Explorez plus de 1,5 million de livres audio et livres électroniques gratuitement pendant  jours.

À partir de $11.99/mois après l'essai. Annulez à tout moment.

La maîtresse des anges
La maîtresse des anges
La maîtresse des anges
Livre électronique305 pages4 heures

La maîtresse des anges

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Alexia Lepage, une célèbre et talentueuse artiste peintre, décide de s’offrir un magnifique manoir du XVIIIe siècle, situé en
plein coeur de la campagne provençale. Ce doit être pour elle un nouveau départ, une sorte de renaissance. Elle ne croit pas si bien dire… Derrière l’étrange monolithe, qu’elle découvre par hasard dans les sous-sols du château, se cache vraisemblablement le plus grand mystère de tous les temps. Et, ironie du sort, c’est Alexia elle-même qui semble en être la clé…

Corine M. est née en 1968. Elle a toujours aimé inventer des histoires fantastiques, ésotériques ou tout simplement bizarres. Après avoir été secrétaire pendant plus de dix ans, Corine exerce à présent le métier de correctrice professionnelle et travaille essentiellement avec des petites maisons d’édition ainsi que des auteurs indépendants. Elle est originaire et réside toujours à Arles, en Provence, région qu’elle affectionne tout particulièrement.
LangueFrançais
ÉditeurÉditions Scarab
Date de sortie29 mai 2020
ISBN9782897654313
La maîtresse des anges

Lié à La maîtresse des anges

Livres électroniques liés

Fantasy pour vous

Voir plus

Catégories liées

Avis sur La maîtresse des anges

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La maîtresse des anges - Corine M.

    CELUI QUI ATTEND

    I

    […] Azaziel enseigna encore aux hommes à faire des épées, des couteaux, des boucliers, des cuirasses et des miroirs ; il leur apprit la fabrication des bracelets et des ornements, l’usage de la peinture, l’art de se peindre les sourcils, d’employer les pierres précieuses, et toutes espèces de teintures, de sorte que le monde fut corrompu.

    L’impiété s’accrut ; la fornication se multiplia, les créatures transgressèrent et corrompirent toutes leurs voies. […]

    Livre d’Enoch — Chapitre VIII (extrait)

    […] Prends Azaziel, lie-lui les pieds et les mains ; jette-le dans les ténèbres ; et abandonne- le dans le désert de Dudael.

    Fais pleuvoir sur lui des pierres lourdes et pointues ; enveloppe-le de ténèbres.

    Qu’il y reste à jamais, que sa face soit couverte d’un voile épais ; et qu’il ne voit jamais la lumière.

    Et quand se lèvera le jour du jugement plonge-le dans le feu. […]

    Livre d’Enoch – Chapitre X (extrait)

    1

    Tout autour d’elle, ce n’est plus que néant et trou noir. Elle tente de se mouvoir, mais elle ne sent pas ses membres. Son corps tout entier semble endormi, excepté son front sur lequel elle ressent une sorte de chaleur bienfaisante… Cela se diffuse en elle, inhibant les moindres de ses maux tel un concentré de bien-être. Elle a l’impression de voler quelque part, entre ciel et terre. Seule, perdue au beau milieu d’un grand rien sombre et silencieux. Malgré toute cette sérénité qui l’entoure, quelque chose manque pour que sa quiétude soit complète.

    Au bout de ce tunnel baigné de pénombre naît une lueur ; une douce lumière au cœur de laquelle se dessinent bientôt les contours de deux silhouettes. Cela s’approche et elle reconnaît sa mère et son père qu’elle n’a pas vus depuis tant d’années.

    Ils lui prodiguent mille attentions et elle savoure leurs tendres caresses, leurs baisers, inondée par toute la force de leur amour. Une plénitude proche de la béatitude l’assaille soudainement. Jamais elle n’a connu une telle félicité, c’est si bon…

    Malheureusement, la lumière se met à faiblir progressivement et les êtres aimés s’estompent peu à peu, comme absorbés par l’obscurité qui prend de nouveau possession des lieux.

    Elle reste seule un instant ; une heure ou une éternité, elle ne peut le dire. Le temps ne semble avoir aucune importance dans cet étrange endroit. Elle plane dans ce vide absolu, toujours empreinte de l’affection des siens. Elle se sent légère, telle une feuille morte virevoltant dans les airs ; ce bonheur intérieur s’insinue en elle comme un philtre d’amour. Est-ce cela la mort ? Sans aucun doute, car où aurait-elle pu revoir ses chers parents si ce n’est dans l’au-delà ?

    Ainsi, toutes ces choses existent donc. Et pour en avoir maintenant la certitude, il faut qu’elle soit elle-même passée de l’autre côté. Mais que lui importe de mourir si la mort s’avère, en réalité, plus douce que la vie ? Si c’est ça, elle peut partir sans aucun regret. Elle ne laisse personne derrière elle. Pas d’amour, pas d’enfant. Rien. En outre, elle va enfin retrouver ceux qui lui manquent tant. Que demander de plus ?

    Parfaitement en paix avec sa conscience, elle se laisse aller vers cette lumière qui n’est plus qu’une petite étoile à peine scintillante au bout du tunnel. Elle n’a plus rien à perdre, et son seul but, à présent, est d’atteindre cette clarté bienveillante qui l’attend un peu plus loin. Elle y parvient aisément et presque tout naturellement. Les silhouettes familières réapparaissent furtivement, pour se fondre ensuite dans l’intensité toujours grandissante de la lumière. L’éclat devient éblouissant et elle ressent une vive douleur sur le front, là où se diffusait un peu plus tôt cette chaleur bienfaisante. Elle a soudain l’impression que ses yeux se consument de l’intérieur et que la peau de son visage s’est subitement embrasée. Sa plénitude n’est bientôt plus qu’un agréable souvenir, et une douleur fulgurante se met à l’étreindre de toutes parts. Puis, c’est la chute ; une chute interminable qui finit par aboutir brutalement sur une terre aride dardée par les rayons impitoyables d’un soleil au zénith. Le tunnel s’est évaporé, ainsi que la lumière. Elle semble être revenue dans le monde des vivants, à son plus grand regret. Mais… ce monde n’est pas le sien. Pas celui qu’elle a connu. Aux alentours, s’étend un désert, jusqu’à perte de vue.

    — Hayyah, mon aimée, je t’ai enfin retrouvée…

    Elle se retourne vivement, mais ne peut voir qu’une ombre. L’ombre d’un être ailé. Il s’est adressé à elle dans une autre langue et en lui donnant un autre nom. Néanmoins elle com-prend, et contre toute attente, elle offre sa main à celle, immatérielle et obscure, qui est tendue à son égard. Paradoxalement, elle n’éprouve pas la moindre crainte. Au contraire, elle ressent une attirance indéniable envers cet être mystérieux. Des visions sulfureuses envahissent sa mémoire. Des réminiscences au parfum torride. De délicieux frissons parcourent son corps.

    — Rejoins-moi… dit encore l’ombre en déployant ses grandes ailes. Totalement envoûtée, elle se redresse, sa robe d’étoffe légère dansant dans la brise tiède, et sa personne tout entière se retrouve prisonnière des flots de ténèbres que l’ombre ailée se met à propager. Même le soleil ne peut y résister et ne tarde pas à être absorbé par cette noirceur nocive qui ne cesse de progresser.

    Alors, des images horribles défilent devant elle, et dans le regard rougeoyant de l’ombre, elle peut discerner son propre reflet : celui d’une vieille femme édentée aux chairs décomposées et la chevelure éparse. Elle hurle de terreur, tentant de se dégager de l’étreinte ravageuse de la créature obscure.

    — Tu es mienne, Hayyah ! À tout jamais ! tonne-t-il en la retenant.

    La douleur sur son front se ravive brusquement, dans un ultime élan lancinant. Puis, cela s’apaise doucement. L’ombre ailée s’évanouit peu à peu dans les ténèbres, et sa voix se perd dans le lointain.

    Le néant intemporel avale peu à peu la noirceur pour ne laisser bientôt qu’un immense vide. Son âme perdue n’a alors pas d’autre choix que d’errer dans ce grand rien devenu glacial, à la recherche d’une lueur salvatrice.

    Quelque part en Provence, novembre 2008

    Alexia se réveilla en sursaut, ayant grand peine à réaliser qu’elle venait seulement de faire un mauvais rêve. Elle regarda l’heure sur son portable : 3 h 20 à peine…

    La fatigue due au voyage pesait encore sur ses paupières et elle n’avait envie que d’une chose : se rendormir jusqu’au lendemain matin. Mais ce rêve… Elle aurait souhaité que son sommeil fût plus paisible pour sa toute première nuit dans sa nouvelle demeure. Le fait d’avoir roulé plus de huit heures dans la journée ne devait pas être étranger à cette terreur nocturne. Néanmoins, elle n’avait jamais fait de rêve aussi intense ; cela lui avait paru si réel. Elle avait l’impression d’avoir frôlé la mort de très près, et d’ailleurs, des frissons glacés parcoururent son échine à cette simple idée.

    Pourtant, tout allait plutôt bien pour elle à ce moment de sa vie. Elle était satisfaite de sa récente acquisition : ce magnifique château en plein cœur du massif des Alpilles, en Provence. Un autre quotidien l’attendait ici, et elle comptait bien en profiter dès le lendemain. Elle sentit monter en elle une sorte d’exaltation rien que d’y penser, comme un enfant à qui on aurait promis un nouveau jouet, et peu à peu, le souvenir de son cauchemar se dissipa. Allongée sur un oreiller moelleux, elle se mit à penser à ce qu’allait être son existence à partir de maintenant. Prendre un nouveau départ, voilà ce à quoi elle aspirait. Cela était nécessaire à la survie de son art, indispensable même. Elle devait impérativement se ressourcer.

    Lasse des aléas de sa vie d’artiste et de Paris, elle était fatiguée des soirées mondaines, des rencontres sans lendemain ainsi que de la routine urbaine. Sa décision était prise : elle allait changer les choses et réapprendre à vivre dans cet environnement apaisant et ensoleillé. L’avenir lui appartenait et elle avait hâte de savourer les plaisirs simples que lui offrirait cette campagne paisible et sans cesse renouvelée.

    Elle avait la chance inouïe d’être une artiste peintre reconnue ; elle avait beaucoup travaillé pour cela, et sa notoriété n’était que justice. Son art, qualifié de gothique contemporain, semblait se situer entre les portraits lumineux et réalistes de Simon Vouet et le surréalisme génial de Salvador Dali. Son talent s’exprimait par des choix de couleurs très sombres pour les arrière-plans, en opposition à des tons clairs et brillants pour les dessins centraux. Cela créait un relief incroyablement luminescent, mystique et féerique à la fois. Elle représentait ainsi la dualité universelle ; le noir et le blanc, le Paradis et l’Enfer, le Bien et le Mal. C’était le thème essentiel de toute son œuvre.

    Sa pièce maîtresse, sa plus belle toile à ce jour, évoquait un ciel tourmenté aux nuances obscures et ténébreuses, et en son centre, un visage étincelant aux traits délicats et à l’expression profondément triste. Elle l’avait intitulé L’Ange étrange. Ce modèle, à présent un classique des Beaux-Arts, résumait à lui tout seul le malheur et la misère, mais aussi toute la beauté de ce monde. Il en émanait une émotion intense qui ne laissait pas indifférent. Elle l’avait réalisé en pensant très fort à ses parents ; leur souvenir était sa plus belle source d’inspiration.

    Elle était consciente de sa chance à pouvoir vivre de ce don rarissime qu’est la maîtrise d’un art ; d’être une artiste comprise et respectée autant par les spécialistes du genre que par le grand public. D’ailleurs, ses toiles se vendaient très bien et cela lui offrait les avantages, ô combien agréables, d’une grande aisance financière.

    Avant de se laisser aller dans les bras de Morphée, elle fit un bref bilan de sa vie. À trente ans, elle avait déjà un beau parcours artistique derrière elle. Oui, mais… tout le reste était négatif. En plus de la perte prématurée de ses parents, aucune histoire d’amour notable n’était venue illuminer son quotidien jusqu’à présent. Que laisserait-elle derrière elle si elle mourrait demain ? Tout à coup, son rêve lui revint à l’esprit. Et si c’était une sorte d’avertissement prémonitoire ? Son cœur s’emballa à cette pensée. Mourir sans avoir connu l’amour, le vrai… On ne se souviendrait que de son formidable talent et des œuvres qu’elle laisserait… Triste perspective ! Elle se reprit un tant soit peu en se morigénant intérieurement. Elle, si pragmatique, si rationnelle, n’allait tout de même pas se laisser abattre par un cauchemar, si intense fût-il ? La fatigue était probablement la seule responsable. Sans compter que le souci de sa prochaine expo la préoccupait, puisqu’elle savait qu’elle devrait créer une trentaine de toiles d’ici un an. Cependant, elle gardait confiance en son inspiration qui ne faillirait pas grâce au contexte magique dans lequel elle aurait la chance de vivre désormais.

    Le château de la Clairière, superbe construction du XIXe siècle, se dressait fièrement au milieu d’un bosquet verdoyant et touffu. Alex avait été subjuguée par la beauté de la bâtisse et des environs dès le premier coup d’œil sur les photos du site internet d’une agence immobilière. Un coup de foudre, oui, elle n’avait aucun mal à se l’avouer. Elle était quasiment tombée amoureuse de ce lieu.

    Son large perron, sa terrasse à pilastres lui conféraient un caractère baroque, très en phase avec ce qu’Alex recherchait depuis un certain temps.

    La visite initiale des lieux avait été décisive : c’était effectivement l’endroit idéal pour vivre en toute tranquillité, loin des mondanités et de toute cette urbanisation qu’elle ne parvenait plus à supporter. Et son histoire avait encore ajouté au mystère et à la magnificence du site, surtout pour une artiste telle qu’Alexia Le Page. Le château avait été construit en 1812 sur l’ordre d’un riche et prestigieux poète parisien de l’époque, tombé amoureux, lui aussi, de la région lors de son voyage de noces. Lui et sa jeune épouse s’y étaient installés et y avaient élevé leur fille unique. Entre ces murs, l’homme de lettres avait rédigé ses plus beaux contes et poèmes.

    Alex s’était donc permis de penser qu’elle pourrait peindre ici de superbes toiles puisque ce lieu si serein paraissait propice à toute inspiration artistique.

    Apparemment, le château était resté clos durant une dizaine d’années, et mis en vente depuis peu. Le dernier propriétaire était un chef d’entreprise à la retraite. Frappé par une maladie grave, il avait dû passer plus de temps en milieu hospitalier que dans sa résidence secondaire. À son décès, sa femme avait décidé de vendre ce fabuleux bien immobilier qui renfermait sans doute trop de souvenirs douloureux.

    Alex avait pu saisir l’opportunité de devenir châtelaine à son tour, ce dont elle rêvait secrètement depuis son plus jeune âge. L’emménagement élémentaire ayant été effectué quelques semaines auparavant, après les travaux de rénovation, elle avait donc pu s’installer dès son arrivée, le soir même.

    Elle s’étira et bailla bruyamment ; bien que ce fût très impoli, cela lui fit le plus grand bien. Puis, de toute façon, elle était seule ici, alors les bonnes manières lui importaient peu. Elle sourit en se remémorant les réprimandes de son père lorsque, enfant, elle baillait de la sorte : « Alexia ! criait-il, ce ne sont pas des manières pour une petite fille bien élevée ! »

    Dieu qu’elle aurait aimé qu’il fût là à ce moment même pour la gronder de nouveau… Redevenir une enfant juste pour être avec eux, ne serait-ce qu’un instant. Nostalgique, elle soupira. Son rêve n’avait été agréable qu’à l’instant où ils l’avaient rejointe. Cela lui avait paru si vrai… Il lui semblait que leur odeur imprégnait encore ses mains et ses joues. Elle ferma les yeux pour s’immerger une dernière fois dans ce bonheur qui n’avait été qu’éphémère, aussi bien dans le rêve que dans la vraie vie. Une larme, une de plus dans l’océan de tristesse qui la submergeait chaque fois qu’elle pensait à eux, perla au coin de son œil. Elle la laissa choir sur l’oreiller, puis terrassée par la fatigue, elle cessa de lutter et se rendormit, pelotonnée dans les draps comme un petit enfant entre les bras maternels.

    Ce fut la sonnerie de son portable qui l’éveilla, le lendemain matin.

    — Allo ? dit-elle d’une voix tout ensommeillée.

    — Tu dormais encore ? répondit l’homme à l’autre bout du fil.

    — Oui… enfin, non, j’allais me lever.

    — Oh… je te dérange alors. Elle s’impatienta un peu :

    — Non, bien sûr que non ; tu sais bien que tu ne me déranges jamais, mais…

    — Mais… coupa-t-il, je pourrais être au château demain soir… Enfin, si tu veux bien… Elle laissa passer quelques secondes, un peu embarrassée, puis se décida à répondre :

    — On en a déjà parlé, Vincent. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée.

    — Oui, je sais que tu as besoin de rester seule, fit-il d’un ton plus sec, tu me l’as répété maintes et maintes fois !

    — Vincent, je croyais que tu avais compris…

    — Laisse tomber, ma belle, j’ai compris… C’est juste que tu me manques déjà. Je n’y peux rien, c’est comme ça. Que veux-tu que j’y fasse si…

    Sachant pertinemment ce qu’il allait dire, elle préféra l’interrompre :

    — Arrête ça, tu veux !… Qu’est-ce qui te prend, enfin ? !

    Un silence interminable s’installa de l’autre côté. Seule, la respiration de l’homme résonnait sourdement.

    — Vincent ?

    — Oui…

    — Sérieusement, tu m’inquiètes beaucoup. Depuis que Sarah est partie, je ne te reconnais plus… Pourquoi persistes-tu à agir ainsi ? Ça ne te ressemble pas. Vraiment, j’ai du mal à te comprendre, là… dit-elle forçant sa voix à se faire plus douce.

    Vincent émit un long soupir bien sonore. Puis il déclara :

    — Dis plutôt que tu n’as pas envie de me comprendre !

    — Ne recommence pas, ce n’est pas le moment ! répliqua-telle exaspérée.

    — Tu as raison, je ne suis qu’un connard égoïste.

    — Je n’ai pas dit ça…

    — Bonne journée, ma belle, repose-toi bien…

    Et il raccrocha avant qu’elle ne pût répondre quoi que ce fût.

    Alex reposa son téléphone sur le chevet en soufflant. Vincent l’inquiétait réellement. Depuis le départ précipité de sa compagne, Sarah, qui avait partagé sa vie durant presque quinze ans, il se comportait bizarrement. Il semblait s’être mis en tête de la séduire, sans doute pour tromper sa solitude et sa récente déception amoureuse. Et ses tentatives s’apparentaient davantage à du harcèlement, ce qui était fort décevant pour la jeune femme. En effet, Vincent s’était toujours montré respectueux envers elle, sans la moindre arrière-pensée. Leurs dix années d’amitié avaient été sans faille et sans ambiguïté. Il était avant tout son agent artistique et ses conseils valaient de l’or ; elle lui vouait une confiance aveugle. Sarah, son ex, un ancien mannequin, était partie un beau matin, sans laisser d’adresse. Alex les avait toujours connus en couple, même si elle n’avait rencontré Sarah que très rarement, lors de soirées ou galas. Cette femme ne s’était jamais immiscée dans leur amitié. Alex savait que ces deux-là s’aimaient passionnément, et à l’époque, elle avait eu elle-même une vie plutôt mouvementée, notamment après l’accident mortel de ses parents. Jamais elle n’aurait pensé qu’il pût en arriver à lui faire une cour à ce point assidue… et déplacée.

    Le départ de Sarah restait une énigme pour tous ceux qui les avaient connus. Apparemment, ça n’allait pas très bien entre eux depuis quelque temps, mais évidemment, Vincent refusait de s’épancher à ce propos. Alex comprenait que ce fût un sujet tabou pour son ami ainsi abandonné, blessé dans sa fierté d’homme, mais s’il avait voulu se confier à elle, cela lui aurait fait le plus grand bien. Et surtout, ça aurait peut-être évité qu’il ne lui fît du rentre-dedans avec le tact d’un adolescent en rut.

    Cependant, il signait et persistait. Il se montrait insistant et même lourd, parfois. Elle en était arrivée au point d’éviter toute occasion de tête à tête avec lui, c’est dire ! De peur qu’il ne tente de l’embrasser ou pire encore… À cette seule pensée, elle éprouva soudain une sorte de dégoût. Cela la désolait, mais elle devait bien s’avouer qu’elle n’avait absolument plus aucune confiance en lui, concernant le domaine des sentiments du moins. Elle se voyait contrainte de l’éconduire constamment, lui, cet ami proche qu’elle considérait presque comme le grand frère qu’elle n’avait jamais eu.

    Oui, son attitude était extrêmement désolante, décevante, horripilante. C’est aussi ce qui l’avait décidée à quitter Paris pour la Provence. Au moins ici, il ne pourrait pas venir la harceler tous les jours. Il était vraiment inimaginable pour elle d’envisager un semblant d’histoire d’amour avec lui ; elle ne l’avait jamais regardé en tant qu’amant éventuel. Il était bien plus que ça, mais apparemment il n’en avait pas conscience… Il ne se rendait pas compte de ce qu’il lui faisait subir en la traitant de la sorte. Parfois, lorsqu’elle songeait à leur belle amitié d’autrefois, elle en avait même les larmes aux yeux.

    Songeuse, elle se leva et enfila un peignoir. Il faisait un peu frais à l’intérieur. Malgré un système de chauffage flambant neuf, il fallait plusieurs heures pour chauffer correctement les grandes pièces du château.

    Elle se rendit dans la salle de bain et entreprit sa toilette matinale. Non, il était hors de question que Vincent vienne l’importuner jusqu’ici. Puisqu’il se conduisait comme un crétin, il allait devoir se passer d’elle et de son amitié, pour le moment.

    Vincent était mal dans sa peau, voire même carrément dépressif. Une fois qu’il aurait digéré sa déception sentimentale, il irait mieux et tout rentrerait dans l’ordre. Cela ne pouvait pas durer, il allait forcément se ressaisir. Il fallait juste lui laisser du temps.

    Une fois prête, elle descendit à la cuisine se préparer un bon petit-déjeuner, car son estomac criait famine. Dehors, le vent soufflait, mais un soleil radieux trônait dans le ciel limpide ; malgré un froid vif pour ce début novembre, une magnifique journée l’attendait.

    2

    La première semaine avait été une semaine de transition passée à organiser les différentes pièces selon ses goûts et ses besoins.

    Le mobilier d’époque donnait une valeur rare à la grande maison.

    Une gigantesque cheminée à auvent trônait au milieu du séjour généreusement éclairé par de grandes fenêtres à fronton sculpté. Le corridor s’ouvrait sur une magnifique salle à manger campagnarde. Les meubles d’antan et les fonctionnalités modernes partageaient la même cuisine créant ainsi un mélange de style un peu insolite, à la croisée des temps.

    Au-delà du vestibule, un imposant escalier de marbre blanc orné de balustres ciselés amenait au premier étage. Alex avait choisi la chambre bleue de la tourelle gauche. Elle réalisait enfin son rêve de petite fille : dormir dans un lit paré d’un ciel satiné, aérien et gracieux. Dans le vaste dressing attenant, elle avait pris soin de suspendre ses tenues de soirée, dont une magnifique robe de satin écarlate très échancrée dans le dos dans

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1