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L'Odyssée des Sylphes: Roman SF-Fantastique
L'Odyssée des Sylphes: Roman SF-Fantastique
L'Odyssée des Sylphes: Roman SF-Fantastique
Livre électronique341 pages5 heures

L'Odyssée des Sylphes: Roman SF-Fantastique

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À propos de ce livre électronique

Quand sa planète est détruite par les humains, la Grande Prêtresse d'Élysia pourra compter sur une aide inattendue...

Sélène d'Altigo est une Sylphide, Grande Prêtresse d’Élysia. Lorsque les humains attaquent sa planète, elle voit tout ce qu’elle a connu anéanti en un instant. Elle ne parvient à s’échapper que pour être capturée par des esclavagistes, qui en font l’attraction de leur arène. Cependant, les humains convoitent son sang aux propriétés mystérieuses, et chargent un mercenaire de l’enlever : Meanrir, pirate âgé de deux mille ans. Issus respectivement de la Lumière et de la Nuit, Sélène et Meanrir sont deux êtres que tout oppose. Et pourtant, des liens ne vont pas tarder à se tisser entre eux…

Une romance fantastique sur une planète lointaine et mystérieuse.

EXTRAIT

Le réveil fut brutal, la douleur paraissait si réelle ! Par réflexe, je palpai mon corps à la recherche de la pièce de métal qui venait de se ficher en moi. Rien, ce n’était qu’un rêve, qu’un souvenir pénible qu’il me fallait oublier.
Je me berçais d’illusions, comment pouvais-je espérer oublier ce jour fatidique où tout mon monde avait basculé, comment pouvais-je espérer oublier cette suite d’évènements malheureux qui m’avaient conduite aux mains de Komadaur, cinq années plus tôt ? Non, cela m’était impossible et je devais l’accepter.
La flèche provenait d’un fusil-harpon à décharge électrique. Une arme dont se servaient la plupart des mercenaires afin de traquer le béhémoth sur ZX-IV. En quête de nouveauté, Komadaur y avait envoyé un détachement de ces plus braves chasseurs, et ces derniers furent grassement récompensés pour avoir pris dans leurs filets une créature encore plus exotique, une Sylphide d’un monde lointain.

À PROPOS DES AUTEURS

Geoffrey Guntz est né en 1982, à Lunéville. Il vit et travaille aujourd’hui à Metz, en tant que pharmacien. Il est attiré très tôt par d’anciens livres de la bibliothèque familiale, dont certains ont plus de deux cents ans. Dès lors, l’objet-livre, son odeur et sa texture, le fascinent. Il commence à écrire dans l’enfance, pour se distraire autant que pour se libérer. Adolescent, il fait jouer à ses amis ses propres scénarios de jeux-de-rôles, avant d’opter pour le roman.

Christophe Maire est né quant à lui à Verdun, en 1987. Il a commencé ses études en génie électrotechnique et son professeur de Français l’a poussé très tôt à publier son travail, à l’âge de 15 ans, à l’Écritoire, une petite maison d’édition promouvant de jeunes auteurs. Depuis, il n’a cessé d’imaginer de nouvelles histoires, trouvant parfois refuge dans l’écriture de ses romans fantastiques. Il finit par abandonner le lycée traditionnel pour apprendre l’art de la cuisine, son autre passion. Il habite Metz depuis sa majorité, où il exerce dès lors le métier de cuisinier.
LangueFrançais
ÉditeurEx Aequo
Date de sortie10 juil. 2017
ISBN9782359629514
L'Odyssée des Sylphes: Roman SF-Fantastique

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    Aperçu du livre

    L'Odyssée des Sylphes - Christophe Maire

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    Table des matières

    Résumé

    I

    II

    III

    IV

    V

    VI

    VII

    VIII

    IX

    X

    XI

    XII

    XIII

    XIV

    XV

    XVI

    XVII

    XVIII

    Épilogue

    Dans la même collection

    Résumé

    Sélène d'Altigo est une Sylphide, Grande Prêtresse d’Élysia. Lorsque les humains attaquent sa planète, elle voit tout ce qu’elle a connu anéanti en un instant. Elle ne parvient à s’échapper que pour être capturée par des esclavagistes, qui en font l’attraction de leur arène. Cependant, les humains convoitent son sang aux propriétés mystérieuses, et chargent un mercenaire de l’enlever : Meanrir, pirate âgé de deux mille ans. Issus respectivement de la Lumière et de la Nuit, Sélène et Meanrir sont deux êtres que tout oppose. Et pourtant, des liens ne vont pas tarder à se tisser entre eux…

    Geoffrey Guntz est né en 1982, à Lunéville. Il vit et travaille aujourd’hui à Metz, en tant que pharmacien. Il est attiré très tôt par d’anciens livres de la bibliothèque familiale, dont certains ont plus de deux cents ans. Dès lors, l’objet-livre, son odeur et sa texture, le fascinent. Il commence à écrire dans l’enfance, pour se distraire autant que pour se libérer. Adolescent, il fait jouer à ses amis ses propres scénarios de jeux-de-rôles, avant d’opter pour le roman.

    Christophe Maire est né quant à lui à Verdun, en 1987. Il a commencé ses études en génie électrotechnique et son professeur de Français l’a poussé très tôt à publier son travail, à l’âge de 15 ans, à l’Écritoire, une petite maison d’édition promouvant de jeunes auteurs. Depuis, il n’a cessé d’imaginer de nouvelles histoires, trouvant parfois refuge dans l’écriture de ses romans fantastiques. Il finit par abandonner le lycée traditionnel pour apprendre l’art de la cuisine, son autre passion. Il habite Metz depuis sa majorité, où il exerce dès lors le métier de cuisinier.

    Christophe Maire & Geoffrey Guntz

    L’Odyssée des Sylphes

    Roman SF-fantastique

    ISBN : 978-2-35962-951-4

    Collection Atlantéïs

    ISSN : 2265-2728

    Dépôt légal juillet 2017

    ©2017 Couverture Ex Aequo

    ©2017 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.

    Éditions Ex Aequo

    6 rue des Sybilles

    88370 Plombières les bains

    www.editions-exaequo.fr

    I

    Sélène,

    Arène de Mégapoure

    La herse de l’arène s’ébranla péniblement, arrachant une longue plainte à son mécanisme rouillé. Pour moi elle était devenue le chant funèbre qui annonçait un nouveau massacre. Les ombres de chaque barreau passèrent sur mon visage, faisant tomber un à un mes doutes, mes appréhensions, les souvenirs de l’être compatissant que j’avais été, comme autant de barrières me préservant de l’arme létale que j’étais devenue.

    Tout en me laissant savourer ce déferlement d’adrénaline, la lenteur des grilles me donnait le loisir d’observer mon adversaire du jour, de l’autre côté de l’arène : un lycanthrope, sous sa forme animale ; rien de bien impressionnant, j’en avais maté de plus gros que lui.

    Je dégainai mes deux kukris d’obsidienne dont les fourreaux se croisaient au creux de mes reins, et enclenchai le bouclier rétractable fixé à mon avant-bras droit. Tant que je ne l’activais pas, il ressemblait à un bracelet de force quelconque, mais une fois en marche il se déployait et pouvait atteindre à pleine puissance un mètre de diamètre.

    La voix de l’annonceur se fit entendre et vint à couvrir l’espace d’un instant le brouhaha provenant des gradins de la classe populaire. Tandis qu’il présentait les deux concurrents à la foule, j’en profitai pour échauffer mes muscles par quelques enchaînements basiques, me contentant de fendre l’air avec mes lames et de bonds souples qui déplaçaient mes appuis de la cheville gauche à la droite.

    Me sentant suffisamment préparée pour le combat à venir, j’étendis mes ailes de Sylphide afin de faire craquer ma colonne vertébrale. Je réalisai alors combien mon nouveau costume était inapproprié ; il était encore moins fait pour le combat que le précédent, et ne laissait que très peu de place à l’imagination quant à ce qui pouvait se trouver en dessous. Un étroit bustier de cuir noir enserrait ma volumineuse poitrine, d’où cascadaient joliment des chaînes en argent sur mon ventre plat et dessiné par des années d’entraînement intensif. Le pantalon assorti au haut était tellement serré et moulant qu’il semblait peint sur ma peau, des voiles étaient fixés à un de ses côtés et tombaient au sol dans un panache de vert et de bleu. Une large ceinture agrémentée de rivets et de boucles inutiles ainsi que des cuissardes à lacets, aux talons déraisonnablement surélevés, complétaient ma tenue. L’unique chose que l’on m’avait autorisé à garder était une pierre céruléenne presque aussi grosse que mon poing, au magnétisme troublant, que je portais près du cou en pendentif. Il s’agissait d’adenium, autrement dit de l’adénite purifiée, un minerai aussi rare que précieux. Cette pierre représentait à elle seule tout ce qui me restait de mon ancienne vie. Je ne m’en séparais jamais, même lors de mes affrontements, elle me rappelait ce que j’avais perdu et ce pour quoi je continuais à me battre.

    Le gong retentit, annonçant le début des hostilités. Sous les acclamations de la foule, je me précipitai dans l’arène et déployai mes ailes de toute leur envergure. Cela surprit le loup qui s’arrêta brusquement dans sa course. Je quittai la terre battue dans une envolée de plumes blanches et m’élançai vers le dôme en verre blindé qui nous séparait du public. Culminant à plus d’une centaine de mètres au-dessus du sol, il délimitait la zone de combat et permettait aux créatures ailées d’exploiter tout leur potentiel. Chaque jour des personnalités, des politiciens et des gens du petit peuple se déplaçaient des quatre coins de l’univers pour voir s’affronter les monstres les plus rares et les plus exotiques. Ils étaient venus me voir moi plus particulièrement, la favorite, la « Furie Bleue » comme ils se plaisaient à m’appeler. J’imaginais faire partie des monstres au même titre que les autres, mes yeux d’un bleu froid, légèrement phosphorescents, et mes longues ailes effilées, au plumage immaculé et moiré, y contribuaient d’une certaine façon. Mon comportement n’avait plus grand-chose d’humain non plus ; ces cinq dernières années passées à éviter les coups m’avaient rendue violente et sauvage.

    Hors de portée de mon adversaire, j’invoquai l’élément Feu et des flammes fleurirent aussitôt dans la paume de ma main. Elles enflèrent jusqu’à devenir trop importantes pour que je puisse les contenir, je ressentais à peine leur chaleur, cependant je ne pris aucun risque et les envoyai sans tarder sur le loup qui se protégea en se recroquevillant sur lui-même. Je compris à l’odeur qui flottait dans l’air que la fourrure de son dos avait été brûlée, mais il ne laissa rien paraître et s’appuya sur ses pattes arrière afin de se propulser jusqu’à moi. J’adoptai une posture d’attaque et l’accueillis en lui tailladant le torse de bas en haut. Il m’entraîna néanmoins dans sa chute et nous retombâmes lourdement sur le sol. Mes jambes me firent horriblement souffrir et je ne pus me dégager de sous le lycanthrope qui se transformait devant mes yeux. Il fut pris de violents spasmes quand sa fourrure disparut sous sa peau. Ses articulations cédèrent, ses os se repositionnèrent de façon plus humaine ; puis ses oreilles reprirent une taille normale et son museau se raccourcit jusqu’à s’enfoncer dans son visage. C’était un homme — un homme complètement nu — presque attendrissant ainsi inconscient et blotti contre moi, comme un enfant que j’aurais pris sur mon giron pour le bercer. Sauf que cet enfant-là ne manquerait pas de m’étrangler s’il se réveillait !

    Avec mille précautions, j’extirpai une jambe de sous son corps massif, puis une autre, tout en évitant de poser mes mains sur sa virilité. Sa respiration reprit un rythme plus soutenu et je savais qu’il commençait déjà à recouvrer ses esprits. Ses paupières papillotèrent un instant avant de s’ouvrir sur des yeux de loup. Je le poussai sans ménagement et roulai loin de lui. Je ne pus ramasser aucune de mes armes, mais j’avais toujours mon précieux bouclier à mon avant-bras, c’était mieux que rien. Il fallait vraiment être suicidaire pour affronter un métamorphe à mains nues, heureusement pour moi, je comptais également sur ma magie. Peu de personnes pouvaient en faire usage et encore moins dompter les quatre éléments fondamentaux, ce qui me rendait unique aux yeux du maître des lieux. Pour rien au monde, il ne se serait séparé de son plus gros gagne-pain et en plusieurs occasions déjà, j’avais su le lui rappeler, ce qui me permettait de bénéficier de certains avantages.

    « Baisse-toi, ma fille ! » me prévint une voix dans ma tête.

    Je m’accroupis sans réfléchir et esquivai la lame qui passa en sifflant au-dessus de ma tête. Je répliquai en frappant mon adversaire à l’estomac à l’aide de mon bouclier, puis j’invoquai le Vent et une rafale l’envoya valser contre un mur quelques mètres plus loin. J’en profitai pour m’emparer du kukri resté à terre, l’autre étant toujours dans les mains du lycanthrope. Il paraissait même savoir s’en servir ; il n’était peut-être pas si… bête, après tout.

    Je pris un moment afin de remercier intérieurement ma Déesse pour son avertissement. Elle avait toujours veillé sur moi depuis que j’étais toute petite ; sans pour autant répondre à mes questions ni à mes appels, elle me prévenait dès qu’un danger me menaçait. Moi exceptée, personne ne l’entendait, car j’étais sa prêtresse, sa messagère, et j’exécutais la moindre de ses requêtes, même si je n’en comprenais pas le sens immédiat.

    Mon adversaire se redressa nonchalamment, tout en replaçant sa clavicule avec un craquement sec. Son expression évoquait le plaisir, plutôt que la souffrance ; un sourire carnassier étirait un coin de sa bouche. Dans cette attitude provocante, je le trouvais plutôt séduisant : la trentaine, des cheveux auburn qui encadraient un visage anguleux et une silhouette plus qu’appétissante, taillée dans le marbre et galvanisée de fierté. Un fin réseau de zébrures vermeil souillait son torse puissant. Le sang avait ruisselé le long de ses flancs jusqu’à ses cuisses, et suivait en spirale ses jambes d’athlète, dont les muscles roulaient sous la peau au moindre de ses mouvements. Il se passa une main pleine de sensualité en travers des pectoraux, et fit voler d’un geste les stridules rougeâtres devenues sèches. Les métamorphes guérissaient incroyablement vite, il en allait de même pour la plupart des créatures surnaturelles — moi y comprise. Pourtant ce prodige ne manquait jamais de me surprendre.

    Le nombre de ces hybrides, mi-homme mi-bête, ne cessait de croître depuis maintenant cent cinquante ans. Le virus était une maladie sexuellement transmissible, et se propageait comme telle : il suffisait d’un rapport non protégé ou d’une seule goutte de sang pour être infecté ; les morsures restaient néanmoins la principale source de contamination. L’agent pathogène était une pure création de la folie humaine, le résultat catastrophique d’une expérience menée sur des animaux. Afin de développer l’intelligence chez certains mammifères, un groupe de scientifiques s’était risqué à combiner leurs génomes avec celui de l’être humain. Ils avaient utilisé comme vecteurs des virus recombinants. Ils sombrèrent dans une mégalomanie typiquement humaine en poussant les recherches bien au-delà de ce qu’ils pouvaient maîtriser. Celles-ci aboutirent, et dépassèrent même de loin leurs plus grandes espérances : les sujets réussirent à orchestrer leur propre évasion et massacrèrent leurs bourreaux au passage. Une seconde génération, plus stable et plus robuste, fit son apparition peu de temps après. En ce qui me concernait, j’étais immunisée, je ne risquais pas de me transformer en boule de poils au cours de mes combats.

    Conscient d’avoir capté mon attention, le lycanthrope en profita pour me détailler sans pudeur, si bien que je ne pus m’empêcher de rougir. Ses ardentes prunelles cerclées d’or me troublaient, bien malgré moi. Je devais admettre qu’en d’autres circonstances, j’aurais pu succomber à son emprise.

    « Mais que m’arrivait-il ?! » me repris-je intérieurement, j’avais baissé ma garde quelques dangereuses secondes. Rien ne prépare la plus féroce guerrière à un adversaire aussi sexy.

    — Profite bien de la vue mon loup, car c’est la dernière chose que tu verras avant de hoqueter à travers ta gorge béante ! le provoquai-je.

    Il grogna férocement, se ramassa et bondit dans ma direction. Sa lame fendit plusieurs fois les airs, manquant de peu ma jugulaire ; je dus anticiper le moindre de ses gestes pour parer ses attaques et les détourner de mon cou. Il tentait de me trancher la gorge comme j’avais menacé de le lui faire. Je reculai prudemment jusqu’à me retrouver dos aux grilles par lesquelles j’étais entrée dans l’arène et qui étaient désormais baissées. Je gémis de douleur, les barreaux me meurtrissaient les vertèbres et je ne parvenais pas à me déloger de là. Je m’étais fait piéger comme une parfaite débutante, et je m’en voulais terriblement, j’avais été trop sûre de moi, trop arrogante.

    J’esquivai son dernier assaut et retins son poignet armé à un cheveu de mon visage. J’étais terrifiée, il était beaucoup trop fort et sa prise était plus ferme que la mienne. Son corps était intimement plaqué contre le mien, et cette fois-ci, je ne lisais pas seulement le désir dans ses yeux, je le sentais également enfler contre mon ventre. Son membre était dur et me rentrait dans la chair aussi douloureusement que les barres de fer me labouraient le dos. Il savourait sa victoire, d’un sourire que j’aurais pu trouver très beau s’il n’avait pas été aussi sinistre. Je devinais ma propre fin dans ses yeux de prédateur et j’aurais aimé me soustraire à ce regard, mais cela aurait été imprudent.

    « Tes ailes, sers-t’en ! » me dit la Déesse, pareille à une mère qui réprimanderait son enfant parce qu’il utilisait ses doigts plutôt que ses couverts pour manger.

    Quelle idiote, pourquoi n’y avais-je pas pensé plus tôt ?! À côtoyer au quotidien les êtres humains, j’oubliais presque que j’avais des ailes.

    C’était à mon tour de sourire, j’étais certaine de ma victoire et cela dut se voir dans mes yeux, car le lycanthrope relâcha légèrement sa prise. Je ne perdis pas un instant et lui flanquai mes ailes dans le visage. Il se débattait furieusement et je profitai de sa confusion pour le désarmer et lui trancher la carotide. Sans lui laisser le temps de se régénérer, je l’achevai en lui plantant mon kukri dans le cœur jusqu’à la garde. En vain, il essaya de contenir le flot écarlate qui se déversait de sa gorge et de sa poitrine à gros bouillons. Mais aucune créature, quelle qu’elle fût, ne pouvait survivre à une blessure infligée au cœur. L’homme-loup rendit son dernier souffle à mes pieds, les yeux rivés aux miens, les traits figés dans un masque d’horreur et de surprise mêlées.

    Le public scanda mon nom dans un tonnerre d’applaudissements. Je fis la seule chose que l’on m’avait apprise, je levai une main pour le remercier et esquissai une brève révérence avant de quitter les lieux.

    Je suivis le long corridor qui menait à un poste de contrôle. Gart, un vigile avec qui j’avais sympathisé, se tenait dans sa guérite et affichait son plus beau sourire. Il était à peine plus grand que moi, et possédait un de ces visages que l’on oublie sitôt après l’avoir quitté. Sans doute devait-il son poste à ses larges épaules et à sa belle musculature.

    — C’était un superbe combat, princesse, je suis heureux que vous vous en soyez sortie sans une égratignure.

    Je frissonnais chaque fois qu’il me donnait ce sobriquet innocent, car il me nommait sans le savoir selon le rang que j’occupais jadis. Je n’étais désormais princesse que d’un royaume dévasté et d’un peuple réduit en esclavage. En tant que seule survivante de la maison royale, je devais prendre garde à ne pas trahir ma véritable identité, car l’empereur Ghanazar s’assurait qu’un monde conquis ne pourrait jamais renaître de ses cendres. Hélas, être perpétuellement sous le feu des projecteurs n’arrangeait pas mes plans. Combien de temps encore avant qu’un des chiens de garde de l’Empereur n’assiste à l’un de mes combats, et ne fasse le lien avec mon sang bleu, signe d’appartenance à la haute noblesse sylphide ?

    — J’apprécie votre sollicitude, honnêtement, mais vous ne devriez pas vous inquiéter pour moi, lui répondis-je d’une voix douce, je suis plus forte qu’il n’y paraît.

    Il était probablement la seule personne ici à se soucier réellement de mon bien-être. Cependant, je ne pouvais m’empêcher de rester sur mes gardes, j’avais appris à mes dépens qu’une main tendue n’était pas toujours bonne à prendre.

    Je détachai les sangles qui maintenaient les fourreaux de mes kukris dans le creux de mes reins et posai le tout dans le bac transparent que me tendait le vigile. Mal à l’aise, je le regardai s’éloigner avec mes précieuses lames. Je me sentais handicapée et terriblement nue sans elles. Au même titre que mes bras et mes jambes, elles étaient devenues un prolongement de mon corps. Par habitude, je notai dans ma tête leur emplacement dans le grand meuble à compartiments, où étaient rangées les armes de tous les gladiateurs.

    Je n’eus pas tant le loisir de vagabonder en pensée, car Gart me héla sitôt après que je lui eus tourné le dos. Il me rejoignit en trottinant, un paquet à la main, et je devinai à son bégaiement et à son air larmoyant qu’il avait reçu des ordres fermes de ses supérieurs. Des ordres qui me concernaient, et qui n’allaient pas me plaire.

    — Navré, princesse. Vous avez probablement envie de vous reposer, mais il faut que vous enfiliez ceci. Le Maître vous attend dans ses quartiers.

    Il me tendit le mystérieux paquet, je le pris sous un de mes bras et posai mes mains sur mes hanches dans une position provocante.

    — Ton Maître n’a sans doute aucune envie de s’entretenir avec une tigresse maculée de sang et de poussière, objectai-je. Consens-tu à ce que je prenne le temps de me rafraîchir ?

    Il opina et désigna du menton la porte menant à la salle de repos. J’y entrai, suivie de près par Gart. Il ne semblait pas vouloir me lâcher d’une semelle. Je me retournai et lui lançai un regard lourd de reproches.

    — Je vais rester ici. Je me chargerai de vous escorter.

    — Tu envisages donc de me regarder prendre ma douche ? Qu’est-ce que ton Maître penserait d’une telle témérité ?

    — Bien sûr que non ! se hâta-t-il de répondre, en rougissant jusqu’à la racine des cheveux. Je vous attendrai derrière la porte. De grâce, ne soyez pas trop longue, princesse.

    — Je prendrai le temps qu’il faudra. Sache qu’une Sylphide raffinée prend le même soin de son plumage que de sa chevelure. Je vais devoir laver et sécher soigneusement mes ailes.

    J’achevai ma réplique tout en le repoussant à l’extérieur, la main plaquée sur son torse. Je lui claquai quasiment la porte à la figure. Mes yeux bleus adenium avaient ce pouvoir : si je les dardais avec suffisamment d’intensité dans ceux d’une brute candide comme Gart, je pouvais faire preuve d’une grande fermeté, et obtenir tout ce que je voulais !

    Je me plantai donc sous la douche, et laissai l’eau emporter avec elle la poussière de l’arène, le sang de mon ennemi, la fureur résiduelle qui pesait encore sur mes épaules comme une bête mortellement blessée. Je n’avais aucune envie de voir Komadaur, le maître de l’arène, et le plus ardent de mes supporters. Comme la plupart des esclavagistes, des commerçants louches et des pirates de l’espace, Komadaur appartenait à la race des Ophidiens, un peuple de reptiles anthropoïdes. Depuis plusieurs mois, il me courtisait, m’invitait dans ses quartiers pour partager son repas ou pour le seul plaisir de ma compagnie. Je jouais la comédie, pour ma propre sécurité, et continuais de le servir avec déférence. Je me contentais de l’éconduire poliment quand il se montrait trop entreprenant.

    Propre et sèche, je choisis des sous-vêtements dans mon casier et me penchai au-dessus de la boîte en carton glacé, où était inscrite en lettres argentées la marque d’un grand couturier. Je l’ouvris avec précaution et dépliai la toile protectrice qui enveloppait la robe à l’intérieur. Piquetée de minuscules diamants, elle était de deux tons plus clairs que mes cheveux d’un noir bleuté. Je l’enfilai en prenant garde de ne pas abîmer le tissu arachnéen, et contemplai mon reflet dans un miroir.

    Je ne pus contenir une exclamation de surprise, cette toilette me seyait à merveille. Elle épousait parfaitement les courbes de mon corps, un long drapé de tissu étincelant s’échappait de ma taille et flottait derrière moi comme la traîne d’une mariée. Mon dos était découvert jusqu’à la naissance de mes fesses et un collier de pierres précieuses permettait à la robe de tenir sur ma poitrine, malgré l’absence de bretelles.

    Je rassemblai mes longs cheveux en un chignon sophistiqué et chaussai une paire de talons aiguilles. Je gagnai dix centimètres d’un coup et atteignais à présent les un mètre quatre-vingt-dix.

    Puisqu’il n’y avait plus aucun moyen de retarder l’échéance, je me décidai à quitter le vestiaire. Gart se tenait de l’autre côté de la porte, dans la posture exacte où je l’avais laissé, affichant le même air béat. Comme je le fixais avec insistance, il finit par tourner les talons, ce que je pris pour une invitation à le suivre.

    Mégapoure n’était pas une véritable lune, mais une station spatiale en orbite autour d’Orcia. Un vaste dédale s’étendait dans le ventre de son arène, qui servait autrefois de pénitencier pour les criminels les plus « exotiques » ; le genre de forces de la nature que de simples barreaux n’auraient pu arrêter. Je peinais déjà à me repérer dans l’infime partie que j’avais visitée, et c’était la raison pour laquelle je n’avais jamais tenté de m’échapper. Au-delà des sections consacrées aux gladiateurs se trouvaient les forges dont la chaleur m’atteignit de plein fouet ; j’avais la sensation de suffoquer dans ma robe de soirée, et je dus battre des ailes pour me rafraîchir le dos et la nuque. Nous traversions d’interminables passerelles, suspendues à une trentaine de mètres du sol. Un point de vue rêvé pour qui veut surveiller le petit peuple industrieux sans pour autant se mêler à lui. Des ateliers et des magasins apparurent progressivement, de plus en plus nombreux, destinés à l’approvisionnement de la ville souterraine et se chargeant d’entretenir les installations, de réparer les éclairages ou de construire des décors pour les combats les plus spectaculaires.

    Nous arrivâmes finalement à un ascenseur, gardé par deux ogres particulièrement effrayants. Ils devaient mesurer dans les trois mètres de haut pour deux de large. Leur tête était informe, semblable à de grosses boules d’argile qu’on aurait vaguement essayé de modeler pour en faire un visage et qui auraient séché avant d’être achevées, figées à jamais dans cet aspect grotesque. Leur peau grise et verruqueuse était très épaisse ; je savais pour en avoir déjà affronté un qu’il fallait davantage qu’une lame bien aiguisée pour espérer la transpercer.

    Les deux géants s’ébranlèrent à notre approche, comme des statues à qui on aurait soudain donné vie. Ils nous inspectèrent avec méfiance, nous reniflèrent même, avant de nous laisser pénétrer dans l’ascenseur. Je ne parvins pas à leur tourner le dos pour autant, et franchis prudemment le seuil à reculons. Commença alors une longue descente dans les profondeurs de Mégapoure, qui continuait de me fasciner à chaque voyage, tant la vue à travers le verre blindé de l’ascenseur était impressionnante.

    Les cases minuscules des quartiers populaires s’agglutinaient en grappes dans la partie basse de la cité. De sinistres tavernes, où étaient conclues les affaires les moins honorables, y pullulaient. On pouvait aussi bien y parier sur son favori, qu’offrir une forte somme d’argent pour qu’un gladiateur soit drogué avant une rencontre, et se retrouve à la merci de son adversaire.

    Dans la partie supérieure de la ville, s’élevaient de majestueux immeubles et hôtels de luxe qui rivalisaient par leur design audacieux. Beaucoup des personnages les plus riches de la galaxie de Belazius et de ses voisines avaient ici une résidence secondaire, qu’ils n’occupaient que quelques jours par an lorsqu’ils voulaient assister à un combat. La liste d’attente pour acquérir une de ces somptueuses suites avait de quoi donner le vertige.

    L’ascenseur s’immobilisa enfin, et tandis que les portes s’ouvraient, une nappe brumeuse s’engouffra à l’intérieur. Nous étions parvenus à la fumerie d’opium, avec son labyrinthe d’arcades, et son sol couvert de tapis moelleux et de coussins de soie. Une alcôve secrète permettait d’accéder directement aux appartements de Komadaur. Mon guide n’allait pas plus loin. Il pivota et se plaqua contre le mur, ne me laissant qu’un étroit passage pour pénétrer dans la demeure de mon hôte. J’étais forcée de me frotter à Gart, ce qu’il avait — je présume – calculé par avance. Je jouai son jeu en me coulant contre lui, sans cesser de le fixer malicieusement dans les yeux. Puis, au moment où il pensait que son petit manège m’avait séduite, je manifestai mon mécontentement en me tournant brusquement et en lui collant mon coude dans l’estomac. Ses pitoyables gémissements se retrouvèrent très vite étouffés quand la porte dissimulée se referma derrière moi.

    L’intérieur des appartements était très sombre. L’éclat mourant des lanternes, accrochées çà et là, était encore atténué par des voilages de toutes les couleurs, qui divisaient les pièces en recoins confortables et intimes. J’appelai, mais n’obtins pas de réponse. Le maître des lieux devait se délecter de me voir ainsi errer dans son royaume, car — j’en avais la conviction — il était en train de me dévorer des yeux à l’instant même.

    Alors que je renonçais intérieurement à le chercher, je tombai presque nez à nez avec lui. Immobile tel un prédateur à l’affût, il siégeait sur un élégant tabouret de bois doré. Sa peau était recouverte d’écailles hexagonales vert-de-gris, plus claires au niveau du menton. Deux énormes yeux jaunes globuleux mangeaient la moitié supérieure de son visage. Sa bouche était aussi large que son cou massif, et lorsqu’il l’entrouvrait je voyais luire deux crochets entre lesquels vibrait sa langue fourchue.

    Il se leva à demi, avec une vivacité toute reptilienne qui me fit frissonner d’horreur ; puis, après un instant d’hésitation, qui était peut-être due à mon mouvement de recul, il me saisit la main et la baisa furtivement. Faisant abstraction des crocs venimeux qui venaient de me frôler, je tâchai de minauder comme s’il me flattait. De son index griffu, il me désigna un tas de coussins où m’asseoir, et n’attendit pas que je m’installe pour entrer dans le vif du sujet. Komadaur n’était pas mon genre d’homme, mais il fallait lui reconnaître qu’il allait droit au but, sans s’embarrasser de formalités, une qualité que je savais apprécier.

    — Sélène, douce Sélène, commença-t-il de sa voix rocailleuse, en effleurant des phalanges la pierre que je portais en pendentif. Tu travailles pour mon plaisir, et celui de mes spectateurs, depuis maintenant un peu plus de cinq ans. Tu m’as rapporté beaucoup d’argent, même si j’ai osé toutes les dépenses pour ton confort.

    Il claqua des doigts et son domestique vint poser sur la table basse

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