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Ici et ailleurs (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 5)
Ici et ailleurs (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 5)
Ici et ailleurs (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 5)
Livre électronique668 pages10 heures

Ici et ailleurs (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 5)

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À propos de ce livre électronique

David poursuit ses aventures au sein de la Communauté des planètes sous la tutelle de Greg Arsh.

Il devra participer aux Grands Jeux de la C.P. Il devient aussi un membre de la mission ogmiosienne, qui doit récupérer Sanaki, le petit génie qui aurait pu détruire l’univers avec ses bombes très spéciales. David devra passer un an sur Doulòs sous la responsabilité de Sklig, un maître esclavagiste qu’il devra convaincre d’aider à l’abolition de l’esclavage sur toutes les planètes de la Communauté. David collaborera également au sauvetage du Grand Maître, menacé par un pustch. À travers toutes ces aventures, David comprendra que la vie est ce qu’on en fait : un enfer ou un paradis, mais le plus souvent quelque chose entre les deux.

LangueFrançais
Date de sortie27 avr. 2020
ISBN9780463309766
Ici et ailleurs (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 5)
Auteur

Danielle Tremblay

FRANÇAIS :Danielle Tremblay complète ses études collégiales en informatique au Cégeg de Chicoutimi en 1973. Elle possède également deux attestations d’études collégiales du Cégep de Jonquière, l’une en techniques de la documentation (1984), l’autre en techniques de micro-informatique (1994). De 1984 à 2012, année de sa retraite, elle travaille comme technicienne en bibliothèque pour diverses institutions à Chicoutimi, dont les neuf dernières années au Conseil national de recherches du Canada. Elle a remporté en 1981 le concours littéraire La Plume saguenéenne dans la catégorie science-fiction pour sa nouvelle «Cosmose», le second prix du concours du meilleur texte de trois pages du module des lettres de l’Université du Québec à Chicoutimi en 1988 et le premier prix de ce même concours en 1989 pour «La Lettre d’adieu». En 2011, elle gagne le premier prix du concours littéraire de science-fiction Ascadys avec sa nouvelle «Adam et Ève». L'année suivante, elle publie son premier roman, «Pas de paradis sans... l’enfer» tome 1. Depuis, elle n'a pas cessé d'écrire sous son vrai nom et sous un nom de plume.--------------ENGLISH:Danielle Tremblay completed her college studies in computer science at Cégeg de Chicoutimi in 1973. She also holds two attestations of collegial studies from the Cégep de Jonquière, one in documentation techniques (1984) and the other in microcomputer techniques (1994). From 1984 to 2012, the year of her retirement, she worked as a library technician for various institutions in Chicoutimi, including the last nine years at the National Research Council of Canada. In 1981, she won the literary competition La Plume saguenéenne in the science fiction category for her short story "Cosmose", the second prize in the competition for the best three-page text at the Université du Québec à Chicoutimi in 1988 and the first prize in the same competition in 1989 for "La Lettre d'adieu". In 2011, she won the first prize in the Ascadys science fiction literary competition with her short story "Adam et Ève". The following year, she publishes her first novel, "Pas de paradis sans... l'enfer" volume 1. Since then, she hasn't stopped writing under her real name and a pen name.

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    Aperçu du livre

    Ici et ailleurs (Pas de paradis sans... l'enfer, vol. 5) - Danielle Tremblay

    Le code canadien de la propriété intellectuelle n'autorisant d'une part que « les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ». Toute représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par la loi.

    Tous droits réservés pour le livre « Ici et ailleurs »

    ISBN 978-2-924400-05-0 à Danielle Tremblay, première édition en 2013.

    All rights reserved, Danielle Tremblay, first edition published at Smashwords in January 2013. No part of this book may be reproduced in any form, by any means, without the prior written consent of the author.

    Table des matières

    Droits d’auteur

    Chapitre 1. Zuma-Ridi et Darius

    Chapitre 2. Ridi, Jonny et compagnie

    Chapitre 3. Visite chez mes parents et chez Jonny

    Chapitre 4. Visite chez Irma et chez Alvarez

    Chapitre 5. Les jeux d’Éden et la rencontre avec Zorba

    Chapitre 6. L’exercice de la garde : les équipements

    Chapitre 7. Pénible entraînement

    Chapitre 8. Visites amicales

    Chapitre 9. Ogmios

    Chapitre 10. De retour sur Terre

    Chapitre 11. Les grands jeux

    Chapitre 12. Le jour des jeux

    Chapitre 13. Un an sur Doulòs

    Chapitre 14 : Sauvetage des enfants Svikari et démarquage

    Chapitre 15. Chez mes parents et mes vieux amis avec Mily

    Chapitre 16. Kaity, Darius, Jonny

    Chapitre 17. Öman Sklig

    Chapitre 18. Tentative de putsch contre le Grand Maître

    Chapitre 19. Les frustrations de Joso

    Autres volumes de cette série

    Chapitre 1 : Zuma-Ridi et Darius

    Si quelqu’un peut me dire ce que je fais ici, ce serait fort utile. Est-ce un nouvel exercice de la garde, une autre invention de mon maître pour me tester, les jeux locaux qui ont débuté plus tôt et plus abruptement que prévu ? En tout cas, je me réveille dans une forêt pas tellement terrienne. Aucun des arbres et des autres plantes qui m’entourent ne me rappelle une plante de la Terre. Pourtant, mes cours de survie en nature auraient dû me donner une bonne idée de ce qu’on peut trouver comme minéraux ou comme végétaux sur ma planète.

    Comment peut-on s’endormir dans son lit de sa chambre de son académie sur sa bonne vieille planète Terre et se réveiller quelque part où on n’a jamais mis les pieds, probablement sur une autre planète ? En plus, je n’ai pas les mêmes vêtements et chaussures qu’hier. J’ai des vêtements amples et verts, ainsi que des bottes confortables, mais assez longues pour protéger mes jambes des morsures de petits animaux, je suppose, ou me permettre de marcher dans l’eau presque jusqu’aux genoux sans me mouiller. Un havresac, posé sur le sol près de moi, doit m’être destiné. Il contient un manteau chaud et imperméable. Il y a aussi un canif et une gourde pleine d’eau.

    J’essaie de me rappeler ce que j’ai fait hier. Rien de très inhabituel. J’ai assisté à une soirée pour le départ en mission d’un élève de maîtresse Borg et d’une élève de mon maître. Je n’ai pas bu immodérément. Je n’ai pas consommé de drogue ; en tout cas, pas que je sache. Et je me réveille autre part, dans un ailleurs que je ne connais pas.

    Il est vrai que j’ai fini la soirée avec une fille que je venais de rencontrer. J’ai passé une bonne partie de la nuit dans sa chambre. Nous avons baisé assez longtemps, puis on a discuté tout en mangeant et buvant un peu. Après quoi, je suis allé dormir dans ma chambre. M’aurait-elle drogué ? Je n’ai rien vu de semblable dans son esprit pourtant.

    Je regarde alentour, pour m’assurer de ne pas me trouver en danger immédiat. Rien de menaçant à l’horizon. Je dirais même que l’endroit a quelque chose d’idyllique. Si j’avais choisi un endroit pour mes futures vacances, j’aurais difficilement pu trouver mieux que cet endroit. Mais je sais qu’il ne faut pas toujours se fier aux apparences.

    Le soleil (mais est-ce bien le Soleil ?) est en train de se coucher. Le ciel a pris des couleurs carminées et mauves. L’air embaume d’odeurs fleuries et végétales de la forêt en train de sécher après l’orage. Comment se sentir menacé en un si bel endroit ? Pourtant, si mon maître a contribué à une telle expérience, ce n’est certainement pas pour me permettre de passer de belles vacances. Néanmoins, j’adore mon maître pour me permettre de vivre l’imprévisible. Rien ne pourrait être plus loin de la vie d’un comptable.

    Je sens quelque chose qui me presse la hanche. Qu’est-ce que c’est ? Je suis debout avant d’avoir eu le temps de réaliser complètement que l’animal était une sorte de serpent. Il est couvert de jolis motifs d’ocre jaune et rouge sur fond noir, mais l’heure n’est pas à l’extase écologique. Même si mes bottes doivent pouvoir me protéger de morsures, comme je ne sais rien de ce serpent ni de ce dont il pourrait être capable, je préfère m’en éloigner prudemment.

    La température devait être pas mal chaude peu avant le coucher de l’astre du jour, mais elle s’abaisse rapidement. Il va faire bientôt très froid, je n’en ai aucun doute. Alors, après avoir revêtu le manteau, je pars sans plus tarder à la recherche d’un abri ou de ce qui pourrait me permettre d’en construire un. Je vois non loin d’ici ce qui ressemble à une grotte. Je me rappelle celle de la salle virtuelle. Elle était remplie de chauves-souris et de leurs déjections. Je me doute que je pourrais trouver bien pire que des chauves-souris dans une grotte. Celle-ci a une ouverture assez large pour permettre à des animaux de bonne dimension de s’y abriter. Je vais quand même y jeter un coup d’œil circonspect. Quand j’y entre, je n’y vois aucun ours ni autre animal assez gros pour me causer des blessures importantes ou me tuer. Il n’y a pas non plus de chauves-souris ou ce qui y ressemblerait sur cette planète inconnue. Par contre, j’y découvre un mammifère dont je me serais volontiers passé : Darius. Il y est étendu et endormi.

    J’ai entendu dire que Darius se serait mis à dos à peu près tout le monde dans le groupe de bénévoles dont je faisais partie et que ce ne serait guère mieux avec les élèves qui suivent les mêmes cours que lui. Il trouve toujours quelque chose à redire sur tout le monde. Soit les bénévoles ne sont pas assez bien à son goût, soit ils le sont trop. Dans le premier cas, il leur reproche leur médiocrité ; dans le second, il ne veut pas croire à leur excellence et leur crée des difficultés pour voir comment ils vont réagir. Ou encore, il les traite de lèche-bottes. Dans tous les cas, il se tient le plus souvent à leur écart et ne leur parle que pour des raisons techniques ou pour les insulter. Son maître, monsieur Maïtreya, en a eu assez et aurait discuté de son cas avec mon maître, qui lui aurait présenté une possibilité. Est-ce que cette possibilité est en train de se réaliser ?

    Chose étrange, bien que je ne sache rien de cette planète et de ses dangers, qui pourraient être nombreux, c’est Darius qui m’inquiète le plus. Je n’ai jamais réussi à le comprendre et je ne sais pas plus à quoi je pourrais m’attendre de lui que du serpent. Son esprit me semble aussi tortueux que les mouvements du serpent.

    Je le sonde. Il rêve à son petit frère Théo. Son père maintient Théo sous l’eau. L’enfant est en train de se noyer. Darius donne des coups de poings et de pieds à son père, qui le repousse brutalement tout en continuant de maintenir Théo sous l’eau. Quel horrible cauchemar ! Je vais plus en profondeur dans son esprit. Je vois Darius travailler avec acharnement presque jour et nuit. Il va trois soirs par semaine au travail bénévole, même si son maître ne l’y oblige plus. C’est le seul moment où il se sent vraiment utile. Et pendant qu’il y travaille, il ne pense pas au passé. Il semble avoir sinon de l’affection du moins de la sympathie pour Étienne, le responsable de l’équipe de bénévoles. Quant aux autres membres de l’équipe, il juge qu’ils manquent soit d’efficacité soit de ténacité. Quand ils sont bons, ils s’en vont faire autre chose ailleurs. Quand ils ne le sont pas, ils restent et le travail est bâclé. Même moi, il me voit comme l’un des lâcheurs.

    Si je vais plus loin dans son passé… Ouf ! C’est l’horreur constante. Sa mère, son idole, qu’il adorait et qui l’aimait comme personne ne l’a jamais aimé, est morte sur une planète éloignée. À sa mort, une partie du cœur d’enfant de Darius est morte avec elle. Quant à son cauchemar, il est le reflet de la réalité. Son plus jeune frère est mort noyé dans des circonstances mystérieuses. Darius n’a pas assisté à sa mort, mais, selon lui, soit son père a soit volontairement tué Théo, qu’il trouvait insupportable, soit il n’a rien fait pour le secourir par bêtise ou par lâcheté. Darius aurait dû être avec son frère à ce moment-là, mais il en avait eu assez des exigences incessantes et de la violence de son père. Il aurait voulu fuir pour toujours, mais il n’a fugué que quelques jours. Quand il est revenu à la maison, uniquement par amour pour son jeune frère, ce dernier était mort depuis deux jours. Darius a voulu mourir comme son frère et il a tenté de se suicider en se noyant. Une inconnue, qui l’a vu se débattre dans l’eau, l’a sauvé et l’a transporté à l’hôpital. Le personnel médical, qui a examiné son corps couvert de marques, a soupçonné son père de violence envers son fils et, même si Darius a cherché à expliquer ses marques en parlant de tous les sports qu’il pratiquait, personne ne l’a cru et on l’a placé dans un foyer d’accueil. Lorsqu’il a pu retourner vivre avec monsieur Jones, son père, celui-ci, malade, a eu une crise. Il ne trouvait pas ses médicaments. Darius les a cherchés avec lui, mais il n’en trouvait nulle part ; il n’y en avait plus à la maison. Ils auraient dû appeler immédiatement Urgence-Santé ou la pharmacie pour lui procurer sans délai ses médicaments. Mais Darius ne l’a fait que lorsqu’il a constaté que son père risquait de mourir. Il a dû être transporté à l’hôpital et y est resté plusieurs semaines. Darius a ressenti des remords d’avoir autant attendu avant d’appeler de l’aide. Mais ses remords étaient surtout dus au fait qu’il avait souhaité qu’il ne guérisse jamais. Quelques mois ensuite, son père est mort dans un stupide accident du travail. Darius en a encore une fois éprouvé un mélange de soulagement et de remords.

    Pourtant, malgré son désir de devenir médecin-urgentiste, comme sa mère l’avait été, il n’a pas osé ensuite s’inscrire dans une école de médecine, car son père le lui avait interdit. Même s’il le détestait, Darius continuait à respecter les exigences qu’il avait eues envers lui : tout accomplir à la perfection, étudier à Éden et ne jamais, au grand jamais, abandonner. Parfois, Darius en a assez de la vie qu’il mène, mais il juge ne pas avoir le droit d’y renoncer. Alors, il s’enferme dans sa chambre et il tente inutilement d’étouffer les sanglots qui montent à sa gorge au souvenir de la mort de sa mère et de celle de son petit frère, à l’idée de son soulagement à la mort de son père et parce qu’il se déteste lui-même encore plus que tous ceux qu’il côtoie ne le font. Je vois dans son esprit que même saint David, c’est-à-dire moi, n’a pas su apprendre à l’aimer. Je lis pourtant de l’affection fugace envers moi dans cet esprit submergé de remords et de douleur.

    Je lui ai reproché de se torturer inutilement avec son passé. Je l’ai même insulté à cause de son apitoiement sur soi. Je lui disais d’arrêter d’embêter tout le monde avec ses misères et sa mauvaise humeur. Je n’avais rien compris. Il a perdu trop jeune et brutalement les seules personnes qu’il aimait et s’est retrouvé avec un père haineux qui n’avait que reproches et coups à lui offrir. Son seul rêve était d’apprendre à guérir les gens, comme le faisait sa mère, mais on le lui a interdit. Pourtant, il en ressentirait beaucoup de bonheur, même s’il n’avait personne pour l’aimer.

    Maintenant, il est seul et il préfère le rester, car il a peur de perdre ceux qui s’attacheraient à lui comme il a perdu ceux qui l’ont aimé. Le seul moment où il ressent quelque chose qui ressemble à du bonheur, c’est quand l’équipe de bénévoles réussit à sortir quelqu’un des décombres, surtout quand ce sont de jeunes enfants. Dans ces moments-là, il a un peu l’impression de réparer son absence lors de la mort de son frère et il se dit que sa mère serait fière de lui.

    Cette grotte, où Darius commence peu à peu à se réveiller, pourra nous servir d’abri. Je suis sûr que mon maître n’aurait pas abandonné Darius dans un endroit dangereux pour lui. Mais je crains que, même dans la grotte, la température devienne glaciale durant la nuit. J’y cherche donc une cheminée naturelle en dessous de laquelle je pourrais faire un feu pour nous réchauffer et, éventuellement, pour cuire des aliments.

    Mes cours de survie en nature m’ont donné des notions élémentaires pour reconnaître des plantes ou des animaux susceptibles de servir de nourriture, mais encore faut-il être prêt à expérimenter les aliments en question. L’expérimentation implique de ne pas tester plus d’un aliment par jour. Sinon, comment savoir lequel nous aurait rendus malades ?

    Peut-être qu’il vaudrait mieux se passer de manger. On peut vivre plusieurs semaines sans nourriture. Par contre, sans eau, surtout si la température devient très chaude, il est difficile de vivre plus de trois jours. En fait, d’après ce que j’ai appris, on peut vivre plus longtemps que trois jours, mais au bout de trois jours, on commence à délirer, à avoir des hallucinations qui nous rendent la survie pratiquement impossible. Même avec ma gourde pleine d’eau, je ne pourrai guère tenir plus d’un jour. Donc, il me faut trouver de l’eau et tout ce qu’il faut pour la purifier. Ce qui signifie que je dois faire un feu.

    J’ai vu un endroit intéressant pour préparer mon feu dans cette grotte. On dirait qu’il y a une ouverture au sommet. Cependant, juste en dessous, le sol est mouillé. Alors s’il pleuvait, le feu s’éteindrait vite. Mais si je peux trouver quelque chose susceptible de servir de contenant, je pourrais y amasser une eau qui serait sans doute relativement pure.

    Donc, il me faut trouver le nécessaire à faire un feu et à amasser de l’eau. Je sors de la grotte à la recherche d’herbes sèches, de branchettes et de cailloux abrasifs, ressemblant à des pierres à feu terriennes. Et pendant que j’y pense, je teste mon com ; j’essaie de joindre mon maître. Je souris en voyant le message : « Il n’y a pas de service disponible sur ce territoire ». Le contraire m’aurait étonné. Par contre, je trouve sans peine de la mousse et d’autres herbes sèches, du petit bois et les cailloux nécessaires à la réalisation de mon feu. Je trouve même de l’écorce, qui pourrait aussi me servir à fabriquer un contenant pour recueillir de l’eau. Merci, Monsieur !

    Pendant que j’étais accroupi à ramasser des cailloux et de l’herbe, Darius s’est réveillé. Il sort de la grotte.

    — Qu’est-ce qui se passe ? Où sommes-nous ? demande-t-il, sans même me saluer.

    — Moi aussi, je suis content de te voir, Darius, dis-je.

    — Arrête de faire ch…, David.

    — Toujours aussi aimable, hein, Darius ?

    — Qu’est-ce qui se passe ? Quel est cet endroit ?

    — J’en sais autant que toi à ce sujet. Moi aussi, je me suis réveillé ici alors que je m’étais endormi dans ma chambre à Éden.

    — Ah, ça, c’est sûrement l’œuvre de ton maître.

    — Mon maître, le tien ou les deux ensembles. Moi, ce dont je suis sûr, c’est que si on est ici, c’est à cause de toi et de ton aimable comportement.

    — Qu’est-ce que tu racontes ?!

    — Te rappelles-tu ce que je t’ai dit à propos d’un accord entre ton maître et le mien ? Ils se sont entendus pour te mettre en situation de changer d’attitude. Voilà. Nous sommes dans cette situation. Sauf que, moi, je n’avais pas demandé à t’aider à devenir plus aimable.

    — Fils de ch…

    — Attention ! Ma mère n’a rien à voir dans tout ça. D’ailleurs, s’il n’en tenait qu’à elle, je serais dans un bureau à exécuter des opérations comptables. Alors, laisse-la tranquille.

    — Où sommes-nous ?

    — Aucune idée. Je suis juste à peu près certain que nous ne sommes pas sur Terre.

    — Qui te dit que ce n’est pas une salle virtuelle ? me demande-t-il.

    — Non. Tout est trop parfait. Les odeurs, la texture des objets, les plantes, toutes des variétés inexistantes sur Terre. On est sur une autre planète, je le jurerais, mais je ne sais pas laquelle.

    — Et qu’est-ce que tu fais ? Tu t’amuses avec des cailloux ?

    — T’as pas eu un cours de survie en nature depuis que tu es à Éden ?

    — À quoi bon faire un feu ? Il fait assez chaud comme ça et on n’a rien à cuire.

    — Depuis que je suis réveillé, la température a baissé de plusieurs degrés. Je ne doute pas que la nuit soit pas mal froide. Alors tu m’aides à trouver du bois sec ou si tu te contentes de faire des commentaires sarcastiques ?

    — Si tu crois que je vais t’aider…

    — M’aider ? Si tu ne veux pas m’aider à préparer le feu, alors va te les geler ailleurs. Ce n’est pas moi qui ai donné l’idée à nos maîtres de nous abandonner ici.

    Je continue ma recherche d’allume-feu et de bois sec, pendant que Darius grommelle à la sortie de la grotte. Je vais porter ce que j’ai sous la cheminée et je m’installe pour préparer mon feu. Je n’ai aucun mal à allumer la mousse et la paille que j’ai trouvées. J’y ajoute le petit bois sec. Tout semble bien prendre, mais sans doute que ma mousse était trop humide, il y a pas mal de fumée qui se répand dans toute la grotte. Darius, à l’entrée, se moque de moi. Il dit qu’on n’a pas besoin de fumoir et que, si je continue comme ça, je ne terminerai pas la nuit vivant. Il n’a peut-être pas tort. J’aimerais trouver ce qu’il faut pour fabriquer une cheminée artisanale, mais ce serait sans doute un peu compliqué, même en supposant que je trouve le nécessaire.

    Je retourne à l’extérieur pour trouver quelque chose pour me permettre d’y transporter mon feu sans me brûler. Je trouve de l’écorce en bonne quantité. Je m’en sers pour transporter mon feu à l’extérieur de la grotte. Bien sûr, Darius me regarde travailler sans m’aider. Et il n’a que moqueries à mon égard. Je suis inexpérimenté. Je ne peux pas tout réussir à la perfection dès la première tentative. Je voudrais bien le voir à ma place. Trop facile de critiquer les autres pendant qu’on se tourne les pouces. Je me dis que toutes les moqueries de Darius ne sont que du vent et je continue comme si j’étais seul.

    Mon feu brûle maintenant à l’entrée de la grotte. Si je m’étends à proximité, je pourrai sentir sa chaleur sans que la grotte se retrouve pleine de fumée et je serai à l’abri de la pluie. Malgré toutes les moqueries de Darius, je suis quand même assez fier de moi.

    Je vais ensuite installer une sorte de bol en écorce sous la cheminée. Si l’eau y coulait suffisamment pour faire une belle flaque dans la grotte, peut-être que j’aurai de quoi boire demain dans mon contenant improvisé.

    J’essaie aussi de voir, pendant que le soleil n’est pas totalement couché, s’il y a des animaux susceptibles d’être mangés et des fruits qui pourraient être comestibles. En même temps, j’en profite pour vérifier s’il y a aussi un ruisseau ou des traces de pas d’animaux convergeant vers le même point, possiblement un point d’eau. Je vois quelque chose qui ressemble à une trace de sabot de cervidé. Compte tenu de la profondeur de la trace, je crois que le cervidé en question doit être pas mal lourd, donc pas mal gros. Pour pouvoir le manger, il faudrait trouver un moyen de le tuer, mais comment ? Si mon maître et celui de Darius ont pris soin de nous laisser à un endroit sécuritaire, ils ne nous ont procuré aucune arme plus dangereuse qu’un canif, aucune trousse de premiers soins, pas même de briquet. Alors, montrez-nous que vos cours de survie ne sont pas inutiles, les enfants.

    Tout ce que je souhaite pour l’instant, c’est de trouver un cours d’eau. En plus de pouvoir boire plus d’une journée, je pourrais sans doute, en remontant son cours, me retrouver à un endroit habité. À moins que nous nous trouvions au beau milieu d’une forêt vierge sur plusieurs centaines de kilomètres. Le but de l’aventure n’est peut-être pas de sortir rapidement de ces bois.

    Je grave mes initiales sur des arbres à hauteur de mes yeux et dans toutes les directions, pour laisser des traces de mon passage, de sorte que, quel que soit le sens dans lequel j’irai, je pourrai voir que je suis déjà passé par là. Sait-on jamais, il arrive fréquemment qu’on tourne en rond lorsqu’on marche en forêt sans boussole. Je l’ai expérimenté lors d’une randonnée avec Jonny.

    Après avoir marché vers une vallée, endroit le plus probable pour trouver un cours d’eau, mais n’ayant pas trouvé la moindre goutte du précieux liquide, je retourne à la grotte.

    ~.~.~

    Le feu est éteint, comme si quelqu’un l’avait étouffé délibérément. Est-ce que Darius, non content de ne pas m’aider, ferait de l’obstruction ? Où est-il, d’ailleurs ? Je ne le vois ni à l’extérieur, ni à l’intérieur de la grotte.

    Je m’efforce d’abord de rallumer le feu pendant que je vois encore quelque chose, puis je me fabrique une torche. Je veux pouvoir voir où je mets les pieds. Je crie le nom de Darius, espérant qu’il se soit juste éloigné un peu, mais personne ne me répond. Peut-être s’est-il dit que j’étais sérieux quand je lui disais qu’il pouvait aller se les geler ailleurs.

    Maintenant que mon feu est rallumé, je vais m’étendre à l’entrée de la grotte en me disant que je verrai sans doute réapparaître Darius dès qu’il se mettra à faire plus froid. La température continue de descendre. Je ne sais pas combien il peut faire à la nuit tombée, mais ce ne doit pas être plus de 5 °C. En plus, avec l’humidité, j’ai l’impression qu’il fait encore plus froid. Brrrr ! Je me rappelle ma tunique de contrôle de température. Où en étais-je rendu lorsqu’elle était en mode « nuit » ? À plus de cinq degrés, il me semble. Avec mon feu qui me réchauffe, la température me semble supportable. Mais je crains de manquer de bois. Alors, je prends ma torche et je tâche de trouver de cette écorce qui me semblait si abondante plus tôt. Il y en a, mais en faible quantité. Et le bois que je glane est trop humide. Il ne peut pas servir à alimenter mon feu. Je le saurai, la nuit prochaine, j’amasserai davantage de bois avant de me mettre au lit, si on peut dire.

    Je n’arrive pas à m’endormir. C’est sans doute normal, vu que je viens de m’éveiller. J’ai dû dormir un bon nombre d’heures avant et pendant qu’on me transportait ici. Difficile de dire combien étant donné que je ne sais pas sur quelle planète je me trouve. Malgré tout, comme je suis seul et que je n’ai pas grand-chose à faire à part attendre que la nuit soit passée, je m’ennuie tellement que je finis par m’endormir. Quand je me réveille, je grelotte. Le feu est éteint. Je suis surpris de découvrir qu’il ne s’est pas éteint de lui-même. Il restait du bois et on a jeté du sable pour étouffer les flammes. Darius ! Si c’est toi, mon salaud, tu ne perds rien pour attendre.

    J’essaie de me confectionner une nouvelle torche, mais je n’y vois rien. Et mes pierres à feu ont disparu. Je les avais laissées non loin du feu, à portée de main, pour pouvoir le rallumer rapidementsi nécessaire pendant la nuit. On me les a volées. Salopard ! Je commence à en avoir assez. Je hurle : « Darius ! Darius, mon salaud ! Attends que je te retrouve. » Aucune réponse.

    Faute de feu, je m’enfonce dans la grotte où j’essaie de trouver un endroit bien à l’abri du vent, mais pas trop humide. N’empêche qu’il fait un froid de loup. La température doit encore avoir baissé. Avec l’humidité et le vent, c’est glacial. J’espère ne pas tomber malade.

    J’ai quand même réussi à dormir encore un peu en me mettant en boule dans un coin, mais j’ai hâte que le jour se lève, pour qu’il fasse un peu plus chaud et pour pouvoir partir à la recherche de Darius.

    ~.~.~

    Le lendemain matin, j’amasse suffisamment de petit et plus gros bois sec, ainsi que de l’écorce et de la mousse aussi sèche que possible, que je répartis dans trois coins pas trop évidents de la grotte pour éviter de tenter le voleur ou le génie malfaisant de la forêt. J’en mets aussi un peu dans mon havresac pour transporter avec moi l’essentiel pour ma survie. Je me confectionne plusieurs torches. J’en laisse aux mêmes endroits que le bois, mais j’en cache aussi dans la grotte à des endroits accessibles, même en pleine obscurité. J’ai également trouvé de nouvelles pierres à feu. J’en garde sur moi dans le havresac et j’en range près de mon bois dans la grotte. En répartissant le nécessaire à fabriquer du feu de cette manière, je complique la vie au voleur et j’ai une chance de ne pas mourir de froid la nuit prochaine.

    En plus de transporter deux pierres à feu, un peu d’écorce, de mousse et du petit bois dans mon havresac, j’ai attaché une torche à ma ceinture, et je pars à la recherche de Darius. Je cherche son esprit, mais je ne trouve aucune pensée humaine à proximité. Je crie son nom, mais personne ne me répond. Soit il a décidé d’essayer de retourner tout seul à la civilisation, où qu’elle soit, et il est trop loin d’ici pour m’entendre, soit il a été attaqué par un animal sauvage ou il s’est gravement blessé et il est incapable de me répondre. Il y a peut-être vraiment un génie malfaisant dans cette forêt, quelqu’un qui a fait Darius prisonnier. Si c’est le cas, il faut que je le retrouve et le libère. Il reste bien une autre possibilité, mais je n’ose même pas l’envisager.

    Que peut-il lui être arrivé ? J’espère qu’il n’est pas mort. Même s’il semble prendre plaisir à se moquer de moi ou à me nuire, je ne tiens pas à ce qu’il meure.

    Je me dis que, peut-être, il me faudrait confectionner une arme, une massue, un lance-pierre ou je ne sais trop quoi, mais quelque chose avec quoi je pourrais me défendre. À la limite, ma torche pourrait me servir de matraque, mais elle n’est pas assez massive pour faire office d’arme vraiment efficace. En dehors de cette torche, je n’ai que mes mains et mon petit canif et, même si j’ai appris à mieux me battre, je serais impuissant devant des gens armés. Je pourrais me fabriquer un lance-pierre avec un Y en bois, mais je n’ai pas de matériau extensible pour les cordons. Je pourrais peut-être fabriquer une fronde, mais, encore une fois, où trouver les matériaux nécessaires pour les courroies ? Je n’ai aucun lacet ni à mes vêtements ni à mes chaussures. Je pourrais, au pis aller, me faire des lisières dans mes vêtements, mais il y doit y avoir moyen de trouver autre chose quelque part dans ces bois.

    Je pars donc en oubliant pour le moment cette idée de fabrication d’armes. J’essaie de jouer les pisteurs en regardant au sol pour détecter de traces de pas humains. Je vois bien mes propres traces de la veille, mais rien d’autre. À croire que Darius s’est volatilisé ou qu’il s’est envolé sans moi. Pourtant, je n’ai entendu aucun engin volant.

    Comme je n’ai pas la moindre idée de l’endroit où il peut se trouver, plutôt que de chercher Darius, je décide de partir encore à la recherche d’un cours d’eau. Je continue de laisser régulièrement des traces de mon passage, avec une indication de la direction de la grotte. Je marche plusieurs heures sans trouver plus qu’un filet d’eau vaseuse. Comme il fait maintenant très chaud, certainement plus de trente degrés Celsius et que j’ai bu toute l’eau de ma gourde, j’essaie de filtrer l’eau vaseuse au travers de plusieurs épaisseurs du tissu de ma chemise. J’y trempe les pouces pour détecter si elle est potable. Mes implants sanitaires me disent que l’eau contient des bactéries de nature inconnue. Je ne peux donc pas savoir si elles sont dangereuses ou pas. L’eau est-elle potable telle quelle ou ne devrais-je pas la faire bouillir ? Si oui, dans quoi ? Je prends quand même quelques petites gorgées. Je verrai bien.

    Vu qu’il commence à faire pas mal chaud, je range mon manteau dans mon sac. Je me remets à marcher en descendant toutes les pentes que je rencontre. Je me dis que je finirai bien par trouver un cours d’eau. Puis j’entends un cri qui me donne la chair de poule. C’était quelque chose de presque humain, un hurlement comme en pousserait un vampire surpris par la lumière solaire. Je ne sais pas si je dois aller dans la direction du cri ou m’en éloigner au plus vite. Je tente de trouver l’esprit de l’être vivant qui a poussé ce cri. Un instant, il me semble percevoir des images : une sorte de grand singe qui danse. Il est vert émeraude avec des cheveux violets et une longue queue qui fouette l’air. Serait-ce lui qui a poussé cet affreux cri ? Si oui, pourquoi a-t-il crié de cette manière ?

    J’essaie d’aller dans sa direction. Qui sait ? Peut-être que Darius l’a vu et l’aura suivi. Ou bien c’est l’inverse et le singe vert aura capturé Darius. Mais pourquoi est-ce que je n’arrive pas à lire l’esprit de Darius ? J’y suis arrivé facilement pendant qu’il dormait. Je perçois du mouvement derrière moi. Je me retourne brusquement en ouvrant tous mes récepteurs télépathiques. Rien. Quelle que soit la forme de vie qui me suit, sa pensée m’est inaccessible. Serait-ce mon maître qui leur aurait procuré ce qu’il faut pour me rendre leurs pensées irrecevables ? Est-il possible à un puissant télépathe de percer le mur créé par les bandeaux darumiens ? Comment fonctionnent ces bandeaux ? Je ne me suis jamais donné la peine de l’étudier. Je n’en voyais pas l’utilité. Je cherche l’esprit de scientifiques darumiens qui connaîtraient le fonctionnement de ces bandeaux. Je trouve quelqu’un, une femme âgée qui aurait travaillé dans sa jeunesse à leur conception. Ils créeraient des flots d’ondes, comme des tornades neuronales autour de l’esprit de son porteur. Cela produirait une confusion telle que les télépathes ne sauraient pas différencier les ondes du bandeau de celles produites par la pensée du porteur. Mais si j’allais au cœur de la tornade, m’y perdrais-je ou pourrais-je atteindre l’esprit du porteur ?

    J’essaie de trouver un endroit où me cacher de mon poursuivant pour pouvoir m’arrêter un peu et essayer de lire son esprit malgré le bandeau, s’il en porte un. Je me mets à courir, à zigzaguer, à sauter au bas de buttes, puis je trouve une cachette, un creux sous un amoncellement de pierres, comme une mini grotte. Je m’y accroupis. Si mon poursuivant passe par ici, je verrai au moins ses pieds.

    J’essaie de le trouver mentalement. Il n’est pas loin de moi. Je l’entends marcher au-dessus de mon amoncellement de pierrailles. En lui fermant mon esprit, je me concentre sur le sien en tentant d’ignorer la tornade qui l’enveloppe. Je suis soudain pris dans un tourbillon, incapable d’en sortir. Mes pensées deviennent confuses et je perds connaissance. Quand je me réveille, je suis attaché à un arbre. Non loin de moi, je vois Darius, ligoté lui aussi et bâillonné en plus. Il porte un bandeau darumien. Voilà pourquoi je ne pouvais pas le lire. Il se tord le cou pour essayer de se libérer de son bâillon sans y parvenir. Aucun de nos adversaires n’est visible.

    — Laisse tomber le bâillon, Darius. Ôte plutôt le bandeau.

    Il me regarde avec un air ahuri. J’essaie de lui transmettre ma pensée malgré son bandeau qui bloque peut-être le passage des ondes mentales dans ce sens également.

    — Je pourrai communiquer télépathiquement avec toi si tu l’ôtes.

    A-t-il reçu mon message mental ? En tout cas, pour une fois, il essaie de faire ce que je lui demande. À force de frotter son crâne contre le bois de l’arbre, il finit par réussir à ôter le bandeau, qui tombe entre son dos et l’arbre, pratiquement abrité des regards. Aussitôt que le bandeau est tombé, je lis de la frustration et de la colère. Je vois deux grands singes verts. Du moins, c’est comme ça qu’il les perçoit. Ce sont des Hunthaïens, des hermaphrodites de la planète Huntha. Ils l’ont capturé pendant que je me promenais dans le bois hier soir. Darius m’en veut de l’avoir laissé seul sur une planète inconnue. Il pense qu’on ne devrait pas se séparer en de telles circonstances.

    — Tu ne voulais pas m’aider à faire du feu, Darius. Et si je t’avais demandé d’essayer de trouver de l’eau, l’aurais-tu fait ?

    Je ne lis que frustration et colère. Sa colère atteint un niveau extrême lorsqu’il voit réapparaître les deux Hunthaïens. Il voudrait les tuer et les faire cuire en brochettes. C’est du moins ce que me transmet son esprit désordonné. J’essaie encore de lire les pensées des Hunthaïens, qui portent également des bandeaux. Je n’ai pas pris le bon parcours précédemment. Il me faut contourner cette tornade, mais comment ? Je ne voudrais pas me retrouver encore inconscient. J’essaie de survoler leur esprit, pour me tenir à distance de la tornade. Je crois percevoir quelque chose de moins confus que le tourbillon qui entoure leurs esprits quand je sens une gifle magistrale me frapper.

    Celui qui m’a frappé est plus délicat et moins vert vif que l’autre. Sa queue est aussi un peu moins longue. Serait-ce la version femelle de ces hermaphrodites ? Elle me parle dans son langage, mais je n’y comprends rien. Ils ont sans doute désactivé nos traducteurs pour qu’on ne comprenne pas ce qu’ils se disent entre eux et ce qu’ils projettent de nous faire.

    J’essaie encore d’entrer dans leurs esprits. Le plus grand vient me frapper à son tour et à plusieurs reprises cette fois-ci. Il m’a frappé des deux mains et même avec sa queue. Puis il pointe ma tête et la sienne et fait un signe de négation avec un long doigt vert. Il a des yeux dorés fascinants, surtout quand il les agrandit de colère. J’attends qu’il s’éloigne et j’essaie d’entrer dans l’esprit du plus petit des deux. L’autre file vers moi à une vitesse qui serait inimaginable pour un humain, mais qui est sans doute toute naturelle pour ces grands singes verts, comme les perçoit Darius. Il ramasse rapidement une branche morte et s’en sert pour me frapper. Puis, d’un geste coléreux, il pointe la tête de l’autre Hunthaïen et la mienne et me fait encore un signe de dénégation. Je lui souris tout en tentant encore de pénétrer son esprit. Il m’empoigne à la gorge et la serre jusqu’à ce que je me sente sur le point de perdre connaissance encore une fois. Quand il me lâche, je respire une grande bouffée d’air et, dès que je me sens mieux, je lui souris de toutes mes dents. Peut-être que je ferais mieux d’attendre un peu avant de tenter de pénétrer leurs esprits. Ils devraient dormir la nuit prochaine et je pourrai refaire une tentative. Le grand singe vert fait non non de la tête. Serait-il télépathe ? Un Hunthaïen télépathe, est-ce possible ? Je vais lui fermer mon esprit de manière aussi étanche que possible désormais. Il m’empoigne encore à la gorge et me secoue, comme pour me forcer à lui ouvrir mon esprit.

    — Tu peux bien me secouer tant que tu voudras, espèce de grand singe vert, tu ne me forceras pas à t’ouvrir mon esprit, lui dis-je dès qu’il cesse de me secouer.

    Il émet une série de sons incompréhensibles, qui tiennent plus des stridulations, des sifflements, des claquements de langue, des couinements, des grincements et d’autres sons bizarres, pour lesquels je n’ai même pas de mots, que des sons articulés.

    — Vous n’êtes même pas fichus d’avoir une langue digne de ce nom, dis-je pour enfoncer un peu plus le clou.

    Pour bien me faire comprendre qui est le patron ici, il me donne un coup de poing en plein ventre, qui me ferait plier en deux si je n’étais si bien attaché.

    « Arrête ça, David. Tu vas nous foutre un peu plus dans la merde », pense Darius.

    Peut-être qu’il n’est pas si déraisonnable après tout. Le plus petit Hunthaïen ne semble plus voir l’utilité de laisser son bâillon à Darius et le lui retire. L’autre ne semble pas d’accord, mais n’insiste pas.

    — Huntha, dis-je à Darius.

    — Quoi ?

    — Tu voulais savoir sur quelle planète nous étions tombés. C’est Huntha. Ces grands singes verts qui n’arrivent pas à parler intelligemment sont des Hunthaïens, lui dis-je.

    — Je parle sept langues, espèce de nigaud Terrien. Et toi ? me demande le plus grand des Hunthaïens dans la langue intergalactique.

    — Une seule. La bonne, dis-je en lui souriant.

    En fait, je parle trois langues, comme la plupart des Terriens : ma langue maternelle, une langue que certains se plaisent à appeler le terrien, car elle est dérivée des principales langues utilisées sur Terre il y a des siècles, et la langue intergalactique. Mais sept langues, c’est pas mal, je le reconnais.

    — Foutu prétentieux de Terrien ! Ils sont bien tous pareils.

    — Non. Il y a les autres et il y a moi. Je suis le summum de mon espèce, dis-je.

    — Tu veux dire le crétin des crétins ?

    Je me mets à chanter un air dont les paroles sont une ode à la beauté, à nulle autre pareille, de la Terre et de ceux qui l’habitent.

    — Tu n’as donc pas d’yeux pour voir où tu te trouves, stupide Terrien. Tu ne vois pas qu’Huntha est un paradis comparé à ta planète ?

    Il n’a pas tort sur un point : cette planète, si j’en juge d’après le peu que j’en ai vu, est vraiment très belle, mais je ne vais pas lui faire le plaisir de l’admettre.

    Plus tard, les deux Hunthaïens vont faire je ne sais quoi ailleurs. Pendant ce temps, je dis à Darius de tenter de se libérer.

    — Qu’est-ce que tu crois, que je suis aussi idiot que toi ? Depuis hier, je n’ai pas cessé de tenter de me libérer dès que j’en avais la chance et je n’y suis pas arrivé. Ces liens sont vraiment solides et ils savent faire des nœuds, ces maudits singes verts.

    — Darius, j’en ai assez de me faire traiter d’idiot. Un Hunthaïen qui m’insulte, c’est bien assez.

    — T’as qu’à pas l’insulter et il te laissera tranquille, me dit-il.

    — Ah. C’est toi qui vas me dire comment me faire des amis ? Elle est bien bonne celle-là ! lui dis-je.

    Il tourne la tête dans une autre direction, mais avant de l’avoir tournée, j’ai vu qu’il avait rougi.

    — Excuse-moi, Darius. Je n’ai pas envie de te faire la guerre. Mais tu n’arrêtes pas de m’insulter dès que tu me vois. Et moi, quand on m’insulte, je réponds. Si nous faisions la paix, qu’en dis-tu ?

    Darius grogne en guise de réponse.

    — Que faisais-tu pour qu’ils se jettent sur toi comme ils l’ont fait ?

    — J’essayais de lire leurs pensées.

    — Il a cette espèce de turban darumien. Je croyais que c’était impossible de lire les pensées de ceux qui le portent.

    — Théoriquement impossible. Mais qui ne risque rien n’a rien.

    Pendant qu’il m’y fait penser, j’essaie encore de retrouver l’esprit des Hunthaïens et de les lire. Je suis encore pris dans le tourbillon, mais je réussis à ne pas perdre connaissance cette fois-ci. Je réessaie encore et encore. Je perçois bientôt une image du plus grand des deux Hunthaïens. Il est en train de faire cuire quelque chose dans une grande marmite. Le plus petit lui donne ce qui ressemble à des racines. Si leurs préférences alimentaires sont aussi différentes des nôtres que leur langue l’est de la mienne, je risque de ne pas trop apprécier leur cuisine, en supposant qu’on m’en offre. J’essaie d’entrer dans l’esprit du plus petit. Je vois maintenant le plus grand, qui brasse le contenu de sa marmite. Puis il s’arrête brusquement et disparaît. Où est-il ? Dans les arbres. Il saute d’arbre en arbre, de branche en branche en se servant autant de ses mains, de ses jambes que de sa queue. Ses arabesques sont étourdissantes, presque incroyables. Comme j’aimerais avoir une telle adresse !

    À l’instant où il apparaît à ma vue, il est juste devant moi. Il ramasse sa branche et recommence à me frapper. Il ne semble plus vouloir s’arrêter. J’ai mal, très mal, mais je le regarde en face, droit dans les yeux. Avant qu’il m’entende gémir ou me voie pleurer, il va devoir m’écorcher vif. Quand il juge que c’est assez, il s’arrête. Je replonge aussitôt dans son esprit à la recherche de ce que j’ai aperçu tantôt. Il est le fils-fille de mon maître, mon frère-sœur. Monsieur m’avait dit qu’il y avait un élève de troisième niveau qui était ma sœur ou mon frère, je ne me souviens plus ; mais quelle importance, étant donné que j’ai les deux dans le même corps vert ? Incroyable !

    — Salut frérot ! dis-je.

    — Quoi ? dit Darius.

    — Maître Arsh m’avait averti que tu risquais de traverser l’obstacle créé par ces bandeaux, mais nous nous attendions à ce que tu y mettes plusieurs jours, affirme le singe vert.

    — Je te l’ai dit : je suis le summum de mon espèce.

    — Non. Ce talent, tu le dois aux gènes darumiens de notre père, pas aux gènes terriens.

    — Qui est votre père ? demande Darius.

    — Notre maître, Greg Arsh, répondons-nous ensemble, le singe vert et moi.

    — Quoi ?! s’exclame Darius.

    — Qu’est-ce que tu as contre les Terriens ? demandé-je à mon demi-frère.

    — Ce sont tous des imbéciles.

    — Ah ! Tu les connais tous personnellement ?

    — Non, mais ce que j’en ai vu m’a suffi. Et ce n’est pas vous deux qui allez améliorer ma perception des choses.

    — Sur Terre, on appelle cette attitude du racisme. À proprement parler, dans ce cas-ci, ce serait plutôt du spécisme, mais bon, on ne se chamaillera pas pour du vocabulaire, n’est-ce pas ?

    — Ah, parce que toi, avec tes « singes verts », tu ne t’es pas montré raciste, je suppose ?

    — Non. C’est de la légitime défense. Après tout, tu nous as attachés à des arbres, moi et mon ami Darius. Pourquoi est-ce que je te dirais des gentillesses ?

    — Tu arrives sur ma planète, sur mon territoire, et tu commences à agir comme si tu étais chez toi. J’ai bien le droit de protéger mon bien, me répond-il sur un ton offusqué.

    — Ton territoire ?

    — N’essaie pas de me faire croire que tu ne sais pas où tu es.

    — Te rappelles-tu le grand gars à moitié terrien à moitié darumien qui veut qu’on l’appelle Maître ? Oui ? Si je ne me trompe pas, en plus d’être notre père, il est notre maître.

    — Quel rapport ?

    — Tu ne le connais pas mieux que ça ? Je n’avais pas la moindre idée de l’endroit où je me trouvais en me réveillant ici hier. Darius non plus d’ailleurs. Maître Arsh a dû trouver que c’était une excellente idée que nous nous rencontrions tous ici. Et c’est comme ça que tu nous accueilles !

    Ce que je viens de lui dire le laisse songeur.

    — Je ne vois pas ce que le fait de rencontrer un gars cent pour cent crétin, comme toi, pourrait m’apporter.

    — Ah, comme nous partageons au moins la moitié de nos gènes, si je suis cent pour cent crétin, tu l’es au moins à cinquante pour cent, non ? dis-je en lui faisant mon sourire le plus espiègle. En dehors de ça, notre maître t’avait dit que je risquais de pouvoir lire tes pensées malgré ces bandeaux que tu portais. Alors, tu t’attendais à ma venue. Ne fais pas semblant d’être surpris de me trouver sur ton fameux territoire.

    — Maître Arsh m’a donné ces bandeaux il y a plusieurs mois en me disant qu’ils pourraient m’être utiles un jour. Quand j’ai voulu savoir à quoi ils me serviraient, il n’a pas voulu me répondre. Un jour où nous parlions de sa famille et de sa nombreuse descendance, il m’a parlé d’un gars qui était son fils lui aussi, qui était télépathe et qui était son élève également. Il a parlé de la puissance de ton don et qu’il te croyait capable de passer l’obstacle créé par ces bandeaux. Il n’a pas voulu m’en dire plus. Et tu le connais, quand il ne veut pas quelque chose… Et te voilà ici, en plein milieu de mon territoire de chasse. Comptez-vous chanceux, toi et ton ami, un peu plus, je vous transformais en ragoût.

    — Si tu réactivais nos traducteurs et si tu nous libérais maintenant, que nous puissions quitter ton précieux territoire.

    — Pourquoi te ferais-je confiance ?

    — Je te fais bien confiance, moi, espèce de grand singe vert ! dis-je.

    — Ne recommence pas avec ça !

    Sa voix, qui a déjà tendance à siffler, émet des sons semblables à ceux qu’émettent certains serpents lorsqu’ils s’énervent et se préparent à mordre.

    — Pardonne-moi. J’ai tendance à taquiner les gens que j’aime.

    — Pourquoi est-ce que tu m’aimerais ?

    — Je ne sais pas. C’est vrai que tu n’as rien fait pour te rendre aimable. Mais c’est peut-être à cause de quelque chose que j’ai vu dans ton esprit.

    — Quoi ?! questionne-t-il, surpris par mon commentaire.

    — Tu ne veux pas que nous soyons amis ? Pourquoi ?

    — Parce que tu n’es qu’un crétin de Terrien.

    — Moi, je ne voulais que te taquiner en te traitant de singe vert, mais toi, tu es vraiment spéciste, hein ?

    Il ne me répond pas. Il retourne comme il est venu à son chaudron, en sautant d’une branche à l’autre. Maintenant que je peux passer au travers du bandeau, je ne m’en prive pas. Tant pis s’il revient.

    Je cherche son nom dans son esprit. Zuma-Ridi. Comme tous les Hunthaïens, il porte un double prénom, une moitié pour sa partie femelle et l’autre pour sa partie mâle. Dans son cas, il est dans sa phase mâle. Ce qui fait qu’on doit l’appeler Ridi.

    Je comprends vite pourquoi il est allergique aux Terriens. Il a vécu sur Terre lorsqu’il était petit et les enfants du voisinage se moquaient de lui. Que lui disait-il pour se moquer de lui ? Entre autres, qu’il n’était qu’un grand singe vert. Il a bien réussi à se faire une amie terrienne, mais elle était timide et elle ne l’avait pas défendu contre les autres enfants. Elle cachait à tous qu’elle allait parfois chez lui pour jouer. Comme il ne voulait pas la faire souffrir et surtout pas perdre sa seule amie, il ne l’a jamais dit à personne, sauf à ses parents adoptifs.

    Quand il a eu onze ans, ses parents ont décidé de le confier à un pensionnat hunthaïen pour lui donner la chance d’apprendre sa propre langue, sa culture, l’histoire de sa planète et surtout de vivre au milieu de ses semblables. Il s’est senti dépaysé au début et a eu un peu de mal à s’adapter. D’autant plus qu’il se sentait abandonné par ses parents. Mais il s’est rapidement fait de nombreux amis, qui voulaient tout savoir de la vie sur Terre. À dix-huit ans, il est retourné vivre sur Terre. Ses parents, qui savaient qui était son vrai père, l’avaient inscrit à Éden en donnant seulement Greg Arsh comme choix de maître. Son père l’a accepté pour l’épreuve d’admission, que Zuma, la part femelle de Zuma-Ridi, a réussie sans problème.

    Maintenant, il vient de commencer sa quatrième année à Éden, mais notre maître juge qu’il n’a pas le droit d’accorder l’étoile des maîtres à quelqu’un d’aussi spéciste que lui. C’est la raison réelle de ma présence et de celle de Darius sur Huntha, mais Ridi ne veut rien savoir de nous. Il croit que quiconque le traite de singe vert ne mérite que son mépris.

    Quant à la demoiselle hunthaïenne, il l’a rencontrée sur Terre. Elle se nomme Khunsa-Banci. Khunsa est dans sa période femelle. Elle est l’élève de maîtresse Naviny et elle est au deuxième niveau. Ils sont d’abord devenus amis, puis ils se sont arrangés pour que lorsque l’un était dans sa phase mâle, l’autre soit dans sa phase femelle.

    Lorsqu’ils l’ont envoyé vivre sur Huntha, ses parents adoptifs terriens ont donné à Zuma-Ridi une petite fortune, qui lui a permis de s’offrir son territoire de chasse. Et il ne supporte pas qu’on ose pénétrer sur ce territoire sans sa permission, surtout si on est terrien.

    Moi et Darius essayons avec acharnement de nous libérer, mais comme le disait Darius, nos liens sont très solides. J’essaie de me laisser glisser jusqu’au sol en pliant les genoux, mais je suis attaché comme un saucisson à cet arbre. Je repense à mon maître qui s’est libéré alors qu’il était attaché par les pieds, la tête en bas et les mains au dos. Pourrais-je me libérer si ce n’était de la crainte d’avoir mal ? J’essaie de passer les mains dans les étroits liens, mais même en ne prêtant aucune attention à la douleur, il n’y a rien à faire.

    J’essaie donc de lire dans l’esprit des deux Hunthaïens de quoi nos liens sont faits et comment il faut s’y prendre pour défaire ces nœuds. Je vois comment nous avons été attachés. Peut-être que Ridi a suivi des cours sur la façon de confectionner des nœuds solides et de bien les utiliser pour attacher quelqu’un, parce que c’est vraiment réussi. Un singe vert perfectionniste ? En tout cas, malgré ce que j’ai découvert ou plutôt à cause de ce que j’ai découvert, je ne pense pas que nous réussissions à nous libérer sans outil tranchant ou une aide extérieure.

    Où est mon canif ? L’ai-je encore en poche ? Je bouge un peu la jambe pour sentir s’il est bien là où je crois l’avoir mis. Il y est encore ! Mais comment arriver à le prendre et à m’en servir ? Il faudrait au moins avoir une main libre.

    — Darius. J’ai un plan pour nous libérer, mais il implique qu’on me détache au moins une main, lui dis-je mentalement.

    Je ne veux pas lui parler du canif, car je peux faire en sorte que Ridi ne le voie pas dans mon esprit, mais si Darius sait que je l’ai, Ridi risque de le voir dans son esprit et mon projet tombera à l’eau.

    — Tu n’as pas peur de…

    — Shhh ! Contente-toi d’y penser. Je le lirai dans ta tête.

    « S’ils t’attrapent, tu es fait à l’os », me répond-il en pensée.

    — Tu as envie de rester ici, attaché à ton arbre, toi ? Pas moi, lui dis-je.

    Nos gardiens reviennent avec des bols de nourriture et des gobelets d’eau.

    — Il va falloir que vous méritiez votre nourriture, nous dit Ridi.

    — Comment sommes-nous censés nous y prendre, attachés comme nous sommes à des arbres ? Questionné-je.

    — D’abord, en vous montrant polis, très polis.

    Je vois où il veut en venir, mais je n’ai pas envie de lui donner du Monsieur. Autant crever de faim. Sauf que s’il me donne de quoi manger ou boire, il me libérera peut-être au moins une main. Si nous voulons fuir, peut-être est-il préférable de jouer son jeu.

    — Demandez-moi très poliment un bol de nourriture. Si vous le faites, je le donnerai à votre ami. Sinon, votre ami pourra s’en passer.

    Je me souviens que, pendant mon épreuve d’admission, maître Arsh imposait que l’un de nous se sacrifie pour les autres. Nous avons tous été privés de nourriture à un moment ou à un autre de l’épreuve et ceux qui n’étaient pas prêts à s’en priver à leur tour n’étaient pas très bien vus par le groupe et encore moins par notre maître.

    Darius fait « non » de la tête. Il n’a pas envie de s’humilier pour plaire à un singe vert.

    — Darius, si je n’ai pas de nourriture, il ne me détachera pas les mains et je ne pourrai pas nous libérer. S’il te plaît, fais-le.

    Je le supplie du regard.

    — Monsieur Ridi, pourriez-vous, s’il vous plaît, donner de la nourriture et de l’eau à mon ami ? dis-je pour donner l’exemple à Darius.

    Ridi, bon joueur, détache les mains de Darius, lui offre un bol et place un gobelet d’eau à sa portée. Mais Darius les refuse.

    — Donne-les-lui, dit-il en me pointant du doigt.

    — Pas question. Tu connais la règle du jeu. Tu me demandes poliment de quoi nourrir ton ami ou il ne mangera ni ne boira. Ton ami a eu le bon sens de le faire pour toi, vas-tu le faire pour lui ?

    — Non. Je ne vois pas pourquoi je te traiterais comme un prince alors que tu n’es rien qu’un foutu singe vert.

    — Darius ! C’est toi-même qui me disais de ne pas empirer les choses tantôt.

    — Je n’appellerai pas ce type « Monsieur ». Il nous maintient prisonniers et il t’a frappé comme… comme…

    — Comme tes copains qui nous ont enlevés, moi et Jonny ? Franchement, tu n’as pas de leçons à donner à qui que ce soit, Monsieur Darius ! dis-je, coléreux. Réfléchis, merde ! Tu veux rester prisonnier ?

    Darius me regarde comme si c’est moi qu’il voulait manger, mais il se ressaisit.

    — Monsieur, voudriez-vous avoir l’amabilité…

    Il s’arrête. Ces mots semblent lui écorcher les lèvres.

    — Darius, s’il te plaît, fais-le, supplié-je.

    — Monsieur, voudriez-vous avoir l’amabilité de lui donner à manger et à boire ? dit-il

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