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Mère-vieille racontait
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Livre électronique450 pages6 heures

Mère-vieille racontait

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À propos de ce livre électronique

Mère-vieille racontait est la « chronique d'une mort annoncée » - celle d'un hameau perdu de Transylvanie -, qu'une « ancienne » s'efforce de retarder en ressuscitant les vieilles histoires, les vieux mystères...
Un étranger, visiteur de passage, se trouvera pris dans les rets de ce monde en marge du réel - d'autant plus que, devenue sur le tard une lectrice férue de grande littérature, « mère-vieille mâtine » les véritables souvenirs d'indémêlables échos de Boulgakov, d'Italo Calvino, et de bien d'autres.

Cet homme, alias le narrateur et l'auteur lui-même - se fera le dépositaire, puis le transmetteur de cet héritage, après la mort de la conteuse.
La plupart des protagonistes de Mère-Vieille racontait ont bel et bien vécu ou vivent encore...

Évoquer Gabriel García Márquez n'est pas fortuit : le roman de Radu Tuculescu dégage le même air frais à la fois local et universel. Il dépeint un monde rude aux lois ancestrales, un monde des hommes, en apparence, mais de fait subtilement gouverné par le principe féminin.

EXTRAIT

Ils ont tellement grossi, les pieds de mère-vieille, qu’elle ne rentre plus que dans une paire de chaussons éculés de la pointure 42, le temps de se déplacer en bas de sa maison, là où se trouvent la cuisine et une chambre, dans la cour, pour s’occuper de ses poules, et parfois jusqu’à la porte de sa clôture, pour regarder le monument dans la pierre duquel on a creusé les noms des hommes tombés durant les deux guerres mondiales. Et puis, c’est tout. Ce sont là ses seuls moments d’exercice. Ses jambes, elle ne les sent plus des genoux jusqu’en bas ; elle ne sent rien non plus si on lui pince le dos des paumes ; marchant toute voûtée, s’appuyant sur une canne grise que je lui ai rapportée de la ville, elle gémit sans cesse, répétant entre deux essoufflements, d’une voix éteinte, tel un leitmotiv au basson : « j’ai mal nulle part, suis juste très affaiblie . Elle s’assoit, avec une courte plainte, sur sa vieille chaise en bois peinte en vert, elle attend de régler sa respiration, puis aussitôt ses yeux se mettent à pétiller joyeusement, signe que de nouveau elle est en état de raconter des choses qui se sont passées et se passent encore quelquefois dans son village qui désormais ne compte plus que cent quatre-vingt-cinq âmes. Parfois elle commence à peine son récit. Commencement qu’elle interrompt paisiblement, étouffant en douceur les paroles, les sons, s’assoupissant le menton calé sur sa poitrine.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

En écrivant, en couchant les histoires de Mère-vieille sur papier, Radu Tuculescu arrête le temps : il immortalise, fait vivre et revivre ce village qui meurt, vidé de sa population. - Heval, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1949 à Târgu-Mures, en Transylvanie, membre de l'Union des écrivains de Roumanie, Radu Tuculescu est un artiste polyvalent : violoniste, réalisateur audio et télé, chroniqueur de théâtre, dramaturge, traducteur, poète, essayiste, nouvelliste et l'auteur de sept romans.
LangueFrançais
Date de sortie23 mars 2018
ISBN9782846793117
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    Aperçu du livre

    Mère-vieille racontait - Radu Tuculescu

    couvertureQuatrième de couverture

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    Radu ŢUCULESCU

    MÈRE-VIEILLE

    RACONTAIT

    Traduit du roumain par Dominique ILEA

    Ouvrage traduit et publié avec le concours de l’Institut culturel roumain.

    Ginkgo éditeur

    À la mémoire de la merveilleuse grand-mère Sinkó Erzsi, sans qui je n’aurais jamais pu écrire ce livre.

    « Et ainsi, à peine le diable eut-il fourré la lune dans sa poche, qu’il régna soudain de par le monde une obscurité si totale qu’il n’en est guère qui eussent trouvé leur chemin jusqu’à la taverne […] »

    GOGOL, Les Veillées du hameau près de Dikanka

    (traduction de Michel Niqueux)

    « Les choses soudain privées de leur sens supposé, de la place qui leur est assignée dans l’ordre prétendu des choses […], provoquent chez nous le rire. À l’origine, le rire est donc du domaine du diable… »

    Milan KUNDERA, Le Livre du rire et de l’oubli

    (traduction de François Kérel)

    « … ce matou-là, envoie-le donc au diable, et nous autres, on va s’envoyer une nouvelle tournée… »

    Réplique du village de Petra

    Première partie

    Fragmentarium

    1. Ils ont tellement grossi, les pieds de mère-vieille, qu’elle ne rentre plus que dans une paire de chaussons éculés de la pointure 42, le temps de se déplacer en bas de sa maison, là où se trouvent la cuisine et une chambre, dans la cour, pour s’occuper de ses poules, et parfois jusqu’à la porte de sa clôture, pour regarder le monument dans la pierre duquel on a creusé les noms des hommes tombés durant les deux guerres mondiales. Et puis, c’est tout. Ce sont là ses seuls moments d’exercice. Ses jambes, elle ne les sent plus des genoux jusqu’en bas ; elle ne sent rien non plus si on lui pince le dos des paumes ; marchant toute voûtée, s’appuyant sur une canne grise que je lui ai rapportée de la ville, elle gémit sans cesse, répétant entre deux essoufflements, d’une voix éteinte, tel un leitmotiv au basson : « j’ai mal nulle part, suis juste très affaiblie ». Elle s’assoit, avec une courte plainte, sur sa vieille chaise en bois peinte en vert, elle attend de régler sa respiration, puis aussitôt ses yeux se mettent à pétiller joyeusement, signe que de nouveau elle est en état de raconter des choses qui se sont passées et se passent encore quelquefois dans son village qui désormais ne compte plus que cent quatre-vingt-cinq âmes. Parfois elle commence à peine son récit. Commencement qu’elle interrompt paisiblement, étouffant en douceur les paroles, les sons, s’assoupissant le menton calé sur sa poitrine.

    Mère-vieille a quatre-vingt-cinq ans et elle mourra le jour même de son quatre-vingt-dixième anniversaire.

    Pour rejoindre Petra il faut quitter la chaussée asphaltée et prendre un chemin de traverse qui franchit deux collines pelées. Le village se niche dans la seconde vallée. À l’entrée, une plaque éclatante de blancheur avertit en français et en hollandais que Petra est jumelé à deux autres villages, l’un en France, l’autre en Hollande, ce qui, pour ses habitants, ne veut strictement rien dire. Au début de 1990, une bande de Français et de Hollandais, animés des meilleures intentions (comme les étrangers l’étaient à l’époque), firent halte dans la vallée. Ceux-là furent saisis par les maisons, certaines désertées, aux orbites vides, par les portes sculptées aux motifs de tulipes, à moitié écroulées, par les volailles qui erraient dans les ruelles, par l’absence du téléphone, par la route accidentée qui reliait les habitants au reste de la civilisation. Et alors, ils décidèrent de se cotiser, en signe de fraternité avec cette communauté mixte de réformés, de catholiques et d’orthodoxes, sans que ledit bariolage ait dérangé qui que ce fût ni engendré de querelle d’importance. Même du temps que le village était florissant, comme on dit, et qu’il y avait là-bas des noces, des baptêmes, qu’on y faisait du porte-à-porte pour chanter des noëls, qu’on y amassait des récoltes suffisantes, et qu’on y trouvait aussi des jeunes gens et des enfants, même en ces temps-là les villageois de Petra n’eurent jamais de rudes controverses sur des sujets religieux.

    Désormais, le plus jeune habitant du village demeure Burdazoli, le facteur. Il a soixante ans, une jument appelée Emma et une épouse, n’a pas d’enfant et se soûle la gueule tous les jours.

    Ces Hollandais et ces Français envoyèrent au maire des colis entiers de vêtements et de friandises pour la poignée d’habitants de Petra, ainsi qu’une somme d’argent censée couvrir l’installation du téléphone et les travaux pour rendre la route praticable en hiver ou lorsque les pluies du printemps et de l’automne arrivaient, l’embourbant jusqu’à ce qu’elle devienne carrément infranchissable. Durant lesdites périodes, le seul moyen de locomotion efficace était le tracteur ou la charrette. Or, le tout dernier tracteur s’était immobilisé à jamais ce même automne 1990. Une couche de rouille, l’envahissant depuis un peu partout, lui donnait l’aspect d’une sculpture moderne. Pour ce qui est des charrettes, on pouvait encore en trouver au village, mais on s’en servait de plus en plus rarement. C’est Botpali qui, à l’époque, jouait les maires. Il s’est dit que ce n’était franchement plus la peine de distribuer des vêtements et des friandises à quelques vieillards qui, de toute manière, s’habillaient toujours en noir et n’avaient plus de dents. Par conséquent, il céda tous ces colis à quelqu’un de sa parentèle qui avait ouvert un Second Hand dans sa ville de résidence. Quant aux devises destinées à l’installation du téléphone et à l’aménagement de la route, mère-vieille ne sait pas exactement où elles sont passées.

    « Chez son fils, qui ferre les cigales à la ville, si ça se trouve. »

    Elle hausse les épaules, avec un signe éloquent de la main, comme quoi elles se seront évaporées, volatilisées, peut-être même qu’elles n’ont jamais été envoyées, en fin de compte, ces étrangers-là, seul le diable sait ce qu’ils ont au juste derrière la tête ! Quoi qu’il en fût, presque une dizaine d’années plus tard, l’ancien maire et actuel conseiller n’a vraiment pas l’air de vivre mieux que tous les autres, et ni ces Français, ni ces Hollandais ne remontrèrent davantage le bout de leur nez dans les ruelles de Petra. Tout ce qui demeure de leur passage c’est cette inscription-là à l’entrée du village, rutilante sous les rayons du soleil… Tout le reste s’est figé en une douce immobilité, sans le moindre signe de crispation. Il y règne souvent un silence quasi anormal… On n’y entend plus que le hennissement d’un cheval, le bêlement d’une chèvre, le caquetage des poules, le beuglement de quelque buffle ou de quelque vache, un coassement de grenouille, le carillon de l’unique église encore en activité, et qui voit toujours entrer les mêmes vieilles traînant les pieds, vêtues de noir même les jours de fête. Les terres rétrocédées, il n’y a plus personne pour les travailler. On ne soigne plus que les vergers, peu ou prou, ou bien quelques cordons de vigne. On peut se passer de tout, sauf de la tutute.

    La maison de mère-vieille est bâtie en pierres sèches et en bois, et le sol en terre battue est recouvert de carpettes rectangulaires tissées à des époques révolues. C’est une maison en dur qui vous donne un sentiment de sécurité. Bien que les souris y aient libre passage un peu partout. Les deux chats noirs (de toute sa vie, mère-vieille n’a voulu que des chats noirs) qu’elle possédait encore il n’y a pas longtemps, elle vient de les trouver morts dans la grange. C’est sûrement Nanapeter, son voisin, qui les a empoisonnés, mère-vieille de raconter, ce voisin au visage sans cesse congestionné, et sans cesse en rogne, c’est la faute aux innombrables godets de ţuică qu’il verse chaque jour dans sa bouche mal embouchée. Sans cesse à jurer et à engueuler tout le monde comme du poisson pourri, alors qu’il a du mal à passer la porte, rapport à ses cornes, mère-vieille d’ajouter. Sa Marika l’a trompé dans sa jeunesse, si ce n’est aussi plus tard, avec qui elle en a eu envie, et elle a bien fait, ça c’est pas un homme, toute la journée à hurler comme un forcené, et puisque l’autre, elle, s’en contrefiche, alors il se met à fouetter jusqu’au sang ses chevaux, et sa vache ; car sa femme, il a pas les couilles de la cogner, il la menace seulement, dès potron-minet, encore qu’elle s’en batte les flancs, de ses bêlements !

    Moi aussi, un jour (lors d’une de mes visites, pas assez fréquentes, chez mère-vieille), je l’ai aperçu, le dénommé Nanapeter, déboulant de la grange en brandissant une hache au-dessus de sa tête et se ruant vers le perron de sa maison, où la Marika se tenait, lui hurlant qu’il allait lui fendre le crâne. Tandis que sa femme, elle, les poings sur les hanches, l’attendait bien tranquillement sur la troisième marche. Et lorsque Nanapeter fut arrivé à sa hauteur, les yeux exorbités et renâclant comme un buffle, elle lui dit en souriant : « Pose donc cette hache, vieille bête, et va te laver les mains, car je viens de mettre la table ». Après quoi elle tourna les talons et remonta les marches en se dandinant, et Nanapeter, de son côté, lui obéit au doigt et à l’œil, sans même rouspéter… Quant à Démitri, grand-papa, c’est-à-dire l’époux de mère-vieille, ce cinglé n’a jamais pu le blairer, sans que nul n’ait pu découvrir pourquoi.

    La même arrière-petite-fille qui avait « baptisé » la grand-mère « mère-vieille », en revanche, appelait le grand-père, selon une logique connue d’elle seule, « grand-papa », et non pas « père-vieux », comme les adultes s’y seraient attendus. Grand-papa, lui, est mort cinq ans plus tôt et durant ses deux dernières années n’a plus quitté son lit, tant il avait engraissé. Même qu’il y faisait ses besoins, dans la chambre du haut, dans un pot de la taille d’une bassine, commandé à des Tziganes, et toute la journée de s’empiffrer, d’enfourner comme dans un sac sans fond, en bougeant son seul bras droit. Il était infirme du bras gauche, revenu comme ça du front, pouvant tout juste le soulever encore jusqu’à la ceinture, mais, dans sa jeunesse, l’était toujours un homme très travailleur, mère-vieille de raconter, autant qu’il pouvait encore l’être avec un seul bras. En revanche, il s’était taillé le renom du danseur le plus infatigable de la région, sinon du pays tout entier, même qu’il dansait devant l’église, après l’office, et que tous faisaient cercle autour de lui pour l’admirer. Puis, lors des noces, à chaque fois les femmes et les filles faisaient la queue pour décrocher une danse avec lui, et mère-vieille en était toute fière. Lors de celles, mémorables, où la sanglante affaire eut lieu, mère-vieille de raconter, noces qui durèrent trois jours et trois nuits, l’on dressa une liste pour savoir dans quel ordre il ferait danser les femmes, puis tous les hommes et les vieilles et les enfants et le marié plus l’épousée s’égaillèrent vers leurs maisons, ne laissant au Foyer que grand-papa avec les épouses et les filles et les musiciens, c’est-à-dire les Tziganes de Moti, pour qu’ils y dansent leur saoul jusqu’à lundi matin… Et les musiciens, qui l’aimaient, grand-papa, de temps à autre, il fallait qu’on les arrose d’eau froide. Sinon, à tant jouer, leurs instruments et leurs doigts auraient pris feu.

    La maison, comme la grange et la clôture en pierre, solides, durables, c’est Démitri qui les a conçues, et des gens du village lui ont filé un coup de main pour les ériger, mais c’est surtout mère-vieille qui se trouva de corvée de portage ; elle s’y échina tant et si bien que leur premier bébé fut mort-né. Jusqu’au tout dernier mois avant d’accoucher, mère-vieille s’était coltiné de grosses pierres pour la clôture et la maison et la grange… Et grand-papa était un homme sobre, qui ne fumait pas et ne s’est jamais soûlé de sa vie, un homme de cœur et de largesse, qui du peu qu’il avait donnait sans chipoter et sans contrepartie.

    Sauf qu’un beau jour il résolut de ne plus quitter son lit. Il ordonna qu’on lui apporte ses repas et presque deux années durant il ne fit plus que s’empiffrer en fixant l’unique photo au mur, toute jaunie et conchiée par les mouches, l’unique sur laquelle il n’y eût que lui-même, en soldat fringant et pétant la vie. Il avait engraissé au point que mère-vieille n’eut plus de place dans leur lit double et déménagea en bas, tout en continuant de le gaver et d’obéir à ses ordres avec la même soumission, voire humilité, qu’elle lui avait montrée toute sa vie, sans le moindre commentaire, comme si c’était sa faute à elle, cet éclat d’obus qui était venu lui fracasser la poitrine, par chance juste à un doigt au-dessus du cœur, de sorte qu’il s’en était tiré avec son seul bras gauche depuis impuissant à se soulever plus haut que sa ceinture. Et quand ses yeux eurent complètement disparu, noyés dans la graisse, grand-papa mourut, c’est son cœur qui a lâché, d’après ce que mère-vieille raconte. Là, elle tenta bien, avec d’autres hommes, de le hisser hors du lit double et de le faire redescendre pour son enterrement. Mais la porte s’avéra trop étroite. Alors, ils ôtèrent les larges carreaux, défirent les croisées pièce par pièce, et c’est là seulement qu’ils sont parvenus à le faire redescendre, à grand renfort de cordes. Puis mère-vieille, d’après ce qu’elle raconte, découvrit dans la main droite du mort l’image d’un soldat fringant et indemne et pétant la vie, et fut fort étonnée qu’il soit parvenu à l’enlever du mur, lui qui ne pouvait plus sortir de son lit depuis belle lurette ; et là, l’espace d’un instant, la vision de ce corps gavé comme une oie avant d’être sacrifiée, la vision de ce colosse de graisse se traînassant vers le mur auquel pendait cette toute petite image souillée par les mouches, l’épouvanta. Juste l’espace d’un instant.

    « Moi, le deuil, je l’ai porté presque toute ma vie… » mère-vieille de raconter. « J’ai dû sans cesse enterrer quelqu’un. Mon premier bébé, puis mon deuxième, après qu’il a eu deux ans, puis maman, terrassée par la maladie encore dans la fleur de l’âge, et puis papa, qui avait gelé en rase campagne, son sac bourré de cadeaux à l’épaule : il arrivait de la gare ; quelque six kilomètres, c’était en hiver, juste avant les fêtes, il avait un peu bu, c’est sûr, mais de là à tout bonnement s’endormir en marchant, un accident stupide, idiot, une chance que les loups l’aient pas mangé… »

    2. Nous nous tenons dans la chambre du bas, celle qui a trois petites fenêtres creusées dans la pierre tout près du sol. Les pièces de cette partie de la maison (cuisine, chambre, garde-manger) descendent, d’un quart environ, sous le niveau de la cour.

    À travers l’orbite d’une de ces fenêtres un rayon de soleil vient de se glisser. Maintenant il balaie la pièce sur toute sa largeur, déchirant la semi-obscurité qui y règne de la journée. On dirait le fil d’une épée maniée avec une agressivité retenue. Mère-vieille somnole sur sa chaise verte au dossier haut. Sur ses genoux repose, encadré par ses mains gercées, aux doigts boudinés et aux ongles carrés, un livre. Mère-vieille n’a même pas eu son certif, contrainte d’aller travailler jusqu’à ce qu’elle ne tînt plus debout, au champ, au verger, au jardin derrière sa maison. Pendant ses loisirs, elle faisait à manger, brodait des taies d’oreiller et des nappes, élevait ses enfants et enterrait ses morts. À la ferme collective, elle avait soigné les bêtes, des cochons et des vaches, aux côtés de son Démitri. Dorénavant, sa grande passion c’est la lecture.

    On entend cogner à la porte et, le temps que j’ouvre la bouche, voilà Burdazoli qui déboule dans la pièce, les joues toutes rouges, les yeux riants, empestant le mélange de boissons. Il trébuche sur une chaise qui n’était pas dans ses pattes, tandis que, cérémonieux et cocasse, il remet à mère-vieille une carte de vœux. En fait, il la secoue fortement d’une main et de l’autre lui agite cette petite enveloppe à la hauteur des yeux, comme un éventail en papier. Tout en fouillant du regard la pièce, à la recherche de la bouteille de ţuică.

    « Tu veux boire la goutte ? » mère-vieille de demander, et dans sa voix je décèle ce filet d’ironie. « Là, pendant les fêtes, t’y as droit, toi aussi… » Elle me fait signe de le servir. Le facteur engloutit le contenu de deux godets, avec des gestes saccadés, puis se plante de son mieux sur ses deux jambes, au beau milieu de la pièce.

    « Autrefois, on recevait les chanteurs de noëls, même toi, t’étais de la partie… quand t’étais plus jeune », mère-vieille de dire. « Toute la journée à dresser l’oreille, avec mon mari, à guetter le moment où ils approcheraient de notre porte. Pour qu’on se tienne bien préparés. Mon Démitri, il aimait tant recevoir. Même les Tziganes venaient chanter des noëls, et des gens venus des villages voisins. Désormais, à Noël, on entend plus rien dans les ruelles, plus le moindre bruit. Ni la veille, ni au matin… Même les chiens, ils aboient plus pendant les fêtes… »

    Et Burdazoli d’acquiescer aux dires de mère-vieille, en ricanant et en branlant le chef. Il me lorgne de ses yeux embués qui réclament encore une gougoutte de ţuică. Son menton tremble en cadences syncopées pendant son récit.

    « Moi, d’aussi loin que je m’en souvienne, je fais le facteur ! C’est une profession sûre, je risque pas de pointer au chômage… quitte à être sur les routes toute la sainte journée, vous m’entendez, mon cher monsieur ? Son lot, on peut pas le changer, même en faisant des pieds et des mains, je me comprends ? Tenez, moi, j’ai failli déguster pendant la révolution. Suis tombé dans les bois sur un terroriste, ou le diable sait qui c’était ! Je passais par là, comme de juste, dans mon traîneau attelé à ma jument. Y faisait déjà bigrement noir, quand, tout à coup, y a cette lumière d’allumée, telle une puissante lampe-torche, et vlang ! ce rayon tout droit dans mes yeux ! Histoire de m’aveugler, pour qu’il puisse m’assommer, puis m’arracher ma sacoche ! Mais moi, le terroriste qui me ferait peur, il est pas encore né ! À mon tour d’allumer ma lampe-torche, et vlang ! son rayon tout droit dans les yeux de ce terroriste-là, bien que je le voie pas, de faire claquer ma langue, et mon Emma aussitôt de piger et de repartir au trot, car la lumière de ce terroriste, elle s’en battait la croupe ! Une autre fois, c’était en été et y faisait chaud, j’ai arrêté ma charrette pour prendre une femme qui marchait sur la route. Elle venait de la gare, qu’elle disait, mais dès que celle-là est montée à côté de moi, ma jument n’a plus voulu repartir, cette endiablée, elle se raidissait comme si on lui avait enfoncé un pal de trois aunes dans le trou du cul, et que la pointe dudit lui ait transpercé le ventre pour aller se fiche dans le sol. Alors, j’ai dit à celle-là de redescendre, crénom de nom, et dès qu’elle mit pied à terre, mon Emma de faire feu des quatre fuseaux, comme piquée des abeilles… Aux abords de Stana, je croise un homme pressé : où qu’il va, que je lui demande, à Stana, qu’il me répond, et moi, étonné, de rétorquer que là, au contraire, il est en train de s’éloigner du village, que c’est moi, et non pas lui, qui vais dans la bonne direction. Alors, cet homme-là s’est mis à m’injurier, mais mon Emma a rallongé le compas, avant que j’aie pu lui rendre la pareille. Quelques jours plus tard, j’apprenais qu’une paire de maraudeurs, un homme et une femme, avaient opéré dans les environs. C’est depuis que j’ai décidé de me déplacer plus volontiers à cheval, c’est plus sûr… Encore que son lot, on pût pas le changer, même en faisant des pieds et des mains ! »

    Là, Burdazoli nous souhaita encore une fois de joyeuses fêtes, puis s’en fut, mais pas avant de trébucher derechef sur le tabouret qui n’était pas dans ses pattes. Le petit tourbillon que ses paroles ont engendré dans la chambre aura également touché mère-vieille, la provoquant.

    « Ce Burdazoli, il a même été maire de notre village, pendant quelques mois, le diable sait comment. Moi, je vais pas voter, à mon âge, je me fiche comme d’une guigne de qui c’est le maire ! D’autant que désormais, on en a plus du tout… Les gens ont dû penser qu’il en savait plus long, puisqu’il était facteur. Il en sait que dalle ! Lever le coude, en revanche, ça, il sait le faire tous les jours. Sans Emma sa jument, il serait derrière les barreaux depuis un bail. Comme maire il a tenu à peu près six mois, durant lesquels il a bu et porté aux gens des lettres et des pensions, et rien d’autre. C’est-à-dire qu’il a juste fait son boulot de facteur. Puis il est allé de lui-même donner sa démission, disant qu’il avait pas de temps à perdre avec la besogne d’un maire. Tu parles d’une grosse perte pour le village ! Qu’il se déplace plein comme une bourrique, avec ce tas de pognon sur lui, les pensions de retraite de trois villages, ça, ç’aurait pu amener une grosse perte pour ces gens-là. Son ange gardien, c’est encore sa jument. Sans Emma, il serait pas même foutu de faire son métier, avec tous ces kilomètres à abattre. Quand il est soûl à plus pouvoir lui grimper sur l’échine, Emma plie les arpions jusqu’à ce que ce poivrot lui glisse plus sous le ventre. Il s’agrippe à l’encolure de sa bête, suspendant la sacoche avec le pognon et les lettres à son cou à lui. Même qu’entre deux villages il a le temps de roupiller un bon coup : sa jument, il devrait lui embrasser le fion, car sans elle, il serait personne ! Moins qu’un ver de terre ou qu’un crapaud ! Un jour, à Stana, il était au troquet, alors que sa jument, comme d’habitude, l’attendait sagement là-dehors. Eh ben, devine ce qui lui a pris, à notre Burdazoli ! De distribuer les pensions là même, dans ce troquet. La nouvelle dégringola vite les ruelles du village, car c’était en hiver et que ça glissait raide, et alors, tous les retraités de se bousculer dans ledit troquet, sauf qu’ils aiment tous la tutute, et qu’elle est meilleure au troquet qu’à la maison. Donc Burdazoli se vit tout à trac promu comme qui dirait leur chef, distribuant le pognon à droite et à gauche, en beuglant, et les retraités de lui payer des pots, en beuglant à leur tour, si fort que les franges de glace au bord de l’auvent en cassèrent. Et puis, pendant que la bringue battait son plein, quelqu’un l’allégea de sa sacoche. C’était pas un de ces retraités-là, mais un gars plus jeune, venu d’un autre village, paraît-il. Or, dès que le voleur est sorti du troquet, la jument, avisant la sacoche, lui envoya, à celui-là, un coup de sabot dans les reins, puis le mordit. Ce gredin, alors, se jetant aux genoux de la jument, se mit à implorer son pardon, car lui aussi, avait plus d’un verre dans le nez qui lui montait à la cervelle. Et tous ces poivrots-là, facteur en tête, de se bidonner à qui mieux mieux, et pour finir, ils bourrèrent le voleur de… bière, pour qu’il en ait son compte, de picoler à l’œil… ! Burdazoli, lui, se vante de jamais avoir égaré sa sacoche, depuis qu’il fait le facteur. Mais c’est sa jument qui, plus d’une fois, lui a sauvé la mise ; elle lui ramasse la sacoche tombée dans la neige pendant qu’il pique du nez, ou bien, s’il la laisse s’accrocher à quelque branche, Emma s’arrête pile, jusqu’à ce qu’il s’aperçoive qu’il lui manque son barda… Et s’il l’oublie dans quelque maison, c’est toujours à Emma de lui mettre des petits coups de tête dans la poitrine, empêchant ce poivrot de remonter en selle avant qu’elle ne lui ait rafraîchi la mémoire. D’aucuns même disent qu’il se sucrerait au passage sur les pensions des vieillards qui ignorent quand et de combien ils ont été augmentés… C’est du moins ce que d’aucuns racontent, car moi, j’en sais rien et j’en mettrais pas la main au feu… »

    Mère-vieille vient de couper brusquement le fil de ses paroles, comme à son habitude. Son menton s’affaisse sur la poitrine, son foulard noir lui glisse sur le front, et ses paupières, lentement, lui recouvrent les yeux. Seules ses mains demeurent dans la même position, sur ses genoux, comme dévitalisées, à encadrer le livre. Le rayon de soleil, lui aussi, a entre-temps glissé jusqu’à la terre nue recouverte de tapis tissés à des époques révolues. Dans l’air je sens passer une brise légère, tel un battement d’ailes invisibles. Vague, impalpable. C’est peut-être cette enveloppe que tantôt Burdazoliagitait comme un éventail à la hauteur des yeux de mère-vieille qui aura brassé l’atmosphère, et dont une onde de recul parvient enfin jusqu’à mes oreilles, les effleurant…

    J’entends un bourdonnement d’abeilles. Ou serait-ce des guêpes ? Bien malin qui ferait la différence… À ce que je sache, en hiver, les abeilles et les guêpes vivent calfeutrées… Peut-être que celui-ci, il est trop chaud, et qu’elles sont sorties se dégourdir dans le grenier, c’est par là que j’ai aperçu quelques nids de guêpes… Mais entre cet endroit et le grenier il y a tout un étage. Trop de silence par ici, chez mère-vieille, dans sa maison et sa cour et partout dans ce village, et alors, l’inaccoutumé à ce genre de silences que je suis entend des choses, quand en réalité il n’y a rien à entendre.

    3. Je suis en route vers Petra, pour la toute première fois. Encore un tronçon de chaussée asphaltée, après quoi je dois emprunter un chemin vicinal, qui se déroule par-dessus deux collines. Sur quelque trois kilomètres. Ces détails, je les tiens de la Dita, assise à ma droite. Plus j’avance, plus la bande asphaltée est cariée. Je grogne des jurons hachés, visiblement à cran. Je m’en vais faire la connaissance de cette mère-vieille dont sa petite-fille, je veux dire la Dita, m’a si souvent parlé. Mère-vieille, c’est aussi une part de son enfance. La plus belle, de son propre aveu. Maintenant, je lâche toute une bordée de jurons, de moins en moins habile à contourner les caries qui ne cessent de naître devant ma voiture. La Dita, elle, avec des sourires indulgents (et gardant sa jambe droite pliée sous elle sur le siège), me conseille de mettre mes nerfs en veilleuse. C’est pas pour autant que j’arriverai à combler cette enfilade de nids-de-poule. Comme elle a raison ! Voilà justement de quoi ressortir de ses gonds. Elle ferait mieux de me raconter encore de ces choses sur mère-vieille, celle qui brode des oreillers et des nappes pour arrondir ses fins de mois et occuper ses loisirs. La plupart des femmes du village en font pareil. Mais c’est elle la plus douée, ses voisines doivent l’admettre. Quoique, là, sa vue baisse de jour en jour. De l’œil droit (malgré son apparente similitude avec l’autre), elle ne voit presque plus du tout, comme elle me l’avouera plus tard. Une fois par semaine, quelqu’un passe dans le coin acheter leur ouvrage. Ce quelqu’un, à son tour, revend le tout, quatre fois plus cher, à un autre bout du pays. Dans leur jeunesse, beaucoup de ces femmes s’en allaient jusqu’en Hongrie ou en Tchécoslovaquie, y vendre toutes seules leur marchandise, sans intermédiaire. Mère-vieille, elle, ne s’est éloignée du village de plus de dix-sept kilomètres qu’une seule et unique fois.

    C’était pendant la guerre, en 44, je crois. Les Boches étaient en train de se retirer, les Russes de progresser, ou un truc du genre. Grand-papa venait d’être blessé, et mère-vieille d’apprendre qu’il gisait dans un hôpital quelque part en Hongrie. Et là, mère-vieille résolut d’un seul coup de partir pour la Hongrie, voir à quel point c’était grave et ramener son mari à la maison. Lorsque mère-vieille se met martel en tête, nul ne saurait plus l’en dissuader.

    Ma voiture est devenue incapable de contourner ces caries vraiment trop hideuses. Elle passe en seconde. Histoire de ne pas abîmer ses jantes ni sa suspension. Ça vaut mieux. Poules, canards, oies déambulent sur la chaussée comme dans leur basse-cour.

    Donc, mère-vieille s’en alla, flanquée de son beauf. On lui conseilla de mettre de larges vêtements noirs, un foulard sur la tête, et de garder les yeux baissés… Afin de ne pas attirer l’attention des soldats russes qui hantaient les wagons. Elle suivit ces conseils. Dans son propre wagon, qu’elle raconterait à son retour, une poignée de ces soldats-là piétinèrent avec leurs bottes les paniers de fleurs de quelques femmes, lesquelles leur crièrent dessus, traitant ces malappris de tous les noms pour leur avoir abîmé la marchandise. Peu après, les soldats sont revenus et, sous la menace de leurs armes, ont dévêtu les fleuristes et les ont violées là même, sous les yeux des autres voyageurs.

    Deux vaches plantées au beau milieu de la route m’obligent à faire une halte. Je dois attendre qu’elles aient fait leurs bouses et daigné me faire de la place… Tout à coup, je me sens très calme, pourquoi diable serais-je si pressé ? À quoi bon m’énerver ? Je l’imagine, mère-vieille, assistant à cette scène-là, avec les soldats et les fleuristes, entre ses cils, par-dessous son foulard lui recouvrant à moitié les yeux. Je l’imagine, mère-vieille, songeant à son époux, à son Démitri, qui gisait sur quelque grabat crasseux, les yeux rivés au plafond. Je l’imagine, mère-vieille, se demandant à quel point ses blessures étaient graves, si du moins il était toujours en vie… Démitri a un petit garçon qu’il n’a pas encore vu. Ce petit garçon-là deviendra le père de la Dita. Stimulée par ces deux vaches figées au beau milieu de la route, mon imagination s’emballe…

    Le train qui ébranle derechef sa carcasse métallique avec une bruyante indifférence, engloutissant les cris des femmes et les rires gras des soldats, les malaxant sous ses roues. Le beauf, lui, n’osa jeter à mère-vieille un regard entendu qu’après que les soldats eurent quitté le wagon. Quant à commenter l’incident, même pas question. À peine descendus à la gare de Budapest, ils y apprirent que l’hôpital des blessés avait déménagé de cette ville. Il doit déjà être quelque part en Tchécoslovaquie, en route vers l’Allemagne, va savoir ! Mère-vieille ne mit pas en doute cette information-là. Ça devait donc se passer comme ça, qu’elle se dit. Ils rentrèrent par le premier train. Une année après la fin de la guerre, mère-vieille conclut que son Démitri était mort. Puisqu’il ne donnait toujours pas de ses nouvelles.

    Mère-vieille était chez les voisins, la Dita de raconter, dans la maison de Nanapeter, en train de montrer à la Marika un nouveau modèle de taie d’oreiller, lorsque ce soldat entra dans la cour. Là, y avait papa qui jouait, cinq ans qu’il avait. À la vue de ce soldat, il s’est mis à hurler comme un possédé. Ça l’avait effrayé, ce barbu aux yeux à moitié sortis de sa tête, dont l’uniforme déchiré semblait trop grand, comme s’il l’avait volé. Et puis, il était d’une maigreur affreuse. Une cinquantaine de kilos tout mouillé, et son bras gauche qu’il pouvait à peine bouger… Un bras impotent.

    Après, avec mère-vieille, ils ont trimé tous les deux pour la ferme collective. Ils avaient un tas de cochons et de vaches à soigner. Chaque jour à porter des dizaines de seaux bien lourds… Pendant des années, ce fut leur lot, jusqu’au départ à la retraite de Démitri. Mère-vieille parfois a dû se coltiner sa besogne à lui, en sus de la sienne, comme il se fatiguait très vite et qu’un bras lui pendouillait, inutile…

    C’est ce portage-là, affirme mère-vieille, qui lui vaut aujourd’hui d’avoir mal aux jambes. Elle portait également de lourds sacs jusqu’au marché du village voisin. Ou encore des paniers de cerises, d’ouvrages de broderie, sur dix-sept kilomètres, jusqu’à la foire de Negreni…

    L’indicateur de direction vers Petra, disparu. Il n’en restait plus que le poteau, rouillé, esseulé, cocasse dans sa solitude. Au faîte d’un poteau de haute tension, un nid de cigognes. En le doublant, je compte quatre becs. La Dita, elle, après une explosion de joie dans son style complètement désinhibé, à s’apercevoir que cette année les cigognes sont revenues plus tôt que naguère (évidemment, rien n’est moins sûr…), illico se souvient. C’est par là, après ce poteau couronné du nid, que doit s’ouvrir le chemin. L’y voilà, en effet. Je quitte la chaussée trouée de cette façon barbare. Après ça, le chemin vicinal me paraît un rêve. Or la Dita m’apprend que lorsqu’il pleut plusieurs journées d’affilée, ou qu’il neige, la circulation

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