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MYSTERIEUSE EGYPTE: CARNET DE VOYAGE D'UN AVENTURIER MAL ÉLEVÉ
MYSTERIEUSE EGYPTE: CARNET DE VOYAGE D'UN AVENTURIER MAL ÉLEVÉ
MYSTERIEUSE EGYPTE: CARNET DE VOYAGE D'UN AVENTURIER MAL ÉLEVÉ
Livre électronique486 pages7 heures

MYSTERIEUSE EGYPTE: CARNET DE VOYAGE D'UN AVENTURIER MAL ÉLEVÉ

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À propos de ce livre électronique

Une aventure au cœur des vestiges historiques de l’Égypte

Un homme part aux confins du monde pour s’efforcer d’accepter le deuil d’un proche. Malgré un ton parfois brutal, le tout se transforme en une aura poétique, mêlée à un humour irrévérencieux. Tout au long d’un itinéraire parcouru hors des sentiers touristiques, nous suivons le personnage, qui bien que férocement troublé, entreprend une quête de paix intérieure. À travers le décor funéraire et mystérieux de l’Égypte antique, ses tribulations, jumelées aux différences culturelles d’un peuple étranger, le conduiront à tenter de trouver un sens à la vie… et à la mort.
LangueFrançais
Date de sortie11 juin 2020
ISBN9782925049142
MYSTERIEUSE EGYPTE: CARNET DE VOYAGE D'UN AVENTURIER MAL ÉLEVÉ
Auteur

Martin Chaput

Historien, Martin Chaput signe ici son deuxième roman. Il a auparavant écrit Dieppe, ma prison: récit guerre de Jacques Nadeau, publié par les éditions Athéna. Grand voyageur épris d'aventures, il parcourt le globe, à la recherche d'émotions fortes qui sont l'essence même de son inspiration littéraire. L'écriture étant l’une de ses grandes passions, il la partage donc ici avec vous.

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    Aperçu du livre

    MYSTERIEUSE EGYPTE - Martin Chaput

    Table des matières

    Remerciements 13

    Départ 15

    Le Caire 21

    Enfin le désert 30

    Chez les Bédouins 34

    Bawiti pharaonique 41

    Check point et bière 48

    Al-Qasr 56

    Visite au Moyen-âge 63

    Des dieux et des hommes 70

    Tombeaux et zombies 80

    Cadavres et momies 89

    Nuit du désert 97

    Retour au royaume des morts 103

    Ruines 108

    Entre offrande et bénédiction 114

    Civilisation 123

    Entre amis 127

    Abou Simbel 137

    Entre guide et police 149

    Merveilleuse Philae 158

    Hôtel Marsam 170

    Exit Mr. Fox 177

    Délirium 183

    Joyeux Noël 191

    Temple du désert 198

    Féminisme d’Hatchepsout 206

    Les miséreux de Deir El-Médineh 216

    Thèbes l’antique 226

    Entre extraterrestre et brigands 239

    La vie à pile ou face 249

    Un aventurier mal élevé à la Vallée des rois 263

    Amis de Marsam 279

    Le jour le plus long 287

    On the road again 304

    Marchands et merveilles 312

    Un aventurier mal élevé aux pyramides 324

    Explosion 336

    Épilogue 351

    Carnet de voyage d’un aventurier mal élevé

    Mystérieuse Égypte

    Martin Chaput

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Titre: Carnet de voyage d'un aventurier mal élevé: mystérieuse Égypte / Martin Chaput.

    Autres titres: Mystérieuse Égypte

    Noms: Chaput, Martin, 1969- auteur.

    Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190040335 | Canadiana (livre numérique) 20190040343 | ISBN 9782925049128 (couverture souple) | ISBN 9782925049135 (PDF) | ISBN 9782925049142 (EPUB)

    Classification: LCC PS8605.H365835 C37 2020 | CDD C843/.6—dc23

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition.

    Conception graphique de la couverture: Martin Chaput

    Direction rédaction: Marie-Louise Legault

    ©  Chaput, Martin 2020

    Dépôt légal  – 2020

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait de ce livre, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.

    Imprimé et relié au Canada

    1re impression, mai 2020

    Avis de l’éditeur: le langage utilisé et les opinions exprimées dans cet ouvrage ne reflètent pas ceux qui sont prônés par la maison d’édition, mais uniquement par l’auteur. Excusez-le.

    Hier au carrefour, j’ai vu Pousse-Le-Vent,

    le gueux sans feu, ni lieu, buveur de continents.

    Il lisait l’écriteau où sont marqués tous les pays.

    Et il hochait la tête disant: le mien n’est pas écrit.

    Félix Leclerc

    En hommage à ma Mom,

    et à sa sauce à spaghetti

    Remerciements

    Parce que j’aime me répéter et surtout, parce que je veux mettre l’emphase sur un remerciement en particulier, soit celui qui s’adresse à Ghislaine Chaput, ma Mom. Et à tout seigneur, tout honneur, merci à Éric Coulombe, mon ami pompier, qui m’a donné l’idée de réaliser ce projet en m’y poussant avec le même enthousiasme dont il fait preuve lorsqu’il a un feu à éteindre.

    Encore et toujours, merci à Cédric Filiatrault, mon premier lecteur. Merci à Sue Hélène Young, Karl Olivier et Ariane Lévesque pour m’avoir donné une idée de ce qu’est l’amour filial. Un salut spécial à ma déesse, Isabelle Tétrault, pour son appui et son encouragement sans condition dans un des moments chaotiques de ma vie, des moments comme moi seul sait les créer et qui a coïncidé avec la fin de ce projet. Merci aussi à Joël le prof Caron, ce génie méconnu, qui par sa clairvoyance, m’a amené à jeter un regard neuf sur ce qui apparaît pourtant comme une évidence.

    Je m’en voudrais d’oublier certains de mes amis qui m’ont soutenu dans plusieurs de mes aventures, notamment celle que j’ai vécue en Égypte, soit Josée Coté, Kim Vanden Abeele, Rudy Provencher, Neil Damackine, Alex Poulin, ma sœur Brigitte que j’adore, ainsi que le seul, unique et inimitable Clown, Sylvain Mouthier. Merci aussi à Andrei Panaitescu pour sa précieuse aide en ce qui concerne la création de  mon site internet.

    Pour ce qui est de cette influence qui a conduit au développement de mon âme d’aventurier, je ne peux que remercier haut et fort tous mes compagnons de chasse, qui par leur présence, ont fait de certaines de nos escapades dans le nord québécois des moments épiques qui m’ont inspiré de maintes façons, au point de transpirer jusque dans ce récit. Un merci particulier, aussi, à ces aventuriers partis trop tôt: Michel Paco Chaput, Réal Roof top Chaput, Mario Bébé rouquin Chaput et Jean Chaput. Merci à ceux qui sont toujours là et que je ne vois malheureusement pas assez, dont Jacques Le vétéran Chaput, Guy Grand lulu Chaput et Serge Caca ours Lepage.

    Un gros merci à mon cousin, mon ami que j’aime comme un frère, et plus, même, Stéphane Stuff Chaput, qui a été de près ou de loin de toutes mes aventures, du sombre royaume de Ravenloft aux profondes forêts d’Abitibi, en passant par le désert Égyptien, et ce, sans oublier nos virées dans quelques bars des plus miteux. Enfin, un hommage spécial à nos deux vieux chasseurs qui nous attendent sur leur nuage en sirotant une bonne O’Keefe. En souvenir de Gilles Chaput, alias le Chaman gros mammouth, avec qui j’ai partagé des aventures incroyables et qui a toujours ri de bon cœur de mes blagues quelques fois douteuses, même celles que j’ai faites à ses dépens. Et un immense merci à Robert Chaput, le Chef petit Bob, mon père, mon meilleur ami; celui qui m’a inspiré ce livre.

    Pour me contacter ou pour tout commentaire, rendez vous à: https://martinchaputauteur.com/

    Départ

    C’était un certain mois de décembre des années 2000, à la fin d’un automne difficile, étant donné la perte de mon meilleur ami, décédé suite à un long combat contre une implacable maladie. La tête dans la noirceur, l’esprit embrumé par la tristesse, je me cherchais une destination où je pourrais me libérer d’une partie de ma colère et de mon amertume. Genre voyage d’aventure extrême où j’aurais l’occasion de mettre joyeusement, un pays à feu et à sang. L’Égypte m’avait semblé le choix idéal. Non pas pour ses vestiges pharaoniques, mais bien parce que le site de voyage du gouvernement fédéral recommandait d’éviter toute visite non essentielle là-bas, en raison du caractère imprévisible des conditions de sécurité. C’était une irrésistible invitation au voyage. My kind of shit, let’s go bitch.

    La veille du périple, les préparations avaient davantage ressemblé au rituel d’un kamikaze{1} avant son ultime mission qu’au départ d’un touriste. J’avais d’abord fait mes adieux à ma sœur et à ma mère. Ce fut un tantinet difficile, l’inquiétude et le chagrin présents dans leurs regards ayant rendu la séparation douloureuse. Ensuite, je suis allé voir mon vieil ami le Clown à sa maison-atelier pour tenter de me rendre un peu plus zen avant mon aventure. Coiffeur de métier, mais artiste sculpteur d’âme et de cœur, ce type était un personnage original, au rire tonitruant et à la chevelure abondante. Aussi disjoncté de la société que moi, on se rejoignait dans notre dysfonctionnement. Si je me spécialisais dans l’art de la guerre, lui était plutôt expert horticulteur de plantation illégale. De ce fait, tel un hippie de l’ancienne génération, il était un adepte des visions psychédéliques et des substances qui pouvaient le mener dans des transes de création. Nous avons passé l’après-midi entourés des représentations méphistophéliques de son monde délirant sorti de sa vision d’artiste incompris. Il y avait ses figurines d’extraterrestres, et aussi, ses démons qui répondaient à des noms aussi originaux que Hurle, Viky-Thor et Hashmurg. Pendant que nous fumions un gros pétard, histoire de déguster les fruits de ses plantations secrètes, il s’est mis à tambouriner sur un tam-tam africain, donnant ainsi à ma visite une dimension de rituel de protection chamanique. Ayant pris conscience de mon état d’esprit plutôt chaotique, il se fit prophète en affirmant qu’avant la fin de mon voyage, je me retrouverais probablement dans une prison égyptienne ou à la tête d’un nouveau groupe terroriste. Face aux conclusions de ses oracles, ma seule réaction fut de hausser nonchalamment les épaules. Enfin, c’est avec une chaleureuse accolade que nous nous sommes séparés, l’incertitude du destin devant l’évidence des dangers auxquels je serais confronté nous ayant rendus plus émotifs.  De là, je suis parti en direction de chez moi pour rédiger mon testament. Puis après une nuit blanche à fixer la noirceur du soir, j’ai décidé de me raser le crâne avec une lame. Je me suis débarrassé de ma tignasse, jetant par longues mèches cette coiffure de freak trash métal qui me recouvrait la tête depuis les lointaines années de mon adolescence tourmentée. Pour le reste, peu de bagages, si ce n’est mon couteau de combat jeté dans le fond de mon sac avec ma boîte de condoms, qui allait s’avérer totalement inutile vu mon état d’esprit pitoyable, doublé d’une aptitude sociale devenue totalement inopérante. Ainsi, j’aurais eu plus de chance de m’accoupler avec un chameau qu’avec une femelle de mon espèce. Épuisé par plusieurs semaines d’insomnie, et avec un œil au beurre noir en prime, cadeau de départ de mon frère d’armes Rudy suite à un combat d’entraînement au gym privé des Rouges et Blancs{2}, j’étais prêt pour ce qui deviendrait une de mes plus incroyables et dangereuses aventures.

    J’ai retrouvé mon bon ami Alex au gymnase pour lequel nous travaillions tous deux, et après quelques secondes d’hésitation, le temps qu’il me reconnaisse avec mon nouveau look, il vint me reconduire à l’aéroport.

    Le voyage fut très long, notamment à cause des sombres pensées qui hantaient mon esprit. Je ne pouvais me sortir de la tête le regard de mon meilleur ami. Un regard de souffrance auquel j’avais été confronté les dernières semaines de son agonie, tout en étant incapable de le soulager de ses tourments. La maladie l’avait ravagé comme un bourreau sadique et sans pitié, agissant de manière insidieuse en lui et volant jour après jour ses dernières forces et ses derniers espoirs. Étonnamment, son mal avait un effet semblable sur moi, car au fur et à mesure que la vie s’échappait de lui, il en était de même pour mes rêves et ma paix intérieure. Le tout s’était accentué après l’inévitable, et ce, même si un peu avant sa mort, mon cher ami avait eu la force de caractère, en être aimant qu’il fût, de dire qu’il serait toujours là pour la famille et pour moi. Mais ça ne m’avait guère aidé à accepter son départ. Même au moment où je traversais l’océan à dix mille pieds dans le ciel, je sentais encore que j’étais seul au monde. Seul avec ma rage et un incommensurable sentiment de vide, duquel découlait un étrange engourdissement émotionnel. J’étais profondément amer et jusqu’alors, je n’étais même pas parvenu à exprimer mon chagrin, tellement c’était trop vide à l’intérieur. En fait, l’avion aurait pu tomber à ce moment même, que je n’en aurais rien eu à crisser. Je me foutais à ce point de tout, que je m’étais scalpé la chevelure avant de partir, histoire d’avoir, pour l’aventure extrême qui m’attendait, une sorte de coiffure de guerre. On aurait pu me couper les couilles et je n’en aurais rien eu à foutre. Ouais, peut-être moins certain là-dessus, parce que des roubignoles, ce n’est pas comme des cheveux… ça ne repousse pas. À un certain moment, les haut-parleurs se sont mis à grésiller et le pilote nous a annoncé que nous arrivions à Zurich. C’était la seule escale avant ma destination finale et cette interruption devenait une trêve salutaire à ma torture intérieure. Après quelques heures d’attente, je me suis embarqué pour la dernière étape de mon périple. Là, surgit un détail particulièrement déconcertant: je semblais être le seul occidental dans l’avion. Déjà, à la porte d’embarquement j’avais assisté à une scène insolite: un Arabe qui priait à genoux en plein milieu de l’aéroport. Mais maintenant, c’était moi le blanchou qui ressortait du décor. Dès le début du vol, le sifflement des turbines fut rapidement couvert par les voix murmurantes de mes compagnons de cabine qui lisaient le Coran; j’étais déjà rendu dans un monde étranger. Bien que ce chant sonnât comme une curieuse litanie, il égayait tout de même les dernières heures de ce voyage interminable. Tournoyant autour de l’aéroport du Caire, j’ai pu voir, par le hublot, la forme triangulaire des fameuses pyramides, qui de haut, semblaient des plus minuscules. On aurait dit qu’elles avaient perdu une partie de leur aura de magnificence. Néanmoins, un semblant d’excitation électrifia momentanément ma carcasse… ma première émotion depuis des siècles. Arrivé sur la terre ferme, ce fut le véritable festival de la kalachnikov{3},,puisque j’ai dû passer et repasser une multitude de contrôles de sécurité, avec tous ces canons d’acier pointés sous le nez. J’étais étonné par toute cette hospitalité. Bienvenue en Égypte! Puis une affiche attira mon attention. Il y était écrit que la possession de drogue s’avérait punissable de mort. O.K., c’était donc évident que ce lieu n’était pas la place pour se rouler un gros Bob Marley.

    Aussitôt sorti de la zone de sécurité, je fus assailli par une marée humaine qui se colla sur moi comme une pute nympho en mal d’amour. C’était à ce point, que j’en étais limité dans mes mouvements. Dans un anglais aux accents gutturaux, on me proposait différents services, de prostituée exotique aux plus luxueuses suites. J’entendais les mots sans vraiment les comprendre, non sans être considérablement agacé par cette cacophonie dissonante et ces contacts humains désagréables. Du coup, j’ai eu envie de retourner dans la zone sécurisée pour emprunter une de ces jolies kalachnikov, connue sous l’intime diminutif d’Ak47, et de m’en servir pour me faire un chemin de cadavre jusqu’à la sortie. Y allant de généreuses poussées brutales et de get the fuck out of my way, je me suis échappé de cette congestion d’humanoïdes pour me rendre compte, après quelques pas, que j’étais suivi par un homme. Je lui ai donc fait face avec mon plus bel air meurtrier, tandis qu’il m’affrontait avec un sourire amical qui contrairement à ceux que j’avais vus précédemment, ne semblait pas être servi en raison de visées mercantiles. C’était un petit homme trapu, chauve et moustachu, habit cravate, qui disait s’appeler mister Mohamed. Il voulait juste m’accompagner pour empêcher toute cette nuée de moucherons de m’embêter dans l’aéroport. Bon, merveilleux! À peine arrivé, j’étais déjà tombé sur un proche parent du grand prophète Mohamed. J’ai haussé les épaules sans lui répondre, et il s’est mis à me suivre en engageant la conversation. Parlant un anglais correct, il me posait de nombreuses questions auxquelles je répondais par des monosyllabes. Lorsque je lui ai dit que je venais du Canada, il s’écria aussitôt:

    —Canada, Canada dry!

    Puis, comme s’il venait de faire la meilleure blague de sa vie, il s’est mis à rire à gorge déployée, en me donnant une tape amicale sur l’épaule. Passablement exaspéré, j’ai soupiré en me demandant dans quelle ostie de pays de mongols que je venais d’arriver. Mr. Mohamed m’accompagna jusqu’à la compagnie de location de voitures et lorsqu’il apprit que je n’avais pas encore réservé d’hôtel et qu’en plus, je prévoyais partir tout de suite pour le désert de Libye, il me regarda avec des yeux ébahis, un peu comme on regarde un simple d’esprit venant de proférer d’aberrantes insanités. Il m’apprit que ce désert était en partie infranchissable, vu la présence de nombreux postes militaires qui tentaient de sécuriser l’endroit face aux menaces des contrebandiers et des groupes terroristes. En fait, la seule façon d’avoir une chance de le franchir consistait, à la limite, d’obtenir un permis spécial du gouvernement et d’embaucher un guide qui connaissait la région. L’air un peu embêté, Mr. Mohamed me dit qu’il pouvait tout de même trouver quelqu’un pour m’aider, bien qu’il jugeait cette entreprise passablement dangereuse. En lui répondant que je n’étais pas un touriste, mais un aventurier qui se foutait pas mal des contrebandiers, des terroristes, des militaires et de leurs Ak47, je l’ai regardé intensément dans les yeux en essayant d’y déceler un soupçon de malice, voire de traîtrise. Mais tout ce que je voyais restait ce même visage sympathique au sourire chaleureux. Je lui ai donc demandé de me trouver ce guide. Aléa jacta est, le sort en était jeté. Je m’en remettais au destin par l’entremise d’un petit Arabe bedonnant.      

    Le Caire

    Ce fut avec un fort sentiment d’appréhension que je suis embarqué avec mon nouvel ami dans ma voiture de location. Le véhicule, un petit Daewoo modèle économique, ne semblait vraiment pas taillé pour le genre de voyage que je souhaitais faire. Le désagréable sentiment qui me tenaillait s’amplifia lorsque je me suis engagé dans la circulation dense du centre-ville du Caire. Cette cité, avec ses seize millions d’habitants, était l’une des plus populeuses de la planète et s’avérait, comme je pouvais le voir, avec ses tonnes de détritus au coin des rues et le smog caractéristique qui flottait au-dessus de la ville, extrêmement sale et polluée. Bien qu’ayant un pied dans la modernité, elle avait aussi gardé les traces de son passé traditionnel. Le paysage de béton était donc largement agrémenté de mosquées centenaires et de minarets aux pierres archaïques.

    En roulant dans le centre-ville, j’ai vite compris pourquoi on disait que cette capitale est la pire au monde pour la conduite automobile. En fait, le code routier y est tout simplement inexistant. Le respect des lignes blanches est donc une option que tout le monde oublie au moindre signe de congestion. C’est ainsi qu’en arrivant à un bouchon, les véhicules s’entremêlèrent tout d’un coup autour de moi, et ce, dans un chaos irréel, avec çà et là des chariots tirés par des ânes amaigris, qui se frayaient un chemin parmi les automobiles et les camions-remorques. Un véritable choc culturel! Au point où mes nerfs, déjà passablement usés par mes nuits sans sommeil, en sont venus à être mis à rude épreuve. Le harcèlement sonore des klaxons et les vociférations en langue arabique n’avaient rien pour m’aider. Pendant quelques secondes, je me suis senti envahi par un intense sentiment de panique. Tellement, que j’en suis venu à me demander ce que je faisais seul aux confins du monde. Heureusement, j’ai pu reprendre le contrôle de mes émotions et retrouver mon sang-froid habituel en me concentrant sur les indications que mon guide me transmettait. Ce dernier m’emmena à Héliopolis, en périphérie du Caire, un quartier un peu ghetto aux édifices en ciment. Il me pointa la porte peu éclairée d’un petit appartement miteux, notre destination finale. Je n’avais pas un bon pressentiment. Alors aussitôt sorti du véhicule, je me suis rendu au coffre arrière, pendant que Mr. Mohamed m’attendait au pied de la porte du bâtiment. Fouillant dans mon sac de voyage, j’y ai pris mon couteau de combat et le plaçai furtivement à ma ceinture. Si ce contact froid contre ma peau me semblait d’abord réconfortant, je me suis rendu compte, à chaque pas fait vers l’appartement, de l’inutilité de la chose. En pensant à tous ses Ak47 que j’avais vus depuis mon arrivée, j’avais la désagréable impression d’avoir amené a fucking slingshot to a gunfight.    

    Mr. Mohamed, toujours aussi poli et plein de déférence, m’ouvrit la porte et me laissa passer devant lui. Méfiant, je suis rentré lentement, tout en passant ma main sous mon chandail pour y empoigner mon arme. Une demi-douzaine de jeunes hommes étaient assis nonchalamment sur des divans adossés aux murs. Curieusement, ils arrêtèrent de discuter dès qu’ils me virent. Un guet-apens? Les muscles tendus et les sens aux aguets face au moindre mouvement menaçant, j’ai fixé chacun des visages en tentant de deviner leurs intentions, prêt à plonger ma lame dans la gorge du premier enfant de chacal qui se dirigerait vers moi. Je me suis soudainement senti stupide de m’être aussi facilement mis dans une position semblable: seul dans un appartement de ghetto d’une ville inconnue remplie d’ennemis potentiels. Fallait vraiment que je me foute de mon existence pour la jouer ainsi.

    Mais ce sentiment de stupidité s’amplifia de manière exponentielle lorsqu’après quelques mots dits en arabe par Mr.Mohamed, toutes les personnes présentes se levèrent simultanément de leur siège pour me saluer fort respectueusement, comme si j’étais le plus important des princes du Nil. Du coup, mes pensées meurtrières disparurent et j’ai dû lâcher mon arme pour serrer toutes les mains qui se tendaient amicalement vers moi. Ensuite, je fus introduit dans un bureau luxueux, qui contrastait vivement avec le reste des lieux. Un gros Arabe moustachu répondant au nom d’Ibrahim semblait m’attendre derrière un bureau. Avec son air de caïd, il se fit rassurant quant à mon projet et téléphona à son employeur. Il me passa le combiné et demanda à un jeune garçon qui semblait servir de valet d’aller me chercher un café. Après une demi-heure de négociation avec le grand patron, pas toujours courtoise étant donné mon impatience grandissante, j’avais obtenu le gîte et un guide pour les trois prochains jours, direction plein-ouest, jusqu’à l’oasis de Bahariya, désert de Libye. Le tout, moyennant une petite donation de trois cents dollars américains.

    De retour dans mon véhicule, toujours accompagné par Mr. Mohamed, la finalité plutôt heureuse de mon périple journalier m’avait rendu un peu plus volubile et j’ai commencéà discuter plus ouvertement avec mon compagnon. Visiblement enchanté de ma soudaine jovialité, ce dernier finit par me montrer fièrement des photos de sa femme et ses quatre filles, toutes très jolies. Simulant un ton de confidence, je lui dis que c’était pour trouver une femme aussi belle que son épouse que j’étais venu en Égypte. Flatté, il se mit à rire de bon cœur, puis redevant sérieux, il m’avoua que quelques fois, il avait besoin de Viagra pour honorer sa femme. J’ai dû me retenir pour ne pas rire à mon tour. De confidence en confidence, j’appris que mon ami égyptien avait tendance à être mou de la tige. En préparation de mon périple dans le désert et histoire de changer de sujet, ne voulant pas m’éterniser sur ses dysfonctionnements érectiles, je lui ai demandé de me conduire à une épicerie. Il m’amena dans une sorte de petit dépanneur à l’odeur étrange, ce qui n’avait rien pour me rassurer. J’y fis le plein de provisions, malgré quelques difficultés, moi qui ne connaissais rien aux empaquetages des pays d’Afrique. J’étais loin du Métro ou du IGA. Pendant mon magasinage, Mr. Mohamed me suivait partout en tenant mon panier. J’avais l’impression d’avoir un petit esclave personnel et je n’en étais pas très à l’aise. Après avoir quitté l’endroit, j’ai prononcé quelques mots en arabe pour le remercier. En fait, c’étaient les seuls mots que je connaissais. Notamment un choukrane{4} et un salam aleykoum{5}, Mr. Mohamed trépigna de joie en me serrant la main, tout heureux que je parle aussi bien sa langue…I wish. Ensuite, il me guida jusqu’à un petit appartement d’Héliopolis, dans un autre de ces affreux bâtiments en blocs de ciment. Il monta mes bagages et une fois à l’intérieur, je fus agréablement surpris par la qualité des lieux qui contrastait avec la froide rudesse de l’extérieur. L’appartement était richement décoré, avec en prime, deux télévisions pour meubler ma soirée. Mon nouvel ami resta un peu avec moi et discuta, entre autres, de sujets aussi sérieux que délicats, soit de politique et de religion. Il m’avoua ne pas trop aimer les Danois, vu les caricatures du prophète qu’ils avaient publiées dans leurs journaux. Il avait le même sentiment envers les Américains, affirmant que pour eux, tous les musulmans étaient aussi méchants que ceux qui s’en étaient pris à eux le 11 septembre, ce qui bien sûr, selon lui, était loin d’être le cas.

    C’est avec émotion qu’il m’expliqua que l’islam n’était pas une religion prônant la violence et la mort, mais bien une religion de paix et d’amour. Pour lui, les terroristes ayant appelé au Jihad{6} avaient tout simplement perverti le message du prophète contenu dans le Coran. J’avoue avoir été impressionné par son plaidoyer qui semblait des plus sincères et me suis dit que je devrais peut-être me montrer plus ouvert face à cette culture. La vision que j’en avais jusque-là était assurément teintée des images négatives transmises par les stéréotypes occidentaux.

    Remarquant la croix en or que je portais à mon cou, Mr. Mohamed la pointa en me demandant respectueusement si j’étais chrétien. J’ai nié, avouant que je portais ce pendentif uniquement en l’honneur de mon père, qui fut mon meilleur ami et aussi, un des plus grands chasseurs de mon pays. Ces dernières paroles, je les ai dites avec fierté, mais aussi, avec une troublante émotion qui m’étreignit le cœur. Puis de façon un peu agressive, j’ai précisé que j’étais athée. En entendant cela, le regard de mon interlocuteur s’assombrit, comme si cette révélation l’avait soudainement attristé. Eh oui, I’m a fucking infidel! J’avais trahi la foi de mes ancêtres et je me foutais vraiment de toutes leurs bondieuseries. Du même coup, je me suis dit que si cette merde religieuse existait, ça signifierait qu’en principe, je devrais brûler en enfer. Alors, aussi bien profiter de la vie au maximum en attendant d’aller rencontrer ce bon vieux Satan.

    Toutes ces paroles, je les ai pensées sans le dire tout haut. Mr. Mohamed avait déjà l’air assez peiné pour moi et mon âme sans que j’en rajoute. Suite à cette conversation, un silence mal aisé s’établit entre nous et mon ami finit par se lever en disant qu’il devait retourner à la maison. Je lui ai demandé ce que je lui devais pour ses services et avec un large sourire, il me répondit qu’il réclamait trente dollars US par jour, mais qu’étant donné que maintenant nous étions amis, je ne lui devais rien. D’abord ému par cet élan de générosité, j’ai tout de même compris qu’il devait être un rabatteur, son travail étant d’amener les touristes à des petits bureaux comme celui d’Héliopolis, où on procurait une multitude de services, moyennant, bien sûr, d’onéreuses rétributions. Mon ami aurait assurément droit à un pourcentage sur les trois cents dollars que je venais de débourser pour entamer mon périple.

    Après avoir établi qu’il me servirait de guide à mon retour au Caire durant les derniers jours de mon voyage, il me fit l’accolade et avec un air un peu préoccupé, me souhaita bonne chance en chuchotant: «Qu’Allah te protège». Un peu mal à l’aise face à son inquiétude, j’ai changé le ton de la conversation en lui disant que je le contacterais dès mon retour du désert et qu’à ce moment, j’aurais besoin d’au moins quatre jolies jeunes filles pour m’offrir une petite partouze avant mon départ. Sortant de l’appartement, il s’esclaffa bruyamment en brassant la tête de découragement. Moi qui pensais que la polygamie faisait partie de la culture de l’islam!

    Après avoir fouillé dans mes provisions pour me concocter un petit repas de fin de soirée, j’ai sauté dans la douche, qui paraissait avoir plus besoin d’un lavage que moi. C’était tellement sale qu’avant d’y entrer, je me suis demandé si ce n’était pas le bac à ordures de l’appartement. Et puis, complètement exténué, je suis allé m’étendre sur le grand lit de la chambre, et ce, par-dessus les couvertures, vu le traumatisme que j’avais subi en voyant la douche. La nuit était fraîche, c’était l’hiver, en Égypte, et donc, plutôt que de faire 40 degrés, la température tournait autour de 15, ce qui m’avait permis de laisser la fenêtre ouverte. Du coup, ma nuit blanche fut égayée par les bruits de la ville surpeuplée. Au lever du soleil, j’eus droit au concert du premier appel à la prière de la journée. Les chants résonnèrent longtemps et grésillaient dans les haut-parleurs des minarets de la cité, ce qui ne fut pas sans faire monter un certain malaise en moi. Je me disais que j’étais vraiment a stranger in a strange land.

    Peu de temps après, un cognement à la porte est venu déranger mon petit déjeuner. C’était un homme d’une trentaine d’années, moustachu et vêtu soigneusement. Il se présenta sous le nom de Mr. Amhed, et me tendit la main avec un large sourire, en me disant que c’était avec lui que j’avais organisé mon voyage, la veille, au téléphone. Disons que cette fois-ci, la conversation fut dès lors passablement plus cordiale. En signe d’amitié, il me donna des oranges qui selon ses dires, venaient d’être cueillies. En échange, je lui offris des barres tendres Kellogg à la saveur vanille et fraise que ma mère avait mises dans mes bagages. L’homme dégusta la friandise en tournant des yeux étonnés et en affirmant que c’était délicieux, qu’il n’avait jamais rien gouté de tel. J’ai dû lui répéter la même chose pour les oranges, le fruit étant des plus sucrés. En raison de la fraîcheur, le goût s’avérait bien différent de ce à quoi j’étais habitué. Ensuite, Amhed m’informa que mon guide, un bédouin, arriverait bientôt. Cette tribu venait d’une ancienne communauté arabe composée de nomades du désert. Exactement la personne qu’il me fallait pour m’accompagner dans mon périple. Puis, bien évidemment, mon cher ami parla affaires et proposa de planifier le reste de mon voyage, m’offrant un séjour dans un tout inclus aux abords de la mer Rouge, l’endroit privilégié des touristes. J’ai tout de suite refusé en indiquant très clairement que je partais à l’aventure et que j’organiserais moi-même mon voyage, et ce, au fur et à mesure de mon avancée dans le désert. L’homme semblait surpris et un peu déçu, mais me souhaita tout de même bonne chance en me recommandant d’être très prudent, particulièrement dans les villages les plus reculés, étant donné que c’était souvent là que se cachaient les islamistes extrémistes. Je l’ai remercié de son aide et puisque selon lui, nous étions devenus des amis, il me montra une photographie de sa petite fille. Je fis de même avec une photo de mon père et moi, que j’avais amenée en guise de porte-bonheur. Le cliché nous montrait à côté d’un énorme orignal que nous venions d’abattre. Mr. Amhed regarda la photo avec des yeux exorbités, comme si la bête était une créature mythique sortie tout droit d’une épopée légendaire. Puis après m’avoir posé plusieurs questions sur le monstre en question, nous avons continué à discuter de nos familles respectives. C’est là qu’il m’apprit qu’il avait deux femmes. Finalement, la polygamie, en ce pays, n’était pas un mythe. Cette fois, c’est moi qui étais impressionné. «Le gros chien sale», me suis-je dit, envieux, «il ne doit pas s’ennuyer». Étant célibataire depuis un an, je considérais sérieusement de m’établir ici. Après quoi, Amhed ajouta que sa religion permettait aux hommes d’avoir jusqu’à quatre femmes, mais que le prophète, lui, en avait eu treize. L’idée farfelue de changer de religion germa soudainement en moi, voyant dans ces pratiques un véritable paradis sexuel. D’un autre côté, je me suis dit que ça devait être crissement l’enfer quand toutes les fifilles tombaient dans leur cycle prémenstruel en même temps. Donc, le doute était là. Ébranlé comme je l’étais dans ma foi, la question du changement de religion restait toujours à débattre.  

    Un autre cognement à l’entrée de l’appartement vint interrompre notre conversation. C’était mon guide bédouin. Ouvrant la porte, j’ai d’abord cru faire face à un pygmée. Le jeune homme était minuscule et seule une fine moustache le différenciait d’un enfant. Il avait l’air gêné, un peu intimidé, même. J’ai tenté de me présenter, mais Mr. Ahmed me signifia que le nouveau venu ne parlait pas anglais. Ça commençait bien! J’ai au moins pu apprendre qu’il s’appelait Mohamed…eh oui, un autre proche parent du prophète! Avec treize femmes, c’était tout à fait normal que ce dernier ait peuplé la moitié du pays. À sa place, c’est ce que j’aurais fait.

    Loin de se sentir brusqué par le nouvel arrivant, Mr. Ahmed me proposa soudainement une association d’affaires: organiser ensemble des voyages pour les touristes étrangers. Mais je l’écoutais à peine, car mon humeur sombre reprenait de dessus, au même titre que mes idées noires. Je ne pensais seulement qu’à quitter cet endroit, cette ville sale, bruyante et populeuse, pour me retrouver dans le désert. J’ai donc mis abruptement fin à la conversation avec une franche poignée de main en disant que je songerais à son offre et qu’au pire, je le contacterais à mon retour au Caire dans un mois. Ce fut la dernière fois que je le vis.

    Encombré de mes bagages, le guide nain me suivit difficilement jusqu’au véhicule. Je lui fis signe de prendre le volant et bizarrement, il sembla un peu embarrassé. J’ai compris rapidement pourquoi, puisqu’en partant, il fit crisser les pneus en lâchant trop rapidement l’embrayage. Il ne savait pas conduire une automobile et moi, je ne voulais plus prendre le volant au Caire. Alors, Inch Allah, à la grâce de Dieu. À nos risques et périls et à ceux de l’embrayage, je le laissai faire. Peu de temps après, prisonniers des rues encombrées du Caire, je me suis rendu compte que mon nouvel ami ne semblait pas connaître son chemin, puisqu’il demandait des informations aux passants chaque dix minutes. Le temps passait très lentement et après plus d’une heure de conduite erratique à se mouvoir entre voitures et charrettes, je lui fis signe d’arrêter et au comble de l’exaspération, j’ai finalement pris sa place. Furieux, je lui ai dit que non seulement il ne comprenait pas l’anglais, mais qu’il ne semblait pas comprendre la langue égyptienne non plus puisque nous étions toujours perdus. Le petit Mohamed détourna le regard, visiblement gêné et confus. Il ne pouvait saisir mes paroles, mais devinait assurément mon mécontentement, vu mon ton colérique…À moins que ce ne fût l’écume blanche qui commençait à poindre à la commissure de mes lèvres. Du coup, il semblait chercher désespérément une solution et me fit arrêter aux abords de la rue. Ensuite, après avoir parlementé longuement avec un piéton portant la longue qamis{7}, il le fit monter en m’expliquant par signes que ce dernier nous guiderait hors de la ville, moyennant un petit bakchich{8}.

    —TABARNAAAAAAAAAK! fut ma seule réponse.

    Mon guide bédouin, digne représentant des princes des grandes étendues de sable, avait besoin d’un guide pour retrouver son désert! Même si la température restait tempérée, la sueur me coulait maintenant jusque dans la craque de fesses, et mes jointures me démangeaient. J’avais vraiment besoin d’une bière.  

    Enfin le désert

    Après une demi-heure à parcourir les dédales du Caire, notre passager nous fit monter sur l’autoroute et pointa le large chemin asphalté, avant de nous demander de le laisser sur la voie. Même si j’étais contre le suicide assisté, je l’ai laissé sortir sans rien dire, indifférent à son sort. J’avais juste envie de me retrouver dans le désert au plus vite, comme si plus rien ne comptait pour moi hormis ce désir. Nous sommes repartis, mais j’ai tout de même jeté un coup d’œil dans le rétroviseur, pour apercevoir notre hurluberlu déambuler nonchalamment sur l’autoroute encombrée. Je ne donnais pas cher de sa peau, et je n’ai pu m’empêcher de sourire en pensant à la bêtise humaine.

    Enfin, au fil des kilomètres, le paysage urbain se mit à changer. Les gratte-ciels et les hauts appartements laissèrent place aux palmiers et aux petites maisons en ciment, avec en prime, au loin, la vision des pyramides de Gizeh qui se détachaient à l’horizon. Puis, plus rien, mis à part des étendues de sables à perte de vue. On aurait dit un vaste océan aux reflets dorés. J’étais enfin arrivé dans le désert de Libye. Malgré mon engourdissement émotionnel découlant de mon épuisement mental et physique, je ressentais un certain relâchement tout au fond de moi. C’était comme si une infime partie de la rage et de l’anxiété qui depuis des mois me hantaient telle une possession diabolique commençait à quitter mon être. C’était peu, mais déjà, c’était bien. Nous avons roulé ainsi pendant des heures, sans rien dire. En fait, j’étais content que mon compagnon ne parle pas anglais, parce que je n’avais pas envie de discuter ni d’entendre sa voix. Je voulais juste me laisser aller dans le néant du silence avec comme unique vison,

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