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Simon Dale et l'hippopotame rose: Les aventures extraordinaires, #1
Simon Dale et l'hippopotame rose: Les aventures extraordinaires, #1
Simon Dale et l'hippopotame rose: Les aventures extraordinaires, #1
Livre électronique441 pages5 heures

Simon Dale et l'hippopotame rose: Les aventures extraordinaires, #1

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À propos de ce livre électronique

Après avoir obtenu son master en sciences politiques, le jeune Britannique Simon Dale s'installe à Paris, la ville natale de sa mère, pour y chercher un emploi. De façon inattendue, il se fait embaucher par une agence internationale dont il n'a jamais entendu parler avant : l'UNBUA (United Nations Bureau of Uncommon Affairs) ou, en français, le Bureau des affaires extraordinaires des Nations Unies.

Son nouveau patron, le sous-secrétaire Rodélio de Montferrat, s'avère beau comme un diable. De toute évidence, il est aussi casse-cou qu'étrange. Une heure seulement après son entretien d'embauche, voilà Simon embarqué dans un avion à destination de Louxor à côté de cet homme. À ce qu'il paraît, le président égyptien a été attaqué, et l'UNBUA est dépêché sur place pour enquêter.

Simon est loin de se douter de ce qui l'attend. Même dans les rêves les plus fous, il n'aurait pas pu le deviner, d'ailleurs. Le mot « bizarre » semble faible pour décrire les créatures qu'il va rencontrer, les aventures qu'il va vivre et les situations dangereuses auxquelles il devra faire face.

Peut-être que le terme « affaires extraordinaires » aurait dû lui mettre la puce à l'oreille…

LangueFrançais
Date de sortie19 avr. 2024
ISBN9798224726028
Simon Dale et l'hippopotame rose: Les aventures extraordinaires, #1
Auteur

Dieter Moitzi

Born in the early 70s, I grew up in a little village in Austria. At the age of 18, I moved to Vienna to get my master's degree in Political Sciences, French, and Spanish. Today, I'm living in Paris, France, with my boyfriend and work as a graphic designer. In my spare time, I write, read, cook fancy recipes, take photos, and as often as I can, I travel (Italy, Portugal, Morocco, Egypt, the UK, and many more places). My literary tastes are eclectic, ranging from fantasy, murder mysteries, and gay romances to dystopian novels, but I won't say no to poetry or a history book either. I'm more a hoodie/jeans/sneakers kind of guy than a suit-and-tie chap. So far, I've published two short-story collections, four poetry collections, and four novels (to find out more, please check out my author website). My first murder mystery novel "The Stuffed Coffin" has been released on January 6, 2019, and is available in English, German and French. It has won the French Gay Crime Fiction Award 2019 (Prix du roman policier / Prix du roman gay 2019). You can also find me on Rainbow Book Reviews, where I write book reviews under the pseudonym of ParisDude. Last but not least, together with my boyfriend I run the website Livres Gay (in French), where we review and discuss gay novels.

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    Aperçu du livre

    Simon Dale et l'hippopotame rose - Dieter Moitzi

    Note à moi-même : ne plus jamais écouter Papa !

    Cette pensée me traversa l’esprit lorsque je descendis de l’escalator. Des gratte-ciel dont l’âme se résumait en verre et en béton s’élevaient à ma gauche et à ma droite, l’arche monumentale ouvrant son trou béant derrière moi. Mon regard balaya le parvis et l’esplanade de la Défense, un espace tout en longueur qui descendait jusqu’à la Seine au loin. Il était dépourvu de bâtiments ou de végétation, ce qui permettait au vent glacial de se déchaîner. Littéralement.

    Frissonnant, je croisai les bras sur ma poitrine, me penchai en avant et traversai péniblement le parvis. Seulement cent vingt mètres, mais c’était suffisant pour que je sois instantanément gelé jusqu’aux os.

    Merci, Papa. C’est de ta faute. Pas ma présence ici ni le temps maussade. Mais les vêtements que je porte.

    Je soupirai. Tout ce que j’avais souhaité, c’était recueillir ses commentaires, son encouragement et ses conseils, ce qui était probablement très idiot de ma part. C’est pourquoi je lui avais demandé de me rejoindre sur Skype, hier soir. C’est aussi la raison pour laquelle j’avais fièrement exhibé le costume bordeaux que j’avais acheté pour l’entretien d’aujourd’hui. Il était parfaitement taillé pour ma morphologie maigrichonne et confectionné dans un tweed solide, ce qui en aurait fait un accoutrement adapté aux températures glaciales. Un gilet brunâtre et une chemise noire complétaient ma tenue.

    Mais Papa n’avait pas réagi comme prévu. Au lieu de saluer mon choix judicieux, il avait secoué la tête. « Non, non et non. Tu ne peux pas y aller comme ça, Simon ! On dirait que tu t’apprêtes à te pavaner dans un défilé de mode. »

    « Je ne me pavane pas, Papa ! »

    « Si c’est ce que tu veux croire, tant mieux, mon fils. N’empêche, on ne peut pas mettre cette tenue pour un entretien d’embauche. Qui t’a dit qu’une chemise noire était envisageable ? »

    « Pourquoi pas ? »

    « Parce que. Fais confiance à ton vieux père. » Il avait pris son air pensif : les lèvres pincées, le front plissé, un doigt tapotant le nez. « Tu sais quoi ? Pourquoi tu ne mettrais pas la tenue qu’on a achetée pour le mariage de Darien ? Tu t’en souviens ? La veste d’été bleu marine, le pantalon noir et la chemise blanche ? C’était élégant, ça. » Il avait tapé dans ses mains. « Oui ! Essaie ça ! Allez, vas-y ! »

    « Nous avons acheté cet ensemble il y a cinq ans, Papa ! Je suis sûr qu’il est désormais trop petit pour moi. »

    « Balivernes. Tu as terminé ta croissance quand tu avais douze ans. »

    « Tu fais toujours des merveilles pour mon amour-propre. »

    « Ne fais pas l’enfant. Enlève déjà ce truc rouge… »

    « Il est bordeaux, Papa ! »

    « Hé, tu vois ça ? Je suis en train de rouler des yeux. »

    Avec un soupir vaincu, j’avais enfilé le costume qu’il m’avait suggéré.

    Immédiatement, il avait arboré un sourire. « Ah ! Ça, c’est une tenue qu’on aime. Bien, bien ! Recule pour que je puisse te voir en entier. Génial ! Ça te va toujours comme un gant. »

    « Papa, je ressemble… »

    « … au candidat idéal pour un poste de haut niveau. Tout le monde va se dire : ‘Celui-là a un diplôme d’Oxford ou de Cambridge en poche, c’est sûr.’ Tu corresponds au rêve le plus fou de tout employeur, Simon. Jeune, brillant, enthousiaste, tout juste sorti d’une grande université, promettant une énergie sans fin. On voit que tu as envie de gagner tes galons, que tu es prêt à sacrifier ta vie privée, et tout ça pour très peu d’argent. »

    « Dit comme ça, je ne suis pas sûr de vouloir trouver un travail. »

    « Arrête de raconter n’importe quoi. Il est grand temps que tu fasses quelque chose de ton éducation. »

    « Mais si… »

    « Pas de ‘si’. Tu es parfait, Simon. Je ne dis pas ça parce que tu es mon fils. Tu as vraiment l’air pimpant. Ta mère serait très fière de toi. » Mon père s’était raclé la gorge et avait plaisanté : « Puis-je dire que tu as même l’air très séduisant ? Si j’étais gay et si nous n’avions pas de liens de sang… »

    « PAPA ! Arrête ça tout de suite ! »

    Les dés avaient été jetés à ce moment-là. Mon père avait toujours été mon point faible. Après tout, nous n’avions plus que l’un l’autre. Et maintenant que je vivais à l’étranger, j’étais encore plus enclin à lui faire plaisir.

    C’est la raison pour laquelle je grelottais actuellement dans mes vêtements, qui s’avéraient bien trop légers pour ce matin glacial de mars. J’avais aussi conscience que je ressemblais davantage à un lycéen préparant son baccalauréat qu’à un diplômé de vingt-quatre ans. Ce qui n’était qu’un point de détail mineur.

    Je remontai mon petit sac à dos sur mes épaules, serrai mes bras plus étroitement autour de mon torse et me précipitai vers les tours pour y trouver un semblant d’abri contre les rafales de vent.

    +++

    J’étais venu dans le quartier avec une demi-heure d’avance. Cette décision s’avéra judicieuse car il me fallut quinze minutes pour trouver le bâtiment où j’étais censé briller devant ce que j’espérais être mon futur employeur. On aurait pu penser qu’un gratte-ciel d’une quarantaine d’étages serait facile à repérer. Attention, spoiler : entouré d’autres gratte-ciel, pas tant que ça.

    Bien sûr, j’avais étudié l’itinéraire, ce matin. Le problème était que Google Maps demeurait un mystère complet pour moi. C’était vraiment ridicule. Je parlais quatre langues, couramment, et j’avais un Master en sciences politiques. Mais pour une raison inconnue, mon cerveau refusait de comprendre comment fonctionnait cette application de Google.

    Ça expliquait pourquoi je tournais en rond un bon moment, passant lentement mais sûrement en mode panique. Ce quartier était un labyrinthe moderne !

    Finalement, avec un soupir soulagé, je trouvai le bon bâtiment. Il se dressait devant moi, volumineux et gris, un manifeste architectural de laideur. Sa seule décoration consistait en points noirs géants jetés au hasard sur la façade sans raison perceptible. Ils donnaient l’impression que le bâtiment était atteint de la peste bubonique. Et s’il vous plaît, ce nom ! La tour Gollum, pour l’amour du ciel. Qui affublait un immeuble de bureaux du nom d’une créature fantastique à la fois effrayante et révoltante ? Visiblement, dans le monde corporate, les esprits fonctionnaient de manière très étrange.

    Je scrutai l’entrée principale et le nom écrit en grosses lettres au-dessus. Me rappelant ce que la femme abrupte m’avait dit au téléphone, je me dirigeai vers la gauche. « Nous ne sommes pas sur les cartes », avait-elle précisé. « Vous feriez donc mieux de mémoriser mes instructions. Arrêtez-vous devant la tour Gollum, prenez à gauche. Tournez au coin. Cherchez la rue de la Licorne, numéro 1. C’est une impasse, donc vous risquez de la louper. »

    Lorsque j’atteignis le coin susmentionné, je m’arrêtai pour regarder autour de moi.

    Euh, ouais. D’accord. Il se pourrait que…

    Je sortis mon téléphone portable et vérifiai les notes que j’avais consciencieusement prises.

    Non. Je n’avais pas raté de virage, je n’avais pas omis d’étape.

    Mais Houston, on avait un petit problème.

    Je ne trouvai pas la rue. Ni à gauche, ni à droite. Ni devant moi, ni derrière.

    Curieux. Peu importe qu’il s’agisse d’une large avenue ou d’une impasse, je devrais pouvoir la voir, n’est-ce pas ?

    J’examinai à nouveau les plaques de rue.

    Pas de rue de la Licorne. Seulement une rue François Rabelais, et plus loin, l’avenue de l’Arche.

    Mince !

    Reprenons les instructions, me dis-je.

    La Défense : c’est bon.

    La tour Gollum : c’est bon.

    Le coin de rue : c’est bon.

    La rue de la Licorne : ce n’est pas bon du tout.

    Interloqué, je fixai les notes sur mon écran. Elles n’avaient pas changé.

    Mais l’heure, elle, si. Il était 10h20. Il me restait exactement dix minutes pour trouver la rue, l’impasse, peu importe, foncer dans le bon bâtiment et faire ce foutu entretien.

    Une sueur froide commençait à perler sur mon front pendant que j’essayais de trouver une solution.

    Demander mon chemin à quelqu’un ? Bonne blague. Dans ce quartier, tout le monde était trop occupé à engranger des sous pour le compte de son entreprise, ce qui signifiait que j’étais seul dans la rue. Les gratte-ciel se dressaient au-dessus de moi, leurs façades vitrées renvoyant le reflet des nuages sombres qui défilaient dans le ciel bas.

    « Rue de la Licorne, nom d’une pipe ! » murmurai-je avec un certain degré d’urgence.

    Et ce fut là…

    … que je la vis.

    À moitié cachée, d’accord. Mais elle était là. Ou du moins, je repérai soudainement une plaque avec son nom dessus.

    Les choses m’avaient semblé compliquées, raisonnai-je en m’approchant, parce que la rue de la Licorne était encore moins qu’une impasse. C’était une niche. Comme si quelqu’un avait enlevé une mince partie de la tour Gollum, du rez-de-chaussée au dernier étage, et avait planqué un autre bâtiment dans la brèche.

    Et quel bâtiment extraordinaire, aussi ! Rond, fin, haut d’environ cinq étages, avec une façade faite d’un matériau noir et opaque. Je ne détectai ni fenêtres ni portes. La structure se dressait devant moi comme une étrange stèle surdimensionnée érigée par des extraterrestres aux yeux d’insectes. Peut-être que c’était l’ambassade des Vulcains ?

    Quand je me fus suffisamment approché, je découvris un panneau à hauteur des yeux. UNBUA. United Nations Bureau of Uncommon Affairs, je lis en anglais. Bureau des Nations Unies pour les affaires extraordinaires.

    Mince alors. Une agence des Nations Unies. C’était prometteur. Ça sonnait même comme un travail de rêve pour quelqu’un ayant mes qualifications. Pourquoi n’avaient-ils pas précisé ce détail dans l’annonce ? Et pourquoi la femme abrupte n’en avait-elle pas parlé au téléphone ?

    Je jetai un coup d’œil à la traduction que l’on avait ajoutée sous l’anglais. Elle ne ressemblait pas à une langue que j’aie pu voir, auparavant. Ce qui était unique, tout de même : j’avais appris à reconnaître la plupart des écritures non latines, qu’il s’agisse du chinois simplifié et traditionnel, du coréen, du japonais, du thaï, des écritures brahmiques, de l’arabe, de l’hébreu, du ge’ez, du cyrillique, du grec, de l’arménien, du géorgien, etc.

    Mais l’écriture que je voyais là ? Les signes ressemblaient à… des runes.

    Euh, question : est-ce que ça m’intéressait vraiment ?

    Probablement pas.

    Sous le panneau, je repérai un bouton pour les visiteurs.

    Bien. Quelqu’un avait jugé opportun de donner aux gens un moyen d’accéder au bâtiment. Je ne voyais toujours pas comment ni où, mais ça me paraissait être un bon signe, déjà. Peut-être qu’un Vulcain allait me téléporter à l’intérieur ? Je ne serais pas trop surpris.

    J’appuyai sur le bouton, déterminé à rester optimiste.

    Une partie de la surface lisse glissa sur le côté.

    Jusqu’ici, tout allait bien.

    Je me redressai. C’est parti, Simon. À toi de conquérir le monde — et obtenir ce travail.

    +++

    Je pénétrai dans un hall très sombre qui me paraissait beaucoup plus vaste que ce à quoi je m’attendais. Plus haut, aussi. Le bâtiment tout entier semblait moins petit que ce que j’avais imaginé. C’était… bizarre. Peut-être était-il trop près de son voisin géant, qui le faisait ainsi paraître minuscule à côté ? Ou peut-être…

    Sans bruit, la porte se referma derrière moi.

    Je déglutis pour chasser une nouvelle vague de stress. Je n’aimais pas les entretiens d’embauche, et ces dernières semaines m’avaient appris que les Français étaient plutôt particuliers lorsqu’il s’agissait de sonder des candidats. Surtout quand ça concernait des candidats venus de l’étranger. Ils avaient le don de faire en sorte qu’on se sente parfaitement non Français. Ce qui, à leurs yeux, rimait avec inadéquat.

    Le fait que l’endroit dégage une certaine atmosphère mystérieuse ne m’aidait pas non plus. Le matériau de construction, qui avait paru opaque de l’extérieur, était apparemment une sorte de verre laiteux sans tain. Cela permettait à la rare lumière du jour de s’infiltrer dedans. En termes d’éclairage, c’était tout, en revanche. La pénombre qui en résultait rendait difficile de distinguer des détails. Tout semblait gris. Je pensai même que mes lunettes étaient embuées jusqu’à ce que je me souvienne que je n’en portais pas.

    C’était dur pour moi de mettre le doigt sur la sensation étrange qui m’envahissait. Je ne me sentais pas à ma place, quelque part. Et le vaste hall semblait me tâter avec des doigts étranges et moites pour m’examiner comme si j’étais un singe dans un laboratoire.

    Je secouai la tête pour m’éclaircir les idées, et je regardai autour de moi.

    À ma gauche, j’aperçus un espace d’attente avec plusieurs fauteuils, canapés et tables basses. Juste devant moi se trouvait une rangée de tourniquets derrière lesquels béait un espace obscur de la taille d’une salle de bal.

    À ma droite, je finis par discerner un long comptoir de réception qui décrivait une courbe. Il était vide…

    Oh, zut !

    Je fis un pas en arrière.

    La réception n’était pas vide. Quelqu’un était derrière. Probablement. Une personne de grande taille, genre sylphide, de sexe indéterminé et quelque peu flottante, presque sans substance, comme floutée. J’attribuai ça à l’éclairage sous-optimal des lieux. De longs cheveux d’une couleur incertaine ondoyaient autour d’un long visage pâle et translucide. La personne portait quelque chose de flottant aussi ; ça aurait pu être n’importe quoi, un tailleur, une robe, un paréo, un sari, un caftan, un tapis en tartan ou un rideau de douche.

    Soudain, j’entendis comme un souffle venant d’un autre monde : ‘Puis-je vous aider, Monsieur ?’

    Iel avait parlé en français. Et sa voix ressemblait au murmure d’une brise de printemps caressant les jeunes feuilles d’un verger. Ce qui était de loin la comparaison la plus stupide qui m’ait jamais traversé l’esprit pour une voix.

    Je m’approchai et me raclai la gorge. Même s’iel tourbillonnait et ondoyait devant mes yeux, j’essayai de me concentrer sur la personne ressemblant à une apparition. L’apparition ressemblant à une personne. Peu importe.

    « Euh, bonjour. Je m’appelle Simon Dale. J’ai rendez-vous avec… »

    ‘Le sous-secrétaire de Montferrat’, dit la personne en une brise printanière. ‘Vous êtes parfaitement à l’heure, Monsieur Dale.’

    « Euh… »

    ‘Une assistante viendra bientôt vous accompagner au bureau du sous-secrétaire. En attendant, puis-je vous demander une pièce d’identité, s’il vous plaît, Monsieur Dale ?’ Une main diaphane aux doigts fins apparut devant mon visage. ‘C’est la procédure de sécurité, ici.’

    « Mais oui, bien sûr. » Je fouillai dans mon sac à dos, récupérai mon passeport et le posai sur la réception.

    ‘Merci, Monsieur Dale.’ Lo réceptionniste ramassa le passeport, l’agita dans l’air d’un geste vague et me le rendit accompagné d’un badge. J’avais l’impression que ce dernier était sorti de nulle part, ce qui était évidemment impossible. Il portait mon nom, cependant, ainsi que mon numéro de passeport, un QR code et l’inscription « Visiteur ».

    ‘Asseyez-vous, Monsieur Dale. Kriemhild sera là dans une minute’, entendis-je.

    « Merci. » Je pris le badge et le fixai au revers de ma veste. Ensuite, je ramassai mon passeport et me dirigeai vers les canapés, me sentant de plus en plus mal à l’aise. Perplexe. Presque déplacé.

    C’était quoi, cet endroit ? Et qu’est-ce qui n’allait pas chez moi ?

    +++

    À peine une minute plus tard, l’un des tourniquets fut tourné, émettant un discret clic !

    Une jeune femme vint vers moi. Elle avait la trentaine et…

    Bon sang, j’eus du mal à trouver le terme approprié et politiquement correct. Elle était verticalement déficiente, aurait-on pu dire. Ou une personne dont le développement vertical s’était arrêté prématurément.

    Bref, elle était de petite taille. Très petite.

    « Bonjour, Monsieur Dale. Je m’appelle Kriemhild », dit-elle sèchement.

    Fait amusant, je reconnus tout de suite le ton irritable de sa voix. C’était la personne à qui j’avais parlé au téléphone.

    Deuxième fait amusant : son nom correspondait à son apparence. Elle ressemblait à l’allure que j’avais toujours imaginée pour un personnage féminin wagnérien. De manière diminutive, bien sûr. Plantureuse, avec de larges épaules, des traits forts et durs et de longs cheveux bouclés qui sautillaient à chaque mouvement. Son attitude tout entière était celle d’une « femme qui ne rigole pas », de l’absence de sourire à sa façon sèche de parler. Même sa robe noire avait l’air robuste et efficace. Je pouvais facilement imaginer une hache de combat attachée à la ceinture en cuir entourant sa taille. Ou une énorme épée avec laquelle elle comptait affronter un dragon ou deux.

    Kriemhild me tendit la main, que je serrai en me levant. Sans aucune raison avouable, j’eus envie de m’excuser. Je n’avais pas fini ma croissance à douze ans, comme Papa avait tendance à plaisanter, mais j’étais resté plutôt petit de taille. Et là, pour la première fois de ma vie d’adulte, je dépassais une autre adulte.

    « Très heureux de faire votre connaissance. » Je souris timidement.

    Aucun sourire ne fut offert en retour. Juste un bref : « De même. On y va ? »

    Nous scannâmes nos badges et nous dirigeâmes vers le fond du hall sombre, nos pas résonnant dans l’espace vide. Je vis d’innombrables portes fermées menant vers des lieux inconnus. Des donjons ou des chambres de torture, peut-être.

    Nous pénétrâmes dans un ascenseur, et Kriemhild appuya sur un bouton. La vitesse à laquelle nous fûmes propulsés vers le haut fit plonger mon estomac jusqu’à mes pieds.

    « Waouh ! » glapis-je, tendant une main vers le mur de l’ascenseur pour ne pas tomber.

    Le trajet dura assez longtemps, surtout pour un immeuble de cinq étages. Lorsque nous nous arrêtâmes, mon estomac fit un voyage dans le sens inverse pour se loger dans ma gorge.

    Kriemhild sortit à pas lourds de la cabine, s’avançant dans un couloir peu éclairé qui était aussi impersonnel que n’importe quel autre couloir d’entreprise. Pour le siège d’une agence des Nations Unies, il était aussi étonnamment vide. Où se cachait tout le personnel ? Avaient-ils peur de la galopade de ma chasseuse de dragon ?

    Aucune importance. Kriemhild était rapide sur ses jambes, je devais lui accorder ça. Je la suivis en pressant le pas.

    Elle s’arrêta devant une porte en bois, frappa deux fois, l’ouvrit et annonça abruptement : « Rodélio, ton 10h30 : Monsieur Dale. »

    « Merci, Kriemhild. Entrez, Monsieur Dale », dit une voix grave et mélodieuse.

    D’accord. Le moment de vérité était venu.

    Je tirai sur ma veste, me raclai la gorge et me redressai. « Sois sûr de toi, mais pas arrogant », avait conseillé Papa, hier. « Sois modeste et déterminé. »

    Modeste et déterminé. Bien sûr. Aucune contradiction là-dedans.

    Kriemhild me jeta un dernier regard — un regard noir, à vrai dire. Elle me laissa passer et ferma la porte derrière moi.

    +++

    Ça alors ! Le sous-secrétaire de Montferrat doit être un gros poisson. Non, je me corrige : il doit être un dieu !

    Ce fut ma toute première pensée.

    Parce que le bureau dans lequel j’étais entré était immense. Absurdement, invraisemblablement immense.

    Un haut plafond à caissons en bois doré. Un tapis moelleux. Trois côtés de la pièce recouverts d’étagères en bois, toutes remplies de livres à la reliure en cuir, le tout rappelant la bibliothèque de Downton Abbey¹.

    Le quatrième côté détonnait complètement, tellement il était de notre siècle. Sa baie vitrée offrait une vue imprenable sur La Défense.

    Un autre sentiment d’incrédulité surgit dans mon esprit, mais je l’écartai mentalement. En ce moment, j’avais des choses plus importantes sur lesquelles me concentrer. À savoir un potentiel futur patron à impressionner par ma détermination modeste. Et par mon diplôme.

    « Pourquoi vous ne vous approchez pas, Monsieur Dale ? » dit la voix mélodieuse.

    Je sortis de mes pensées et me dirigeai vers le fond de la pièce avec son grand bureau dimensionné pour en jeter. Deux canapés moelleux et une table basse se trouvaient juste à côté. L’énorme cheminée à foyer ouvert derrière eux devait dater de la même époque que le reste du mobilier et de la décoration quand on faisait abstraction de la baie vitrée. Il y avait même un feu qui crépitait vigoureusement.

    Je n’avais donc pas atterri à l’ambassade des Vulcains sur Terre ! Tellement pas.

    Quand je me fus suffisamment approché, j’aperçus finalement l’équivalent onusien de Lord Grantham. Accoudé au manteau de la cheminée, il me regardait avec des yeux brillants. C’était un homme grand et mince, vêtu d’un costume noir impeccable et moulant et d’une chemise noire.

    Une chemise noire, Papa ! Ha ! Si seulement tu pouvais voir ça.

    Grâce à ma configuration d’usine, je remarquai que l’homme était étonnamment beau, insolemment beau. Il avait des traits bien découpés et nobles ; le teint sous ses cheveux mi-longs et noirs était très pâle. Son nez fin et pointu, ses beaux yeux noirs et sa bouche pleine et bien formée le faisaient ressembler à un mannequin. Il prenait également la pose parfaite. C’était le genre d’homme qui me renvoyait immédiatement une image pathétique de moi-même. J’étais trop petit, trop maigre, trop insignifiant, un grain de poussière sans valeur…

    Il fit le tour du bureau et me tendit la main, que je serrai vigoureusement. Pas besoin de transmettre mes insécurités dès le premier contact. Ses doigts étaient beaux et délicats, sa peau était fraîche, sa poignée ferme et forte, son regard direct et franc.

    « Je suis le sous-secrétaire Rodélio de Montferrat. »

    « Simon Dale. Enchanté, Monsieur. »

    « S’il vous plaît, asseyez-vous. » De Montferrat, l’homme aux beaux doigts et au nom fantaisiste, désigna le groupe de canapés.

    « Merci, Monsieur. »

    Nous nous assîmes l’un en face de l’autre, et je posai mon sac à dos sur le tapis.

    De Montferrat joignit les mains sur un genou. Il m’offrit un sourire amical. « Merci d’être venu jusqu’ici, Monsieur Dale. J’espère que vous n’avez pas eu trop de mal à nous trouver. Parce que ça peut être difficile, m’a-t-on dit. »

    « Non, merci, Monsieur », mentis-je. « Les instructions de votre assistante ont été très utiles. »

    « Ravi de l’entendre. » Il se pencha en avant. « Avant de commencer cet… euh, entretien, j’aimerais mettre au clair autre chose, si ça ne vous dérange pas. »

    « Pas du tout, Monsieur. »

    « Je dois admettre… Vous êtes quelque part un mystère pour moi, Monsieur Dale. »

    « Oh. Vraiment ? »

    « Oui. » Il fit une pause. « Vous voyez, vous nous avez appelés par rapport à notre offre d’emploi dans Le Monde. »

    « Exactement. »

    « Eh bien, le fait est, Monsieur Dale, que nous n’avons pas publié d’offre d’emploi. Ni dans Le Monde ni dans un autre journal. Ni hier, ni la semaine dernière, ni le mois dernier, ni jamais. Nous sommes également inscrits sur liste rouge, juste pour information. »

    Il détacha ses mains et les écarta comme pour signaler : « Vous voyez à quel point vous êtes mystérieux ? »

    Après une autre pause artistique, il ajouta : « C’est pourquoi je vous serais très reconnaissant si vous pouviez m’éclairer sur ce point. Car je me demande vraiment comment vous avez déniché notre numéro de téléphone. »

    Sa voix demeurait amicale.

    Mais elle avait un côté légèrement menaçant.

    +++

    Euh. Allô ? Pardon ? Qu’est-ce que cet homme pensait que je faisais au siège d’une organisation dont j’ignorais l’existence voilà une demi-heure ? Qu’est-ce qu’il pensait que j’étais ? Un farceur ? Un espion ? Un terroriste ?

    D’autres pensées tourbillonnaient par milliers dans mon esprit, créant une cacophonie de connexions synaptiques.

    Et bien sûr, la plus stupide d’entre elles se précipita de mon cerveau à ma bouche. Je dis : « Pourquoi êtes-vous sur liste rouge ? »

    Le sous-secrétaire cligna des yeux. « Je vous demande pardon ? »

    Au point où j’en étais, je pouvais aussi bien continuer à creuser ma propre tombe. « Vous êtes une agence de l’ONU. Pourquoi êtes-vous donc inscrits sur liste rouge ? »

    Les clignements d’yeux se succédèrent en rafales. « Qu’est-ce que votre question a à voir avec la mienne, je vous prie ? »

    « Rien, probablement. Je suis juste… euh… curieux… je suppose… » Mon bafouillement, émis d’une voix de plus en plus basse, mourut dans un murmure.

    De Montferrat se cala dans son canapé et me regarda fixement. « La curiosité peut tuer, certains disent. Et vous ne voulez sans doute pas que ça vous arrive, n’est-ce pas ? »

    « Euh… » Est-ce qu’il venait de me menacer de… mort ?

    « Écoutez, Monsieur Dale, je ne vais pas tourner autour du pot. S’il y a eu une faille dans le système de sécurité de mon agence, je dois faire la lumière là-dessus, le plus rapidement possible. Ici, à l’UNBUA, nous traitons d’affaires extrêmement sensibles. Le secret et la sécurité sont donc d’une importance capitale, vous comprendrez. »

    Pas tout à fait. Mais je hochai la tête comme un animal bien dressé.

    La voix du sous-secrétaire devint aussi douce que de la soie. « Je vous le demande une nouvelle fois : comment êtes-vous tombé sur notre numéro de téléphone ? »

    Pour l’amour du ciel, était-il sourd ? Je n’étais pas tombé dessus !

    J’essayai de faire en sorte que ma voix sonne calme et détachée. « Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai lu cette annonce… »

    De Montferrat leva la main. Un sourire chaleureux se dessina sur son visage. Les mots qui sortaient de sa bouche devinrent de plus en plus veloutés, tissant autour de moi des fils de persuasion presque imperceptibles. « Nous ne publions pas d’offres d’emploi dans les journaux, Monsieur Dale. Jamais. Nous disposons d’autres moyens pour trouver nos candidats lorsqu’un poste est vacant. C’est pourquoi votre affirmation est un mensonge éhonté. »

    Ce serait tellement agréable de céder, de me laisser bercer par sa voix hypnotisante, d’avouer tout ce qu’il voulait que j’avoue.

    Mais une voix sans appel protesta dans mon esprit : Il vient de te traiter de menteur, Simon ! Et tu sais que tu n’en es pas un ! Cette voix ressemblait à s’y méprendre à celle de mon père.

    Je luttai contre l’influence magnétique de son ton velouté, secouai la tête et ramassai mon sac à dos. Après l’avoir ouvert, je récupérai le numéro du Monde dans lequel j’avais trouvé cette foutue offre d’emploi. Oui, j’avais gardé je journal comme une sorte de porte-bonheur, car j’étais comme ça — stupide et peu sûr de moi.

    Je flanquai ma preuve sur la table basse entre nous. « Jetez-y un œil par vous-même. C’est dans la partie arrière. »

    Le sous-secrétaire prit le journal, l’ouvrit et en parcourut rapidement le contenu. J’aurais pu lui donner la page exacte, mais je me sentais déjà assez idiot. Peut-être un peu rancunier aussi.

    « Ha ! » s’écria de Montferrat en tapotant le papier de son long index. « Vous avez raison ! La voilà, votre annonce… »

    C’est alors que quelque chose d’inattendu se produisit. Quelque chose d’encore plus inattendu que tout ce triste entretien, ce qui n’était pas une mince affaire.

    Le papier s’enflamma spontanément, faisant jaillir des flammes vertes.

    Eh oui.

    Vertes, elles étaient, les flammes.

    Et oui, spontanément. Juste comme ça. Flofff !

    Le sous-secrétaire bondit si vite du canapé que je vis à peine son mouvement… Zzing !

    Il balança la boule de flammes verdâtres dans la cheminée derrière lui.

    « AÏE ! Mais c’est quoi, ce putain de bordel ? » s’écria-t-il.

    Même si je trouvais la formulation un peu vulgaire, je me demandai : C’est quoi, en effet, ce putain de bordel ?

    +++

    Une odeur de papier brûlé et de soufre traversa le bureau dans un petit nuage de fumée. J’avais les yeux rivés sur le sous-secrétaire, qui agitait les mains en l’air. De quoi venais-je d’être témoin ? Et pourquoi de Montferrat avait-il l’air pensif et non choqué ?

    Secouant la tête, il murmura : « Des flammes vertes ? De foutues flammes vertes ? C’est comme si… Mais c’est des conneries… Sauf que, quand même… Ciel, comme c’est intrigant ! »

    D’accord. J’en avais assez. Peut-être que je trouverais un boulot comme vendeur d’hamburgers et de frites dans un fast-food. Tout sauf ceci.

    Lentement et un peu tremblant, je me levai. « J’espère que mon innocence a été établie », dis-je d’un ton sec. « Vous n’avez aucun poste à me proposer. Je pense que je ferais mieux de partir, Monsieur. »

    Il revint enfin à mon humble personne. « Vous avez dit la vérité ! » constata-t-il enfin d’un air étonné.

    « Bien sûr, Monsieur. Je suis venu ici pour trouver un emploi, non pas pour vous mentir. Et maintenant, si vous voulez bien m’excuser… »

    Zzing !

    Le sous-secrétaire fut à côté de moi et me repoussa gentiment sur le canapé. « Eh bien, non, Monsieur Dale ! Vous ne pouvez pas partir ! S’il vous plaît, rasseyez-vous ! »

    Il était plutôt fort pour un homme aussi mince. Je ne pus qu’obéir. Le contact de ses doigts fins sur mon bras si légèrement vêtu me rendit également plus réceptif à son appel.

    Il s’assit, me faisant à nouveau face. « Je vous dois des excuses, Monsieur Dale. »

    « Ne vous en sentez pas obligé, Monsieur. »

    « Je suis sûr que vous avez été très déconcerté par… »

    « … tout ce que j’ai vu depuis mon arrivée ici ? Oui, en effet. »

    « Puis-je vous offrir une boisson ? Du café ? Du thé ? De l’alcool ? Un whisky, peut-être ? » Ses yeux noirs plongèrent dans les miens.

    « Euh, je ne dirais pas non à une tasse de café… »

    À peine avais-je fini ma phrase que la porte de l’autre côté de la pièce s’ouvrit. Une jolie femme vêtue d’une combinaison moulante et scintillante entra. Elle apportait un plateau en argent avec une cafetière, un pot à lait, un sucrier et deux tasses. De longs cheveux rouges et ondulés sautillaient gaiement autour de son visage ovale alors qu’elle glissait sans bruit vers l’endroit où nous étions assis. Elle me sourit en posant le plateau sur la table basse.

    « Merci, Mélusine », dit le sous-secrétaire.

    Je murmurai à mon tour un remerciement.

    La jeune femme inclina la tête et partit aussi doucement qu’elle était arrivée.

    De Montferrat m’offrit un sourire éclatant aux dents blanches. « Laissez-moi faire les honneurs. » Il versa du café dans les tasses, puis pointa son doigt vers le pot à lait et le sucrier. « Du lait ? Du sucre ? »

    « Non, merci. »

    Il poussa une tasse vers moi.

    Nous bûmes une gorgée en silence en nous regardant en chiens de faïence. La situation me parut tout à fait incongrue. Elle me mettait aussi mal à l’aise. Peut-être devrais-je boire mon café au plus vite et quitter les lieux. J’étais sûr qu’il y avait des hamburgers à griller, quelque part.

    Le sous-secrétaire posa sa tasse sur la table basse. « Eh bien, Monsieur Dale… Puisque vous êtes là, autant m’en dire plus sur vous. »

    « Je pensais que vous n’aviez pas besoin de… »

    Il fit un geste vague. « Peut-être que si, après tout. » Il sourit. « Je suppose que vous

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