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J'étais la terreur: Dans la peau du tueur de Charlie Hebdo
J'étais la terreur: Dans la peau du tueur de Charlie Hebdo
J'étais la terreur: Dans la peau du tueur de Charlie Hebdo
Livre électronique145 pages2 heures

J'étais la terreur: Dans la peau du tueur de Charlie Hebdo

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À propos de ce livre électronique

Peut-on croire en l’existence de Dieu après avoir commis l’impensable ? Peut-on devenir un homme meilleur quand on a été le pire des hommes ?

Le 7 janvier 2015, une attaque terroriste menée par deux hommes lourdement armés décime la rédaction de Charlie Hebdo. Le surlendemain, une prise d’otages dans une supérette casher prolonge le cauchemar, tandis qu’en fin d’après-midi, les brigades d’intervention lancent un assaut décisif contre les terroristes. Le weekend des 10 et 11 janvier, près de quatre millions de personnes, se mobilisent en une série de manifestations historiques, sous le mot d’ordre JE SUIS CHARLIE. La République paie cher son unité retrouvée, mais le monde donne l’impression d’aller mieux.

Quatre mois plus tard, au petit matin, un homme d’une trentaine d’années, qu’on croyait mort dans l’assaut, s’extirpe d’une fosse creusée dans une forêt picarde, gagne la capitale et entreprend de refaire sa vie. Le frère assassin renaît sous la peau d’un citoyen français ordinaire et bon père de famille. Mais les fantômes de son ancienne vie le hantent et lui rappellent le monstre qu’il a été.

Écrit du point de vue de Chérif Kouachi, J’étais la terreur revient sur l’itinéraire d’un enfant de la République, orphelin à treize ans, que l’énergie, les fréquentations et l’air du temps vont convertir en une arme de guerre au service de la barbarie et du Djihad. Depuis les soirées de la Bande des Buttes-Chaumont jusqu’à un stage déjanté au Yémen, Benjamin Berton propose, de manière tantôt réaliste, humoristique ou grave, une lecture très personnelle de la dérive terroriste. Ni document, ni fable philosophique, J’étais la terreur rappelle que le respect de l’autre, victime ou bourreau, est notre seule obligation.

Un roman choc.

EXTRAIT

Je suis un homme tranquille aujourd’hui. Je suis débarrassé du mal. Je ne peux pas faire tout à fait comme si je ne l’avais jamais porté en moi. Je ne peux pas faire non plus comme si ce n’était pas son expression la plus brutale et la plus pure qui avait fait de moi l’homme que je suis maintenant. C’est pour cette raison que je ne dirai probablement pas tout ce que je suis en mesure de dire sur l’Action que mon frère et moi avons menée. Je ne peux pas vous exposer le détail de notre préparation. Je ne veux pas vous décrire avec précision l’horreur de ce que nous avons commis, ni l’immense plaisir que j’y ai pris. Je n’esquiverai pas les sentiments que j’éprouvai ce jour-là et que je sens encore battre en moi. Il y a des survivants pour cela dont la parole est probablement beaucoup plus importante que la mienne et dont le témoignage mérite bien plus que le mien d’être rapporté. Je ne doute pas que des gens écriront notre histoire sans rien en savoir et feront cela très bien. Je ne doute pas que leurs récits se vendront bien. Je souhaite qu’ils en profitent et qu’ils soient heureux avec leurs explications et leurs réponses. Ils écriront sur qui j’étais et ce qui a guidé nos bras vengeurs. Ils sauront mieux que moi, dans les commissions d’enquête et les groupes de réflexion. Ils sauront ce qu’il faut faire pour arrêter les monstres et les dépravés. Pour arrêter la plupart des monstres et des dépravés avant qu’il ne soit trop tard, je leur fais confiance.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

« J'ai lu J'étais la terreur. J'ai trouvé le texte impeccable, limite envoûtant parce que je l'ai trouvé sympa au final ce type. Ce que j'ai aimé aussi c'est l'idée de se mettre à la place du terroriste pour comprendre son fonctionnement, en fait c'est là l'idée géniale. » (Nadine Enguehard, Librairie Enguehard, Écommoy)

A PROPOS DE L’AUTEUR

Benjamin Berton est né en 1974 à Valenciennes. Son premier roman Sauvageons (Gallimard, 2000), a reçu un accueil critique enthousiaste et été récompensé par le Prix Goncourt du Premier Roman et celui de la Vocation.
LangueFrançais
Date de sortie28 oct. 2015
ISBN9782366260649
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    J'étais la terreur - Benjamin Berton

    J'étais la terreur

    Le 7 janvier 2015, une attaque terroriste menée par deux hommes lourdement armés décime la rédaction de Charlie Hebdo. Le surlendemain, une prise d’otages dans une supérette casher prolonge le cauchemar, tandis qu’en fin d’après-midi, les brigades d’intervention lancent un assaut décisif contre les terroristes. Le week-end des 10 et 11 janvier, près de quatre millions de personnes, se mobilisent en une série de manifestations historiques, sous le mot d’ordre JE SUIS CHARLIE. La République paie cher son unité retrouvée, mais le monde donne l’impression d’aller mieux.

    Quatre mois plus tard, au petit matin, un homme d’une trentaine d’années, qu’on croyait mort dans l’assaut, s’extirpe d’une fosse creusée dans une forêt picarde, gagne la capitale et entreprend de refaire sa vie. Le frère assassin renaît sous la peau d’un citoyen français ordinaire et bon père de famille. Mais les fantômes de son ancienne vie le hantent et lui rappellent le monstre qu’il a été. Peut-on croire en l’existence de Dieu après avoir commis l’impensable ? Peut-on devenir un homme meilleur quand on a été le pire des hommes ?

    Roman choc, écrit du point de vue de Chérif Kouachi, J’étais la terreur revient sur l’itinéraire d’un enfant de la République, orphelin à treize ans, que l’énergie, les fréquentations et l’air du temps vont convertir en une arme de guerre au service de la barbarie et du Djihad. Depuis les soirées de la Bande des Buttes-Chaumont jusqu’à un stage déjanté au Yémen, Benjamin Berton propose, de manière tantôt réaliste, humoristique ou grave, une lecture très personnelle de la dérive terroriste. Ni document, ni fable philosophique, J’étais la terreur rappelle que le respect de l’autre, victime ou bourreau, est notre seule obligation.

    Benjamin Berton est né en 1974 à Valenciennes. Son premier roman Sauvageons (Gallimard, 2000), a reçu un accueil critique enthousiaste et été récompensé par le Prix Goncourt du Premier Roman et celui de la Vocation.

    J'étais la terreur

    Benjamin Berton

    Christophe Lucquin Editeur

    © Benjamin Berton

    © Christophe Lucquin Éditeur, 2015

    Christophe Lucquin Éditeur

    12, rue des Moulins – 75001 Paris

    www.christophelucquinediteur.fr

    1

    Ils voyaient devant eux une route sans fin

    Ils prévoyaient déjà des douleurs sans remède

    Dans la vallée déserte où même l’archange paon

    N’est rien, quel autre oiseau du monde pourrait bien

    Supporter un instant les supplices du chemin ? ¹

    Je me suis redressé ; mon corps était couvert de mousse. De petits insectes nichaient dans mes cheveux et au creux de mes oreilles. Je n’y entendais presque plus. J’avais les yeux fermés par la crasse et des fougères qui me poussaient dans les narines. Mes vêtements avaient pourri, déchirés à même mon corps par la terre et la ronce. Dans ma fosse, j’avais perdu plus de vingt kilos. Je me suis redressé et ce que j’ai fait en premier, c’est regarder le soleil naissant pour le remercier de m’avoir gardé en vie. J’ai frotté mes paupières. Il y avait des scolopendres accrochées à mes sourcils, des fourmis sur mes lèvres. Je les ai fait tomber en me grattant et en ai récupéré dans la bouche que j’ai gouleyés par habitude. Il était tôt et le soleil n’était pas encore brûlant. On pouvait encore le fixer sans trop de difficulté, ce que j’ai fait pendant plusieurs secondes pour me gorger de son pouvoir. J’ai étendu les bras, effectué plusieurs flexions comme chaque soir lorsque je m’aventurais à quelques mètres autour du refuge pour cueillir des baies et trouver un peu d’eau. Mon corps était maigre et sale, mais en parfait état de marche. Je L’ai remercié pour ça. On ne voyait aucun oiseau dans le ciel à ce stade du chemin.

    Après tout ce temps, j’étais certain de n’avoir plus grand-chose à craindre. Cela faisait un bail que je n’avais entendu personne courir dans les environs, si ce n’est un daim ou je ne sais quel autre animal. J’aurais pu me relever avant quatre mois. Plus personne ne me recherchait ici depuis bien longtemps. Les hélicoptères ont cessé de survoler la forêt après huit jours. Je les entendais bourdonner de jour comme de nuit, puis ils sont partis. Les gendarmes ont marché pendant deux semaines et inspecté chaque centimètre carré de terrain, mais ils ne m’ont pas trouvé. Les chiens n’y pouvaient rien. Ils sont passés et repassés juste au-dessus de moi. J’ai senti leur truffe moite, leurs crocs sourds derrière les pas haineux de leurs maîtres. J’avais fait ce qu’il faut pour que personne ne me détecte et cette partie de mon plan a, comme les autres, fonctionné à merveille. Ils n’ont pas soupçonné. Ils n’ont pas détecté. Ils n’ont pas imaginé que je me terrais là et ils sont repartis. Ce qui importe c’est la persévérance et l’imagination. Le piège n’est rien sans l’imagination et c’est à Lui que je dois l’imagination. Je n’en ai jamais manqué. La persévérance, je l’ai cultivée et c’est ma grande qualité d’homme. Je suis la persévérance et je ne connais rien. Je suis la répétition et je suis le laborieux. Ce n’était pas mon fort, mais il en faut pour accomplir de grandes choses. On ne peut rien faire si on ne s’en donne pas les moyens.

    Pour dire ce qui est, l’idée de la fosse n’est pas vraiment de moi. J’ai eu le mérite de la récupérer et de l’exploiter à mon avantage. Il y avait ce type dont on parlait pas mal à ce moment-là, l’homme des bois qui est à l’origine de ça. Jean-Pierre Treiber était accusé du meurtre crapuleux de deux femmes dont l’une était la fille d’un acteur célèbre que je ne connaissais pas. Cela avait duré un moment. Comme nous, le gars avait toutes les polices du pays aux trousses. Un peu moins sûrement, mais c’était tout comme. Il s’est enfui et il est parti en forêt pour se planquer, sans que personne puisse l’attraper. Cela a duré deux jours, et puis trois, et des jours et des jours. Le type vivait en forêt et ils avaient beau aligner les chiens, les hélicos et l’ensemble des moyens sophistiqués à leur disposition, ils n’arrivaient pas à le débusquer. La presse raconta qu’il connaissait la forêt comme sa poche. C’était un chasseur. Il devait savoir comment faire. Tout le monde se moquait des flics sur internet. Il y avait des tas de photomontages amusants sur le sujet : Treiber est dans ta cuisine, Treiber est dans ta voiture, Treiber est dans ton slip. Et moi, je m’étais rapidement mis à sa place, même si, à cette époque-là, je vivais dans le béton et n’avais aucune espèce d’idée de ce que pouvait recouvrir la survie dans une forêt humide.

    J’étais heureux pour ce type, parce qu’il narguait les autorités, l’anguille. Jean-Pierre Treiber devait savoir où trouver de l’eau et de la nourriture. Il connaissait les fruits comestibles et il connaissait les bêtes. Jean-Pierre Treiber posait des collets à lapins blancs et avait repéré les bons endroits à champignons. Pour salir sa mémoire, la télé a raconté ensuite qu’il attendait bien tranquille dans l’appartement d’une maîtresse en regardant la télévision et en mangeant du chocolat belge. Je suis sûr que ce n’était pas vrai et qu’ils l’ont pris tandis qu’il bouffait encore des vers de terre par les anneaux. Il faut toujours qu’ils présentent les choses comme elles ne sont pas. J’y ai repensé une autre fois en regardant Koh-Lanta. Est-ce que je serais capable de survivre avec presque rien ? Je viens de la ville et je ne savais pas avant d’apprendre. Le problème principal, dans le djihad, ce n’est pas l’Action mais la façon de s’en tirer vivant. La suite est toujours ce qui annonce la fin. Je n’ai jamais eu l’intention de mourir. Ce n’est pas quelque chose qui m’attire. Je ne veux pas forcément savoir ce qu’il y a après. Le Maître disait qu’il y aurait des récompenses et des vierges par-delà ce qu’on peut désirer, mais cela ne me faisait ni chaud ni froid. Désolé, je ne suis pas là pour ça, je lui disais. Comment est-ce qu’on peut dénoncer la vénalité du monde et prendre pour motivation le fait d’accéder à tout ce qu’on a jamais détesté. Ce n’est pas parce que c’est Lui qui nous les donne que c’est forcément une bonne chose, non ? Je ne suis pas un être de convoitise. Je ne veux pas de filles porno, sauf si elles ont de petits nichons serrés comme ceux de ma femme et peut-être des shorts en jean. Mais les vierges dont on nous parlait avaient d’énormes seins américains et des tronches de catalogue opérées. Ce que je préfère, c’est les chips, et je peux m’en acheter autant que je veux en travaillant, parce que les chips ne coûtent rien. Je n’ai pas besoin d’une voiture ronflante et d’une villa au soleil. J’ai abandonné ces rêves-là à la naissance. La femme que j’aime aujourd’hui sait bien mieux s’y prendre que des vierges nymphomanes. Je ne vois pas comment on peut faire l’amour à plus d’une ou deux femmes à la fois. C’est quelque chose qui me dépasse et que j’associe à tout ce que je déteste.

    Je veux faire comme Jean-Pierre Treiber, j’ai dit à mon frère. Je survivrai en m’enterrant vivant dans l’humus et me nourrirai de la forêt pendant quatre mois. C’est le temps qu’il faut pour se faire oublier. Aucun pouvoir ne peut maintenir un système de haute vigilance au-delà de quelques semaines. Entretenir une armée de chiens et de gendarmes coûte une fortune et ils sont à sec. Ils n’ont plus d’argent pour ça. Ils devront zapper, relâcher l’étreinte, aller voir ailleurs, suivre d’autres pistes. Je filerai plus vite que tout le monde en ne bougeant pas. C’est une question de bon sens.

    La patience et le temps ont été mes meilleurs alliés.

    Mon frère a dit, cela ne marche pas comme ça, mais je lui ai dit que, pour une fois, j’étais sûr de ce qu’il fallait faire et qu’il avait intérêt à me suivre s’il voulait avoir une chance de survivre. Je ne voulais pas d’une vie de cavale. Je ne voulais pas la mort. Je ne crois pas au martyre, je ne crois pas au sacrifice. Se faire tuer est une erreur et je ne crois pas qu’Il puisse vouloir que Ses serviteurs soient rayés de la surface de la terre après un aussi glorieux fait d’armes. Alors, j’ai fait ce qu’il fallait. J’ai rassemblé une sorte de documentation sur les cavales et les fuites, ce qui m’a permis de me rendre à l’évidence : personne ne s’en sort d’ordinaire. On finit toujours par commettre une erreur et emprunter le mauvais chemin. Cela se termine toujours de la même façon. Les gendarmes remontent la piste. On traîne à droite à gauche. Il y a des indices qui clignotent tout du long, des gens qui parlent. Et les gendarmes remontent, ils remontent comme s’ils avaient collé un mouchard sur votre dos et ils se rapprochent jusqu’à lire en vous comme sur un GPS. Je ne veux pas terminer dans un hangar avec des innocents au bout de la gâchette et trois cents mecs en noir prêts à m’abattre. C’est moi qui ai eu l’idée de laisser la carte d’identité dans la voiture que nous avons abandonnée. Je ne voulais pas qu’ils aillent ennuyer tout le voisinage pour savoir qui j’étais et défoncer les portes de tas de gens innocents. Je leur ai

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