair trop léger pour la saison.

    Madame Maud l’examina attentivement avant d’ouvrir la porte de l’armoire. Elle décrocha une robe noire qu’elle jeta sur le lit.

    – Tiens, mets ça.

    La jeune fille considéra le morceau de tissu avec inquiétude. Elle hésitait à se déshabiller. Un réflexe de pudeur qui exaspéra Madame Maud.

    – Dépêche-toi ! Je sais ce que c’est qu’une fille à poil !

    Elle fit glisser la fermeture éclair de son jean et n’osa pas se retourner pour enlever son chandail. Elle ne portait pas de soutien-gorge. Une négligence qu’elle regrettait amèrement en sentant le regard de cette femme errer sur sa peau blanche.

    Elle s’habilla en s’efforçant de rester calme.

    Toute simple, un peu décolletée, la robe lui descendait à mi-cuisses, épousant les formes de son corps. Une seconde peau… à la limite de l’indécence.

    Madame Maud recula d’un pas pour mieux admirer le résultat. Du bout des lèvres, elle ébaucha un sourire.

    – C’est parfait… parfait, dit-elle.

    2

    Après une brillante, mais trop brève carrière de romancier, Charles Le Gwen, surnommé le vicomte, s’était installé sur l’île des Rimains, au large de Cancale. Cela faisait cinq ans.

    Peu de gens savaient qui il était, d’où il venait. On le disait un peu fou mais les Cancalais s’étaient habitués à le voir déambuler dans les rues de la ville, vêtu de son éternelle cape de drap noir et coiffé de son feutre à large bord.

    Les Rimains, îlot rocheux ceint de remparts, vestiges des fortifications de Vauban, abritaient une longue bâtisse, en partie délabrée, dans laquelle le vicomte avait élu domicile. Il habitait une grande pièce voûtée, aux murs de pierre, au sol de terre battue où trônait une imposante cheminée de granit, seul luxe de la demeure sans eau courante ni électricité…

    Le vicomte souffla sur ses doigts engourdis. Il bougonna contre les rigueurs de l’hiver, lui qui d’habitude n’avait jamais froid.

    Il descendait à pied le chemin caillouteux qui mène à la crique où était amarré son doris. Comme tous les Bretons, il affectionnait ce type d’embarcation qu’utilisaient autrefois les terre-neuvas pour pêcher la morue.

    Avec une agilité que ne laissait pas supposer son allure empruntée, il monta à bord, dénoua les amarres, lança le moteur hors-bord de quarante chevaux. Le ciel était noir, la côte s’estompait derrière un rideau de brume. La pluie commença à tomber. Il mit le cap sur Port-Briac…

    Toute la journée, la démarche nonchalante, le regard absent, il sillonna les rues de Cancale. Peut-être était-il à la recherche d’une hypothétique inspiration qui, depuis bien des années, semblait l’avoir abandonné. Enfin le hasard – mais était-ce vraiment le hasard ? – le conduisit vers La Houle où il but trop de mauvais whisky dans les bistrots du port.

    Peu avant la nuit, il se retrouva devant le « Bar de la Marine ». L’endroit avait l’air accueillant. Sans hésiter, il poussa la porte vitrée. Le patron regardait la télé en essuyant des verres. Deux hommes attablés autour d’une bouteille de vin rouge, buvaient silencieux.

    Le vicomte était un peu ivre. Il se reprit à plusieurs fois pour se hisser sur un des hauts tabourets du comptoir. Il commanda un whisky…

    Alors qu’il contemplait l’alcool doré au fond de son verre, l’un des deux hommes l’interpella :

    – Eh bien vicomte, on se refait une santé !

    L’œil vitreux, le geste incertain, il se retourna pour scruter l’importun.

    – Que dites-vous ?

    – Ben oui quoi, vous avez mauvaise mine.

    – Ah…

    L’homme sourit. Il décocha un clin d’œil complice à son compagnon, un vieillard en guenilles. Il poursuivit :

    – Vous savez ce qui vous manque, vicomte ?

    – Non.

    – Une femme…

    Tous deux pouffèrent de rire mais le vicomte resta impassible. C’était vrai : les femmes lui manquaient… surtout lorsqu’il avait trop bu. Depuis si longtemps qu’il vivait reclus sur son île ! … Il ne la quittait que l’espace d’une journée pour se ravitailler et s’enivrer.

    Mais comment oublier les femmes ! La douceur de leur regard, la chaleur réconfortante de leur voix et ces effluves tantôt acides, tantôt doux, excitants, saoulants, presque animaux, de leur corps après l’amour…

    Il vida d’un trait son verre, en commanda un autre et offrit une tournée aux deux hommes qui s’étaient approchés.

    – Vous n’êtes pas homo, vicomte ?

    – Non, répondit-il, nullement choqué par la question.

    Dehors, la nuit était tombée. Les rares passants s’activaient sous une pluie battante, froide, pour retrouver au plus vite la chaleur bienfaisante de leur maison. Au-delà de l’éclairage public du port, la mer formait un trou noir, béant, infini, dans lequel avaient sombré un à un les petits bateaux de pêche.

    Les whiskies succédèrent aux whiskies ! Le dernier, toujours le dernier, serment d’ivrognes ! … Pourtant, vers 22 heures, pris d’un impérieux besoin d’air, les trois pochards sortirent du bar en titubant. Le vieillard dépenaillé marmonna quelques mots incompréhensibles. Il s’éloigna en traînant les pieds.

    – Le der des ders à Saint-Malo, vicomte ?

    – Je n’ai pas d’automobile…

    – Moi, si… en avant ! s’écria l’homme en brandissant le bras comme pour lancer une troupe au pas de charge.

    Il vacilla sur ses jambes, trébucha sur le trottoir glissant, jura entre ses dents. Le vicomte, après un hoquet et un plissement d’yeux, lui emboîta le pas.

    Pas encore une épave, mais plus tout à fait une voiture, la fourgonnette Renault blanche, rongée par la rouille, attendait sur le parking. Ils s’installèrent. L’homme mit le contact. Le moteur s’emballa. La voiture démarra en une longue série de soubresauts. Le vicomte hoqueta de nouveau…

    Un quart d’heure plus tard, malgré quelques embardées spectaculaires, le véhicule s’immobilisait sur la place, devant la porte Saint-Vincent.

    Emu par la splendeur de la « Cité Corsaire » qu’il redécouvrait brusquement, le vicomte versa une larme. Il avait oublié la beauté des remparts du XIIe siècle que vint parfaire, trois siècles plus tard, le château flanqué de ses quatre tours.

    Et puis, l’ombre de Chateaubriand hanta sa mémoire. Il éprouvait une sincère et profonde admiration pour cet homme qui, depuis 1848, repose sur l’île du Grand-Bé, face à la mer…

    – Vous venez, vicomte !

    Il sursauta, mécontent d’être dérangé.

    – J’arrive, dit-il simplement.

    En chemin, son compagnon prétendit s’appeler Camille et être ostréiculteur. Mais le vicomte n’écoutait pas.

    3

    Ambroisine Kervellec, alias Sonia, avait entamé cette seconde semaine au « Borgnefesse » avec beaucoup d’appréhension. Non pas à cause du travail, dont elle s’acquittait avec conscience et compétence, mais à cause d’une conversation qu’elle avait eue, la veille au soir, avec Madame Maud.

    Tout avait commencé en début de soirée. Un incident stupide provoqué par un marin grec fraîchement débarqué d’un cargo battant pavillon panaméen.

    Il était arrivé éméché au « Borgnefesse ». Grassouillet, le visage couperosé, l’air rigolard mais l’œil vicieux, il avait dès en entrant jeté son dévolu sur Sonia. De propos grivois en gestes équivoques, il lui avait fait une cour éhontée. La jeune fille avait repoussé ses avances d’une voix ferme, sans ambiguïté. Pourtant, peu après, alors qu’elle servait un client à une table voisine, il avait sournoisement glissé la main sous sa robe. Indignée, Sonia s’était rebiffée et avait giflé l’insolent. Une violente altercation avait suivi ! Furieux, le marin l’avait injuriée dans sa langue maternelle. Et plus grave, il était parti sans régler ses consommations !

    Dès la fermeture, au milieu de la nuit, Madame Maud avait rejoint la jeune fille

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