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Une ère nouvelle 1: Il est venu parmi les siens
Une ère nouvelle 1: Il est venu parmi les siens
Une ère nouvelle 1: Il est venu parmi les siens
Livre électronique496 pages7 heures

Une ère nouvelle 1: Il est venu parmi les siens

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À propos de ce livre électronique

Si on retient ce que les évangélistes, Matthieu et Luc surtout, ont dit des évènements qui ont précédé et suivi immédiatement la naissance de Jésus, on peut admettre que dans les années qui ont suivi, cette révélation a forcément muri, s'est enrichie de la réflexion du petit groupe de ceux qui avaient reçu la révélation de la "Mission" de Jésus.
Il y a tout cela en arrière plan du récit que je fais. Mais prenez-le d'abord pour ce qu'il est : une mise en perspective cohérente de ce qu'a pu vivre ce groupe d'hommes et de femmes dans le contexte historique où il a évolué.
LangueFrançais
Date de sortie21 nov. 2016
ISBN9782322141142
Une ère nouvelle 1: Il est venu parmi les siens
Auteur

Guy Piegay

Sur la fin de ma vie professionnel de technicien des Travaux Publics, j'ai pris goût à la poésie et à l'écriture en général. Cette activité meuble agréablement ma retraite depuis plus de vingt ans...

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    Aperçu du livre

    Une ère nouvelle 1 - Guy Piegay

    Merci à tous ceux qui m’ont aidé et encouragé dans mon entreprise.

    Merci plus spécialement à Marie-Ange, mon épouse, pour sa précieuse collaboration et à mon fils Emmanuel pour la mise en forme et les illustrations.

    AVANT PROPOS.

    Pourquoi ai-je entrepris ce récit ?

    Je n’avais aucune légitimité pour le faire. Bien que familier de la bible, je n’en étais pas spécialiste ; bien qu’ayant flirté avec la théologie dans ma jeunesse, près de cinquante ans plus tard, ces notions étaient lointaines et je n’avais pas envie de m’y replonger.

    Mais trop de choses me gênaient dans les faits que les évangiles nous relatent. Globalement, j’adhérais au contenu de ces récits et je ne remettais en cause rien d’essentiel de ce que j’avais reçu de ma formation religieuse. Pour moi, cette histoire était trop belle pour la laisser envahir par le « merveilleux », comme on l’a fait bien souvent en s’inspirant des évangiles apocryphes.

    J’ai eu envie d’imaginer ce qu’avait pu être le cheminement de ce petit groupe de femmes et d’hommes qui, en l’espace d’un siècle, ont marqué suffisamment leur époque pour en faire le début d’une ère nouvelle : l’ère chrétienne.

    Ce premier livre parle de toute cette période avant la prédication de Jésus qu’on a appelée « la vie cachée˝˝ », dont on ne connaît que quelques bribes mal articulées entre elles. Pourtant Jésus est reconnu dans les évangiles comme fils du charpentier Joseph et charpentier lui-même. Or, on s’accorde à dire que le charpentier de l’époque tenait lieu d’architecte. La qualité de Messie de Jésus est sans doute restée cachée au yeux des gens, c’est une chose, mais son statut social était bien reconnu par ses concitoyens.

    Un personnage me déroutait : Marie. Non pas vraiment le fait qu’on la présente comme vierge et mère, même si cela paraît irrationnel. Non, ce qui me gênait, c’était de ne pas connaître son ascendance. Quand on sait l’importance à cette époque, et dans le monde juif en particulier, de pouvoir se référer à ses origines, à son appartenance à une tribu, cette carence est incompréhensible. L’évangile nous dit de quelle tribu étaient les principaux protagonistes de cette histoire : Zacharie et Elisabeth sa femme, Anne la prophétesse ; de Joseph on a l’arbre généalogique complet (il y en a même deux versions), mais des origines de Marie on ne sait rien…

    Si l’on retient ce que les évangélistes, Matthieu et Luc surtout, ont dit des évènements qui ont annoncé la naissance de Jésus et lui ont immédiatement succédé, on peut admettre que, pendant les années qui ont suivi, cette révélation a forcément mûri, s’est enrichie de la réflexion du petit groupe de ceux qui connaissaient la mission de Jésus. Etant donné leurs liens de parenté, ils devaient se retrouver assez régulièrement, à l’occasion des grandes fêtes religieuses surtout. Est-il imaginable que le message qu’ils avaient reçu n’ait pas été chaque fois au centre de leurs discussions ?

    Pour toutes ces raisons, j’ai eu envie de reconstituer ce qu’a pu être le cheminement de ce groupe de personnes, en tenant compte de l’histoire de l’occupation romaine durant cette période, et aussi de celle de la société juive avec toutes ses contradictions dans sa quête du Dieu unique. Jésus a fait partie de ce peuple et s’y est totalement intégré.

    Je n’ai aucunement la prétention de dire la vérité sur l’existence des protagonistes de mon roman. Il n’est qu’une mise en perspective cohérente de ce qu’aurait pu vivre ce groupe de femmes et d’hommes dans le contexte historique où ils ont évolué.

    NB – Vous trouverez de nombreuses citations de la Bible, car elle imprégnait vraiment la vie du peuple Juif. Vous les reconnaîtrez au fait qu’elles sont en retrait du texte et dans une typographie différente. Elles sont référencées par page à la fin de l’ouvrage.

    TABLE DES MATIERES

    ANNE

    JOSEPH.

    MARIE

    JESUS

    LES MAGES.

    ALEXANDRIE.

    LA NUBIE

    LE RETOUR

    NAZARETH

    JEAN BAPTISTE

    LES GRANDS PRETRES

    LES ESSENIENS

    LES RESISTANTS

    LES PHARISIENS

    LE DESERT

    TABLE DES TEXTES BIBLIQUES

    ANNEXES

    QUELQUES DONNEES DE LA VIE COURANTE

    CALENDRIER DES FETES JUIVES

    PLAN DE JERUSALEM EN L’AN ZERO

    CARTE DE LA PALESTINE EN L’AN ZERO

    ANNE

    Anne, la prophétesse, s'est levée au chant du coq pour aller prier dès l'aube au Temple. Elle affectionne cette heure matinale où tout est calme avant que le prêtre venant ranimer la braise et les parfums pour le sacrifice du matin ne ramène la vie dans le Saint Lieu. Se dirigeant vers le parvis des femmes où elle aime à se tenir habituellement et passant la porte latérale il lui semble entendre des vagissements. Derrière un pilier, dans la clarté incertaine de l’aube, elle découvre en effet une sorte de ballot posé à l’écart du passage. Les vagissements viennent de là.

    C’est un bébé, de huit jours tout au plus, emmailloté et s’agitant faiblement. Il n'a pas l'air craintif et ne pleure pas. Elle jette un rapide coup d’œil sur le parvis des femmes, personne, sur le parvis des païens personne non plus ; l'enfant est bel et bien abandonné ; elle le prend dans ses bras. A ce moment arrive le prêtre Zacharie qui va prendre son service. Elle le connaît bien, il est entré en fonction depuis peu de temps. C'est un de ceux dont la seule ambition est de servir Yahvé et son peuple, un saint homme. Le jour où il avait pris ses fonctions à l'autel, le Sage Syméon avait fait remarquer à la prophétesse : « Regarde, les jeunes prêtres quand ils débutent sont souvent crispés, obnubilés par la peur de se tromper... Lui, il est serein ; on sent, rien qu'à le regarder, que le sacrifice qu'il offre est vraiment une prière... C'est par des hommes comme lui que le dessein de Yahvé sur Israël va s'accomplir. »

    Depuis, elle a fait la connaissance d'Elisabeth, l’épouse de Zacharie ; les deux femmes sont devenues amies. Bien qu’étant marié depuis plus de dix ans, le couple est toujours sans enfant.

    Portant son précieux fardeau, Anne s'avance vers le prêtre qui l’accueille :

    - Bonjour Anne, te voilà bien matinale. Mais que portes-tu avec tant de délicatesse ?

    - Vois Zacharie, c'est un enfant abandonné : une petite fille, j'ai vérifié. Je viens de la trouver. Elle est très attachante ; je crois que je vais l'adopter.

    - Adopter un enfant ? Tu n'y penses pas, à bientôt soixante-dix ans ce n’est peut-être pas très réaliste.

    - Crois-tu ? Il est dit pourtant dans l’Ecriture que Sarah avait quatre-vingt dix ans quand elle enfanta Isaac. D’ailleurs ma décision est prise, Dieu l'a mise sur ma route et vois : elle m'a déjà adoptée et dort paisiblement dans mes bras. Ce sera l'enfant que je n'ai pas pu donner à Joachim mon mari dont le Seigneur m'a trop vite séparée. Je vais l’appeler Marie, comme la sœur de Moïse qui dansait pour Yahvé : regarde, elle est aussi belle et gracieuse qu’elle !

    - Je ne discuterai pas les volontés d'une prophétesse, sans doute Dieu t'inspire-t-il. Mais tu ne vas pas la nourrir de ton lait, je te propose d'aller voir ma femme Elisabeth qui m'a accompagné à Jérusalem pendant ma semaine de service au Temple ; elle connaît une jeune maman pouvant nourrir l’enfant. Tu la trouveras à la maison dans la rue qui longe les remparts près de la porte d'Ephraïm ; racontelui tout, elle t'aidera, elle qui en dix ans de mariage n'a pas pu me donner d'enfant.

    Anne se presse le long des ruelles, autant que le lui permettent ses vieilles jambes, serrant contre elle le bébé et lui parlant doucement :

    - Tu es comme un petit oiseau tombé du nid ; si le Seigneur t'a placée sous mes pas, moi la vieille Anne, ne serait-ce pas pour me transmettre un message par ton intermédiaire : mais comment deviner celui-ci : Tu pourras dire comme le psalmiste :

    Tant ils m'ont traqué dès ma jeunesse

    A Israël de le dire ;

    Tant ils m'ont traqué dès ma jeunesse

    Ils n'ont pas eu le dessus."

    Tu vois, ils n'ont pas eu le dessus, la vieille Anne était là pour te recueillir et va faire de toi une vraie fille d'Israël... Je ne sais pas quel sera ton destin, mais je pressens qu'il sera grand.

    Arrivée devant la maison de Zacharie, elle frappe doucement à la porte pour ne pas réveiller Marie qui dort toujours, confiante.

    Elle entend des pas dans la maison et bientôt la porte s'ouvre ; Elisabeth s'étonne :

    - Anne, quelle bonne surprise... Mais que se passe-t-il ? A cette heure là tu devrais être au Temple en train de prier ou de lire les écritures... Tu es bien chargée ! Que portes-tu donc ?

    Anne relève un peu le coin du lange :

    - C'est Marie et j'ai besoin de ton aide.

    Elisabeth reste interloquée...

    - Qui est cet enfant ? Que fait-il dans tes bras à une heure si matinale ? Mais entre donc car l'air est vif et vous risquez d'attraper froid.

    Elle s'efface et laisse entrer Anne ; le logement est juste constitué de deux petites pièces.

    - Depuis que Zacharie est entré au service du Temple, il s’est arrangé avec un parent pour disposer de ce logement pendant sa semaine de service, explique Elisabeth.Ca lui évite de faire chaque jour très tôt le chemin entre Aïn Karim et Jérusalem… Cette semaine, je suis montée avec lui ; Déborah, ma servante, nous accompagne, elle vient d'accoucher et va présenter son enfant au Temple pour le faire circoncire.

    Tout en devisant, elle a pris le bébé qui commençait à s'agiter dans les bras d'Anne, elle le couche sur un tapis, puis délicatement lui enlève ses langes.

    - Mais je parle, je parle, et ne sais toujours pas qui est cette si jolie petite fille.

    Anne lui rapporte rapidement ce qui s'est passé, puis conclut :

    - Et voilà, Yahvé m'a fait don de Marie ; je ne sais ni qui elle est ni d'où elle vient... Mais un don de Dieu, ça ne se discute pas.

    - Sans doute, il n'empêche que ta protégée s'agite parce qu'il faut lui faire un brin de toilette. Elle doit aussi commencer à avoir faim. Mais vois comme le Seigneur a bien fait les choses, Déborah a trop de lait pour son petit et pourra allaiter ta fille.

    Après avoir lavé Marie, Elisabeth passe dans la pièce attenante et la confie à sa servante qui a tout entendu et se fait une joie de lui donner le sein.

    Puis, s’adressant à Anne :

    - Veux-tu une boisson chaude ?

    - Bien volontiers, répond celle-ci en s'asseyant sur le tapis, c'est beaucoup d'émotions pour moi ; mais c'est aussi beaucoup de bonheur. As-tu remarqué comme Marie est jolie ?

    - C'est vrai, j'ai pourtant bien regardé les linges qui l'emmaillotent : ils sont propres mais ne donnent aucune indication sur ses origines. Elle porte, attachée au cou avec un lacet de cuir, une pièce d’un statère d’or, comme si on avait voulu s’assurer qu’elle ne manquerait de rien. Le fait qu'elle soit si sereine et si sage laisse à penser que sa mère l'aimait beaucoup ; qu'est-ce qui a bien pu la pousser à abandonner sa fille ?

    - Le roi Hérode est un grand monarque, mais c'est aussi un homme violent et sanguinaire, il a déjà fait exécuter une de ses concubines avec ses enfants et, par jalousie, étrangler sa première épouse, Mariamne. On dit que ses fils eux-mêmes sont en disgrâce. Qui sait ! Marie est peut-être de sang royal…

    - Ce peut être aussi une esclave qui n'a pas voulu que sa fille subisse son sort ou le sort d'autres jeunes esclaves de son entourage... Tous les maîtres n'observent pas la loi comme ils le devraient et certains commettent des abus. Notre grand Maître Hillel lui-même en convient quand il dit : « Plus il y a de servantes, plus il y a d'impudicité ». Bien sûr, les linges dans lesquels est enveloppé l’enfant ne reflètent pas une condition d'esclave, mais sa mère a pu les dérober à sa patronne, ainsi que la pièce d’or.

    Elles se taisent un instant vraiment interloquées par le mystère de cet abandon, puis Anne reprend :

    - On peut vraiment tout envisager ; c'est peut-être tout simplement l'enfant d'une femme qui voulait garder sa réputation et éviter la lapidation. On en a déjà vu avoir une grossesse et accoucher en cachette sans que personne ne se doute de rien... Mais finalement, peu importe, fille de riche ou fille de pauvre, fille d'Israélite ou fille d'étranger, je ferai de Marie une bonne israélite ; comme nous dit le prophète Isaïe :

    Les fils d'étrangers qui se sont attachés à Yahvé pour le servir et pour aimer le nom de Yahvé et devenir ses serviteurs, qui observent tout le Sabbat sans profanation et se tiennent fermement à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte.

    Oui, en adoptant Marie j'en ferai une vraie israélite, d’où qu’elle vienne.

    Les deux femmes continuent à réfléchir en silence.

    C’est alors que Déborah appelle :

    - La petite a fini de boire, que dois-je faire ?

    Elisabeth sort de ses pensées :

    - Eh oui, que faire ? Il est sûr que Marie doit rester avec Déborah et je ne peux pas me séparer de Déborah. Je propose donc que l’enfant reste avec nous.

    - C’est sûrement la meilleure solution, se résigne Anne. Mais Marie reste ma fille, c'est Yahvé qui me l'a confiée. Tu seras pour l’enfant telle une tante ou une cousine.

    - Disons plutôt cousine, conclut Elisabeth avec humour, parce que, si j'ai vingt-cinq ans de plus que Marie, j'ai tout de même quarante-cinq ans de moins que toi ; alors, tante, ça me vieillirait vraiment trop. Je reste ici jusqu'à la fin de la semaine de service de Zacharie, tu pourras venir autant qu'il te plaira. Je reviendrai à Jérusalem avec elle chaque fois que Zacharie aura sa semaine de service. Mais le reste du temps Marie sera chez nous à Aïn Karim... Par contre, elle pourra rester près de toi dès son sevrage.

    - Tu as bien parlé, répond Anne, et, à présent que Marie dort, je remonte au Temple adresser une prière de louange à Yahvé.

    Tout en marchant, Anne improvise un hymne à la gloire de Yahvé :

    Grand est Yahvé !

    La veuve a recueilli l'orpheline,

    La faiblesse s'appuie sur la faiblesse

    Pour la plus grande gloire de Yahvé !

    Grand est Yahvé !

    L'homme ne peut pénétrer ses voies,

    Le puissant les détourner d'un seul pouce;

    Elle est grande la gloire de Yahvé!

    Grand est Yahvé !

    Chaque jour au Temple je cherchais le Seigneur;

    Dans la fumée des sacrifices et les prières ostentatoires

    Je ne trouvais pas la gloire de Yahvé !

    Grand est Yahvé !

    Mais dans le vent léger, dans le vagissement de l'enfant,

    Dans la prière de l'humble caché aux regards,

    J'ai découvert la gloire de Yahvé !

    ***

    La vie s'écoule, tranquille. Marie est très éveillée et fait l'admiration de tous dans la maison de Zacharie et Elisabeth à Aïn Karim. Mais ses plus beaux sourires sont toujours pour la vieille Anne quand elles se retrouvent à Jérusalem. Dès que Marie a su marcher, Anne l'a emmenée au Temple où elle passe le plus clair de son temps.

    Marie grandit en même temps que se fait la restauration de ce Haut Lieu. Le peuple Israël se réjouit du monumental effort consenti par le peuple et son roi Hérode pour la plus grande gloire de Yahvé. Toute la partie sud de l'esplanade, d'où on a une si belle vue sur la ville et la campagne environnante, est interdite à cause des travaux. On a rasé une partie des quartiers populaires autour des anciens palais de Salomon. Ce n’étaient que des maisons de petites gens serrées les unes contre les autres, et il n'est pas prévu de dédommagement pour ceux que l'on chasse ; à chacun de se débrouiller pour se reloger dans des quartiers plus misérables encore. Anne se remémore les paroles du prophète Amos :

    Eh bien, puisque vous écrasez le faible, ces constructions en pierres de taille que vous édifiez, vous n’y habiterez pas.

    Car elle le sait bien, plus que la gloire de Yahvé, c'est le souci de sa propre gloire qui pousse Hérode, et aussi celui de sa tranquillité vis à vis des grands d'Israël dont il flatte ainsi l'orgueil.

    Parfois, quand son service se termine assez tôt, Zacharie se fait un plaisir d'aller prendre Marie près d'Anne pour la reconduire à la maison ; au passage il l'emmène avec lui voir l'avancement des travaux du Temple. Il y a d'abord eu les fouilles au droit du futur mur de soutènement sud de l'esplanade. Des esclaves travaillent à la pelle et à la pioche pour mettre la roche à nu. Ces hommes vivent sur le chantier et, le soir, dorment sous un abri à même le sol, enchaînés pour la nuit. Parfois, certains cherchent à s'évader, mais chaque tentative est durement réprimée ; en cas de récidive, cela peut aller jusqu'à la mort en croix. Marie sait bien de quoi il s'agit, en partant pour Aïn Karim on longe le Golgotha où se dressent en permanence les potences pour les suppliciés. Un jour, passant avec Zacharie et Elisabeth, elle en a vus attachés à leur gibet ; sa cousine l'a bien vite cachée sous son manteau, mais elle a tout de même entendu le cri de ceux dont on brisait les jambes. Ce cri, elle sait qu'elle ne pourra plus l'oublier.

    Une fois la roche dégagée par les esclaves, une équipe suit, armée de masses et de burins, pour façonner une assise plane sur laquelle les maçons vont ajuster les énormes blocs de pierre taillée pour la fondation du mur. Zacharie est fasciné par ces travaux titanesques et, s'il conteste les motifs de la construction, il n'en admire pas moins la dextérité des ouvriers et la pureté des lignes de l'ouvrage. Tout naturellement lui viennent aux lèvres les paroles du Cantique des Montées de Salomon :

    Si Yahvé ne bâtit la maison,

    En vain peinent les maçons.

    Marie le suit pas à pas, ouvrant grand ses yeux pour ne pas perdre une miette de ce spectacle.

    C'est elle qui, un jour, a fait remarquer à Zacharie qu'une pierre colossale avait été abandonnée à l'angle sud-ouest de la muraille qui commence à s'élever. Intrigué, il a interpellé un contremaître qui passait à proximité :

    - Pourquoi le bloc que voici n'a-t-il pas été mis dans les fondations ? Il y aurait pourtant eu sa place.

    - Je n'en sais rien, lui a répondu l'homme ; c'est l'architecte qui a demandé de le laisser là.

    Plus tard, alors que le mur s'élevait déjà de plus de vingt coudées, une équipe se mit à dégager un grand espace à cet angle de la muraille. Zacharie s'est inquiété auprès des hommes du chantier:

    - Pourquoi démolir encore des maisons ? Vous n'allez tout de même pas agrandir maintenant la plate-forme du Temple ?

    - Non, lui répondit-on, Mais nous allons construire là un escalier monumental qui montera directement d'ici jusqu'au sommet de la plate-forme en s'appuyant sur l'arche immense que nous allons maintenant édifier.

    Une fois l'assise prête, un groupe d'hommes s'activa autour du fameux bloc de pierre abandonné. Ce n'était donc pas un hasard s'il se trouvait juste au niveau de l’endroit que l'on venait de préparer. On aménagea une plate-forme entre l’assise et le bloc, puis on déplaça celui-ci en le faisant glisser sur des rondins de bois jusqu'à ce qu'il vienne prendre place pour être la pierre d'angle où viendrait s'appuyer l'arche.

    Marie est alors âgée de sept ou huit ans ; quand Anne vient la prendre chez Elisabeth le soir, la petite fille ne manque pas de faire à sa mère un compte rendu de tout ce qu'elle a vu lors de sa promenade. La prophétesse se désole bien un peu de ce temps passé à courir dehors avec Zacharie au lieu de se pencher plus sérieusement sur les Ecritures. En général elle écoute distraitement les explications de sa fille auxquelles elle ne comprend souvent pas grand-chose et qui ne l'intéressent pas vraiment. Pourtant le jour où Marie lui parle du déplacement du fameux bloc de pierre elle lui explique :

    - Ce que tu me dis là me fait penser à deux choses. D'abord, ce bloc dont on ne voyait pas l'utilité, le psalmiste y fait en quelque sorte allusion quand il dit :

    La pierre rejetée par les bâtisseurs

    Est devenue la tête de l'angle.

    Il arrive que Dieu prépare ainsi des gens, de longue date, pour une mission ; on ne fait pas attention à eux jusqu'au jour où le plan de Dieu se dévoile et met leur mission en évidence.

    Ensuite, dans le travail pour aplanir le terrain afin de déplacer le bloc, je vois celui que nous devons faire pour que le Seigneur puisse arriver jusqu'à notre cœur.

    Zacharie pestait parfois contre ces travaux qui désorganisaient le service ancestral du sanctuaire. Bien sûr l'édifice restauré s'annonçait bien plus beau que l'ancien, mais, pour lui, Yahvé avait davantage besoin du renouvellement des cœurs que de la restauration et de la magnificence de son Temple.

    En même temps, ces travaux le fascinaient ; surtout la construction de l'escalier d'accès au portique royal. C'est là qu'il emmenait le plus souvent Marie.

    Quand la fondation de l'arche fut prête, commença le travail des boiseurs. Car pour construire la voûte il faut d'abord monter la forme en bois sur laquelle on dispose les pierres bien ajustées jusqu'à la clé de voûte qui maintient tout l'ensemble ; alors seulement on démonte les boisages. L'ouvrage entrepris, d'une portée de près de trente coudées, était hors du commun pour l'époque et les meilleurs charpentiers avaient été embauchés.

    Afin de surveiller les travaux on avait requis un nazir nommé Joseph, jeune homme consacré au service du Temple par des vœux temporaires. Fils d’un charpentier, il connaissait le métier. On le repérait de loin grâce à son abondante chevelure de boucles noires, marque de son état de nazir. S’apercevant de l'intérêt que Zacharie portait à son chantier il le prit en amitié, lui expliquant la complexité de la tâche, les précautions à prendre pour que l'échafaudage résiste à la terrible pression qui allait s’exercer sur lui. Il fallait se battre pour que soit livré du bois robuste, sans nœud car cela crée des points de faiblesse, et veiller à ce que les encoches dans la pierre soient bien faites pour que les troncs ne ripent pas. On devait aussi étrésillonner et contreventer avec soin tous les troncs entre eux pour qu'ils ne flambent pas sous la pression. Marie ne comprenait pas tout, mais écoutait, subjuguée par ce beau jeune homme qui avait voué sa vie à Yahvé. Lorsque après de longs mois de travaux l'arche de pierres apparut dépouillée de sa gangue de coffrages, l'audace et la grâce de cet ouvrage furent l'objet de toutes les discussions dans la ville et chacun vint l'admirer. Mais Joseph, lui, était déjà parti sur le chantier du Temple lui-même ; d'un naturel calme et tranquille, il préférait d'ailleurs ne pas être mêlé à toutes ces manifestations bruyantes.

    On l'avait affecté à la construction de la charpente du Sanctuaire dont les murs de pierres blanches s'élevaient majestueusement au centre de l'immense plate-forme. Il fallait réceptionner les énormes troncs de cèdres, sélectionner les plus beaux et surveiller le façonnage des poutres et des solives pour l'habillage du plafond. Tout devait être soigneusement ajusté et poncé pour que les peintres décorateurs puissent embellir l’ouvrage. Dans les troncs de cèdre, il fallait aussi débiter les grands panneaux pour les bas- reliefs qui couvriraient les murs. Pour les planchers on préférait le bois de genévrier plus dur ; pour les huisseries on choisissait plutôt le bois d'éléagne. Tout l'intérieur du Saint des Saints était couvert de bois, aucune pierre n'y était apparente. Joseph s'enrichissait d'une expérience supplémentaire dans son métier.

    Il remerciait surtout Dieu dans sa prière de lui avoir fait découvrir l'amitié de Zacharie et l'affection fraternelle de Marie qu'il continuait à voir de temps en temps.

    ***

    Plus elle grandit, plus Marie passe de temps au Temple avec Anne à étudier les écritures. Celle-ci est convaincue que si Yahvé a mis cette petite fille sur son chemin, c'est pour qu'elle en fasse une prophétesse comme elle. Aussi, dès son jeune âge, elle lui a lu des passages d'écritures qu’elle était capable de comprendre : l'histoire de la création, certains psaumes, les hauts faits de Yahvé pour son peuple... Mais surtout, elle lui parle des prophètes qui interprètent les signes de Dieu dans l'histoire des hommes.

    Marie écoute avec attention ; son intelligence très vive lui permet rapidement de lire elle-même les textes. Mais à la grande surprise d'Anne, Marie est beaucoup plus intéressée par les « Ecrits des Sages » que par les « Prophètes ». Alors, un jour, elle lui demande :

    - Je vois bien que tu t'intéresses davantage aux sages d'Israël qu'à ses prophètes. Peux-tu m'expliquer pourquoi ?

    - Je ne saurais pas te le dire exactement, répond Marie ; Peut-être parce que je trouve dans les écrits des sages plus de choses concrètes qui peuvent aider les gens dans leur vie de tous les jours. Et moi, je me sens plus proche des petites gens que des grands desseins de Dieu pour Israël.

    - Je reconnais que ces livres ne manquent pas de profondeur de pensée ; certains, qui n’existaient même pas quand j’étais jeune, nous viennent de la diaspora. Chacun fait selon la grâce que Dieu lui a donnée ; l'essentiel est bien de respecter les voies du Seigneur. Va ma fille, comme il est dit dans le Livre des Proverbes :

    Chez les humbles se trouve la sagesse.

    Je souhaite de tout cœur qu'elle repose sur toi.

    Anne acceptait la voie que suivait Marie, mais elle ne comprenait pas. Elle ne doutait pas que sa fille soit appelée à une mission divine, mais si ce n'était pas une mission de prophète, pourquoi Yahvé l'avait-il choisie pour la guider. La vieille femme s'en remettait au Seigneur tout en lui faisant remarquer qu’il lui était difficile de guider Marie sans savoir où elle devait aller...

    Marie avait grandi et aurait bientôt douze ans... Elle s'occupait de leur petit logement, Anne ayant de plus en plus de mal à se déplacer et consacrant ce qui lui restait de force pour aller quotidiennement au Temple tout proche. Dès que les tâches ménagères lui en laissaient le temps, Marie allait la rejoindre pour se replonger dans la lecture des livres saints. Elle avait aussi l'occasion parfois de rencontrer Zacharie quand il était de service et aussi Joseph qui en finissait avec son temps de nazir. Quelle joie de pouvoir discuter avec lui ; il lui racontait son pays, Nazareth, où son père originaire de Bethléem s'était installé comme menuisier charpentier. Il lui vantait la douceur des collines de Galilée qui n'ont rien à voir avec la rudesse des montagnes de Judée. Joseph aimait son pays mais préférait de loin sa vie au Temple. Son plus cher désir était de refaire un temps de naziréat, mais il fallait qu'il en parle à son père.

    Comme Marie, Joseph aimait les textes sacrés, et tous deux avaient parfois de longues discussions à leur sujet. Le livre de Job, surtout, les intriguait beaucoup : comment un juste pouvait-il être ainsi persécuté par Dieu ? Les scribes disaient qu'il devait expier les fautes de ses ancêtres : ce n'était guère convaincant. Comme beaucoup d'autres, ils pensaient que chacun ne peut être jugé que sur ses actes propres. Mais alors la souffrance du juste n'en était que plus mystérieuse à leurs yeux. Et si l'histoire de Job était fictive ? Ils connaissaient des gens dont les épreuves rappelaient vraiment les siennes. Ils ne se rebellaient pas devant ce qui pouvait passer pour une injustice de Yahvé, ils le priaient simplement de leur donner la sagesse pour comprendre.

    Joseph était maintenant reparti en Galilée depuis quelques semaines déjà et Marie devait bien convenir que sa présence lui manquait. Il y avait entre eux une telle connivence...

    Un jour, rentrant du Temple avec Anne, elle passe devant la maison de Judith leur voisine, et la voit en train de tout déménager.

    - Que t'arrive-t-il, Judith, lui crie Marie, c'est jour de grand nettoyage ?

    - Mais non, j'ai égaré une drachme et je ne la trouve pas ; alors je sors les affaires une à une en vérifiant que la drachme n'est pas dedans.

    - Bon, je ramène Anne à la maison et je viens t'aider.

    - Merci, ça ne sera pas de trop.

    Marie entre chez elle avec Anne.

    - Je t'installe sur la natte et je vais te chercher de l'eau fraîche à la fontaine avant de rejoindre Judith.

    - Non, non, va tout de suite chez elle, pour une fois je boirai l'eau de la cruche puisée ce matin.

    Marie s'est éclipsée et Anne l'entend discuter et rire avec Judith ; la drachme doit être bien cachée car le temps passe. Tout à coup, une silhouette s'encadre dans l'embrasure de la porte : c'est Joseph !

    - Quel bonheur de te voir de retour ! Comme Marie va être contente ; va vite la chercher, elle est chez la voisine.

    - Ecoute Anne, c'est aussi bien que Marie ne soit pas là pour l'instant, je voudrais parler d'abord un peu avec toi.

    - Tu m'intrigues, mon garçon, quel genre de secret peux-tu avoir à cacher à Marie ?

    - Ce n'est pas facile à dire, commence Joseph embarrassé ; tu sais que mon plus cher désir était de rester nazir ; mais ma mère, très malade, est décédée quelques jours après mon arrivée à Nazareth, mon père était complètement désemparé, je suis son seul garçon, et mes sœurs sont mariées. Il va se retrouver seul : il aimait trop ma mère pour envisager de se remarier ; on aurait dit écrit pour elle le proverbe :

    " Une femme parfaite qui la trouvera :

    Elle a bien plus de prix que les perles."

    Bien sûr il m'a rappelé que nous étions de la tribu de Juda, celle qui doit donner un messie à Israël, et que je devais avoir des fils car si l'un d'eux était le Messie, l'honneur en retomberait sur toute la famille. Mais au fond je sais bien qu'il veut surtout qu'il y ait une femme dans la maison, et que ce doit être ma femme. Il voulait déjà me présenter à plusieurs parentes éloignées pour que je fasse mon choix.

    - Je comprends ta douleur et je te promets de prier Dieu au Temple pour ta mère. Tu m’avais fait part de ton désir de rester nazir, Joseph, mais la volonté de ton père est juste ; en bon juif, tu dois prolonger ta lignée.

    - Je l'ai bien compris, mais je lui ai dit que si je devais me marier, il me fallait d'abord demander la main de Marie. Nous nous connaissons bien et pourrions être heureux ensemble car nous partageons la même soif de la sagesse de Dieu.

    - Ta démarche me surprend, et pourtant, je l’approuve. Je pressens, depuis que je l'ai recueillie toute petite, que Marie est appelée à un grand destin ; mais Yahvé ne dévoile ses desseins que petit à petit. Peut-être celui-ci passe-t-il par votre union… Je n'y mettrai pas opposition... Mais vois d'abord avec Marie.

    A ce moment Marie entre toute réjouie :

    - Enfin on a retrouvé la drachme ; après il a fallu prendre le temps de tout remettre en place.

    Puis soudain, apercevant Joseph assis là sur la natte, sa joie éclate :

    - Quel bonheur et quelle surprise de te revoir, et dire que je n'ai même pas d'eau fraîche à te proposer. Tu vas rester avec nous pour partager notre repas du soir, nous aurons plus de temps pour parler ; je vais tout de suite allumer le feu.

    Soudain elle réalise qu'Anne et Joseph restent graves et muets :

    - Qu'y a t il ? Un malheur est-il arrivé ?

    - Non, l'interrompt Anne, mais Joseph voudrait te parler ; je vais aller moi-même allumer le feu et préparer le repas.

    Joseph s'est vivement mis debout pour aider Anne à se lever, une fois sur ses pieds elle sourit aux deux jeunes gens :

    - Prenez votre temps en attendant que le repas soit prêt.

    Marie est perplexe, elle s'est adossée au mur et regarde Joseph qui semble chercher ses mots. Il a l'air grave, mais ne paraît pas inquiet, ce qui la rassure un peu.

    Enfin il se décide :

    - Tu sais, Marie, mon désir de rester nazir. Mais ma mère vient de mourir ; mon père l’aimait beaucoup et ne souhaite pas se remarier, il m'a donc demandé de rester près de lui et de prendre femme. Je t'ai toujours considérée comme une amie que j'apprécie et que je respecte ; nous avons beaucoup partagé, cheminé ensemble vers la connaissance de la Sagesse de Yahvé. Maintenant, Marie, puisque la volonté de mon père est que je prenne femme, veux-tu être celle-là et me suivre sur ce nouveau chemin ?

    Marie blêmit et ferme les yeux. Cette demande la prend complètement au dépourvu. Si toutes les filles de son âge rêvent de ce moment là, de ce jour où on va les demander en mariage ; elle-même n'y pensait vraiment pas... Bien sûr, elle a beaucoup d'estime pour Joseph et se sent très proche de lui ; mais cela suffit-il pour engager une vie commune ? Marie sent le regard de Joseph, retenant son souffle, qui l’enveloppe ; rouvrant les yeux, elle le fixe intensément :

    - Comment te dire tout ce que je ressens ? Tout d’abord, la mort de ta mère me fait une peine immense, j'aurais tant aimé la connaître. Pour ce qui est de ta demande, je suis complètement déroutée ; je ne vivais que pour le service du Seigneur, il était au centre de ma vie. Je sais que tu étais dans les mêmes dispositions et c'est pour ça qu'il y avait une grande amitié entre nous… J’ai besoin d’un peu de temps. Puis-je te demander de me laisser une nuit avant de te donner ma réponse ?

    - Oui Marie.

    - Alors assieds-toi Joseph, je vais voir où en est Anne, nous continuerons de discuter tous les trois en mangeant.

    Dans la cour, Marie retrouve Anne qui a allumé le feu dans le four et prépare la pâte pour faire des galettes :

    - Il nous restait un peu de farine, j'ai pensé que quelques galettes feraient plaisir à Joseph.

    - Tu as eu raison… Dis-moi : Joseph t'avait-il dit qu'il venait me demander en mariage ?

    - Oui Marie, juste avant que tu reviennes de chez Judith ; je n'y mettrai pas d'opposition. Et toi, qu'as-tu décidé ?

    - Je lui ai demandé de me laisser cette nuit pour mûrir ma décision. J’ai un peu peur de l'avenir... Je n'y vois pas clair.

    - Va, retourne auprès de Joseph. Il me semble que la volonté du Seigneur pourrait passer par votre mariage. Mais tu as raison de prendre un peu de temps pour réfléchir, c’est ton avenir qui est en jeu... J'arrive tout de suite avec les galettes.

    Disant cela elle a plaqué ses ronds de pâte sur la paroi du four et une bonne odeur de cuisson envahit bientôt la cour.

    Marie entre dans la maison et s'assoit sur la natte près de Joseph :

    - Anne m'a dit que l'accomplissement de la volonté divine pouvait passer par notre mariage. Je sais qu'elle aurait aimé que je sois prophétesse, estimant que si je lui avais été confiée par le Seigneur c’était pour que je suive son exemple ; mais je n'ai pas de don pour la prophétie... Anne, qui pense toujours que Dieu a un dessein sur moi, estime que celui-ci peut aussi passer par notre mariage.

    - Elle m'en a parlé. C’est sans doute vrai aussi pour moi qui voulais être nazir !

    .- Maintenant je te demande de nouveau d’attendre demain.

    - J’attendrai, Marie.

    - Alors, viens à la quatrième heure demain, car je dois partir pour être à la sixième chez Elisabeth et Zacharie à Aïn Karim où je vais rester quelques jours avant la fête.

    - Tu pars seule ?

    - Oui, les routes ne sont pas très sûres habituellement, mais il y a tant de pèlerins par les chemins actuellement que je ne dois pas courir beaucoup de risques.

    - Ne t’inquiète pas, s'empresse Joseph, j’avais prévu de me rendre demain à Bethléem sur la tombe de mon grand père et de revenir le soir à Jérusalem pour dormir chez le frère de mon père. Si tu veux bien, quelle que soit ta réponse, je t’accompagnerai. Le détour par Aïn Karim ne me retardera pas beaucoup.

    - C’est beaucoup de route pour toi, lui fait remarquer Anne qui arrive avec les galettes.

    - Ce n'est rien pour moi, et ce sera même une joie d’être en compagnie de Marie ! Nous aurons beaucoup de choses à nous dire si ta réponse est positive, sinon ça me fera un beau souvenir à garder de toi Marie.

    Marie hésite un peu et consulte Anne :

    - Qu'en penses-tu, toi ?

    - Je ne vois pas d’objection à ce que vous fassiez le voyage ensemble. Reviens-moi vite pour la fête.

    Marie s'est approchée d'Anne et la serre tendrement dans ses bras en l'embrassant.

    - Anne, je ne prophétiserai pas, mais je peux t'assurer que tout ce que tu fais pour moi ne sera pas vain. Je m'en remets au Seigneur pour tout ce qu'il pourra me demander. J'aimerais que nous montions au Temple très tôt demain matin pour confier à Yahvé ma décision quelle qu’elle soit.

    ***

    Anne, qui a le sommeil léger des vieillards, s'est levée au premier chant du coq et réveille doucement Marie qui dort encore profondément. Toutes deux grignotent rapidement un reste de galette de la veille et, après avoir bu une infusion, se préparent à partir.

    - As-tu pris ta décision, demande Anne ?

    - J’ai longuement réfléchi, je vais accepter ; dit Marie en fermant la porte.

    Elles cheminent en silence dans la fraîcheur de la nuit finissante. A l’orient, dans la clarté diffuse de l'aube se dessine la ligne sombre de l'immense esplanade et, en son milieu, la masse du Temple dressé comme une forteresse. Peu à peu la lumière grandit, le soleil va bientôt paraître sur l'horizon. On arrive maintenant à distinguer la véritable toile d'araignée des échafaudages qui enserrent encore l'édifice car les orfèvres n'ont pas tout à fait fini la fresque d'or courant tout en haut

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