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Le Pavillon Noir
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Livre électronique342 pages4 heures

Le Pavillon Noir

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À propos de ce livre électronique

Stockholm. Un hôpital pédiatrique. Des hommes masqués. Ils exécutent un enfant par heure tant que leurs exigences ne sont pas satisfaites.
Alors que la pression médiatique est à son comble, la jeune commissaire Hannah Kaufman est nommée à la tête de l'affaire de la prise d'otages. Le temps presse pour elle comme pour les enfants enfermés dans l'hôpital, à la merci du groupe terroriste du Pavillon Noir !
Ce premier tome de la saga d'Hannah Kaufman est un thriller noir et réaliste dont le suspense et les multiples rebondissement mettent les nerfs à vif.
LangueFrançais
ÉditeurSAGA Egmont
Date de sortie2 avr. 2024
ISBN9788726874310
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    Aperçu du livre

    Le Pavillon Noir - Karl Eidem

    Karl Eidem,

    Jale Poljarevius

    Le Pavillon Noir

    Traduit par Robin Fournier

    Saga

    Le Pavillon Noir

    Traduit par Robin Fournier

    Titre Original Barnsjukhuset

    Langue Originale : Suédois

    Cover image : Shutterstock

    Copyright ©2020, 2024 Karl Eidem, Jale Poljarevius et SAGA Egmont

    Tous droits réservés

    ISBN : 9788726874310

    1ère edition ebook

    Format : EPUB 3.0

    Aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, stockée/archivée dans un système de récupération, ou transmise, sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, sans l'accord écrit préalable de l'éditeur, ni être autrement diffusée sous une forme de reliure ou de couverture autre que dans laquelle il est publié et sans qu'une condition similaire ne soit imposée à l'acheteur ultérieur.

    www.sagaegmont.com

    Saga est une filiale d'Egmont. Egmont est la plus grande entreprise médiatique du Danemark et appartient exclusivement à la Fondation Egmont, qui fait un don annuel de près de 13,4 millions d'euros aux enfants en difficulté.

    "This is the room, the start of it all,

    No portrait so fine, only sheets on the wall,

    I've seen the nights, filled with bloodsport and pain,

    And the bodies obtained, the bodies obtained."

    Joy Division, Day of the Lords

    Introduction

    Les deux sœurs

    Les deux sœurs ignoraient qu’on les suivait tandis qu’elles parlaient à voix basse. À certains endroits à l’intérieur de l’hôpital, on avait placé de petites caméras. Les images étaient envoyées sur un ordinateur qui, pour l’occasion, se trouvait dans un appartement bien entretenu de la banlieue Sud de Stockholm. Un jeune homme visionnait en permanence les images. La nuit était bien avancée.

    Les deux sœurs travaillaient de nuit. S’il y avait tout un tas de raisons valables derrière ce choix, il était surtout motivé par une raison pécuniaire. Les heures étaient mieux rémunérées la nuit et la plupart des patients dormaient. Pour certains, c’était une question d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Pouvoir passer du temps en famille. Être à la maison quand les enfants rentrent de l’école. Passer le plus de temps possible avec son époux ou son épouse. Ou passer le moins de temps possible avec son époux ou son épouse. Pour Ismaila al Beda, qui regardait à travers la fenêtre du service de néonatalogie de l’Hôpital pédiatrique universitaire, il s’agissait d’un choix inhabituel, mais pas plus simple à prendre pour autant. Son choix s’appelait Shirin al Beda, sa cadette de 18 mois qui travaillait au service infirmier 74, deux étages plus bas, dans le même bâtiment du quartier de Södermalm à Stockholm. Grâce à des horaires de travail concordants, les deux sœurs se croisaient au moins une fois par nuit pour boire un café et discuter. En attendant, elles se retrouvaient chacune dans les pensées de l’autre. Sans qu’il y ait besoin de croire à la télépathie ou à la perception extrasensorielle, il était possible de constater qu’elles étaient extrêmement proches. Souvent, elles pouvaient sentir la présence de l’autre sans avoir besoin d’être dans la même pièce.

    Les arbres bruissaient derrière la fenêtre, un vent lugubre soufflait dans les feuillages. Les deux lampadaires sur la rue Tantogatan émettaient une lumière faible. Il était un peu plus de trois heures, et il faisait nuit noire. Dans quelques heures, le soleil se lèverait radieux à l’est, lentement mais sûrement. Il se levait quelque part au-dessus de la mer Baltique et atteignait Södermalm à travers l’archipel et Nacka, une lumière timide qui chassait l’obscurité jusqu’à faire apparaître la moindre silhouette. L’anticyclone s’était installé et avait offert quelques journées printanières chaudes et agréables. Ismaila continua à plier ses vêtements d’infirmière avant d’aller dans la réserve et de les placer sur une étagère en échange de vêtements propres. Le service de néonatalogie accueillait des nouveau-nés atteints de maux qui les empêchaient de quitter l’hôpital. Il pouvait s’agir de problèmes comme des difficultés respiratoires, une glycémie faible, une jaunisse, des infections, des lésions liées à l’accouchement ou des malformations. Le service offrait également des soins continus pour les enfants prématurés, nés entre 23 et 27 semaines. Ils pouvaient être accueillis quelques heures, voire quelques mois.

    Ismaila retourna dans le couloir, lut le tableau de service et remarqua qu’une mère, assise en silence, allaitait son enfant dans un canapé. La lumière au plafond était éteinte. Elle lui fit un signe de la tête, mais ne dit pas un mot. La nuit n’était qu’un immense silence. Soudain, le téléphone dans sa poche se mit à sonner. Sans même regarder, elle comprit qu’il s’agissait de Shirin, et qu’il était l’heure de se retrouver. Discrètement, elle quitta le service par la cage d’escalier. Les deux sœurs al Beda se retrouvaient comme à l’habitude entre leurs services respectifs, chacune avec son café dans la main.

    — Comment ça va ?

    — C’est calme, répondit Shirin. Rien de spécial. Les enfants dorment, en dessous. On est quel jour ?

    — On est mercredi.

    Shirin opina du chef.

    — Comment ça se passe au-dessus ?

    — Pareil, c’est très calme. Tu as été aux urgences cette nuit ?

    Shirin secoua la tête. Il n’y avait qu’aux urgences, au niveau du rez-de-chaussée, que les nuits pouvaient tourner au drame et prendre un tour inattendu. Parfois, les deux sœurs descendaient pour voir la situation et discuter avec les infirmières, voire pour donner un coup de main si les patients arrivaient en nombre. Mais c’était rare. La plupart du temps, elles restaient toutes les deux dans les étages supérieurs. L’homme qui avait installé les caméras le savait bien. Il avait observé leurs allées et venues et continuait de les observer en ce moment même, tandis que leurs voix étouffées s’infiltraient dans la cage d’escalier. Les caméras constituaient une mesure de sécurité. Il avait besoin d’être au courant si quelque chose d’important ou d’anormal se passait cette nuit. Pour l’instant, rien ne le laissait présager. Tout était comme à l’habitude, et il espérait que cela ne changerait pas. Il zooma sur elles, les observa, les écouta, mais ne nota rien d’inhabituel.

    Les sœurs al Beda étaient toutes deux suédoises, mais étaient nées et avaient grandi dans des camps de réfugiés pour Palestiniens, au nord de la frontière israélienne. Elles avaient la quarantaine et parlaient un suédois proche de la perfection. Toutes les deux vivaient à Södermalm, non loin de l’hôpital, et étaient mariées. Ismaila était mariée à un Suédois, Sten, et Shirin à un Hollandais, Donny. Elles avaient toutes les deux des enfants, à peu près du même âge. Un an après la naissance de Shirin, la famille avait dû fuir à cause des massacres dans les camps de Sabra et de Shatila. Grâce au réseau de leur père, elles avaient atterri en Suède, y avaient été scolarisées et avaient suivi une formation d’infirmière à Stockholm. Que cela soit inscrit dans leurs gènes ou que la vie s’en soit chargée, toutes les deux étaient devenues des femmes indépendantes, déterminées et fortes, à qui rien ni personne ne faisait peur. Lorsque leur tasse fut vide, elles rejoignirent chacune leur service, ignorant toujours qu’elles étaient filmées. Ismaila repartit en néonatalogie, et Shirin au service 74. Avec leurs voiles, elles ne passaient pas inaperçu parmi les infirmières. Elles étaient appréciées de tous. Encore quelques heures de travail, puis ce serait l’heure du passage de relais avec le personnel de jour. Ensuite, au détour d’une agréable promenade à travers Tantolunden, elles rentreraient dans leur appartement de location situé à Hornsgatan, au-dessus de l’église Högalid. Si elles avaient regardé par la fenêtre, elles auraient vu que le parking était envahi par des serpents. Une foule de serpents qui encerclaient l’hôpital. Les chauves-souris emplissaient l’air de la nuit. Respirer était douloureux.

    Chapitre 1.

    La fatigue d’Hannah Kaufman

    Dans l’obscurité, elle entendit le bruit. Il ne venait de nulle part et se faisait insistant. Il fallut à Hannah Kaufman quelques secondes pour comprendre qu’il s’agissait de l’alarme de son téléphone qui emplissait la pièce plongée dans l’obscurité. Elle tendit l’oreille à nouveau, au cœur de la nuit. À contrecœur, elle ouvrit les yeux et chercha à s’orienter. Où était donc ce foutu téléphone ? Où l’avait-elle posé la nuit précédente ? Était-il possible qu’il fasse déjà jour ? C’était improbable. Elle tendit son bras droit et comprit que son mari Erik était encore dans le lit, à ses côtés. Ses cheveux clairs dépassaient de la couverture. Elle pouvait entendre sa respiration régulière.

    On était début avril, et tous les comptables du monde avaient fort à faire en prévision des assemblées générales à venir. Il en était de même pour BDF, le bureau pour lequel il travaillait depuis deux ans. Tous les jours, y compris le week-end, il rentrait tard le soir et partait au petit matin en marmonnant que « ça irait mieux en mai, sûrement en juin ».

    En tant qu’agent de police, Hannah avait elle aussi des horaires contraignants. Contrairement à son mari, ces horaires étaient valables toute l’année, pas uniquement à la saison des bilans annuels. La policière et le comptable : un couple bien étrange. Hannah continuait à scruter la pièce tandis que ses yeux s’habituaient progressivement à l’obscurité ambiante. Elle glissa sa main gauche sur le sol près du lit et finit par tomber sur son téléphone. L’écran indiquait 5 h 15. Elle éteignit l’alarme et se laissa de nouveau retomber dans le lit avec un soupir. Sa fatigue avait presque eu raison d’elle. Dans un effort ultime, elle se redressa et s’assit sur le bord du lit, à la recherche des vêtements qui se trouvaient dans un coin par terre. Quand Hannah se demandait, a posteriori, si elle avait eu un pressentiment, elle finissait toujours par se dire que non. C’était un matin calme, plongé dans la nuit, et elle ignorait tout ce qui allait se passer. Elle se souvint alors qu’elle avait avant tout pensé à son café, ce qui était tout à fait banal.

    L’extrême fatigue dont souffrait Hannah Kaufman ce matin-là n’était pas due à une garde de nuit pénible dans le bureau ambulant à l’arrière d’une camionnette de police. Rien à voir non plus avec un trop grand nombre de verres de vin rouge la veille, ou avec le visionnage abusif d’une nouvelle série sur Netflix. Hannah souffrait du syndrome de Hashimoto, qui provoquait chez elle un déséquilibre en termes de production hormonale. Ce déséquilibre était lié au mauvais fonctionnement de sa thyroïde, avec pour conséquence des niveaux anormalement faibles de certaines substances et protéines dans le corps, dont le rôle est de réguler l’activité corporelle, le métabolisme et la vigilance. Éric ronflait légèrement. Quand elle s’était assise dans le lit, cela ne l’avait même pas réveillé. Quand il évoquait son état, il parlait d’un « océan de fatigue », mais qu’en savait-il ? Les comptables qui se prenaient pour des poètes, elle pouvait s’en passer. Et puis les policiers faisaient de bien meilleurs poètes que les comptables, c’est pour dire. Mais cela n’avait aucune espèce d’importance. Elle l’aimait quand même. Elle était fatiguée, il avait indubitablement raison. Elle était morte de fatigue, ce qui au vu de l’heure n’était pas surprenant.

    Parfois, quand Hannah rentrait du travail, elle n’arrivait même plus à bouger. Comme plongée dans un brouillard, elle s’allongeait sur le canapé dans le salon avec une couverture par-dessus les jambes. Elle regardait le plafond, somnolait, n’arrivait même pas à se faire à manger. Elle était bloquée sur place. Au fil des ans, elle avait réussi à dissimuler son état au travail. Elle avait appris à isoler et à contrôler cette fatigue en elle tant que ses collègues étaient près d’elle. La fatigue était donc d’autant plus grande quand elle rentrait à la maison. Désormais, elle espérait tomber enceinte, ce qui permettrait à son corps, avec de la chance, de rééquilibrer naturellement sa production hormonale. Dans le meilleur des cas. Parfois, elle espérait, avec tout le sérieux du monde, qu’un coup physique, une véritable détonation au niveau de la thyroïde, lui permettrait de fonctionner à nouveau de façon optimale. C’est d’un choc dont elle avait besoin. Pas de médicaments supplémentaires. Chaque jour depuis plusieurs années, elle prenait bien gentiment sa lévothyroxine, mais elle avait le sentiment qu’elle ne lui servait à rien. C’est en tout cas ce qu’elle se disait quand elle était allongée, les yeux rivés vers le plafond, l’après-midi, presque engourdie et soulagée de savoir qu’Erik ne rentrerait pas à la maison avant plusieurs heures.

    Ces pensées lui traversèrent de nouveau l’esprit tandis qu’elle se regardait dans le miroir des toilettes et se faisait un chignon. Toujours la même tête, sauf que les cernes sous les yeux étaient incroyablement marqués. Un long nez droit, des yeux bleus perçants et des pommettes saillantes qui donnaient à son visage un côté rectiligne. Hannah Kaufman, commissaire de police. Elle adorait son métier et n’en aurait changé pour rien au monde. Il lui permettait de rester debout. Ça, Erik, et leur rêve à tous les deux d’acheter une petite maison.

    Elle remarqua l’amoncellement d’emballages du truck de cuisine thaïe, d’autres plats à emporter et les verres sales dans la cuisine avant de sortir pour récupérer sa voiture, laquelle était garée sous le carport devant leur maison de ville peinte en vert. Drôle de couleur. Erik prendrait certainement un taxi pour aller au travail, aux frais de la société. Quand on commençait avant 6h30 et qu’on terminait après 22 h 30, c’était autorisé. Même la cafetière était sale et, pour tout dire, peu ragoûtante. Elle attendrait d’arriver au travail. Elle avait besoin de café pour faire passer sa migraine, mais il valait mieux se mettre en route immédiatement. Sinon, elle risquait de ne jamais quitter la maison, incapable d’avancer.

    Son service commençait à 6 h 30. Il lui fallait au plus vite relever Maria Svensson, la commissaire qui avait passé la nuit dans le bus. Au boulot, Maria était une de ses meilleures amies. Hannah était déjà en retard. D’abord, elle devait se préparer, puis prendre un café tout en planifiant la journée à venir. « Faites un plan et il échouera certainement », disait un vieil adage hébreu. Un adage qui résumait à merveille ses journées. Ses journées n’étaient jamais telles qu’elle les prévoyait.

    Le premier appel

    Rapidement, elle démarra la Volvo bleue et passa un coup de fil à Erik pour le réveiller. Elle tomba directement sur sa messagerie vocale, alors elle régla le lecteur multimédia de la voiture sur Radio Stockholm à la place. Puis elle bifurqua sur Nacka, direction le centre-ville, Kungsholmen, le Commissariat et la journée de travail qui l’attendait. Ils étaient mariés depuis tout juste deux ans et elle n’était toujours pas enceinte.

    — Bonjour, vous êtes bien sur la messagerie d’Erik Kaufman de chez BDF, je ne peux pas vous répondre pour le moment, mais…

    Non, elle n’avait aucune envie de laisser un message à son propre mari. Mais elle aimait toujours autant le fait qu’il ait pris son nom de famille. Kaufman battait Pettersson chaque jour de la semaine. Même le dimanche. Sur le tableau de bord, l’horloge indiquait 6 h. La circulation était incroyablement fluide. Les pendulaires de Nacka avaient l’habitude et faisaient tout leur possible pour éviter les bouchons en ville. Le soleil brillait. Stockholm était belle en cette saison. Elle dut y réfléchir à deux fois pour savoir quel jour il était. Mercredi. Une fois arrivée à Sickla, elle prit directement la direction du tunnel de Södra Länken pour contourner les bouchons de Slussen. Les travaux et cette circulation infernale dureraient encore trois ans, voire plus. Elle accéléra et dépassa quelques voitures et se trouvait au niveau de Gullmarsplan lorsqu’elle reçut un appel de Maria. C’était un premier signal d’alarme.

    La voix enjouée de Radio Stockholm disparut alors et Hannah comprit immédiatement que sa collègue était inquiète.

    — Hannah, c’est Maria, tu es sur la route ?

    — Je suis déjà à Gullmarsplan, pourquoi ? Sinon, bonjour à toi aussi !

    — Désolée, bonjour Hannah, mais le CCR a reçu un appel concernant des tirs près de l’Hôpital Sud. Je viens d’arriver sur place. Il se passe quelque chose.

    Le CCR, ou Centre de contrôle régional, était l’instance chargée de réguler les appels passés, souvent depuis le 112 ou le 11414, et de les transférer aux personnes responsables. Hannah se redressa dans son siège conducteur et sentit la peau de son visage se tendre. Cela lui arrivait souvent quand elle était nerveuse, comme lorsqu’elle se retrouvait dans une soufflerie.

    — Des tirs ? Où ça ? demanda-t-elle. Quand ?

    — À l’Hôpital pédiatrique universitaire. Tu sais, le nouveau bâtiment derrière l’entrée principale de l’Hôpital Sud, l’immense bâtiment flambant neuf. Plusieurs retraités ont appelé, sans s’être donné le mot. On ne savait pas bien d’ailleurs s’il s’agissait vraiment de tirs. Juste des bruits puissants. Des portières de voiture qu’on claque peut-être. Je ne sais pas trop.

    Au regard du nombre croissant de fusillades, la plupart des habitants savaient désormais reconnaître le bruit des tirs. Hannah n’avait pas d’enfant et ne s’était personnellement jamais rendue dans le nouvel hôpital pédiatrique de Södermalm. Mais elle en avait entendu parler et savait où il se situait. Alors plutôt que de poursuivre sa route vers le commissariat, elle bifurqua à la sortie du tunnel qui, comme par magie, venait d’apparaître sur sa droite.

    — J’y vais tout de suite Maria, lui indiqua-t-elle. Je suis déjà en route.

    Elle devait relever Maria de toute façon, et peu importait que le passage de relais se fasse au commissariat ou ailleurs.

    — Plusieurs voitures se dirigent vers les lieux, on ne sait pas trop ce qu’il s’est passé, mais d’après l’appel reçu, on avait bien des claquements. Peut-être tout simplement des retraités hypersensibles qui n’arrivent pas à dormir.

    — Ça ne me dit rien qui vaille, répondit Hannah, en partie pour elle-même et en partie à son interlocutrice à l’autre bout du fil. Mais alors vraiment rien.

    — Fais aussi vite que tu le peux ! Le transfert se fera sur le terrain aujourd’hui, expliqua Maria avant de raccrocher.

    L’Hôpital pédiatrique universitaire

    Hannah accéléra tandis que Radio Stockholm résonnait de nouveau dans la voiture. Dès qu’elle arriva au niveau du pont de Skanstullsbron, elle prit à gauche sur Ringvägen, malgré l’interdiction, et grilla un feu rouge dans la foulée. Elle vit sur le GPS qu’elle ne pouvait pas tourner à gauche bien avant l’entrée principale du grand hôpital, et passa devant la sortie. L’hôpital, récemment construit, bénéficiait d’une entrée spécifique depuis Ringvägen. On entendait déjà une sirène de police au loin. D’autres étaient en route. C’était une alerte à grande échelle. Rien dans les médias pour l’instant, les radios continuaient à diffuser comme si de rien n’était. Encore une journée tranquille dans la capitale. Elle éteignit la radio d’un air irrité. « Bordel ! marmonna-t-elle. Quelle merde ! » Elle tourna à gauche sur Tantogatan avant de ralentir. Une voiture de police était garée à deux cents mètres de la camionnette du chef d’intervention, où Maria se trouvait et se préparait à terminer son service après une longue nuit. Dans le rétroviseur, on pouvait voir un autre véhicule, une voiture radio. Hannah se gara derrière la camionnette, descendit de sa voiture, frappa à la porte latérale de la camionnette et grimpa à l’intérieur. Maria Svensson était assise bien droite devant les ordinateurs. Ses cheveux clairs recouvraient ses épaules. Elle leva les yeux et vit Hannah.

    — Merci d’être venue directement !

    — Aucun problème. Quelqu’un devra venir ici avec mes affaires. Qu’est-ce qu’il se passe ?

    — On ne sait pas bien encore. Il se passe quelque chose.

    Elle indiqua de la tête l’entrée arrière de l’hôpital, que l’on pouvait voir légèrement en hauteur.

    — Quelque chose ?

    — Quelqu’un aurait ouvert le feu à l’intérieur du bâtiment, ou au niveau de l’entrée, on ne sait pas bien. On était dans le coin, à Liljeholmen, pour une affaire de mœurs, quand on a reçu l’appel. Je n’en sais pas plus que toi. Mais quoi qu’il en soit, ça ne sent pas bon.

    Hannah opina du chef et Maria poursuivit :

    — Je devrais m’en charger, mais je suis fanée, j’ai commencé hier soir à 22 h et la nuit a été compliquée. Je suis tout sauf fraîche.

    — Je suis de service, Maria. Je prends le relais.

    Hannah regarda autour d’elle dans la camionnette. Des ordinateurs étaient allumés et on entendait parler dans les enceintes, mais pour l’instant, il régnait un calme relatif. Était-ce le calme avant la tempête ?

    — Vous n’auriez pas de café, par hasard ? demanda-t-elle.

    — Désolée, on est venus directement sur les lieux.

    Hannah fit un signe de la tête. Le café attendrait. Pour commencer, elle devait sécuriser la zone et établir le contact avec le commissariat. Elle descendit ensuite de la camionnette et prit la direction du véhicule de patrouille.

    — Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda le policier assis derrière le volant. Elle le reconnaissait vaguement, mais lui l’avait clairement reconnue. Hannah était désormais connue au sein de la police stockholmoise. Récemment, elle avait été promue au rang de responsable régional des opérations et commissaire, après quelques années comme enquêtrice.

    Au sortir de l’École de police et pendant cinq ans, elle avait travaillé pour les voitures de patrouille à Norrmalm. Pendant toutes ces années, elle avait fait le tour du métier sur le terrain, la plupart du temps avec Maria Svensson. Et puis il y avait son apparence exotique. Elle en était d’autant plus facile à reconnaître. Avec ses yeux noirs en amande, elle ne passait pas inaperçue. Cependant, elle ne détachait que rarement ses longs cheveux noirs, les laissant recouvrir ses épaules, tel un manteau exotique. C’était avant tout une question de sécurité qui l’en empêchait.

    — On n’en sait pas plus que vous malheureusement, répondit son collègue masculin. Une fusillade là-haut, peut-être. On a été alertés par le CCR il y a vingt minutes.

    Elle désigna l’Hôpital pédiatrique du doigt. Il se trouvait à gauche, légèrement en hauteur, à environ deux cent cinquante mètres de distance. C’était un bâtiment imposant, une immense structure cubique faite de verre et d’acier. À vue d’œil, la façade faisait environ soixante mètres de long et peut-être quinze mètres de haut. Mais elle ne voyait que la partie extérieure. Que se passait-il à l’intérieur, sous la surface imposante et ordonnée ? Elle craignait que la situation soit tout autre.

    Maria lui fit un clin d’œil et disparut aussitôt. Elle avait l’air fatiguée. Maintenant, c’était Hannah aux commandes.

    De là où ils se trouvaient, ils avaient une vue imprenable sur l’entrée des ambulances et ce qu’elle imagina être l’entrée des urgences. Les urgences pédiatriques. On n’y soignait pas uniquement des patients. On y soignait des enfants. Elle réfléchit à l’emplacement d’un éventuel centre opérationnel pour la police, le cas échéant. La vue imprenable dont ils disposaient sur l’hôpital jouait en leur faveur. Ainsi, ils pourraient avoir un contact visuel avec le bâtiment, s’ils devaient intervenir d’une façon ou d’une autre. L’inconvénient, c’est que l’endroit était restreint. La zone située directement derrière eux était délimitée par les clôtures situées le long de la voie ferrée. Le terrain de sport de Zinkendamm était situé à quelques centaines de mètres, derrière la colline. Là-bas, ils auraient tout l’espace dont ils pouvaient rêver, mais l’hôpital serait alors de l’autre côté et hors de leur vue. Elle repensa à son café. Elle en aurait eu bien besoin à ce moment-là. Erik surgit dans son esprit, et elle se demanda s’il avait fini par se lever.

    — On reste ici, dit-elle au policier. Jusqu’à ce qu’on ait plus d’informations. Je ne veux pas exposer qui que ce soit à des tirs directs avant de savoir ce qu’il se passe à l’intérieur.

    Elle remarqua la présence de deux fourgons noirs, garés n’importe comment, juste devant l’entrée des ambulances.

    — Pourriez-vous commencer par sécuriser la zone ?

    Réagissant immédiatement, les policiers descendirent de leur voiture pour installer le cordon de sécurité. Plusieurs voitures étaient arrivées sur les lieux. La rue Tantogatan depuis Ringvägen avait déjà été sécurisée. Elle craignait de devoir fermer Ringvägen également, voire de devoir interrompre le trafic ferroviaire. La ligne de tir depuis l’hôpital jusqu’à la voie ferrée était dégagée. Au même moment, un train surgit du tunnel direction le sud. Jusqu’à présent, elle était plus ou moins sur pilote automatique. Chaque jour offrait de nouveaux défis, chaque matin ses incertitudes. Tandis que la zone était en cours de sécurisation, elle réfléchit pour la première fois à ce que ce mercredi pouvait bien leur réserver. Elle pensa à Maria, déjà partie chez elle pour se coucher. Une fusillade autour d’un hôpital pédiatrique ? Quoi qu’il en soit, cela n’augurait rien de bon. Il fallait maintenant qu’elle en apprenne davantage. Combien de personnes se trouvaient dans le bâtiment ? De qui s’agissait-il ? Ils devraient parler au directeur de l’hôpital, aux architectes et peut-être même avec les experts en systèmes de ventilation. Ils devaient passer en revue les prises d’otages et les assauts précédents.

    Mais avant tout, elle devait savoir ce qui se tramait à l’intérieur de l’hôpital, derrière la façade de verre et d’acier.

    Le chef de la police régionale

    Johan Ulfsson, chef de la police régionale de Stockholm, était assis dans sa voiture lorsqu’il reçut le message. Il était tôt et Stockholm n’était pas encore tout à fait éveillée. En tout cas, les cafés étaient encore endormis. Comme Hannah, il conduisait une Volvo. Un SMS urgent s’afficha sur son écran de téléphone fixé sur le tableau de bord. Il freina et tenta de lire le message tout en continuant à rouler depuis la rue Hantverkargatan direction le commissariat, près du parc Kronoberg.

    « Coups de feu à l’Hôpital pédiatrique universitaire.Un médecin urgentiste envoie un SMS de détresse. Des hommes lourdement armés et masqués ont

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