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Avis sur Maman? - Le sacrifice, t3
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Aperçu du livre
Maman? - Le sacrifice, t3 - Maude Rückstühl
Ma petite Fleur…
Si par mégarde ton âme s’égare du droit chemin,
Si par le fruit d’un triomphe démoniaque, tu m’es arrachée,
Je finirai par te retrouver,
Car…
Les possibilités s’avèrent aussi infinies qu’est sublime notre amour.
L’espoir est une bulle irisée qui colore fugitivement la vie.
Jean Mauduit
Chapitre 1
L’attaque
Vous êtes le cœur de l’orchestration du Mal, Renata…
Les démons vous manipulent depuis bien longtemps…
Vous n’êtes qu’un moyen de transport et votre fille, un point d’ancrage sur Terre, l’être des possibles, l’Ange du millénaire et peut-être bien la divinité qui remplacera Dieu…
« Ce n’est pas moi qui ai choisi la maison, mais eux…, conclut Renata avec un défaitisme aussi impitoyable que destructeur. Je ne suis qu’un pantin, une putain de marionnette ! Les cinq démons m’ont utilisée pour faire… »
En souvenir, la voix d’Esposito sabra son monologue intérieur :
Pour faire valser la tête de Dieu, ma pauvre Renata…
La gravité empreinte dans son timbre avait planté une épée dans son sternum, entravait son souffle. Une main se posa sur son épaule. Elle poussa un petit cri d’effroi. Arrivé de Pologne depuis peu, le passager au visage paisible affublé de lunettes rondes se matérialisa devant elle. Empli de commisération, il ne se contenta pas de l’interroger sur la manifeste stupeur qui tirait ses traits et qui moitissait son front. Non, Esposito avait deviné que les révélations qu’il venait tout juste de lui souffler l’avaient par trop ébranlée.
— Vous n’êtes plus seule, désormais. Je suis là. Dieu m’a conduit à vous. Ayez la foi, c’est un bouclier infranchissable que les démons craignent autant que la damnation éternelle.
Renata l’examina, l’expression triste et inquiète :
— Oui, mais justement… ils feront tout pour ne pas retourner en enfer.
Ce qui évoqua la marque d’une désolation étira les lèvres de son interlocuteur d’un côté. Celui-ci prônait la franchise :
— Je n’ai jamais prétendu que le combat s’avérerait simple. Néanmoins, notre devoir est de tâcher de renverser leur machination perfide, au nom de Notre Père à tous.
Renata opina du bonnet et redémarra la voiture immobilisée sur le chemin forestier qui débouchait sur la maison. De douloureuses pensées déboulèrent dans sa tête, pareillement à des pelletées de terre jetées sur elle pour l’ensevelir vivante sous un amas de culpabilité.
Si le Mal me vise depuis le berceau, cela signifie que la mort de Mathilde, de Duke, de Luther et de Monsieur Mou, ainsi que l’accident d’autobus qui a handicapé les filles, le décès brutal de l’ouvrier et tous les malheurs qui affectent ma famille sont de ma faute…
Sa gorge s’enfla de tristesse et quelques larmes qu’elle s’efforçait de cacher roulèrent sur ses joues.
Avec tout ça et les quatre années d’absence de Daniel, je ne suis même plus sûre de l’aimer…
Renata se dit qu’elle ne voulait surtout pas arriver à la maison dans cet état : les enfants s’inquiéteraient et ils étaient déjà bien assez saturés de facteurs anxiogènes. Sa décision la força à s’accorder une autre pause et à couper le moteur.
— Je suis désolé si j’ai été indélicat, perça la voix contrite d’Ephraïm dans l’habitacle. J’aurais dû…
— Non, non. Vous n’y êtes pour rien, c’est juste que j’ai vraiment l’impression que tout ça est de ma faute.
Elle s’effondra en larmes sur le volant et le passager l’enlaça.
— En plus, depuis que Daniel est revenu, je n’ai même pas eu envie de le toucher… se lamenta-t-elle. Comme… comme si quelque chose en lui me répugnait depuis son retour… comme si cette saleté de succube, Judy-Loo, l’avait infecté !
— Je comprends. Vous êtes très sensible et cette épreuve a du bon, en ce qu’elle a aiguisé votre flair. Votre esprit est saturé, confus et c’est normal. Vous avez retenu toutes ces horreurs pendant des années. Pardonnez-vous. Vos sentiments sont justifiables. Ils le sont parce que vous avez un cœur.
Renata se tourna vers lui. Malgré le désespoir qui faisait ployer ses lèvres tremblotantes et qui inclinait ses sourcils, elle le remercia de tout son cœur. Puis, soulagée, elle redémarra la voiture, pour de bon cette fois.
Subrepticement, l’aube s’installait lorsque Renata se gara dans la cour de leur demeure, comme si subitement, la proximité de la maison et des satanés démons avait transformé l’espace-temps.
— C’est moi ou les heures se sont anormalement envolées ? demanda Renata à Ephraïm avant de faire pivoter la poignée de porte sur son axe.
Il scrutait les environs d’un œil averti, considérant son interlocutrice avec un vague sourire qui dénotait une certaine ruse :
— Ces forces obscures tentent par tous les moyens de vous affaiblir en perturbant vos repères, chuchota-t-il.
Renata secoua la tête et se tapa le front.
— Oh… avec tout ça, j’ai complètement oublié le souper prévu ce soir avec les Martin, nos amis de longue date. Ils vont croire que je trouve encore des excuses pour éviter de les voir…
— Pourquoi ne pas les inviter ? lança Ephraïm.
Renata le dévisagea comme s’il était une bête curieuse :
— Les inviter ? Et risquer de les mêler à vos exorcismes ? Ce serait dangereux pour eux, non ?
— En présence du Mal ou simplement d’un individu malveillant, harcelant, ce que vous voulez…, l’humain de paix commet l’erreur de s’isoler pour protéger ceux qu’il aime. N’est-ce pas ce que vous faites depuis de trop nombreuses années, Renata ?
Les larmes montèrent aux yeux de celle-ci. À défaut de bredouiller un quelconque accord à cette évidence, elle se tut.
— Ce comportement, bien que loyal, vous enfoncera encore plus dans le malheur. Car la solitude, à la longue, est très néfaste. J’en sais quelque chose…
— Oui, mon père… Vous avez raison. Alors… je devrais inviter les Martin ?
— Je le pense. Si les démons constatent que vous continuez à mener une vie heureuse, malgré tout ce qu’ils vous ont fait subir, ils se courrouceront, perdront un peu de leur emprise sur vous et sur votre famille et… mon intervention s’en verra alors facilitée, si l’on peut dire.
Renata et Ephraïm descendirent du véhicule et se dirigèrent vers la maison. Le visiteur la trouvait fort singulière avec ces murs fenêtrés. Il entendait l’écho de ricanements enfantins issu du passé, une époque où l’harmonie des Holloway résistait probablement encore aux influences démoniaques et où la candeur inondait la maison. Révolue, la splendeur ne veillait désormais plus sur cette famille, dont l’amour flétrissait comme un jardin de fleurs gardé par les ténèbres.
Ce lieu grouille de parasites. Il en est infesté et ces pauvres gens essaient tant bien que mal de survivre aux attaques sulfureuses incessantes…, pensa Ephraïm, empathique.
L’énergie ravageuse se ressentait et peignait un présent funeste. Esposito s’abstint de partager avec Renata la déchirante impression qui l’envahissait : une autre mort s’était sans doute ajoutée à celle de Mathilde. Mais cela n’était qu’une perception… Il connaissait assez les démons pour les savoir excellents dans l’art d’implanter des sensations, des pensées ou des certitudes dans la tête d’autrui. Cependant, pour cette fois, il craignit son appréhension bien réelle.
Une ronde au deuxième étage n’augurait rien de bon pour le démonologue. Renata et lui découvrirent Mallory en convulsion dans son lit. Au contact de la main de sa mère, elle tomba néanmoins endormie comme une masse. Ses ronflements tranquillisèrent Renata, qui, éprouvée, avait d’abord cru à un arrêt cardiaque. Rétive à s’éloigner de Mallory, elle s’attardait dans le cadrage de la porte, à guetter les signes vitaux de sa fille. Qu’Ephraïm lui rappelle l’existence des trois autres rejetons et de son mari fut nécessaire pour provoquer chez elle une réaction.
Le sort d’Érica n’était guère mieux que celui de sa sœur : sa main artificielle lui avait laissé des marques de strangulation sur le cou. La prothèse gisait sur le sol. L’aînée l’avait possiblement retirée et jetée à bout de bras lors de la tentative de meurtre. Renata et Ephraïm avaient retrouvé l’adolescente cachée dans la penderie, muette et pantelante d’effroi. Son front était couvert de sueur ; son visage, cadavérique. Les marques pourpres témoignaient du cauchemar qui avait plongé la pauvre enfant dans cet état de pure torpeur. Conscient de la nécessité du réconfort maternel, Ephraïm prit l’initiative d’explorer les autres chambres. Renata avait enfanté quatre fois. Il restait donc deux gamins à trouver ; il les espérait vivants…
Esposito traversa le couloir et ouvrit la porte d’une petite pièce renfermant une alcôve profonde et un secrétaire massif en bois ouvré. Il referma le bureau d’un geste révérencieux, revint de quelques pas derrière et pointa son nez dans la chambre de droite. Spacieuse, celle-ci était pourvue de deux fenêtres et d’un grand lit. Le front d’une enfant endormie saillait de l’édredon douillet face à un homme couché sur le côté, qui dormait, lui aussi, profondément. Tout comme Ephraïm s’éloignait discrètement du père et de la benjamine, un cri fusa de la chambre de Mallory :
— PAPA ET LUBY… ! ILS… ILS SONT COMME ENFERMÉS DANS UN CERCUEIL ! C’EST POUR ÇA QU’ILS NE SE RÉVEILLENT PAS !
Ephraïm avait déjà atteint l’entrée de la pièce en question quand il avisa l’adolescente blottie contre sa mère, qui l’enveloppait de ses mains bienveillantes. Pendant qu’elle s’efforçait d’atténuer l’hystérie de sa fille, Renata darda sur lui l’épouvantable détresse née de l’avertissement. « Est-ce qu’elle dit vrai ? Allez voir ! S’il vous plaît, monsieur Esposito, je vous en supplie, allez voir s’ils vont bien ! »
— Votre mari et la petite se portent bien, répondit-il, en voilant son incertitude.
— Et Tommy ? s’enquit-elle sur le ton de l’affolement.
— Je n’ai pas encore vérifié…
— Mais allez-y ! Vite, lui intima-t-elle dans un hurlement nerveux qui avorta en pleurs désespérés.
— Il est dehors, souffla Mallory d’un timbre épouvantablement rauque.
— Quoi ! Non, pas dehors ! hurla sa mère, partagée entre la nécessité de rester auprès des filles et celle de se précipiter au secours de son fils.
— Oui, oui, ma-maaaan… Ton petit fils chéri est de-hoooors…, chantonna Mallory.
— Rassurez Érica, Renata, ordonna Ephraïm. Je vais m’occuper de votre mari et de votre fille, puis de votre fils.
La panique qui pénétrait le démonologue risquait de soulever de sérieux doutes quant à ses compétences.
Par l’entrebâillement de la porte qu’il refermait, il entrevit la jeune mère dotée de la beauté gracieuse et fragile d’une sainte… laquelle enivra ses sens et engourdit son esprit. Il la fixait à son insu, l’œil brillant, dans l’interstice du pan, comme si, tout à coup, il personnifiait un maniaque. Puis, un éveil brutal le retrancha du tunnel obscur au sein duquel il s’enfonçait dangereusement. Les maudits démons se cachaient sans nul doute derrière son étrange comportement. Il décuplerait donc sa résistance psychologique et spirituelle, car ils profiteraient de la moindre faiblesse pour folâtrer avec son âme. Il se ressaisit et fonça à nouveau vers la chambre principale pour vérifier les dires d’Érica.
Oh ! Bien entendu, il ne pouvait maîtriser l’emballement de son rythme cardiaque, à l’idée de découvrir la petite et le père morts. En s’approchant du lit, il ressentait le poids écrasant d’une paix irrévocable. Il s’évaporait de ce calme inquiétant des particules létales : la signature inimitable du passage de la Faucheuse. Ephraïm tendit une main tremblante vers les visages baignés de clarté lunaire. Depuis la première visite, ils avaient changé de position, un détail qui provoqua l’écroulement de ses appréhensions.
Soulagé, il interrompit son geste et ferma les yeux, le temps d’un expéditif signe de croix. À l’examen de leurs conditions, l’homme comprit la réaction intense de l’adolescente : le père et la fillette présentaient ce visage serein et figé, au modelage glacial que seule la mort peut rendre. Effectivement, ils reposaient dans un état léthargique, mais il les préférait endormis… pour l’instant.
— Tommy ? appela le démonologue dans l’air froid du mois des morts. Tommy, réponds-moi ! Je suis Ephraïm, un ami de ta mère.
Un calme intrigant, précurseur de tempête, orchestrait la nature, figée dans une attente anxieuse. Esposito contourna l’arrière de la résidence. Au loin, il discernait la lueur d’une ampoule qui brasillait entre les branches agitées. C’était donc là, à cette distance, que les cinq démons vivaient : l’endroit rêvé pour surveiller cette pauvre famille prisonnière d’une demeure qui, si ce ne fut de sa modernité architecturale incontestable, évoquait, avec son abondante fenestration, un aquarium. Il poursuivit sa recherche en enjambant l’herbe haute et les branchettes, dont l’écorce piquante de certaines s’agrippait à son pantalon.
— Ta mère est inquiète. Elle est dans la maison avec tes sœurs. Je lui ai promis que je te…
Ses jambes s’immobilisèrent à la vue du fils inanimé, pendu à un arbre par une cheville, mains liées dans le dos. Vite, Ephraïm s’élança vers la victime, chevaucha la végétation inextricable à la manière d’un enfant effrayé. Les pans de sa redingote ondulaient à sa suite, gracieux, comme les ailes d’une raie géante. Son cœur violentait sa cage thoracique. Il craignait de décrocher non pas un garçon inconscient, mais un cadavre.
Déjà, une accumulation sanguine avait tuméfié son visage. Ephraïm fléchit les genoux, souleva le corps inerte et appuya la tête du gamin sur son épaule pendant qu’il s’activait nerveusement à dénouer la corde. À son insu, l’étoffe de son propre manteau changea d’apparence. Elle se mua en une espèce de cuir, puis la clarté lunaire lui conféra un aspect luisant, poisseux, glissant… membraneux. Les pans de la redingote s’étaient transformés en gigantesques ailes de chauve-souris ; ils battaient le vide, fendant l’air comme des armes redoutables.
Alerté par le froissement bruyant, Ephraïm jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Une masse noire s’abattit brutalement sur lui. Les pans ! Les pans s’enroulèrent autour de lui. Il tomba à la renverse, les bras collés de chaque côté du tronc, le visage hagard, ses jambes évoquant la dureté de tiges métalliques. Emprisonné à l’intérieur d’un cocon de jais, il se démenait comme un diable.
Mmmmm… Mmmmmm… Mmmmmm…
Tommy !
Si Ephraïm échouait à se tirer de ce piège, le petit mourrait ! Personne ne l’entendrait ! Personne ne le trouverait ! Tout contre le sol, il devait se fondre aux ténèbres, quoique la luminosité de la lune dût le favoriser. La pulsation de son cœur dans ses oreilles le prévint de son imminent décès. Son affolement décupla.
Mmmm… MMMMMM !
Les membres se resserraient sur lui, le compressaient de toutes parts avec une intensité suffocante, paralysante. Sa respiration était sérieusement compromise. Il sentait sa tête écrasée par la pression des ailes. Bientôt, il suffoquerait sous elles. Bientôt, les cartilages et l’os de son nez seraient pulvérisés…
Une douleur térébrante embrasa ses orbites, poursuivit son ravage ardent sur son front. Aux affreux craquements des parties latérales de son crâne se mêlèrent ceux du squelette en entier. Un pétillement redoutable remplit sa boîte crânienne. Un vague goût de sang sur sa langue précéda la fin de son calvaire.
Enfin.
Chapitre 2
D’en haut…
La sécheresse tailladait sa gorge. Son nez piquait sous l’effleurement d’une odeur épicée et douce ; réconfortante et sucrée ; violente et tenace. De l’encens. Enfin, par trop de stimulus, ses paupières se dessillèrent. Il ne les en croyait plus capables… Il imaginait que, pour un mort, cligner des yeux équivalait à faire battre des cils plombés ; avaler égalait la déglutition d’une boule de billard ; respirer suggérait la transformation des poumons en chapiteau érigé de lances, dont chaque abaissement menaçait d’une perforation suffocante.
Dépouille : n’était-ce pas l’état auquel son corps était réduit ? D’ailleurs, Ephraïm estimait avoir suffisamment enduré la souffrance pour ne plus avoir à en revivre. Pourquoi la cruelle impression d’avoir survécu à l’attaque surnaturelle persistait-elle à le torturer ? En réaction à son interrogation, un visage ou, plutôt, une tache beige, puis une autre se matérialisèrent au-dessus de lui. L’odeur particulière de l’encens revint et, cette fois, il put en discerner le filet de fumée.
— Il s’en sortira ? s’enquit une voix féminine.
— Physiquement, probablement, répondit une vieille femme, d’après son timbre rauque. Avec toute sa tête ? Ça, c’est trop personnel pour que je puisse prétendre le deviner.
La première figure s’affinait au gré de l’éclaircissement que la myopie d’Ephraïm limitait. De longs cheveux bruns, de grands yeux pieux, l’air inquiet… Renata. Renata Holloway. Oui, c’était bien elle. La mort l’avait épargné, lui, pour aider ces gens durement éprouvés depuis la naissance de la petite dernière. Des démons. Par contre, la seconde physionomie lui était totalement étrangère.
— Mes lunettes… s’il vous plaît, murmura-t-il, d’un souffle rocailleux qui sonna tout drôle à son oreille.
La dame plus âgée les lui enfila. Du regard, Ephraïm parcourut l’endroit riche en boiseries et tapissé d’imprimés floraux apaisants qu’éclairait une clarté aurorale. Une photo de famille ornait une table de chevet à gauche, le panier à lessive débordait de vêtements dans un coin de la pièce et un livre ouvert à plat reposait sur une commode. Il supposa donc, non sans ressentir un léger malaise, que le couple Holloway avait dû lui offrir son lit.
— Il était temps, monsieur Esposito, dit l’inconnue avant de se tourner vers Renata et ajouter :
— Ces herbes sont de petits miracles en soi.
D’un mouvement de menton, Renata désigna une pastille de charbon, sur un bougeoir rococo, que la dame promenait au-dessus d’Ephraïm, de sorte à envelopper son corps de fumée.
— Comment s’appelle celle-là, déjà ?
— Ambre. Mais le véritable encens ne se trouve pas dans les magasins à grande surface. Je vous montrerai une boutique en ligne fiable.
Du revers de la main, le démonologue évacua l’émanation surabondante, une moue de dédain plaqué au visage.
— Mais qu’est-ce que vous faites ? Qui… qui êtes-vous ?
Il se redressa sur son séant. À ce moment seulement, éprouvant la gravité de son endolorissement, il émit une plainte et se recoucha avec une lenteur entrecoupée de spasmes douloureux.
— Du calme, monsieur ! Votre ossature a été malmenée. Encore chanceux que vous ne soyez pas plâtré jusqu’au cou !
— … ou pire, renchérit Renata.
La dame, l’œil perspicace, un brin espiègle, souleva un sourcil dédié à madame Holloway :
— Hum, hum. Si votre mari n’avait pas volé à son secours, c’est une explosion d’ex-prêtre qui se serait produite, lança-t-elle.
Inquiet de son état physique, Ephraïm répéta sa tentative pour s’asseoir, mais une douleur aiguë le cloua au lit. L’inconnue appliqua une faible pression sur son torse et approcha sa figure de la sienne.
— Ne vous inquiétez pas, monsieur Esposito. L’illusion finira par s’estomper. Daniel vous a sauvé la vie. S’il n’était pas intervenu, « l’effet diabolique » aurait complété son opération et on vous aurait retrouvé mort écrasé, probablement aussi aplati qu’une grenouille l’est après être passée sous les roues d’une voiture…
Renata l’examina avec scrupule :
— Je suis vraiment désolée, j’ai
