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Les DERNIERS SEIGNEURS DE L'AUTOMNE
Les DERNIERS SEIGNEURS DE L'AUTOMNE
Les DERNIERS SEIGNEURS DE L'AUTOMNE
Livre électronique346 pages4 heures

Les DERNIERS SEIGNEURS DE L'AUTOMNE

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À propos de ce livre électronique

Des histoires de chasseurs !
Bouchez vos oreilles, fermez les yeux !

C’est dans les tréfonds de la forêt laurentienne, au cœur du royaume enchanté de la Bitt à Tibi, que se déroule ce récit haut en couleur. Derniers survivants d’une race en voie d’extinction, c’est en tant que dignes héritiers de ces anciens coureurs des bois que les principaux protagonistes décrits dans ce livre se réunissaient chaque automne pour vivre pleinement leur passion. Sous les auspices de Papakassik, le maître des animaux et dieu de la chasse des Innus, Chef Petit Bob, Chaman Gros Mammouth, Grand Lulu et leurs acolytes formaient un clan de chasseurs qui parcouraient les grands espaces pour se lancer à l’aventure et contrer la terrible routine de leur quotidien de citadins. Ripailleurs, fêtards invétérés, machos hâbleurs, gueulards, moqueurs, c’est à travers leurs manifestations de virilité et leur pudeur toute masculine que transparaissait la profondeur de leur amitié. C’est par ce rêve commun d’un trophée ultime, par ce désir de ramener un orignal à la maison, que se sont forgés des liens fraternels plus forts que la vie, capables de résonner au-delà même de la mort. Au son des rires et des jurons, au rythme de la poésie des mots agrémentée des voix bourrues nimbées de regards de bienveillance, vous serez témoin de l’épopée des derniers seigneurs de l’automne. 
LangueFrançais
Date de sortie2 mai 2024
ISBN9782925371380
Les DERNIERS SEIGNEURS DE L'AUTOMNE
Auteur

Martin Chaput

Historien, Martin Chaput signe ici son deuxième roman. Il a auparavant écrit Dieppe, ma prison: récit guerre de Jacques Nadeau, publié par les éditions Athéna. Grand voyageur épris d'aventures, il parcourt le globe, à la recherche d'émotions fortes qui sont l'essence même de son inspiration littéraire. L'écriture étant l’une de ses grandes passions, il la partage donc ici avec vous.

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    Aperçu du livre

    Les DERNIERS SEIGNEURS DE L'AUTOMNE - Martin Chaput

    cover.jpg

    Table des matières

    Préface

    Présentation

    Prologue

    Chapitre I

    Chapitre II

    Chapitre III

    Chapitre IV

    Chapitre V

    Chapitre VI

    Chapitre VII

    Chapitre VIII

    Chapitre IX

    Chapitre X

    Chapitre XI

    Épilogue

    Annexe 1

    Les derniers seigneurs de l’automne

    Martin Chaput

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    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre‑: Les derniers seigneurs de l'automne / Martin Chaput.

    Noms‑: Chaput, Martin, 1969- auteur.

    Identifiants‑: Canadiana (livre imprimé) 20230080545 | Canadiana (livre numérique)

    20230080553 | ISBN 9782925371366 (couverture souple) | ISBN 9782925371373 (PDF)

    | ISBN 9782925371380 (EPUB)

    Classification‑: LCC PS8605.H365835 D47 2024 | CDD C843/.6— dc23

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition.

    img2.png

    Conception graphique de la couverture‑: Nathalie Daigle

    Illustration‑: Requin Blond

    Direction rédaction‑: Marie-Louise Legault

    ©  Martin Chaput, 2024 

    Dépôt légal  – 2024

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait de ce livre, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.

    Imprimé et relié au Canada

    1re impression, avril 2024

    Remerciements

    En hommage à tous ces chasseurs et pêcheurs qui m’ont accompagné dans cette extraordinaire aventure. Ce sont eux qui m’ont inspiré ce récit. Mais j’aimerais plus spécialement dédier ces pages aux deux chevaliers O’Keefe (tel était leur surnom), membres de la Sainte Trinité, soit‑: Robert Chef Petit Bob et Gilles Chaman Gros Mammouth, avec qui j’ai partagé plus de quinze ans d’odyssée magique.

    Préface

    Nos excursions de chasse sont de bons souvenirs passés entre frères et amis. Souvent dans des conditions difficiles ; la pluie, le vent, la neige et les bris de la remorque qui servait à transporter notre équipement.

    Malgré les inconvénients, ce sont des instants précieux que je ne voudrais oublier pour rien au monde. Si c’était à refaire, je n’y changerais rien. Quelquefois, quand j’y pense, je m’ennuie de tout ce bon temps passé avec mes frères, mais rapidement, je souris en pensant à ces jours remplis de sueur, de rires et de sacres !

    Nous attendions avec impatience ces heureux jours d’automne où nous pouvions nous réunir pour relaxer, loin du quotidien et prendre la route pour un séjour entre hommes.

    -Le Vétéran

    L'Abitibi... J'attendais et préparais ça plusieurs semaines à l'avance. C'était une semaine de plaisir dans le bois avec mes beaux-frères et mon neveu. Pour moi, c'était la pêche avec Bébé Rouquin, aider les autres beaux-frères à ouvrir leurs trails de chasse, monter la chaloupe du Chaman et la tranquillité du lac. Tous couchés dans une grosse tente style armée, on se levait parfois avec d'la neige partout !

    L'Abitibi, c'était du gros plaisir entre gars. La route avec Bébé Rouquin, monter le shack à notre arrivée, préparer nos soupers tous ensemble avec Ti-Bob et le Chaman. Le soir, prendre un coup, nous raconter des histoires, nous faire des mauvais coups. On avait ben du fun. Le samedi, quand Martin et Roof top arrivaient, ont se payait une soirée, pis c'était toute une soirée ! Gros souper fondue ou autre et toutes les sortes d'alcool possible. Le dimanche, Bébé Rouquin et moi on reprenait la route.

    La chasse en Abitibi, c'était être avec mes beaux-frères, avec mes chums, pis avoir du plaisir à être ensemble ! 

    -Caca Ours

    Je suis celui que l’on surnomme Grand-Lulu. Mon neveu et grand ami Orignal Dundee m’a demandé d’écrire quelques mots pour exprimer mes sentiments envers le groupe que nous formions.

    Nous n’étions pas juste une famille et des amis ; nous étions tous des frères, avec nos joies et nos peines, que nous combattions tous ensemble.

    Pour terminer, je remercie Orignal Dundee de m’avoir donné l’opportunité d’écrire ces quelques mots.

    Merci mon grand chum Mart.

    Bonne lecture à tous. 

    Guy Chaput

    Avertissement‑:

    Âmes sensibles

    et petits lapins facilement offensés,

    s’abstenir de lire ceci.

    Présentation

    C’est à l’aube de mes vingt ans, alors que je commençais tout juste à pratiquer ce sport millénaire qu’est la chasse, qu’obnubilé par la magie de l’aventure, j’ai pensé à écrire cet ouvrage. L’idée s’est accentuée par la suite, plus précisément après cette fameuse expédition de 1992. Ce récit est toutefois resté en gestation durant de longues années, comme une envie latente, caché à un endroit profond, entre le cœur et l’âme, enseveli entre autres sous la tristesse engendrée par la perte de mon paternel.

    Au fil du temps, ce malaise s’est accentué avec la disparition de la majorité de mes compagnons d’aventure. Mais je savais que malgré tout, les mots me viendraient un jour. Ne manquait plus qu’à savoir quand. Au printemps 2023, un incident survenu lors du lancement de mon livre sur le fort de Chambly allait allumer la flamme. Parmi les invités se trouvaient deux des trois chasseurs toujours en vie qui ont appartenu à la vieille confrérie. C’est avec un immense plaisir que je les ai revus et que j’ai constaté que les liens tissés lors de nos odyssées au cœur de la forêt laurentienne étaient toujours bien présents.

    En souvenir du bon vieux temps et conformément à un rituel établi lors de nos chasses, j’ai sorti mon vieux flacon en argent rempli d’un scotch écossais de qualité pour porter notre fameux toast des mercenaires. Caca Ours, toujours aussi solide malgré ses soixante-dix ans bien sonnés, a bu une gorgée et est demeuré stoïque, exactement comme il avait l’habitude de le faire à l’époque. Pour ce qui est de Grand Lulu, je me souvenais des grimaces qu’il faisait certains soirs lorsque nous nous abandonnions à ce rituel. Je m’attendais donc à une réaction plutôt amusante. Toujours aussi longitudinal, mon oncle affichait un faciès quelque peu amaigri, lui qui se remettait d’une grave maladie. Mais ce n’était rien pour l’empêcher de respecter cet ancien protocole en l’honneur des dieux de la chasse et de nos compagnons disparus. Il a bu une gorgée à son tour, puis s’est étouffé pendant que son visage prenait une teinte vermeille. Le voyant respirer avec difficulté, je l’ai suivi jusqu’à son siège en me maudissant silencieusement et en me demandant si je ne venais pas de tuer mon oncle.

    Après quelques grandes respirations, il a repris des couleurs et m’a dit d’une voix faible que depuis sa maladie, il ne buvait plus, hormis du vin à l’occasion. Voilà qui contrastait grandement avec nos fins de soirée arrosée lors de nos chasses automnales. Ensuite, il m’a souri pour me signifier que tout allait bien. Cet incident m’a toutefois quelque peu chamboulé, tout comme le fait de revoir mes deux compagnons avait intensifié ce sentiment de bonheur que je ressens à chacun de mes lancements.

    De retour à la maison, j’ai pensé aux membres encore vivants de ma confrérie ; au Vétéran, qui toujours aussi effacé, ne s’était pas présenté à mon lacement, bien qu’il m’eût transmis ses félicitations, à Caca ours, ce gentleman-farmer, solide comme un roc et sympathique comme pas deux, et bien sûr, à Grand Lulu, avec qui j’ai partagé de merveilleuses années au royaume de la Bittt à tibi. Je me suis dit que ce fameux livre auquel je songeais depuis plus de trois décennies, ce serait bien de l’écrire de leur vivant, histoire de m’offrir une autre grande célébration avec eux, comme nous le faisions dans le temps, entre camarades.

    J’ai évidemment pensé aux chasseurs disparus, à mon père qui était aussi mon meilleur ami, à mon oncle, le fameux Chaman, à Stuff, mon frère de cœur, ainsi qu’à tous les autres. Je voyais leurs visages, j’entendais leurs rires. Le souvenir de mes compagnons disparus allait devenir l’essence même de mon inspiration. Je me suis donc assis devant mon ordinateur portable, j’ai ouvert un document Word et les mots ont littéralement déferlé. Comme si je venais d’ouvrir une vanne, ou briser un barrage, le flot de mes idées débordait. Je créais des phrases, puis des paragraphes, des pages et des chapitres. J’étais possédé par une rage d’écriture, laquelle exprimait cette envie de vivre qui imprégnait mon récit, retenu en moi depuis trop longtemps. Mon livre s’est écrit en trois mois, et bien que je sois reconnu pour avoir un premier jet assez rapide, jamais je n’ai si promptement raconté une histoire.

    Au-delà de cet hommage à mes anciens compagnons, j’honore ce style de vie typiquement masculin qu’est celui de la chasse, et ce, à l’encontre des sensibleries modernes exprimées par certains adeptes de la cancel culture qui manipulent l’opinion publique tant par l’hypocrisie que par la victimisation. Bien évidemment, au cours des dernières décennies, cette pratique transformée en loisir n’est plus l’apanage d’un unique genre et les femmes y ont trouvé leur place tout autant que nous.

    Cependant, la chasse, dont les premières traces remontent à des centaines de milliers d’années, soit à l’époque de l’homme du Néandertal, reste depuis ces temps immémoriaux l’affaire des hommes. Outre pour assurer la subsistance de l’humain, on usait de cette pratique pour procéder à une initiation, un rituel, souvent pour marquer le passage à l’âge adulte. De plus, l’efficacité d’un chasseur influençait son positionnement social au sein de son clan. Même si ces explications semblent définir une époque archaïque et révolue, mes dix-sept ans d’expérience dans le domaine de la chasse à l’orignal m’ont permis de constater que cette description prévaut toujours.

    La pratique de la chasse reste formatrice. C’est une façon de développer des aptitudes sociales, de transmettre du savoir, des histoires mythiques et des légendes. Mais au sein de notre groupe, et assurément de bien d’autres, la chasse constituait un prétexte pour nous retrouver entre hommes qui partageaient un but commun, soit la capture d’un gibier extraordinaire. C’est toujours avec impatience que nous attendions l’arrivée de l’automne, saison qui marquait le début de cette aventure magique dont le but consistait à nous sortir de la routine du quotidien. Cette magie s’exprimait par nos petits rituels, nos célébrations arrosées et surtout, la franche camaraderie qui définissait notre confrérie. Il va de soi que la réunion d’une gang d’hommes hyper machos de l’âge des tavernes, arme à l’épaule et bière à la main, pourrait être aisément perçue comme une expression de ce patriarcat toxique tant décrié. Cette vision de plus en plus véhiculée est peut-être une autre raison pour laquelle j’ai écrit ce roman aussi rapidement. J’avais besoin d’exprimer mon opposition face à ces absurdités, ne serait-ce que pour tenter de mettre les pendules à l’heure. Tout patriarcat n’est pas toxique. Il est quand même indéniable que cette toxicité existe, et qu’elle s’exprime autant par le mépris et la stupidité, que par l’ignorance.

    Ces dernières caractéristiques définissent également un certain type de matriarcat lié au néo-féminisme et dans les deux cas, ces visions mesquines demeurent socialement dommageables. Pour ma part, j’ai illustré dans ces pages l’expression d’un patriarcat suranné, mais qui n’était pas un mal pour autant. Or, loin d’être à la mode, ce patriarcat est empreint de cette virilité de testostérone inhibitrice d’émotions. Plus que cette façade de mâles orgueilleux et inatteignables, nos jurons et de nos railleries cachaient une grande tendresse, un amour indéfinissable que nous avions l’un pour l’autre et qui s’exprimait difficilement pour le type d’hommes que nous étions. 

    Si cette mise au point sur le patriarcat représente l’une des raisons morales qui m’ont mené inconsciemment à accélérer mon processus d’écriture, j’ai aussi bénéficié de l’aide de plusieurs médiums qui ont su stimuler ma mémoire quelques fois déficiente.

    Bien en vue sur les murs de mon bureau sont accrochés les trophées que mon père et moi avons récoltés au cours de nos chasses automnales. J’ai aussi aménagé ce qui ressemble à un petit autel mémoriel, en hommage à mon père, sur lequel j’ai déposé les items qui lui ont servi lors de nos parties de chasse. Il y a là sa boussole, ses couteaux, son jeu de Crible avec lequel il gagnait toutes les parties, et son baromètre qui nous aidait à prédire la température.

    Tous ces items, pareils à de saintes reliques, peuplent mon quotidien depuis des décennies et ont su garder une partie de mes souvenirs bien vivante. J’ai de nombreuses photos où certains moments extraordinaires ont pu être immortalisés. Aussi, à partir des années 90, nous avions pu, grâce à mon oncle Roof Top, bénéficier d’une caméra vidéo qui nous a permis d’enregistrer pour la postérité plusieurs de nos aventures. Ces scènes quotidiennes de nos parties de chasse, plus souvent filmées par moi, ont ajouté moult détails au récit, tant au niveau des anecdotes que des émotions. Toutefois, j’ai pu constater que certains épisodes ont été censurés par le paternel, entre autres certaines célébrations en l’honneur de Bacchus. Celles-ci frôlaient le délire des Bacchanales romaines ! Si je me fie à mes souvenirs, c’est peut-être mieux ainsi.

    Sur le plan personnel, j’ai aussi écrit des textes sur les réflexions que j’ai eues lors des dernières années, tant sur la chasse que sur ma vie en général. Enfin, il y a aussi ce que j’appelle les livres de bord, qui relatent les différents événements survenus lors de nos expéditions. J’ai trouvé des photocopies du livre de bord de mon paternel, dans lequel sont racontées les péripéties vécues avec son premier groupe de chasse. Ce journal décrit les années comprises entre 1972 et 1979, et a été rédigé par son partenaire de chasse avec qui il a vécu ses premières expériences au cœur de la Bittt à tibi. Ainsi, je tiens à remercier Pierre Séguin, qui m’a offert un regard privilégié sur cette période grâce aux nombreuses informations qu’il m’a fournies. Mon père a lui aussi tenté de tenir un journal, mais ne l’a fait qu’en 1976. N’étant pas un homme de lettres, le style est assez dépouillé et les seuls détails un peu croustillants qu’on y trouve traitent de ses pratiques sexuelles avec ma mère, détails dont je vous ai dispensés.

    L’outil qui m’a le plus servi fut le livre de bord de notre groupe tenu par mon oncle le Chaman et par Grand Lulu. L’essentiel de ce document couvre les années 1980 à 2004. Il était en possession de la fille du Chaman, ma gentille cousine Annick qui ma gracieusement prêté les deux cahiers, même si elle conserve les écrits de son père aussi précieusement qu’une Bible familiale. Le Chaman, qui n’était pas plus écrivain que mon paternel, a rédigé un texte très anecdotique au style aride, presque désertique. Le tout se résume souvent à l’heure de réveil et de coucher, la température, et l’endroit où chaque chasseur allait se positionner pour la journée. Cependant, le Chaman donnait occasionnellement des détails assez précis et dénué de toute pudeur, notamment lorsqu’il nous dit qu’il a été faire sa crotte. Il y a aussi quelques moments touchants, comme en 1983, quand le groupe de la première semaine avait quitté les lieux en compagnie de son fils Stuff, ce qui le laissait seul avec mon paternel. Mon oncle, qui s’était rendu dans la cache de son rejeton, avait remarqué que ce dernier y avait laissé une croix en bois qu’il avait sculptée dans une branche d’arbre. Gagné par la mélancolie, il a avoué avoir pleuré.

    Cet écrivain en herbe habituellement avare de détails laissait parfois aller sa plume pour raconter de petits événements anodins qui avaient sans doute eu une grande importance pour lui. D’abord, l’admiration du Chaman pour son frère Ti Bob transparaît dans plusieurs passages. Au cours des années, ma complicité avec le Chaman s’était grandement développée. Ainsi, je suis le seul, hormis le paternel, dont il rapporte les propos dans son journal. Il y était question, entre autres, d’une soirée où nous avions discuté de hockey jusqu’à tard dans la nuit pendant que nos compagnons dormaient. Un moment précieux.

    Enfin, j’ai aussi des caricatures réalisées sur place tout au long des années, parfois dans ma cache, sous la pluie, ou lors de tempêtes de neige. Ces documents iconographiques illustrent le quotidien de nos parties de chasse de manière humoristique et les sujets qu’ils évoquent n’ont rien à voir avec la philosophie ou nos goûts pour la décoration intérieure. Il n’est pas non plus question de la composition de nos bacs à fleurs. Ces caricatures sont une parfaite représentation de ce que nous étions au tréfonds des bois, soit des hommes sortis tout droit l’âge des tavernes. Je n’y ai mis aucun filtre ni aucune censure. Les scènes sont parfois crues, voire vulgaires, de même qu’elles font montre de dérision, de sexualité perverse et d’absurdité. Elles sont à la limite du bon goût et de la bienséance (sans compter les fautes d’orthographe). Âmes sensibles s’abstenir ! Et pour ceux qui sont aisément offensables, il serait peut-être mieux de passer outre les annexes. 

    Tous ces documents ont fait ressurgir de nombreux et lointains souvenirs qui m’ont fait revivre toute une gamme d’émotions, de la tristesse à la mélancolie, en passant par la joie. Au cœur de toutes ces expériences qui sont revenues en moi, je me suis souvenu plus clairement de cette proximité et de cet amour inconditionnel que j’ai ressentis pour le Chef Petit Bob, de cette amitié fraternelle avec Stuff, et de cette complicité avec le Chaman. Tout cela nous a permis de partager une amusante folie. Avec le recul, et à la lumière de tout ce mémorial, j’ai compris jusqu’à quel point j’ai été privilégié de vivre ces moments avec les membres de la confrérie des derniers seigneurs de l’automne, avec Roof Top, Grand Lulu et tous les autres. À leur contact, je crois être devenu une meilleure personne. Pour cette raison, et pour tous les souvenirs impérissables qu’ils m’ont laissés, je leur serai éternellement reconnaissant.

    Un merci spécial, pour un support indéfectible, à Ghislaine Chaput, la matriarche, à Marlène Hinton, ma petite Blondinette, et à Cédroc Filiatrault, le tueur de monstres. 

    Prologue

    Pour une dernière fois, avant de m’en aller

    J’aimerais connaître encore

    Les mots que tu murmures

    Quand t’as les yeux fermés

    Quand t’as les yeux fermés

    -Gerry Boulet

    La dernière chasse

    J’étais parti tardivement ; trop, en fait, pour un aussi long voyage. J’avais été retenu jusqu’en fin de matinée par la chaleur d’un corps parfumé et rehaussé d’une volumineuse protubérance mammaire. Ce moment d’extase n’était pas à dédaigner, surtout avant de partir pour une semaine au cœur de la nature sauvage de la Bittt à tibi.

    Ne voulant pas arriver à destination au début de la nuit, de peur de créer un stress inutile au paternel, je me suis servi de l’autoroute du Nord comme on se sert d’une piste de course pour rattraper le temps perdu. Le véhicule a survécu sans problème à cette maltraitance. Faut dire qu’il appartenait à mon père et que ce dernier avait l’habitude de brutaliser son camion. La musique à fond, j’ai roulé à tombeau ouvert pendant des heures, jusqu’à ce que j’arrive sur le chemin de terre battue qui marquait l’entrée dans la Zec et le début de ma partie de chasse. Je me suis arrêté aux abords de la route pour aller préparer mes armes à l’arrière du camion et être prêt pour la pétarade.

    Par la suite, j’ai emprunté le chemin de la mine Chimo. Je roulais à basse vitesse, à l’affut de tout gibier susceptible de traverser ma route. C’était là que mes vacances commençaient, et dès lors, je jouissais de chaque seconde qui passait. J’appréhendais toutefois quelque peu mon arrivée au campement puisque j’avais une mauvaise nouvelle à annoncer. Mon cousin Stuff, qui devait m’accompagner, s’était désisté la veille en raison de problèmes survenus au travail. J’arrivais donc seul.

    C’était l’année des grands absents, car le Chaman, qui était le compagnon de chasse de mon père depuis près d’un quart de siècle, et le mien pendant quinze ans, était retenu en ville par de vives douleurs à la jambe provoquées, semble-t-il, par des artères bloquées. Ce problème de santé durait déjà depuis quelques années, ce qui avait rendu les dernières expéditions de chasse de mon oncle assez pénibles. Son désistement brisait notre étroite complicité. Celle-ci était si forte, que j’en étais venu à nous cataloguer de Sainte Trinité. Je savais déjà qu’il nous manquerait. Je me doutais bien qu’avec l’absence de son fils Stuff, qui s’ajoutait à la sienne, le Chef Petit Bob ne serait pas très content.

    Je suis arrivé à la brunante dans une petite clairière près du lac Graincourt. Située à côté du grand chemin, elle nous servait de stationnement. Lorsque je suis sorti du véhicule, deux chasseurs sont apparus dans l’embouchure du sentier. Deux frères qui étaient presque des copies conformes. J’ai reconnu sans mal le longitudinal Grand Lulu, qui n’avait que quelques centimètres de plus que Petit Bob, lui-même assez imposant du haut de son un mètre quatre-vingts et quelques. Voyant que j’étais seul, ce dernier me fixa d’abord avec un regard étonné, puis empreint de colère. Il m’interpella exactement comme je m’y attendais.

    — T’es pas sérieux, là, tabarnak !

    Il a répété cette phrase plusieurs fois avant de me faire l’accolade. Je n’ai pas eu à en dire plus pour expliquer l’absence de Stuff. Bien qu’abattus par cette triste nouvelle, mes deux compagnons, tout en m’aidant à sortir les provisions du camion, m’ont tout de même raconté leur première semaine de chasse. Non seulement les choses ne s’étaient pas très bien déroulées, mais de plus, la pluie qui était tombée presque chaque jour. Grand Lulu s’était blessé au dos en travaillant sur le sentier qui menait au campement et le quatre roues ne fonctionnait plus. Marchant sur le petit chemin, je pouvais voir que le moral de mes deux compères n’était pas très élevé. Je les ai donc complimentés sur la qualité de leur travail de voirie, eux qui avaient agrandi le sentier, en leur disant qu’ils possédaient autant de talent que ceux qui avaient bâti les voies romaines. Mais je n’ai eu droit à aucune réaction.

    Puis je suis arrivé face au large pont en bois d’une quinzaine de mètres, fait de billots et de planches, surplombé d’un panneau sur lequel on avait inscrit‑: pont Paco. Paco était le surnom du frère de Grand Lulu et Chef Petit Bob. Il était décédé depuis déjà quelques années. On avait donné son nom à notre club de chasse, même si ce genre de confrérie avait été banni depuis les années soixante-dix. Le fait d’identifier notre groupe et le pont à Paco, qui était déjà venu un été pour nous aider à aménager le site, nous permettait de l’honorer à notre manière et de le garder vivant dans nos esprits.

    Comme toujours, je me suis arrêté au milieu de la passerelle pour profiter de la vue. D’un côté, il y avait de petites chutes qui s’écoulaient en cascade à travers les rochers et de l’autre, le ruisseau qui serpentait vers le lac. Tout autour, on pouvait voir de hautes herbes tapissées de feuilles mortes multicolores. Le genre de vision du paradis qui mène toujours à la contemplation. Mais en voyant le paternel fixer le néant d’un air maussade, j’ai compris que la contemplation ne mène pas toujours à des pensées agréables. J’ai donc dû recourir à une tactique quelque peu radicale pour chasser son abattement. Sachant pertinemment à quel point il était chatouilleux quand on blaguait sur sa consommation d’alcool, je lui ai lancé moqueusement‑:

    — Ce qui aurait pu être pire que de perdre un chasseur, c’est si j’avais oublié d’apporter tes vingt-quatre caisses de 24.

    Grand Lulu s’esclaffa et mon père fit une grimace qui en d’autres circonstances, aurait pu ressembler à un rictus.

    — Va chier, ti-gars ! riposta-t-il d’un souffle à peine perceptible.

    Puis avec un peu plus enthousiasmes, nous sommes repartis sur le chemin. À la sortie du pont, nous avons emprunté la pente qui menait à notre campement établi sur la colline. Tout en marchant, je n’ai pu m’empêcher de sourire, toujours aussi amusé de me faire appeler ti-gars, moi qui faisais pourtant presque deux fois la largeur du paternel. Avec mes cent kilos, j’étais pas mal plus lourd que lui. Mais

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