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Perturbation internes ou externes (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 4)
Perturbation internes ou externes (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 4)
Perturbation internes ou externes (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 4)
Livre électronique591 pages9 heures

Perturbation internes ou externes (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 4)

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À propos de ce livre électronique

David découvre l'histoire de Don, le petit-fils hors du commun de Greg Arsh. Il doit aider ce dernier à sauver Alicia et Durandal de la pandémie meurtrière qui s’apprête à décimer la population. Une inconnue remet à David un bébé, dont l'équilibre politique darumien pourrait dépendre. Il doit alors intervenir contre un attentat terroriste qui pourrait annihiler la Communauté des planètes.
Cette série nommée « Pas de paradis sans... l'enfer » comporte 9 titres :
• L'épreuve d'admission, tome 1 de la 1re trilogie
• Soldat de la paix, tome 2 de la 1re trilogie
• Un pas en avant, tome 3 de la 1re trilogie
• Perturbations internes et externes, tome 1 de la 2e trilogie
• Ici et ailleurs, tome 2 de la 2e trilogie
• D'épreuve en épreuve, tome 3 de la 2e trilogie
• Chacun son tour, tome 1 de la 3e trilogie
• Une raison de vivre ou de mourir, tome 2 de la 3e trilogie
• Devenir Maître, tome 3 de la 3e trilogie

LangueFrançais
Date de sortie22 avr. 2020
ISBN9782924400043
Perturbation internes ou externes (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 4)
Auteur

Danielle Tremblay

FRANÇAIS :Danielle Tremblay complète ses études collégiales en informatique au Cégeg de Chicoutimi en 1973. Elle possède également deux attestations d’études collégiales du Cégep de Jonquière, l’une en techniques de la documentation (1984), l’autre en techniques de micro-informatique (1994). De 1984 à 2012, année de sa retraite, elle travaille comme technicienne en bibliothèque pour diverses institutions à Chicoutimi, dont les neuf dernières années au Conseil national de recherches du Canada. Elle a remporté en 1981 le concours littéraire La Plume saguenéenne dans la catégorie science-fiction pour sa nouvelle «Cosmose», le second prix du concours du meilleur texte de trois pages du module des lettres de l’Université du Québec à Chicoutimi en 1988 et le premier prix de ce même concours en 1989 pour «La Lettre d’adieu». En 2011, elle gagne le premier prix du concours littéraire de science-fiction Ascadys avec sa nouvelle «Adam et Ève». L'année suivante, elle publie son premier roman, «Pas de paradis sans... l’enfer» tome 1. Depuis, elle n'a pas cessé d'écrire sous son vrai nom et sous un nom de plume.--------------ENGLISH:Danielle Tremblay completed her college studies in computer science at Cégeg de Chicoutimi in 1973. She also holds two attestations of collegial studies from the Cégep de Jonquière, one in documentation techniques (1984) and the other in microcomputer techniques (1994). From 1984 to 2012, the year of her retirement, she worked as a library technician for various institutions in Chicoutimi, including the last nine years at the National Research Council of Canada. In 1981, she won the literary competition La Plume saguenéenne in the science fiction category for her short story "Cosmose", the second prize in the competition for the best three-page text at the Université du Québec à Chicoutimi in 1988 and the first prize in the same competition in 1989 for "La Lettre d'adieu". In 2011, she won the first prize in the Ascadys science fiction literary competition with her short story "Adam et Ève". The following year, she publishes her first novel, "Pas de paradis sans... l'enfer" volume 1. Since then, she hasn't stopped writing under her real name and a pen name.

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    Aperçu du livre

    Perturbation internes ou externes (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 4) - Danielle Tremblay

    Le code canadien de la propriété intellectuelle n'autorisant d'une part que « les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ». Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par la loi.

    Tous droits réservés pour le livre « Perturbations internes et externes »

    ISBN 978-2-924400-04-3 à Danielle Tremblay, première édition en 2014.

    All rights reserved, Danielle Tremblay, first edition published at Smashwords in 2014. No part of this book may be reproduced in any form, by any means, without the prior written consent of the author.

    Table des matières

    Droits d’auteur

    Chapitre 1 : L’histoire de Don – Partie 1 : l’enfance

    Chapitre 2 : L’histoire de Don – Partie 2 : L’adolescence

    Chapitre 3 : L’histoire de Don – Partie 3 : Don prend une décision

    Chapitre 4 : L’histoire de Don – Partie 4 : Le vol de l’astronef

    Chapitre 5 : L’histoire de Don – Partie 5 : Laura

    Chapitre 6 : L’histoire de Don –Partie 6 : Don et Laura

    Chapitre 7 : Discussion au sujet de maître Arsh

    Chapitre 8 : L’histoire de Don – Partie 7 : L’esclavage et la réconciliation

    Chapitre 9 : Le lendemain, six heures du matin

    Chapitre 10 : Retour de Greg Arsh à Éden et visite de Shaddaï

    Chapitre 11 : Le choix d’un esclave pour la sahiba Dreki

    Chapitre 12 : L’arrivée de Jean

    Chapitre 13 : La galia et les caprices du don de télépathie de David

    Chapitre 14 : L’entraînement de Mily et de David, Jean chez la psy

    Chapitre 15 : Au consulat

    Chapitre 16 : David chez Mizori

    Chapitre 17 : Chez Madame Naska

    Chapitre 18 : De retour sur Terre avec un bébé

    Chapitre 19 : Visites chez mes parents et chez Jonny

    Chapitre 20 : Maître Arsh mis au repos

    Chapitre 21 : L’attentat terroriste

    Chapitre 22 : Sur Këshill

    Chapitre 23 : Voyage de retour vers la Terre

    Autres volumes de cette série

    Chapitre 1 : L’histoire de Don – Partie 1 : l’enfance

    — Mon père a enregistré quelque chose sur la manière dont grand-père a créé des androserviteurs à partir de ses gènes et de ceux de maîtresses de la C.P. qui étaient ses grandes amies. Il explique aussi comment il s’y est pris pour libérer ensuite ses androïdes de leur conditionnement qui les maintenait de force en servitude. Il s’est créé de toutes pièces, si je peux dire, des enfants adultes et a fait en sorte qu’ils puissent se reproduire.

    — Sa sœur est généticienne, elle a dû l’y aider, dis-je.

    — Oui. Regarde. C’est ce que l’enregistrement de papa raconte.

    Je vois le visage du père de Don. Adam raconte, comme si cela se produisait sous nos yeux, sa transformation en humain et la naissance d’Adonaï, son fils et petit-fils de Greg Arsh.

    ..

    Récit d’Adam, père de Don

    Je me revois marchant sur la plage. Le vent soufflait férocement. Le ciel était chargé de nuages et l’orage commençait à gronder. La mer houleuse était si belle que j’en avais le souffle coupé. Mais peut-être était-ce ce que j’étais en train de découvrir sur moi-même qui me coupait le souffle.

    Toute ma vie, je n’ai jamais souhaité autre chose que de servir. Mais cette servitude m’était imposée, d’une manière si intime, si profonde que je ne la ressentais pas comme telle. Car j’étais enchaîné non pas avec des chaînes, mais par la pensée. Dès ma naissance, on avait fait en sorte que rien ne me soit plus agréable que la servitude envers la race humaine et toute forme de vie intelligente, mais particulièrement envers la personne à qui j’appartenais. Mon esprit était « programmé » pour respecter les lois de la robotique à la lettre. Car je suis un serviteur androïde.

    Lois de la robotique sont :

    1. Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, permettre qu’un être humain soit exposé au danger.

    2. Un robot doit obéir aux ordres que lui donne un être humain, sauf si de tels ordres entrent en conflit avec la première loi.

    3. Un robot doit protéger son existence tant que cette protection n’entre pas en conflit avec la première ou la deuxième loi.

    Je me nomme Adam et je ressemble énormément à mon père, à celui qui se dit mon père, car il m’a donné ses gènes, comme on les transmettrait à son enfant. Et je lui ressemble non pas comme un clone, ce que je ne suis pas, mais comme lui ressemblerait son fils. C’est d’ailleurs ainsi qu’il m’appelle maintenant : « mon fils ».

    Je me suis mis à éprouver toutes sortes de problèmes à peu près quand il a commencé à m’appeler de cette manière. Depuis, il m’arrive d’avoir des pertes de mémoire, de la difficulté à me concentrer, mes mouvements deviennent incohérents, mon élocution hésitante et je souffre d’insomnie. Car oui, je dors, comme le font les humains, mais moins longtemps qu’eux. En général, trois heures suffisent à me ressourcer. Mais ces derniers temps, l’inquiétude m’empêche de dormir. Pire encore, j’ai même cru entendre des voix dans ma tête !

    Il faut dire que mon propriétaire, celui que j’appelle maintenant « Père », a rendu fous tous mes prédécesseurs, mes frères et sœurs androïdes, ses serviteurs. Et les premiers qu’il a voulu « réparer » en mouraient.

    Lorsqu’on nous fabrique, nous les androïdes, on utilise du matériel génétique humain, mais qu’on modifie de manière à optimiser la reproduction cellulaire afin que l’être qui va naître à l’état adulte soit aussi parfait que ses gènes le permettent. Il nous est presque impossible de tomber malade et notre durée de vie est souvent doublée par rapport à celle de nos géniteurs. Par une sorte de gavage informatique et neuronal, on nous inculque différentes notions élémentaires, comme celles qu’apprennent normalement les petits humains au cours de leur enfance et de leur adolescence. On nous enseigne à marcher, à parler plusieurs langues, les plus couramment employées, à lire, écrire et compter. On sait comment exécuter parfaitement toutes les tâches les plus susceptibles de nous être demandées par nos propriétaires. Et si jamais ces propriétaires le souhaitaient, il leur est possible de faire en sorte que l’on nous inculque de nouvelles notions et aptitudes.

    Avant que Monsieur se soit mis en tête de vouloir me débarrasser de mon conditionnement à la servitude et qu’il ait commencé à m’appeler « fils », j’étais capable de remplir correctement toutes mes fonctions. Pourtant, Monsieur ne veut que mon bien. Il veut m’émanciper en m’affranchissant de cette programmation qui me tient en laisse. Il veut que je devienne totalement humain, pour pouvoir me considérer comme son fils à part entière.

    Alors, pourquoi m’avoir fait programmer au départ ? Il n’avait pas le choix. Sur Terre, on ne permet pas la manipulation génétique humaine à d’autres fins que la production d’androïdes ou la correction de caractères héréditaires déficients. Monsieur aurait aimé avoir un enfant, mais n’avait pas le temps de l’éduquer, de s’occuper d’un bébé et tout ce que cela implique quand un humain a un enfant. Il a donc décidé d’utiliser ses gènes et ceux d’une excellente amie pour faire fabriquer un androïde qui ressemblerait à l’enfant qu’il aurait pu avoir avec elle. Sauf que cet enfant est né avec sa taille adulte et toutes les connaissances nécessaires à sa propre survie, à celle de son propriétaire et à remplir ses devoirs de serviteur.

    Cependant, puisque ce que Monsieur voulait, ce n’était pas un serviteur, mais un fils ou une fille, il s’est mis à tenter de déprogrammer sa première servante androïde par voie de chirurgie. Sa demi-sœur, une généticienne et chirurgienne réputée s’était chargée de cette opération tenue secrète. L’androïde opérée était une superbe servante tout aussi blonde que sa « mère », avec un regard brillant d’intelligence. Mais l’expérience n’a pas fonctionné comme souhaité et sa fille est morte peu de temps après.

    Monsieur a racheté ensuite un autre androïde, mâle celui-ci, et a tenté un nouvel essai en évitant les erreurs précédentes. L’androïde a vécu plus longtemps, mais a fini par se détraquer de manière irréparable lui aussi. Du point de vue de la majorité, ce n’était qu’une machine de plus qui se retrouvait hors d’usage, mais la demi-sœur de Monsieur disait juger inacceptable de risquer de tuer des êtres vivants dans l’espoir de libérer leur esprit. Mais chaque fois, il lui présentait les choses de telle sorte qu’elle en venait à croire que, cette fois-ci, cela pourrait fonctionner. Il lui rappelait que des milliers d’androserviteurs pourraient être ainsi émancipés s’ils réussissaient. Alors, elle réessayait, opérait le cerveau d’un nouvel enfant de Père.

    Moi, Adam, je suis le septième de ses enfants. Comme les précédents, j’ai été opéré au cerveau. Comme pour les autres, Père a utilisé sur moi tout ce que la science, les techniques et le savoir les plus modernes pouvaient lui apporter pour me déprogrammer. De plus, pour y parvenir, il ne cesse de me pousser à agir chaque jour un peu plus comme un être humain. C’est pourquoi j’ai peur que mes défectuosités actuelles soient irréparables et signifient le début de ma fin. Mon père ne le croit pas. Il dit que c’est normal que je sois troublé par ce que je vis, que c’est stressant d’aller à l’encontre de ses valeurs, de changer de style de vie, de s’efforcer de devenir vraiment humain. « C’est difficile, même pour qui n’est pas né serviteur, comme toi », m’a-t-il affirmé. Il croit que le stress et le manque de sommeil sont la cause de mes autres désordres, mais qu’ils s’atténueront peu à peu.

    Ses efforts pour me déprogrammer me mettent parfois devant des décisions pratiquement impossibles à prendre pour un androïde. Par exemple, un jour, Père me demande d’aider Léa, sa demi-sœur, à un travail qu’elle avait entrepris. Il me dit que, si elle ne parvenait pas à terminer ce travail à temps, son retard lui causerait d’énormes difficultés et qu’elle en souffrirait beaucoup. Il ajoute que le délai qu’on lui a accordé est beaucoup trop court et qu’elle n’y arrivera certainement pas sans qu’on lui donne un bon coup de main. Je suis donc très heureux à l’idée de pouvoir aider sa demi-sœur, jusqu’à ce que je découvre qu’elle espérait réussir par elle-même, sans aucune aide. Si je ne l’aide pas, en plus de désobéir à Monsieur, ce qui est impensable pour moi, elle risque d’échouer et d’en souffrir. Et si je l’aide, elle sera malheureuse de n’avoir pas pu tout terminer à temps par ses propres moyens. D’une manière ou de l’autre, je lui causerai du tort.

    Je suis censé obéir à mon propriétaire et ne jamais causer de tort aux humains, alors ce genre de dilemme m’inflige un stress terrible. C’est ce genre de stress qui a acculé à la folie les autres fils et filles de Monsieur.

    Finalement, je choisis d’aider Léa. C’est le moindre mal à mes yeux, car, au moins, je vais obéir à mon propriétaire, comme je le dois. Et si Léa ne veut pas de mon aide, elle me le dira et m’ordonnera de la laisser faire son travail toute seule. Elle accepte mon aide, mais visiblement à contrecœur. Tout le temps que je l’aide, je vois son agacement, je me sens entre l’arbre et l’écorce et j’ai l’impression que ma tête va éclater.

    Père me dit que plus j’agirai à l’encontre de mon conditionnement, plus mon esprit sera libre et qu’ainsi mes malaises et mes désordres décroîtront jusqu’à disparaître. Alors, je continue de faire tout ce qu’il me demande. Je porte des vêtements autres que ces uniformes propres aux androserviteurs, même si je me sens comme un gorille dans un tutu de ballerine dans ces vêtements trop humains qu’il m’impose. J’écoute des émissions de divertissements et des comédies. Je pratique des sports, des loisirs et d’autres passe-temps si peu utiles à mes fonctions que je me demande toujours si je dois lui désobéir, ce qui me rend très stressé et malheureux, ou lui obéir, ce qui me met très mal à l’aise parce que je n’occupe plus cent pour cent de mon temps à mes tâches de serviteurs, comme je suis programmé pour le faire.

    Je lis aussi tous les livres qu’il choisit pour moi. Ses choix sont très éclectiques. Cela va des livres de sciences aux romans de science-fiction, en passant par des ouvrages de politique ou de philosophie, des recueils de poèmes et des manuels d’histoire de l’humanité. La lecture des livres savants ne me crée pas trop de problèmes. Je peux continuer à croire que ce que je lis sert à améliorer la qualité de ma servitude envers Père et tous les humains que je côtoie. Mais quand il s’agit de romans, c’est une autre affaire. Comment réussir à me convaincre qu’un roman fantastique m’aidera dans mes tâches envers les humains de mon entourage ? Pour les romans de science-fiction, c’est encore pire. J’ai lu dernièrement une histoire dans laquelle un homme découvre à quarante ans qu’il est une machine. À la suite d’un accident qui lui tranche un bras, il découvre qu’il n’a pas de veines ou de nerfs, mais qu’à la place, il a des fils et des câbles sous sa chair d’apparence humaine. Alors, le protagoniste s’interroge sur la vie qu’il a vécu, il se demande si, étant une machine, mais ayant vécu toutes ces années comme un saint homme, sa bonne vie lui a donné une âme. Il se demande ce qui adviendra de lui à sa mort. Ayant toujours été bon et généreux, aura-t-il droit d’entrer au paradis ?

    Cela m’amène à me questionner moi aussi sur la nature humaine. Suffit-il d’être fait de chair et de sang pour être humain et avoir les mêmes droits qu’eux ?

    Puis, Monsieur me donne à lire un ouvrage sur la guerre de Sécession. Cela finit de mettre le feu aux poudres. Je me dis : « Si je suis humain, de quel droit me garde-t-on dans cet esclavage ? »

    Je sais bien ce que veut Monsieur. Il a tout fait pour réveiller ces parties de mon cerveau qu’on a volontairement mises en dormance, toutes ces zones trop humaines et pas assez serviles, ces zones marquées du sceau de la liberté. Et maintenant, Père me pousse à me rebeller, à vouloir m’affranchir de mes entraves. Mais que vais-je devenir ? Vais-je me transformer en véritable être humain ou serai-je toujours différent, une sorte de monstre à demi humain et à demi androserviteur ?

    Pour me récompenser de mes efforts pour devenir plus humain et me réconforter un peu, Père m’a acheté un chat. C’est une boule de poils minuscule qui miaule sans arrêt et griffe tout ce qu’elle touche. Je ne sais pas comment un si petit animal pourra m’aider à être moins stressé et à me rendre heureux d’essayer de devenir plus humain. Je le vois plutôt comme du travail supplémentaire, qui me détourne davantage de ma servitude envers Père et les autres humains. Mais Père semble si heureux de me faire ce cadeau que je l’accepte et je fais ce qu’il faut pour en prendre bien soin.

    Le chaton s’est attaché à moi et moi à Père. Je ne l’ai pas fait dégriffer, car je lui permets d’aller s’amuser dehors. Il me semble préférable de le laisser agir en conformité avec sa nature de prédateur. Quant à moi, ses errances à l’extérieur me laissent un peu plus de temps pour répondre aux exigences de ma nature de serviteur.

    Père préférerait que je m’en occupe davantage, mais un soir quand il me voit appeler presque avec l’intensité du désespoir ma petite Câline, que je n’ai pas vue depuis deux jours, il sourit, tout heureux de ces nouveaux sentiments que j’apprends à éprouver. Il sourit encore plus largement lorsque la vilaine chatonne arrive en courant, grimpant sur moi pour venir se jucher sur mon épaule où elle se frôle contre ma joue et renifle mon odeur en collant le bout de son museau contre mon nez.

    Sans m’en parler, Monsieur a acheté une nouvelle androïde femelle, qui n’a pas les mêmes géniteurs que moi. Elle se nomme Ève. Elle aussi, on l’a « torturée » en la forçant à s’affranchir de son programme de servitude. Elle est très jolie, intelligente, charmante et très désireuse de plaire à son nouveau propriétaire. Alors, quand Monsieur nous ordonne de partir en vacances ensemble, qu’il nous offre une paire de billets pour Arcadia, la planète par excellence des loisirs, nous nous regardons, elle et moi, avec le même air ébahi. Mais, même si « vacances » ne fait normalement pas partie du vocabulaire des androïdes, en tout cas pas pour eux-mêmes, que pouvons-nous faire sinon lui obéir ?

    Avant de prendre l’astronef qui nous conduira vers Arcadia, Monsieur nous ordonne de n’obéir à personne d’autre qu’à nous-mêmes. Je dois m’occuper au mieux d’elle et elle de moi, comme si nous étions les serviteurs l’un de l’autre. Il nous spécifie que nous devons utiliser tous nos talents pour nous servir mutuellement, comme nous le ferions pour lui-même ou pour tout humain à qui nous appartiendrions. Nous devons profiter au mieux des activités offertes sur Arcadia pour détourner nos esprits de la servitude envers les humains.

    Je sais trop bien ce qu’il a en tête. J’en suis tout aussi sûr que si je l’avais lu dans ses pensées. Il espère nous voir devenir  amoureux  l’un de l’autre et agir comme des amants agissent ensemble. Notre programmation incluant massages et plaisirs érotiques, il nous sera impossible de ne pas en faire usage au moins une fois.

    Mais je lui manifeste alors mon doute. Mes récents problèmes de fonctionnement ne risquent-ils pas d’empirer alors que nous serons à des années-lumière de la Terre et de lui ? Que nous arrivera-t-il si cela se produit ? C’est alors qu’il nous offre chacun un joli bracelet dans lequel est enregistré tout ce dont le personnel médical de notre destination pourrait avoir besoin pour nous secourir, si besoin était, et pour nous ramener sur Terre. Nous n’avons donc rien à craindre, il en est certain.

    Ève lui demande si on ne risque pas de trouver le couple que nous formons un peu inhabituel, même étrange. Il lui répond que tout le monde a le droit à la différence, même nous, et que notre différence, si elle existe toujours, n’est pas apparente.

    Ainsi, nous partons, comme tout humain partirait en villégiature. Et une fois sur Arcadia, nous obéissons de notre mieux à ses ordres, mais nous détestons presque chaque minute de ces vacances forcées. Cependant, comme il l’avait espéré, nous commençons à nous éprendre l’un de l’autre. Elle est la seule personne au monde qui peut vraiment me comprendre et moi, le seul à savoir ce qu’elle a vécu et ce qu’elle ressent vraiment, car nous sommes uniques : les seuls androïdes en voie d’émancipation de tout l’univers.

    Normalement, les androïdes ne peuvent pas se reproduire. Mais à notre naissance, Monsieur avait fait en sorte que la reproduction nous soit possible. Et le jour où il nous émancipe officiellement, puisque nous n’avons pas à proprement parler de parents, il nous donne le nom de famille Wilson. Puis il ajoute que lui et nos mères aimeraient beaucoup avoir un tas de petits Wilson. Mes géniteurs n’ont que 25 et 30 ans. Si Ève et moi avons des enfants, ils seront de bien jeunes grands-parents.

    Ève, Câline et moi partons ensuite vivre dans un village voisin. Père s’était occupé de toutes les formalités pour que nous devenions  officiellement  humains et qu’on nous donne tous les droits liés à ce statut, mais en attendant, comme il fallait bien travailler pour pourvoir à l’essentiel de nos nouvelles existences, il a réussi, grâce à l’aide d’un ami influent, à nous procurer divers permis. En attendant que nous trouvions un emploi, père a subvenu à tous nos besoins. Ève et moi avons tous deux trouvé un emploi que ce qu’il nous reste de notre programmation nous rend facile. Elle travaille dans un jardin d’enfants. Ainsi, elle pourra éventuellement garder un œil bienveillant sur notre future progéniture. Et moi, je travaille dans un centre de loisirs, rendant les vacances des humains aussi agréables que possible. Ce qui me permettra de surveiller les enfants pendant leurs vacances.

    Quand Père a appris qu’Ève était enceinte, il en a presque perdu la tête à force de bonheur. Lui, Léa et nos mères surveillent de très près l’évolution de cette grossesse. Tout le monde est fort curieux de savoir si le petit naîtra avec ce besoin presque irrépressible de servir, caractéristique aux androïdes.

    Mais un jour, alors qu’Adonaï, notre fils, n’a pas encore trois ans, Ève nous raconte qu’elle a été obligée de réprimander notre cher petit, qui s’était bagarré avec un autre enfant qui venait de lui arracher un jouet. Nous avons alors pressenti qu’il serait peut-être par trop humain.

    ..

    Je dis à Don combien cette histoire me semble fabuleuse et que je ne savais pas que notre maître avait créé certains de ses propres enfants, les parents de Don, diminutif d’Adonaï, de cette manière.

    — C’est assez amusant de penser qu’il cherche avec tant d’insistance à faire de ses élèves de bons serviteurs et qu’il ait mis autant d’énergie à libérer ses serviteurs de leur besoin de servir, commente Don.

    — Oui, ça m’a aussi traversé l’esprit.

    — On ne peut pas dire qu’il soit un homme très aisé à comprendre, répond-il en souriant.

    — Et puis, il semble en effet que vous soyez très humain. En tout cas, moi, je ne vous imagine pas du tout en androserviteur.

    — Parfois, je me dis que ce serait plus facile de lui obéir, de faire tout ce qu’il exige si j’étais programmé pour le faire.

    — Je pense qu’il voit la recherche de la facilité comme une sorte de tare, une incapacité à lutter pour notre propre survie.

    Il rit.

    — Ouais. Je ne te donne pas tort.

    — Et si vous continuiez à me raconter votre histoire.

    Chapitre 2 : L’histoire de Don – Partie 2 : L’adolescence

    Quand j’étais petit, mon grand-père, comme tous les grands-parents, visitait de temps à autre ma famille. Grand-papa Greg m’aimait beaucoup et il lui arrivait souvent de me raconter des histoires inventées par lui pour m’endormir. Ses histoires commençaient par : « Il était une fois un géant… » ou « il y a très longtemps, il y avait un dragon… » ou autre chose d’aussi fabuleux à mes yeux. Grand-Père dit que mes yeux s’illuminaient aussitôt et qu’il en éprouvait beaucoup de plaisir. Lors de ses visites, il m’emmenait parfois en astronef de poche voir des choses qu’il savait que j’allais aimer ou trouver intéressantes, comme les ours polaires, les grandes baleines, les aurores boréales, les grands gorilles, les cirques les plus fabuleux du monde entier, les manèges les plus adaptés à mon âge et ainsi de suite.

    Plusieurs fois, j’étais allé avec mon grand-père à Éden. Il m’y avait même amené visiter ce qu’il appelait son zoo et son jardin botanique. Dans le zoo, il n’y avait que des bêtes effrayantes, du moins en apparence. Certaines n’étaient pas méchantes, mais elles avaient toutes un air effrayant. Sauf une, qui avait l’air très gentil, jusqu’à ce qu’on essaie de l’approcher. Alors, elle voulait vous manger. Heureusement, toutes ces bêtes horribles étaient dans des cages ou des aquariums. Quant à la grande serre, les plantes n’étaient pas comme celles dans le jardin de mes parents. Les plantes de mon grand-père, même les plus belles, pouvaient vous manger la main ou s’entortiller autour de vous jusqu’à vous étouffer. Je m’étais donné des airs bravaches et j’avais dit à Grand-Papa que je trouvais ses animaux et ses plantes très « qi » ; ce qui, dans le langage à la mode des jeunes, signifiait « excitants ». Malgré cela, grand-père s’était efforcé de me rassurer et de m’expliquer que, pour qui connaît bien ces animaux et ces plantes, il n’y a aucun danger et qu’ils sont tous très utiles.

    Parfois, mon grand-père transformait une salle virtuelle d’Éden en jungle, en bateau de pirates sur une mer infinie, en planètes lointaines et merveilleuse ou en palais royal pour que j’y devienne un mousquetaire au temps des rois de France, par exemple. Au début, je ne savais pas ce qu’était une salle virtuelle, mais après quelques visites, j’avais compris qu’il m’était possible d’aller où je voulais dans cette salle, tout en restant à l’académie où mon grand-père travaillait. Chaque fois, il me permettait de choisir le lieu où je voulais aller. J’adorais ça.

    « Un jour, alors que je n’avais que cinq ans, il était venu chez mes parents et m’avait trouvé en train de piquer une crise de colère magistrale. Mes parents m’avaient refusé une sortie avec de petits camarades, qui devaient tous se rendre sur Arcadia pour quelques semaines, accompagnés seulement de la mère de l’un d’eux. Mes parents jugeaient que j’étais bien trop jeune pour partir aussi longtemps sans eux. Et ils ne pouvaient pas prendre de vacances pour m’accompagner. Mais comme plusieurs de mes meilleurs amis devaient y aller, je m’étais senti différent des autres et exclu à cause de cette différence, et je détestais ça. Je trouvais que la décision de mes parents était injuste. J’avais longtemps argumenté avec eux dans l’espoir de les convaincre, mais ils s’étaient montrés intraitables, ce qui m’avait mis dans une colère terrible. Ce n’était pas ma première colère. Adam, mon père, en avait déjà parlé à mon grand-père, mais jusque-là, Papi n’avait jamais assisté à l’une de mes crises de rage.

    Ce jour-là, lorsque mon grand-père est arrivé, il a observé la scène quelques instants, notant ma fureur destructrice et la totale impuissance de mes parents à me calmer.

    — Don, avait-il dit calmement.

    Mais je n’entendais plus rien, ne voyais plus rien, j’étais aveuglé et assourdi par la rage. Grand-Père a alors répété plus fort :

    — Don !

    Mais j’ai continué à donner des coups de poing et de pied à tout ce qui m’entourait. De peur que je ne me blesse, Grand-Papa s’est approché, m’a pris à bras-le-corps et m’a tenu fermement contre sa poitrine. Il paraît que j’étais très fort pour mon âge, mais je n’étais quand même pas de taille à lutter contre un grand-père darumien. J’ai continué de donner des coups de poing et de pied et j’ai même essayé de le mordre.

    Mon grand-père a continué à me tenir contre sa poitrine sans rien dire, me laissant seulement libérer ma rage contre lui. Puis, quand il a senti que je commençais à me calmer, il m’a dit :

    — Tu as vraiment très mal agi.

    J’ai alors regardé Papi et j’ai aussitôt cessé de me débattre.

    — Papi ? ai-je dit, surpris de me voir dans les bras de mon grand-père.

    Je l’aimais vraiment beaucoup et je l’accueillais habituellement les bras tendus en criant « Papiiii ! » avec un grand sourire. Et alors, je lui sautais au cou. Mais pas ce jour-là.

    — Je suis très très fâché contre toi, m’a-t-il dit en me déposant sur le sol. Tu as voulu faire du mal à tes parents, tu as détruit des objets de ta maison et tu m’as fait mal en me donnant des coups de poing et de pied.

    J’ai regardé mon grand-père, encore plus surpris de voir avec quel air sérieux il me regardait et me parlait. Jamais Papi ne m’avait grondé, jamais il ne m’avait dit être fâché contre moi. J’en ai eu envie de pleurer. J’ai voulu me faire pardonner en allant me blottir contre lui. Mais il m’a doucement repoussé.

    — Non. Tu ne mérites pas de câlins. Tu as été très méchant.

    Je me suis mis à pleurer.

    — Tu m’as dit que tu m’aimais. On ne donne pas de coups de poing et de pied et on ne mord pas ceux qu’on aime. Va dans ta chambre réfléchir à ce qui vient d’arriver. J’irai te voir plus tard.

    J’ai regardé mon père et ma mère, pour savoir si je devais faire ce que mon grand-père venait de m’ordonner. Mon père a répété ce que venait de dire Papi :

    — Va dans ta chambre, Don.

    J’ai regardé ma mère, qui avait détourné les yeux, comme si elle préférait ne plus me voir, comme si elle avait honte de moi. J’en ai eu de la peine et j’ai recommencé à pleurer en regardant mon grand-père.

    — Ils voulaient pas me laisser aller en voyage avec mes amis.

    — Don, a répété mon grand-père, on en parlera plus tard. Ne me fâche pas davantage et va dans ta chambre tout de suite.

    Comprenant enfin que personne ne me sortirait du mauvais pas dans lequel je m’étais mis, je suis parti bouder dans ma chambre.

    Mes parents et mon grand-père ont commencé à manger sans moi. L’odeur de la nourriture m’a fait sortir de ma chambre et j’ai dit :

    — Maman, j’ai faim.

    — Retourne dans ta chambre, Don, a répété encore une fois mon grand-père. Tu n’as pas mérité de dîner avec nous ce soir.

    Je n’en croyais pas mes oreilles. Mes parents ne m’avaient jamais privé de rien. Je les ai donc encore une fois regardés, mais ils ne se sont pas objectés à cette affreuse privation. J’ai dit « Maman ! » sur un ton d’appel à la pitié, mais elle a continué à manger sans me regarder. J’ai donc regardé mon père, qui m’a dit :

    — Obéis à ton grand-père.

    Incrédule, j’étais resté immobile, attendant que le problème se résolve de lui-même, que mes parents reviennent à la raison et me sauvent de mon méchant grand-père. Mais personne ne parlait. Mon grand-père s’est alors levé et est venu vers moi. Il m’a pris par la main et m’a entraîné dans ma chambre. Je me suis rebellé. J’ai tiré de toutes mes forces sur la main qui me retenait, mais elle ne me lâchait pas. Au contraire, mon grand-père m’a jeté sur l’une de ses épaules et, malgré mes « Lâche-moi ! Tu es méchant. Je ne t’aime plus. », il m’a ramené dans ma chambre.

    — Tu me fais beaucoup de peine quand tu dis que tu ne m’aimes pas, Don. Moi, je t’aime encore. Mais je n’aime pas que tu agisses comme un petit monstre. Tu sais ce qu’est un monstre ?

    Je l’ai regardé et j’ai fait « oui » de la tête.

    — Tu as agi comme un monstre aujourd’hui. Moi, je n’aime pas les monstres, et toi ?

    À travers mes larmes qui coulaient de plus belle, j’ai affirmé :

    — Je suis pas un monstre.

    — Alors pourquoi est-ce que tu nous as fait du mal ?

    — Ils voulaient pas me laisser aller avec mes amis.

    — C’est pour ça que tu les as frappés et que tu brisais tout autour de toi ?

    — Ils sont pas gentils.

    — Tu crois qu’ils méritent que tu leur fasses du mal ?

    J’ai répété :

    — Oui. Ils sont pas gentils.

    — Don, tes parents t’aiment beaucoup. Ils ont très peur que quelque chose de mal t’arrive quand tu seras là-bas sans eux. S’il y avait de vrais monstres qui voulaient te faire du mal là-bas, qui serait là pour te sauver ?

    — Mais… il y aura la maman de Francis.

    — Oui. Et elle saurait te défendre contre des monstres, tu crois ?

    J’ai regardé Papi en me demandant s’il y avait vraiment des montres où iraient mes amis. Je ne savais pas quoi lui répondre.

    — Réponds-moi. Crois-tu qu’elle serait capable de te protéger ?

    — Non. Elle sait pas se battre.

    J’ai voulu aller me blottir contre mon grand-père, mais il m’a encore retenu en me demandant si j’allais encore lui donner des coups de poing et de pied. Il avait l’air si triste ! Je me suis mis à pleurer.

    — Si j’avais su que tu voulais aller en voyage avec tes amis, j’aurais envoyé quelqu’un pour vous protéger, pour que tu puisses y aller avec eux, mais je n’en savais rien. Et tu m’as quand même frappé. T’en souviens-tu ?

    J’ai acquiescé tout en pleurant plus fort.

    — Pourquoi l’as-tu fait ? Est-ce parce que tu ne m’aimes plus ?

    — Je t’aime Papi, ai-je répondu en me jetant dans les bras de mon grand-père, qui ne m’a pas repoussé cette fois-ci.

    — Moi aussi, je t’aime gros, mon p’tit lapin.

    Papi m’a serré fort contre lui, s’est levé en m’emportant dans ses bras et est retourné auprès de mes parents, qui prenaient un café en discutant. Il m’a assis dans ma chaise habituelle et s’est assis lui aussi.

    — Sais-tu ce qu’est une promesse ? m’a demandé mon grand-père.

    — Oui. C’est quand on dit qu’on fera toujours quelque chose et qu’on doit toujours le faire parce qu’on l’a promis.

    — Oui, ce peut être ça. Mais ça peut aussi être quand on promet de ne plus jamais faire quelque chose et qu’on n’a plus le droit de le faire parce qu’on l’a promis. Lève le bras droit et mets ton autre main sur ton cœur comme ça.

    Mon grand-père m’a montré comment faire. J’ai copié ses gestes.

    — Maintenant, répète ce que je vais dire. Je promets sur mon cœur de ne plus jamais jamais…

    J’ai répété :

    — Je promets sur mon cœur de ne plus jamais jamais…

    — …me mettre en colère comme je l’ai fait aujourd’hui, avait terminé mon grand-père.

    — …me mettre en colère comme aujourd’hui.

    — Si ton papa ou ta maman te voient te mettre encore en colère et frapper tout et tout le monde autour de toi, ils me le diront. Je serai très déçu que tu ne sois pas capable de tenir ta promesse et d’agir comme le grand garçon que tu es maintenant. Ça me ferait énormément de peine. Tu ne veux plus me faire de peine, n’est-ce pas ?

    Les larmes me sont encore montées aux yeux.

    — Non, Papi.

    — C’est mieux. Je crois qu’on peut au moins lui donner des biscuits ou une céréale, qu’en dites-vous ? a demandé mon grand-père à mes parents. Que préfères-tu, Don, les biscuits ou les céréales ?

    — Eeeeh. Est-ce que je peux avoir les deux ?

    — Non. Il faut choisir, a exigé Papi.

    — Les céréales… eh, non, les biscuits.

    — Tu es certain ?

    — Oui, je veux des biscuits.

    — S’il te plaît, a ajouté Grand-Papa.

    Je me suis d’abord renfrogné, puis je me suis redressé dans mon siège et j’ai regardé mon grand-père avant d’ajouter :

    — S’il te plaît.

    Grand-Père m’a gentiment souri. Je me suis senti réconforté et j’ai répété :

    — Je t’aime Papi.

    — Moi aussi, je t’aime beaucoup mon p’tit bout d’homme, a répondu mon grand-père en me caressant si doucement les cheveux que j’en ai frissonné.

    Le respect de ma promesse a été difficile. J’avais beaucoup de mal à contrôler mes impulsions et mes mauvaises humeurs. Mais quand mon père ou ma mère voyait la colère commencer à tonner en moi, ils me disaient :

    — Tu vas faire de la peine à ton Papi si tu continues, Don.

    Je les regardais, puis j’imaginais mon grand-père en train de m’appeler « mon p’tit lapin ou mon p’tit bout d’homme » tout en me caressant les cheveux, et j’avais de la peine rien qu’à l’idée qu’il soit déçu de moi, de ce que j’aurais pu faire. Et la colère diminuait assez pour me permettre d’exprimer mon désaccord ou ma mauvaise humeur verbalement plutôt que par des hurlements et des coups.

    ~.~.~

    Deux ans et demi plus tard, je m’étais bagarré avec un autre gamin dans la cour de l’école. Mon grand-père, en visite, l’a appris de la bouche de mon père alors que tout le monde était assis à la table en train de manger.

    J’ai regardé mon père avec un air de reproche, puis mon grand-père, pour juger de ce qu’il en pensait. Puis j’ai demandé à mon père :

    — Pourquoi as-tu raconté ça ?

    — Pourquoi ne me l’aurait-il pas dit ? a demandé Papi.

    — Pour ne pas te faire de peine.

    — Ah, tu crois que la solution pour ne pas me peiner, ce n’est pas d’agir correctement ; mais de faire tout le contraire en me le cachant ou en me mentant ?

    — Bobby n’arrêtait pas de me tanner.

    — Sais-tu comment se tiennent mes élèves quand ils entrent dans mon bureau ? a demandé mon grand-père, sans que je comprenne pourquoi il me demandait ça juste à ce moment-là.

    Plusieurs fois, mon père ou ma mère m’avait reconduit à Éden, me laissant au rez-de-chaussée. Je me rendais ensuite tout seul au bureau de Papi. En entrant, s’il était occupé, je m’assoyais dans le fauteuil à la gauche de son bureau près de la fenêtre et j’attendais qu’il ait terminé, comme il me l’avait demandé. Il ne me faisait jamais attendre bien longtemps, mais je trouvais toujours le temps long parce que j’avais hâte qu’il me demande « Alors, qu’as-tu envie de faire aujourd’hui ? », car je savais que cette question était le prélude à beaucoup de plaisir. Parfois, l’un de ses élèves venait à son bureau en ma présence. Quand ses élèves entraient, ils allaient se placer devant sa grande table, ils écartaient un peu les jambes et mettaient leurs bras dans le dos d’une manière spéciale.

    — Oui, je les ai vu faire, ai-je répondu à mon grand-père ce jour-là.

    — Viens ici, a dit Papi en pointant du doigt devant lui, et montre-moi comment ils font.

    J’étais fier de pouvoir lui montrer que j’étais aussi bon qu’eux, même si j’étais petit. Alors, je me suis levé et je me suis placé entre ses jambes allongées, où j’ai pris ce que je savais que lui et ses élèves appelaient la posture d’attente.

    — Retourne-toi que je vois si c’est aussi correct de l’autre côté.

    Je me suis retourné, mais je n’avais pas écarté à nouveau les jambes quand je m’étais arrêté. Alors grand-père a placé un pied entre les miens et il les a repoussés pour les remettre dans la bonne position.

    — Oui, c’est bien ça. Il y a autre chose qu’ils font ou plutôt qu’ils ne font pas quand ils entrent dans mon bureau. Sais-tu ce que c’est ?

    J’ai tenté de me retourner pour lui répondre en face, mais il a mis ses mains sur mes épaules et m’en a empêché.

    — Non, reste comme ça. Je ne t’ai pas encore permis de te retourner. Réponds à ma question d’abord.

    — Je m’en rappelle plus.

    — De quoi est-ce que tu ne te rappelles plus : de la question ou de la réponse ?

    — De la question.

    — « De la question, Monsieur ». Mes élèves m’appellent « Monsieur » ou « Maître ».

    — Alors, tu ne te souviens plus de la question ?

    — Oui… eeeh, Monsieur.

    — Bien, très bien.

    Cet encouragement m’a un peu rassuré, mais je ne comprenais rien à ce nouveau jeu.

    — Il faut que tu fasses très attention à ce que je te dis ou à ce que je te demande de faire, d’accord ?

    — Oui, Monsieur.

    — La question était : sais-tu ce que mes élèves ne font pas lorsqu’ils arrivent dans mon bureau ?

    J’ai cherché d’abord sans trouver. Je savais seulement qu’ils ne bougeaient pas et… ne parlaient pas non plus.

    — Ils ne parlent pas tout de suite.

    — C’est ça, ils ne parlent pas.

    — Tu peux te retourner maintenant.

    J’ai fait face à Papi et j’ai repris la même posture. Il a continué de me questionner.

    — Qu’attendent-ils pour parler d’après toi ?

    J’ai haussé les épaules.

    — Non, quand je te questionne, tu me réponds en paroles, toujours poliment et tu dois me dire « vous », pas « tu ». Alors, qu’attendent-ils ?

    — Je ne sais pas.

    Mon grand-père m’a attrapé par le col de mon t-shirt et m’a tiré vers lui.

    — Tu as dit que tu ferais attention à ce que je te demande, n’est-ce pas ?

    — Oui, Monsieur.Il m’a relâché.

    — Que m’as-tu répondu tantôt ?

    — Je… je…

    — Tu as répondu : « Je ne sais pas ». Tu aurais dû répondre… ?

    Mon grand-père me retenait par mon col en attendant que je trouve la suite. Mais je ne trouvais pas.

    — Alors ?

    J’ai pensé : « Il me traite comme ses élèves. Est-ce que je suis son élève ? Je suis bien trop jeune. »

    — Pour être mon élève, ce n’est pas une question d’âge, mais de courage, de volonté, de discipline, de générosité et de bonté. L’âge, c’est secondaire à côté de ces qualités.

    Je me suis demandé pourquoi mon grand-père avait dit ça justement quand je venais de me poser cette question.

    — Parce que je suis télépathe, a-t-il répondu sans que ses lèvres bougent.

    Il m’a ensuite expliqué ce qu’était un télépathe. Je l’ai regardé avec de grands yeux, arrivant à peine à croire ce que j’entendais sans vraiment l’entendre, parce qu’il n’avait parlé que dans ma tête. Puis il m’a fait promettre de ne dire à personne ce qu’il était.

    — C’est un secret entre nous, a-t-il ajouté en me souriant d’un air complice.

    Puis, il a repris ses questions :

    — Comment l’un de mes élèves aurait répondu à une question dont il ne connaîtrait pas la réponse ?

    J’ai réfléchi, puis j’ai compris ce que j’avais oublié.

    — Il aurait dit : « Je ne sais pas, Monsieur ».

    — Exact.

    — Tu as manqué à l’une des règles. Normalement, je punis tout manquement aux règles, Don. Penses-tu que je devrais te punir ?

    J’ai regardé mes parents encore une fois.

    — Ils ne t’aideront pas. Ce n’est pas à eux de choisir, mais à toi. C’est toi, mon nouvel élève, pas eux.

    — Je ne sais pas quoi répondre, Monsieur.

    Je ne me sentais pas très bien à rester sans bouger et à répondre à toutes ses questions. Je ne savais pas si j’avais envie de devenir son élève. J’avais entendu dire qu’à Éden, on pouvait devenir un héros. Et les gens disaient qu’avec mon grand-père, on pouvait même devenir une sorte de super héros, mais qu’il était très sévère. C’est ce qu’ils disaient tous.

    J’aurais aimé devenir un super héros, mais j’avais peur de ce que mon grand-père me ferait ou me demanderait pour me permettre de le devenir.

    — Tout ce que tu devras faire, c’est de toujours agir aussi bien que tu le pourras. C’est tout. Et moi, je t’y aiderai.

    — Mais ils…

    J’ai voulu dire ce que j’avais entendu, ce que les gens disaient de lui, mais il m’a arrêté.

    — Silence, Don ! Je ne t’ai pas permis de parler librement. Deuxième manquement à une règle. Alors, sais-tu maintenant ce que mes élèves attendent avant de parler ?

    — Oui, ils attendent que tu… vous le permettiez ou que vous leur posiez une question, eh Monsieur.

    — Parfait. Mais fais plus attention à ne plus manquer aux règles.

    Puis, il est passé au vif du sujet.

    — Dis-moi, Don, crois-tu que l’un de mes élèves serait fier d’avoir fait ce que tu as fait dans ta cour d’école ?

    — Je ne voulais pas…

    — Don, tu viens encore de manquer à une règle. Tu ne dois répondre qu’à ma question, ne rien dire d’autre que la réponse à cette question, et tu le sais, n’est-ce pas ?

    J’ai tourné la tête, pour regarder ailleurs, n’importe où ; je ne voulais plus regarder mon grand-père, ne plus jouer à son jeu. Je n’aimais pas ce qu’il était en train de faire. J’avais envie d’être ailleurs, d’aller jouer avec mes amis, d’aller dans ma chambre. J’aurais même préféré aller faire mes devoirs que de rester debout entre les jambes de mon grand-père ce jour-là.

    — Si tu préfères ne pas être mon élève, devenir mon brave petit soldat de la paix, ni un héros, c’est ton choix, Don. Si tu me dis que tu veux juste que je te laisse tranquille, je le ferai, mais il ne faudra pas venir me voir ensuite pour me dire que tu as changé d’avis. Il faut choisir ce que tu veux vraiment, pas me dire ce que ta peur veut répondre à ta place.

    Mon grand-père m’a tourné la tête tout doucement, pour que je le regarde. Mais j’ai gardé les yeux baissés.

    — Regarde-moi, m’a-t-il demandé sur un ton plein d’affection.

    J’ai levé les yeux et y ai vu tout l’amour d’un grand-père pour son petit-fils, mais aussi de la tristesse. J’ai eu soudain très envie de me jeter dans ses bras, mais je ne le devais pas ou bien il faudrait lui dire que je ne voulais pas devenir un héros.

    — Tu n’es pas forcé de choisir immédiatement. Penses-y. Quand tu seras bien sûr de ce que tu veux, tu me le diras. Mais je dois te dire que si tu décides de devenir mon élève, je devrai te punir pour tes manquements aux règles d’aujourd’hui et pour t’être bagarré avec ton ami Bobby. Rompez maintenant, soldat, avait conclu mon grand-père en me faisant un clin d’œil.

    Puis il a tiré plus fort sur mon t-shirt pour m’amener tout contre lui et m’a serré dans ses bras. Je me suis serré encore plus fort contre lui.

    — Est-ce que je peux parler comme je veux maintenant ?

    — Oui, bien sûr. Tu n’es pas encore mon élève, n’est-ce pas ?

    J’ai fait « non » de la tête, presque déçu de ne plus être son élève. Puis je me suis rappelé que je devais lui répondre en paroles. Je me suis senti mal d’avoir encore manqué à une règle.

    — Tu n’es pas encore mon élève. Tu peux dire ce que tu veux ou te taire, si c’est ce que tu préfères. Mais il faut quand même être poli, d’accord ?

    — Oui, mons… Papi.

    — Tu vois, tu apprends vite. Bientôt, tu ne commettrais plus aucune erreur.

    — Ils disent que vous… tu es très sévère avec eux.

    — Ils disent la vérité. Et ça te fait peur ?

    J’ai acquiescé de la tête.

    — Je comprends ça. Mais il y a une chose qu’il faut savoir au sujet de la peur… C’est un peu comme pour les haltères.

    Comme il ne continuait pas son explication, je lui ai demandé :

    — Comment ça, les haltères ?

    — Plus on en soulève, plus on devient fort et plus c’est facile de les soulever. On est ensuite capable d’en soulever de plus en plus lourdes. Tu vois où je veux en venir ?

    — Ouais, je sais ce que tu veux dire.

    — Oui ? Et qu’est-ce que je veux dire ?

    — Bien, plus on essaie de ne pas avoir peur, plus ça devient facile

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