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La légende d'Arcani
La légende d'Arcani
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Livre électronique344 pages5 heures

La légende d'Arcani

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À propos de ce livre électronique

Une menace plane sur Gaberin, une guerre se prépare. Poussé par sa soif de pouvoir, le général Anston risque de libérer Arcani, la reine du mal. La lignée des Aigles, chargée de la protection du continent, tentera de contrecarrer ses plans. Sous le sceau du secret, un émissaire part à la recherche de l’être apte à réunir les objets de puissance capable de rétablir la paix pour tous les royaumes. Leur chemin sera parsemé d’embûches. Entre les soldats à leur recherche et les plans machiavéliques d’un puissant sorcier, pourront-ils sauver Gaberin?
LangueFrançais
Date de sortie5 mars 2020
ISBN9782897753160
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    Aperçu du livre

    La légende d'Arcani - Daniel Bergeron

    1. La révélation

    Passant au-delà de la forêt, du fleuve et des champs cultivés, l’oiseau filait à une vitesse effrénée. Il traversa la campagne comme s’il était poursuivi par un prédateur. Approchant du village endormi de Basdor, près de Fonderey, il prit de l’altitude et plana quelques instants en tournoyant comme s’il cherchait quelque chose, quelque chose de précis. Ce petit village, composé d’une seule grande rue, bénéficiait de la protection du château non loin. Il était formé de quelques maisons, mais surtout de fermes dont les champs dorés s’étendaient à perte de vue. Tout à coup, le rapace plongea vers le sol à une vitesse vertigineuse. Les ailes à demi-ouvertes et le corps allongé, il perçait l’air en direction d’une ruelle derrière une petite maison. À quelques mètres du sol, un phénomène étrange se produisit. Comme s’il était gonflé de l’intérieur, l’oiseau commença à prendre du volume pour atteindre deux à trois fois sa taille normale. Il grossit et s’allongea. Les serres furent rapidement remplacées par des pieds, les plumes des ailes tombèrent dévoilant des bras et la tête s’étira pour prendre l’apparence d’un jeune homme qui atterrit aisément sur le sol, genou en terre en soulevant un petit nuage de poussière qui s’attarda en cette matinée sans vent. Il resta au sol quelques instants et calma sa respiration. L’urgence de sa mission l’empêchait de traîner, mais il ne pouvait se résoudre à mettre en jeu le destin de cet homme en se précipitant.

    Le jeune homme, dans la vingtaine, se redressa et balaya de la main la poussière de ses habits. Il savait exactement où il devait se rendre et à qui il devait parler. Les rues étaient calmes, aucune âme ne s’éveillerait avant près d’une heure. Un silence profond planait au travers du village. Il reprit un peu de constance et s’élança dans la grande rue. Marchant d’un pas décidé sur le trottoir de bois qui bordait le chemin, il dépassa le marché général ainsi que la taverne. Seul l’écho de ses pas l’accompagnait. Il se retrouva devant la porte d’une modeste maison de bois dont le poids des années commençait à se faire sentir. Fermant les yeux, il prit une profonde inspiration et cogna très fort en cette fraîche matinée.

    Un vieil homme se réveilla et, une fois assis dans son lit, se frotta le visage des deux mains. Les bras de Morphée tentèrent un dernier essai pour le conserver, mais en vain. Il se leva tranquillement et descendit l’escalier qui menait au rez-de-chaussée faisant craquer les marches à chaque pas. Vêtu d’un justaucorps usé, l’homme marchait d’un pas lent et mal assuré, encore dans les brumes du sommeil d’où il venait d’être tiré. Les coups sur la porte retentirent à nouveau. Le vieil homme ouvrit la porte qui grinça sur ses gonds.

    — Bonjour Monsieur, êtes-vous Thomas Terms?

    — Oui, mais qui êtes-vous? demanda Thomas d’une voix enrouée.

    — J’ai une missive pour vous.

    — Une missive?

    Sans attendre, le jeune homme, tout de noir vêtu, plongea la main dans ses habits et en ressortit un parchemin. Parfaitement roulée, la missive portait un insigne que Thomas ne reconnut pas. Avec protocole, il tendit la main pour la remettre à Thomas qui le regardait avec des yeux stupéfaits. Lorsque ce dernier ferma la main sur le parchemin, le jeune homme l’agrippa, l’attira vers lui et lui chuchota à l’oreille :

    — Vous ne pouvez échouer, le destin de Gaberin est maintenant entre vos mains.

    Sans plus attendre, le jeune détala comme un lapin et retourna dans la même petite ruelle d’où il était arrivé, laissant Thomas ébahi. Sans même se retourner, il courut vers la clôture qui séparait les champs. D’une enjambée, il monta sur un des poteaux et s’élança dans les airs. La transformation fut plus rapide et il redevint un oiseau qui, battant des ailes, gagnait rapidement les cieux pour retourner d’où il était venu. La première étape de sa mission était maintenant accomplie, mais il lui restait tant de choses à faire.

    Thomas, toujours stupéfait, avait tout de même fermé la porte d’un mouvement très lent. Il se laissa emporter par le flot de ses pensées qui le ramenèrent inévitablement à sa femme Deborah et tous les problèmes qui avaient suivi après son décès ainsi que son retour chez son frère Markus. Une étincelle jaillit toutefois. Pour la première fois depuis des années, la flamme de la vie semblait être plus qu’une braise à moitié étouffée. Une marée, dénommée aventure, s’empara graduellement de lui et engloutit toute raison au profit de l’excitation. Il alluma le feu dans l’âtre et mit de l’eau à bouillir pour le thé. Il se retourna et regarda la missive roulée. Une foule de questions tournaient et viraient dans son esprit. Il s’avança vers la table qui trônait dans la cuisine et y prit place. En brisant le sceau, il ressentit un curieux picotement au bout des doigts. Il les regarda quelques instants, chassa l’étrange sensation en secouant la main sans lui porter plus d’attention et déroula la missive qui lui était destinée.

    Bonjour Thomas,

    Gaberin est en danger comme au temps jadis. Les prophéties nous annoncent des temps difficiles et le retour possible d’une créature longtemps oubliée. La lignée de ses gardiens s’affaiblit et nous pensons qu’il ne reste que quelques-uns d’entre eux. S’ils venaient qu’à s’éteindre, rien ne pourrait empêcher un esprit malveillant de ramener Arcani à la vie. Sa vengeance n’aura d’égal que la destruction totale de Gaberin. Un seul peut encore nous sauver et empêcher son retour. Trouve cet homme et indique-lui le chemin de sa destinée.

    Thomas resta bouche bée tout au long de sa lecture. Il avait beaucoup de difficulté à croire tout ce qu’il avait lu. La gravité de la situation de Gaberin ne lui semblait pas si terrible. La possibilité de la fin du monde le troublait. Il reprit temporairement ses esprits et continua sa lecture.

    Tu devras te rendre dans les terres oubliées à l’est de Fonderey, par delà la contrée des Nasirels par la mer des Ungas. Tu devras partir dès aujourd’hui et revenir au plus vite, car une guerre se prépare. En effet, le général Anston a entrepris une guerre dévastatrice contre Sularo. Il pourrait, sans le vouloir, tuer les derniers descendants des gardiens. Il faut l’en empêcher. Cette quête ne s’adresse qu’à toi et toi seul. Tu ne dois en parler à personne. Les enjeux sont énormes et nul ne doit ébruiter cette nouvelle. Pas même à ton frère Markus. Ce message s’effacera bientôt puisqu’il te regarde du haut de l’escalier.

    Surpris, il leva les yeux et Markus était bien dans les escaliers, à le regarder d’une étrange façon. Lorsqu’il revint sur le parchemin, plus rien n’y était inscrit, mais l’écho des mots résonnait dans son esprit. Il déposa le parchemin vide sur la table au moment même où Markus venait s’asseoir.

    — Un thé, Markus? demanda Thomas en se retournant vers l’eau qui bouillait.

    — Qu’est-ce que c’est? demanda Markus en pointant le parchemin.

    — Rien de spécial, une commande que j’ai passée il y a longtemps et que je n’avais pas encore reçue, mentit Thomas.

    — De quoi parlait ce parchemin en provenance d’Aquila, la lignée des Aigles? demanda avec plus d’insistance Markus qui avait vu l’emblème sur le sceau brisé.

    — De quoi parles-tu? Je ne comprends pas ce que tu veux dire.

    — Tu sais très bien de quoi je parle, tu vois l’emblème, affirma Markus en pointant le doigt vers le sceau. 

    Thomas parut découragé devant la perspicacité de Markus, mais il devait quand même se résoudre à l’éclairer.

    — Ils m’ont donné une urgente mission secrète. Je ne peux pas t’en dire beaucoup, Markus, mais ils ont besoin de moi pour retrouver un homme.

    — Besoin de toi, simple fermier, tu ne trouves pas ça étrange?

    — Tu ne serais pas jaloux, par hasard, Markus? Parce que tu sembles l’être.

    Les yeux de Markus étaient remplis d’inquiétude. Depuis la mort de Deborah, la vie de Thomas avait été rude et difficile. Son deuil s’était étiré de façon interminable. Il avait pris soin de son frère pendant cette période mouvementée. Il l’avait vu, jour après jour, se refermer sur lui-même, refusant de participer aux activités qu’il lui proposait. N’ayant jamais eu de femme ou d’enfant, il avait été très protecteur envers lui. Maintenant, cette missive qui voulait le lancer à l’aventure, lui semblait louche. Quelque chose était étrange dans cette histoire. Pourquoi ici, pourquoi maintenant et surtout pourquoi lui?

    — Pourquoi toi?

    — Et pourquoi pas? Thomas sentait l’agressivité monter en lui.

    — Écoute, je ne veux pas que tu y ailles. C’est trop dangereux et je ne veux pas perdre mon frère. Tu es l’unique famille qu’il me reste.

    — Personne ne va m’empêcher de jouer un rôle important dans ce qui pourrait bien être une des plus importantes épopées de notre histoire. Tu m’as bien compris? fulmina Thomas rouge de colère.

    Markus n’avait pas vu autant de colère dans les yeux de son frère depuis son deuil. Il le regarda monter à l’étage d’un pas lourd. Thomas rassembla ses effets et se prépara à partir. Lorsqu’il redescendit, son frère bloquait la porte.

    — Enlève-toi de ma route.

    Il poussa Markus qui alla valser jusqu’à la table de cuisine et sortit en vitesse en jetant un œil pour voir s’il ne l’avait pas blessé. C’était son frère après tout! Voyant qu’aucun mal ne lui avait été fait, il referma la porte et se retourna vers la grande rue. 

    Markus se releva sans mal, malgré sa chute. Une profonde inquiétude se lisait sur son visage et il ferma les yeux pour prier qu’il ne lui arrive rien de grave durant son voyage. Bien qu’il ait souhaité que son frère se reprenne en main, il n’avait jamais voulu le voir partir de cette façon.

    Arrivé aux limites du village, Thomas prit une grande inspiration pour se donner du courage et entreprit sa mission avec un sentiment de liberté qu’il n’avait pas ressenti depuis des lustres.

    2. L’assaut

    Les bateaux s’avancèrent en direction de la péninsule au nord-ouest de Sularo. La mer était calme et favorable. La brise poussait doucement la flotte vers le continent. Les premières barques frappèrent les plages de sable en silence et le débarquement commença. Des centaines de bateaux accostèrent et des milliers d’hommes mirent pied à terre. Se déplaçant avec ordre et discipline, chaque capitaine regroupa ses hommes devant leur général respectif. Le bruit de la mer était seulement camouflé par le cliquetis des épées et des armures en mouvement. Une fois tous rassemblés, le général en chef Anston les passa en revue. D’une importante stature, il dominait la plupart de ses subordonnés par presque une tête. Il avait de longs cheveux bruns et ses yeux, bleu acier, étaient vifs et ne manquaient rien de ce qui se déroulait autour de lui. Étant orphelin de naissance, personne n’avait pu le renseigner sur ses origines. Dès son jeune âge, il avait toujours été un chef aux ordres indiscutables. Son esprit militaire s’était donc développé très tôt. Grand stratège et meneur d’hommes, il avait tout d’un grand général. Il avait accepté de diriger l’armée, à la demande du roi Saico de Talsa, suite à ses nombreux exploits sur le champ de bataille. Depuis son entrée en poste, il avait toujours cherché à agrandir le royaume. Lorsqu’il avait entendu parler d’un traité de paix et de l’intention du roi de l’accréditer, il avait compris que ses ambitions seraient mieux servies en prenant une route différente. C’est alors qu’il réalisa ce qu’il devait faire et entreprit son plan. Tous les rois des différents royaumes de Gaberin étant réunis au château de Sularo pour la signature, l’occasion était idéale pour frapper. Vêtu de son armure argentée aux armoiries de Talsa représentant deux magnifiques épées croisées dans un brasier, Anston s’éloigna et fit signe aux autres généraux de le rejoindre pour discuter de la suite des évènements. Il réitéra ses ordres. 

    — Tous les généraux mèneront leurs hommes jusqu’aux dernières collines menant au château. La surprise doit être totale, c’est très important. Rafil, tu seras le plus au nord, suivi de Gowthric, Witt, Tarse et Driens. Nous longerons le creux des collines pour rester hors de portée de vue. À la nuit tombée, je ne veux aucun feu allumé afin de ne pas attirer l’attention.

    Tous acquiescèrent à ses ordres et ils déployèrent l’armée selon ses directives. Le connaissant depuis assez longtemps, ils savaient qu’ils devaient obéir aux ordres. Ces derniers étaient toujours suivis et personne n’osait le contredire sous peine de graves représailles. Levant le bras, Anston donna signe à son armée d’avancer. Tous circulèrent en silence parmi les hautes herbes des collines qui les séparaient de Sularo. 

    L’aube commençait à poindre lorsque les premières sentinelles furent finalement en vue. Anston, utilisant des signaux auxquels ses généraux étaient maintenant habitués, répartit ses troupes en fonction de ce qu’il devait faire. Il transmit à Rafil de se charger des sentinelles et des gardes côté nord; à Gowthric, celles du sud. Quant aux autres, ils devaient se préparer à la charge. Tout son plan reposait sur la surprise et sur l’ennemi qui n’aurait pas le temps d’abaisser la grille à l’entrée du château.

    Comme tout le monde était en position, il donna le signal pour passer à l’assaut.

    La sentinelle nord faisait les cent pas sur le haut de la petite colline scrutant toutes les directions. Rafil baissa la tête pour ne pas être repéré. Dès qu’elle fut retournée, il brandit son arc, le banda et la flèche fila dans les airs, la frappant en pleine tête. Elle s’écroula, inerte, sans le moindre son. Au même moment, Gowthric s’avançait par derrière la patrouille sud. Elle était assise par terre à regarder le château. Il sortit un de ses nombreux couteaux et l’égorgea. Avant même qu’elle ne s’écroule au sol, il pivota sur lui-même et lança son couteau vers une autre sentinelle qui guettait. Elle reçut la lame au travers de la gorge et s’écrasa dans un gargouillis de sons affreux. Rafil s’était débarrassé d’un autre garde de la même façon que le premier. Les troupes étaient maintenant en position et prêtes pour la prochaine étape de l’attaque. Gowthric indiqua à ses hommes de se tenir prêts.

    Les généraux se regroupèrent autour de leur chef pour devenir sa garde personnelle lors de l’offensive contre le château. Deux archers avaient été sélectionnés pour exécuter le plan : le capitaine Demars, sous les ordres de Rafil et le capitaine Belver sous les ordres de Gowthric. Tous les soldats n’attendaient que le signal d’assaut. 

    Le général leva le bras et tous les soldats retinrent leurs respirations. L’excitation de la bataille gagnait en intensité et tous les guerriers étaient frénétiques. L’aube pointait son nez à l’horizon, laissant l’armée dans l’ombre pour encore quelques minutes. Le signal fut donné et tous se ruèrent vers le château. Demars et Belver exécutèrent les ordres et se chargèrent des patrouilles sur les tours avant qu’elles ne puissent donner l’alarme. Malgré le nombre impressionnant d’effectifs, l’armée se déplaçait dans un silence presque complet. Ils arrivèrent devant le château pour trouver la grille fermée. Le désarroi des hommes était évident.

    — Formez une échelle humaine! cria Anston en arrivant en trombe.

    Les soldats s’exécutèrent et en quelques minutes, plusieurs d’entre eux sautaient les remparts pour ouvrir la grille. Après avoir enjambé les créneaux, les soldats dévalèrent les escaliers pour gagner la cour intérieure. Ils furent surpris par la nouvelle garde qui sortait tout juste prendre leur poste. Les lames s’entrechoquèrent un court instant et les guerriers éliminèrent sans pitié les gardes venus les arrêter. Plusieurs hommes se mirent à monter la grille. Le bruit des combats avait alerté d’autres gardes qui se ruèrent vers les intrus, mais bientôt la grille fut entièrement levée et l’armée s’engouffra dans la cour du château levant un épais nuage de poussière. La vague meurtrière créée par les soldats déferla à l’intérieur des murs et personne ne pouvait l’arrêter. La plupart des gardes étaient encore dans les brumes de la matinée et s’affairaient à mettre leurs armures pour se joindre au combat lorsqu’ils furent attaqués directement dans leur dortoir. La garnison de Sularo fut balayée en quelques minutes. 

    Les hommes d’Anston arpentaient les couloirs du château n’épargnant personne sur leur passage. Lorsque le groupe d’élite arriva aux portes massives marquant les quartiers royaux, Tarse ouvrit un des battants. Driens eut tout juste le temps de se placer devant son comparse pour bloquer une volée de flèches avec son grand bouclier. Ils refermèrent prestement la porte devant cette résistance. Évidemment, la présence de plusieurs invités royaux dans le palais avait obligé le roi d’augmenter la sécurité, et ce, même la nuit. La troupe fut donc forcée de s’arrêter.

    — Tarse, trouve-moi des volontaires. Il faut passer le plus vite possible.

    Il accrocha deux soldats qui passaient.

    — Toi, tu passes devant, ordonna le chef en pointant le soldat de gauche.

    — Toi tu te protèges derrière lui et tu élimines la garde royale qui nous ralentit.

    — À vos ordres! répondirent-ils.

    Le soldat kamikaze prit une profonde inspiration sachant très bien que sa dernière heure venait de sonner bien qu’il ne voulait pas mourir. Il jeta un regard à son compagnon, voyant qu’il ressentait exactement la même chose, il se sentit quelque peu rassuré. Les deux comparses échangèrent un second regard pour coordonner leurs actions, prirent une grande respiration et se lancèrent dans le couloir vers la garde royale embusquée. Dès qu’ils passèrent la porte, le premier soldat ouvrit grand ses yeux en constatant la puissance des troupes de l’ennemi et de la fatalité de son destin.

    Les premières flèches qui les atteignirent furent bloquées par le bouclier que tenait le kamikaze au premier rang. Alors qu’il tentait d’en bloquer une, il se mit hors position et fut frappé au flanc par une autre. Surpris par la douleur, il laissa échapper sa protection. Cinq flèches furent décochées et cinq flèches atteignirent la cible. Le soldat regarda sa cuirasse pour s’apercevoir qu’elle ne l’avait pas protégé comme elle aurait dû. Les flèches étaient toutes enfoncées dans son abdomen, la douleur était intense. Les spasmes irradiant de ses blessures le faisaient souffrir de plus en plus. Les yeux exorbités, il regardait les trous de son plastron tout en continuant d’avancer d’un pas lent et chancelant. Un mince filet de sang commença à couler du coin droit de sa bouche et sa vitesse de progression diminua drastiquement. Il tomba à genoux avant de s’effondrer sur le sol, agonisant. Malgré toute la douleur ressentie, il était satisfait, car de sa mort, la mission avait été un succès. Il le savait puisqu’il pouvait voir les gardes du roi s’effondrer les uns après les autres sous les flèches de son camarade. Sa mort n’aura pas été vaine.

    Dès qu’il eût pénétré dans le couloir, l’archer avait profité de sa protection pour tirer le plus rapidement possible. Chaque flèche atteignait la cible avec une précision hors du commun. Il entendit le bouclier tomber par terre et comprit que son ami venait d’être gravement blessé. La fureur brûla dans ses veines et il redoubla d’ardeur, éliminant le reste de la résistance. Étant à découvert, il fut atteint à l’épaule gauche par le dernier membre de la garde. Ne pouvant plus se servir de son arc, il le laissa tomber et fonça l’épée brandie. Criant à pleins poumons, il transperça l’armure de son ennemi. Des larmes coulaient sur ses joues. Réalisant que sa mission était terminée, l’archer revint vers son acolyte et tenta de voir si sa survie était possible, mais en le retournant, il vit la dernière parcelle de vie s’éteindre dans les yeux de son protecteur.

    — Au revoir, mon ami. Sois en paix, dit-il en le serrant dans ses bras avant de se relever pour retourner auprès de son chef.

    Tarse vit le soldat revenir d’un pas mal assuré, regarda le couloir et constata lui-même le succès de l’assaut. Il comprit aussi le désarroi de son subordonné en voyant le corps gisant sur le sol. Il l’agrippa par les épaules et tenta de le rassurer et de lui redonner du courage. Le temps était compté et il devait continuer sans plus tarder. La troupe d’élite d’Anston franchit le corridor enjambant les corps et défonça la porte qui menait aux appartements royaux. Avant de séparer sa troupe, Anston leur donna un dernier ordre.

    — N’oubliez pas, je veux les avoir vivants.

    — Tout ce que vous voulez, Sire.

    Tous partirent dans des directions différentes fouillant chaque appartement à la recherche des rois. Au bout de quelques minutes seulement, ils revinrent avec les prisonniers. Chacun d’entre eux grommelait des menaces envers le général. Même le roi Saico de Talsa hurlait des ordres à son propre chef d’armée, mais celui-ci refusait d’entendre.

    — Emmenez-les aux donjons, je déciderai de leur sort plus tard. Où se trouve le magicien? Qu’on me l’amène tout de suite!

    3. Une trahison

    Après avoir rempli la première étape de sa mission, l’aigle volait rapidement sur le chemin du retour. Tant de choses étaient à faire, car les rumeurs étaient fondées. Il devait rentrer le plus vite possible, mais il adorait voler ainsi. Un merveilleux sentiment de liberté l’envahissait chaque fois qu’il voyageait dans les cieux. Il sentait le vent sous ses ailes majestueuses à chaque puissant battement. Il gagnait rapidement de la vitesse et serait bientôt à destination. L’urgence de la situation l’empêchait de jouir pleinement de cette joie personnelle. 

    Alors qu’il arrivait aux limites des champs de Dantar et du fleuve Draster, frontière naturelle qui séparait les deux provinces, il aperçut, du coin de l’œil, un éclat provenant de la forêt. Quelques secondes plus tard, une violente douleur éclata sur son ventre. Il ne se rendit compte que trop tard de quoi il s’agissait. L’intense douleur qui irradiait de sa blessure l’empêchait de bouger. Il perdait de l’altitude, chutait comme une pierre. Il réfléchit à toute vitesse et commença à marmonner certaines incantations. Les premières n’eurent aucun effet sur le sort qui l’avait atteint. Les arbres se rapprochaient dangereusement et s’il ne trouvait pas une solution maintenant, il serait perdu. À cet instant précis, le lointain souvenir d’une formule lui revint à l’esprit. Il l’avait apprise d’un de ses premiers maîtres alors qu’il était, lui-même, très jeune. L’effet fut instantané, libérant ainsi tout son corps. Il eut tout juste le temps d’ouvrir grandes ses ailes pour ralentir quelque peu sa chute avant de percuter le sol. Le choc fut terrible. Le souffle court, il se retransforma en homme. Gisant sur le sol, haletant, il tenta de récupérer un peu d’énergie et de courage. Il savait pertinemment que son agresseur serait bientôt là. Il devait se reprendre au plus vite. Chassant sa confusion, il tenta difficilement de se relever. Tous les muscles de son corps étaient endoloris ce qui l’empêchait de se déplacer à sa guise. Il se redressa enfin de toute sa hauteur en faisant craquer certaines de ses articulations. Regardant autour de lui, il tenta de reconnaître l’endroit en pivotant lentement sur lui-même. Il prit conscience qu’il ne lui restait pas beaucoup de temps. Il trouva un endroit où il pouvait se cacher et concentra toute son énergie à masquer sa présence. Il y parvint juste à temps. Son agresseur arriva juste devant lui. Il n’en crut pas ses yeux. Il n’arrivait pas à accepter que ce personnage, cet homme si important dans l’ordre, puisse l’avoir attaqué. Enfin, la taupe montrait son vrai visage. Les rumeurs allaient bon train à ce sujet, mais maintenant, il détenait la vérité. Il demeura immobile pendant plusieurs minutes, le temps que ce monstre quitte les lieux. 

    Le traître flairait sa proie, mais il n’arrivait pas à la retrouver. Il patrouilla dans le boisé à l’endroit exact où elle était tombée. Il l’avait pourtant bien vue du haut de son perchoir. Il continua de chercher aux alentours, trouvant, ici et là, des traces de la chute de sa proie. Il ferma les yeux et se concentra pour trouver les traces de son ennemi. La frustration déforma ses traits de façon horrible quand il s’aperçut qu’il n’y avait plus aucune trace. Le sort qu’il avait jeté aurait dû l’immobiliser et la chute, le réduire en bouillie. Pourtant, il était au bon emplacement. Il devait éliminer ce coursier sinon sa situation serait en grand danger. Il poussa un hurlement de rage en se transformant en oiseau et quitta la forêt.

    Bien dissimulé dans sa cachette, il regarda le traître qui tentait vainement de le retrouver. Profitant de cette immobilité, il récupéra son énergie et finit de soigner ses blessures. Ses muscles ne le faisaient plus souffrir et ses plaies avaient presque disparu. Ses vêtements étaient tout de même déchirés. Le calme revenu dans son esprit lui rendit les idées claires. Voyant son ennemi perdre patience, un demi-sourire s’inscrit sur son visage. Après avoir entendu son cri viscéral, il le regarda se transformer et s’envoler. Il conserva son écran invisible même plusieurs minutes supplémentaires pour assurer sa sécurité. 

    Il savait que sa mission venait de changer. Maintenant qu’il connaissait l’identité de la taupe, il devait, à tout prix, informer l’ordre de la traîtrise d’un des plus vieux membres du conseil. Il savait pertinemment l’impact d’une telle nouvelle. Alors, il se mit à courir et prit son envol. Il battait des ailes le plus rapidement possible tout en restant dans le couvert des arbres, zigzaguant entre les troncs. Après quelques heures de vol, il parvint au-dessus des chutes délimitant l’entrée d’Arpel, le temple de l’ordre. Il s’engouffra dans la forêt à l’est de la rivière Satel. Quelques minutes plus tard, il se retransforma en homme, fit un signe au gardien qui le laissa passer et chercha un arbre en particulier. Lorsqu’il le trouva, il appliqua ses paumes sur l’écorce en marmonnant des paroles inintelligibles. L’air vibra sur l’écho de ses syllabes et comme si un rideau venait de s’ouvrir, une porte apparut au milieu de nulle part. Une solide porte de chêne massif avec des pentures en fer forgé. Il attrapa un des anneaux, le fit pivoter dans un cliquetis et la porte s’ouvrit. Il la referma derrière lui, replaçant, par le fait même, la protection magique qui la dissimulait. Habituellement, les flambeaux qui éclairaient de part et d’autre l’escalier de pierre devaient s’allumer d’eux-mêmes, mais ils ne le firent pas. Pris d’une intense panique, il s’élança dans l’escalier, montant les marches quatre à quatre, en marmonnant un sort qui alluma toutes les torches d’un seul coup. En entrant dans la salle du

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