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L’étrange destin d’Étienne Valois
L’étrange destin d’Étienne Valois
L’étrange destin d’Étienne Valois
Livre électronique141 pages2 heures

L’étrange destin d’Étienne Valois

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À propos de ce livre électronique

Propriétaire d’un grand journal, Étienne Valois se trouve confronté à la perte, semble-t-il, inéluctable de son entreprise. Il ne voit pas d'autre solution que de la vendre. Seulement, son seul acheteur est un homme qui lui est très antipathique et qu’il se refuse à accepter comme nouveau maître de son organe de presse. Pour ne pas voir cela, il décide de se suicider mais rien ne se passe comme il l’avait prévu.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Auteur de plusieurs ouvrages, Pierre Clermont s’intéresse plus aux genres poétique et romanesque. Il a gagné le deuxième prix du roman dans un concours littéraire organisé par l’association « Arts et Lettres de France » en 2012 ainsi que plusieurs autres.
LangueFrançais
Date de sortie15 déc. 2023
ISBN9791042202880
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    Aperçu du livre

    L’étrange destin d’Étienne Valois - Pierre Clermont

    Chapitre I

    Étienne Valois regardait devant lui. Pourtant son regard ne s’arrêtait pas aux murs de ce bureau dont il était déjà absent. Son esprit, subitement vide, vagabondait sans entrave à travers des régions inexplorées. Lorsqu’il eut repris conscience des réalités immédiates, il se sentit envahi par une étrange lassitude. Il lui fallait bien se rendre à l’évidence : ses affaires étaient dans une passe particulièrement critique. Non pas qu’il en soit arrivé au point d’avoir perdu tout espoir mais, en cet instant, bien plus que d’une aide pécuniaire pourtant impérieuse, il avait besoin de parler, de se confier, de s’abandonner, loin des soucis quotidiens au milieu desquels il se débattait désespérément. S’allonger, poser sa tête sur une épaule amicale, telle était, à ce moment précis, la teneur de son désir.

    Pascale ! Elle était la seule personne près de laquelle il trouverait le réconfort souhaité mais, à cette heure-là, elle ne serait pas chez elle. Peut-être qu’avec un peu de chance… et puis, quand bien même elle serait absente, il pourrait rester dans le petit logement qu’il avait aménagé pour elle et où il se sentait bien, presque un autre homme. Chez lui, c’était différent. Il y avait longtemps qu’il n’échangeait plus, avec sa femme, que le minimum de paroles destiné à la vie courante. Pour le reste, Valois cherchait vainement pourquoi ils continuaient à vivre ensemble. Pourtant, ils n’avaient jamais eu de dispute. Peut-être était-ce justement ça. Tout s’était passé d’une façon totalement insidieuse. Les liens qui les avaient rapprochés un jour s’étaient dénoués au fil du temps d’une manière inexorable, sans qu’ils s’en soient aperçus. Un matin, ils s’étaient réveillés étrangers, indifférents l’un à l’autre et, malgré quelques tentatives maladroites, les cours de leurs vies respectives s’étaient disjoints. Pendant des années, à cause des enfants, ils avaient maintenu la fiction de l’amour et ils avaient joué à ceux qui s’aiment. Aujourd’hui, ça n’était plus nécessaire, pourtant aucun n’avait mis fin à cette pantomime inutile. Peut-être parce que ni l’un ni l’autre n’avaient eu le courage ou simplement pris le temps de faire les démarches nécessaires pour que tout s’arrête ?

    Pourquoi ces souvenirs revenaient-ils ainsi ? Valois savait qu’ils ne lui apporteraient aucun réconfort, au contraire, puisqu’ils ajoutaient à ses déboires professionnels l’image de ses échecs personnels, comme pour lui signifier que sa vie était irrémédiablement ratée. Levant les yeux, Étienne aperçut, accroché au mur, le portrait de son père. Celui-ci se tenait droit, imposant, comme s’il avait continué à régner sur cette pièce qui avait été son bureau pendant si longtemps. « S’il voit où j’en suis, il ne doit pas être fier de moi ! » À la mort de son père, Étienne avait pris sa suite à la tête du journal que celui-ci avait fondé près d’un demi-siècle plus tôt. Depuis ces temps héroïques, tout avait bien changé. Grâce à l’énergie du fondateur, le journal était devenu une institution, respecté et craint comme le sont les grands personnages.

    Or voici qu’un jour, après avoir atteint des sommets enviés de toute la profession, la courbe des ventes s’était mise à stagner, puis à décroître, lentement mais inexorablement. Étienne avait tout essayé mais, soit par malchance, soit par maladresse, la baisse avait continué, entrecoupée d’accalmies passagères qui laissaient, durant quelque temps, l’espoir d’avoir atteint le bas de la courbe et d’être prêt à la remonter. Mais cela ne s’était jamais produit et chaque fois, la chute avait recommencé, implacable. Maintenant, il était arrivé au terme. Assailli de toutes parts, ayant vendu tout ce qu’il lui était possible de vendre, il ne lui restait plus aucune issue. C’était la faillite complète, totale. Il avait perdu sur tous les plans ! Que faire désormais ? Et Pascale ? Comment lui avouer qu’il était ruiné et dans l’impossibilité de continuer à la faire bénéficier de ses largesses comme il l’avait fait jusqu’alors ? Comment allait-elle réagir ? Étienne craignait qu’elle ne prenne fort mal cette nouvelle. Il aurait voulu croire que c’était à lui qu’elle tenait et non à cette opulence factice, ce grand train qui, entre autres, l’avait ruiné, mais il ne lui était pas possible de répondre affirmativement.

    Étienne aimait Pascale. Aujourd’hui, il hésitait un peu en essayant de se remémorer la façon dont tout avait commencé. Pourtant, il avait besoin de penser qu’il s’était agi d’une histoire d’amour, de la rencontre de deux êtres qui s’étaient cherchés sans le savoir et qui, un jour, s’étaient trouvés, par hasard ou parce que le destin, à l’instant qu’il a choisi de toute éternité, fait se rejoindre ceux qui sont faits l’un pour l’autre. À la vérité, jamais leurs chemins n’auraient dû se croiser. Pascale était photographe et cherchait à vendre ses clichés. Elle était reçue par un des collaborateurs de Valois quand ce dernier était entré dans le bureau. Les présentations avaient été rapides : Pascale Lemercier – Étienne Valois. Puis, comme Étienne était là, ils avaient regardé les photos ensemble. Valois ignorait encore qui de celles-ci ou de l’opératrice l’avaient intéressé en priorité, peut-être l’ensemble ? Le fait est qu’il avait retenu quelques vues. À la suite de quoi leur collaboration était devenue continue avant de glisser vers des rapports plus intimes : ils étaient devenus amants.

    Pour faciliter les choses, Valois avait embauché Pascale comme photographe attitrée du journal. Cela lui permettait de subvenir largement aux besoins de celle-ci sous la forme d’un bon salaire, avantage propre à ménager les susceptibilités éventuelles tout en faisant entrer ces libéralités sous la rubrique « Charges » du journal. Au demeurant, Étienne avait toujours été généreux sur le chapitre des cadeaux et, galant homme, il payait sans discuter toutes les factures qu’on lui présentait. En revanche, Pascale était entièrement libre. Cependant, elle avait à cœur de fournir des prestations correspondant au travail qu’elle était censée faire et pour lequel elle avait d’ailleurs des aptitudes tout à fait convaincantes. Ceci avait néanmoins pour conséquence regrettable d’éloigner Pascale de chez elle dans la journée. Ainsi Étienne avait-il peu de possibilités de la joindre et, bien qu’il ait dû s’en accommoder, il en avait été longtemps contrarié. Ils étaient arrivés à un arrangement : Pascale exerçait son métier, mais uniquement dans la région parisienne. De cette façon, elle rentrait chaque soir chez elle où Étienne pouvait la retrouver. Peu à peu, Valois s’était habitué à cette situation. Parfois il s’échappait du bureau pour venir passer une heure ou deux, seul, silencieux, dans ce logement douillet que n’atteignaient ni les bruits de la ville ni les soucis de la vie.

    Aujourd’hui, Valois aurait bien voulu pouvoir le faire de nouveau mais il avait le sentiment qu’il devait s’accrocher à ce bureau, à cette pièce comme le capitaine s’agrippe à la barre lorsque souffle le vent, que gronde la tempête et que, de toutes parts, le bateau est assailli de vagues monstrueuses cherchant à l’engloutir. Tant qu’il serait là, peut-être que… Valois eut un geste de renonciation et un soupir de lassitude s’échappa de ses lèvres séchées. Rien n’était plus possible, seul un miracle pourrait encore les sauver. Mais il était inutile de rêver et d’espérer que l’argent nécessaire allait tomber du ciel comme une manne providentielle.

    Valois se leva. Le sentiment de son impuissance, d’une fatalité incontournable l’irritait de façon insupportable. Il n’y avait donc plus rien à tenter ? Tout était vendu ou grevé d’hypothèques, quant aux créanciers, Valois n’avait plus le courage de les compter ! Demain, l’un d’eux se présenterait. Le rendez-vous était pris et Valois s’était dérobé trop souvent pour oser le faire encore. Et puis quoi ? Cela ne servirait qu’à retarder l’échéance de quelques jours, voire de quelques heures ! À quoi bon ? « Si j’avais… ne serait-ce qu’une semaine… je pourrais… » Contre toute logique, Valois voulait lutter et se rattachait même à l’inespérance ! Il lui fallait partir, sortir d’ici, ne plus penser à ce cauchemar qui l’obsédait, lui mangeait chaque seconde de son temps, envahissait chaque parcelle de son corps, monopolisait chaque cellule de son cerveau. Partir… Il ouvrit brusquement la porte de son bureau, et passant devant sa secrétaire :

    — Je… sors, j’en ai pour une heure ou deux.

    Madame Valière était-elle dupe de ces départs imprévus ? Valois n’en avait cure. Il descendit l’escalier et bientôt, il fut dans la rue. Le temps était gris et frais, presque froid même, mais Valois y fut insensible. Il n’avait qu’un seul désir : aller chez Pascale, retrouver la tranquillité de ce logement au sein duquel il serait en sécurité.

    Bientôt, Étienne fut arrivé. Machinalement, il sonna puis, comme personne ne répondait, il prit sa clé, ouvrit et entra. Après avoir refermé la porte, il demeura immobile à contempler la pièce qui s’offrait à lui, accueillante, « heureuse comme une maîtresse qui reçoit son amant », pensa-t-il et cette réflexion fit naître en lui une émotion inhabituelle. Peut-être craignait-il de venir ici pour l’une des dernières fois ? Il rejeta cette hypothèse : « Il n’y a pas de raison que Pascale… » Il n’acheva pas sa phrase. Qui donc oserait se vanter de connaître réellement, totalement quelqu’un ? Alors Valois eut envie de savoir ce qu’il représentait, lui, homme marié, riche – ou du moins avait-on pu le supposer jusqu’à ce jour – pour cette fille qu’il aimait ? En fait, quel sens donnait-il à ce mot ? Qu’était-ce donc, l’amour ? Valois ne répondit pas. Jamais il ne s’était posé cette question. Pourquoi le faisait-il aujourd’hui ? La situation était-elle tellement différente ? Valois fut obligé d’opter pour l’affirmative. Sa position financière le contraignait à envisager une modification radicale de son existence et donc de ses rapports avec Pascale. Comme une bulle montant des profondeurs de l’onde vient crever à la surface, de la même façon l’évidence d’une décision à prendre à ce sujet s’imposait, mais Valois s’y refusait. Il lui semblait indispensable de préciser d’abord les sentiments de chacun. Comment éviter toute erreur ? Comment être son propre juge sans faire intervenir d’éléments susceptibles de fausser le jugement ? Valois balaya la pièce du regard. Si l’amour était… quoi donc ? Un principe ? Non !… Une substance ? Non plus !… Un état ? Ce n’était pas encore ça !… Alors quoi ? Une disposition (…) éminemment périssable qui ne se mettait pas en équation, qui n’obéissait à aucune règle, qui dépassait tout entendement et même toute raison ; d’ailleurs ne disait-on pas : l’amour fou ?

    Valois se laissa tomber dans un fauteuil, prit une cigarette et commença à fumer lentement, à petites aspirations courtes dont il laissait ensuite la fumée filer entre ses lèvres en un mince et diaphane serpentin gris bleuté qui se perdait bientôt dans l’air calme. Étienne ne bougeait plus, ne pensait à rien. Gagné par le lent balancement des volutes lancées à l’assaut du plafond, il sentait une étrange et délicieuse torpeur s’emparer peu

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