Mais que Faire du Corps? Et autres histoires pas banales
Par VIOLETTE JEAN
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À propos de ce livre électronique
Synopsis d'une collection d'histoires courtes
Le choix de Violette Jean de quelques-unes de ses histoires, étranges et inattendues, sans genre ni thème spécifique. Une fenêtre sur ses différents états d'âmes et visions de la vie, et de l'univers. Ses cinq courtes nouvelles, provocantes, en français, ainsi que ses autres histoires en anglais, éveilleront vos perceptions. Une excellente introduction aux écrits de Violette Jean.
VIOLETTE JEAN
ABOUT THE AUTHOR: I am at the early stage of a writing career. Forever I have been an avid reader, and over the years, stories of my own, have popped into my head. Humbly, but with determination, I have resolved to transfer them on paper. Born in France, I have been from a very young age, fascinated by the English language. Years later, having lived in the USA, I have taken upon myself to write my stories in English, although I also write in French, when I feel the story benefits from it. It has been a challenge, but I have enjoyed every minute of it. At this point, I would be grateful to have the opinion of readers everywhere. As for what genre my writing is? I don't really know, since my stories can differ widely, but all have in common, usually, a specific time period, and death. But, this is why, I really need you, readers, to guide me in this endeavor, and I think we have some interest in common, a really good story.
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Aperçu du livre
Mais que Faire du Corps? Et autres histoires pas banales - VIOLETTE JEAN
Liste des autres histoires pas banales
— ANNABELLE, LA CHATTE p 4
— Requiem p 23
— Les Morceaux de Sucres p 28
— La Fin du Jour p 66
— Mais que Faire du Corps ? P 71
Annabelle, la Chatte
« Tu viens, Minette ? »
AVEC DÉLICATESSE, ANNABELLE porte sa patte droite à hauteur d'un magnifique œil vert émeraude. Du revers de sa patte gantée d'une fine fourrure tachetée, elle applique des petits cercles concentriques sur l’œil maintenant clos. C'est le tour de l'autre œil émeraude de disparaître sous le gant de velours. Le toilettage se poursuit, méthodique, rigoureux et minutieux. L’épaisse queue en panache boucle sous l'effet de la petite langue râpeuse et rose qui l’étire comme de la barbe à papa. Du haut de son perchoir, la petite bibliothèque vitrée du salon, ses yeux en amande mi-clos observent distraitement Me Genet. Pourtant, la vieille dame arthritique et rondelette ne risque guère de l’attraper là-haut, mais c'est son instinct qui dicte toutes ses actions. Par conséquent, lorsqu’elle fait sa toilette, où qu'elle soit, elle surveille ses environs.
LA PENDULE ACCROCHÉE au mur d'en face, carillonne quatre notes sonores. D'un bond souple, Annabelle saute sur le dossier du sofa où Me Genet s'est endormie, alors qu'elle lisait un magazine : comment tracer ses ancêtres. La chatte progresse d'abord sur le siège, puis finit sa descente, pour atterrir sur le parquet ciré. De là, elle avance près de la dormeuse et se frotte contre ses jambes, émettant des miaulements mélodieux. Est-ce le carillon, ou bien la soie douce du pelage d'Annabelle qui la sorte de l'heureuse torpeur ? « Toi, dit-elle, en posant la revue sur la table basse, « tu as un réveil dans l'estomac ! » Elle se lève et se dirige vers la cuisine. Comme chaque après-midi, à 4 heures, Me Genet prépare le thé. Aujourd'hui, c'est un mélange de fruits rouges, avec un éclair au café. Annabelle attend sagement que sa maîtresse lui serve son quatre-heures : une petite poignée de croquettes. En ce moment, elles sont au poulet, pas aussi savoureuses que celles au thon.
LA VIEILLE DAME PROFITE de ce qu'Annabelle croque ses friandises, pour voler quelques caresses, commençant entre les deux oreilles, glissant le long de l’échine, jusqu'à la belle queue touffue. Les deux femelles s'entendent assez bien. Quoique Me Genet soit souvent frustrée et en veuille à sa chatte de ne point être affectueuse. Toutes ses amies possèdent des chats et chattes qui se laissent cajoler, manipuler, bref, acceptent l'amour de leur maîtresse. En attendant que l'eau frémisse, elle admire sa belle Annabelle. C'est vrai qu'elle est magnifique, avec une fourrure floconneuse calico, blanc pure, orange et noire, mouchetant le corps long et élégant de taches inégales, comme peintes par un de ces artistes impressionnistes de génie. Le pelage est d'une douceur extrême et long, qu'elle aimerait pouvoir peigner avec la brosse spéciale qu'elle a achetée, pour rien ! Annabelle se rebelle et refuse, allant jusqu'à la griffer, si elle insiste. Il est vrai, que la chatte est d'une propreté irréprochable. Malgré tout, c'est encore un plaisir auquel elle n'a pas droit.
DES ABOIEMENTS AIGUS éclatent, et Annabelle dresse les oreilles, cherchant l'endroit d'où il proviennent, même si elle sait que c'est le chien de la dame qui habite au-dessus de leur tête. Un terrier tout grisâtre avec des yeux noirs et une queue qu'il tient rigide à la verticale, et pointue. C'est l'heure de sa sortie, et la dame, sa maîtresse, est presque aussi vieille que Madame Genest, malgré des cheveux rougeâtres. La chatte, posément, retourne à ses croquettes qu'elle attrape une à la fois, puis elle s’étire et s'en va lentement en direction du salon. Cette fois, elle va se percher devant la grande porte-fenêtre vitrée qui ouvre sur l’étroit balconnet. De là, elle a une vue d'ensemble de la propriété. Bientôt, la Rouge et le Gris vont apparaître du coin droit du bâtiment où se trouvent les entrées, trois en tout. Sa queue, bien malgré elle, fouette l'air dès que le duo surgit. Comme chaque fois, la Rouge emmène le terrier vers un espace sablonneux, entouré de bancs et de poubelles. À chaque sortie, le chien trotte vers le même arbre, et le rituel se déroule. Il renifle le tronc en faisant le tour, puis, après avoir choisi l'endroit idéal, il lève la patte arrière et l’arrose copieusement. Après cela, les deux font le tour du parc, marchant d'un bon pas. De temps à autre, un voisin passe et s’arrête pour converser avec la dame, tandis que le chien et le terrier se renifle l'arrière-train et aboient de plaisir.
ANNABELLE N’AIME PAS les chiens, elle les déteste ! D'abord, ils sentent mauvais, ils sont bruyants, et sont d'une grossièreté impressionnante. Pensez, qu'ils pissent n'importe où, et que l'on trouve leurs crottes partout. Ensuite et surtout, elle se souvient du refuge d'où Me Genest l'a tiré. Elle était coincée dans une cage, vivotant mal, sans pouvoir s’étirer, dans la lumière crue des plafonniers de néon allumés jour et nuit. Et puis la puanteur était impitoyable, toutes ces odeurs de chiens, d'urines, mélangées à celles des puissants désinfectants, vous prenaient à la gorge. Quelle horreur ! Et les chiens, plus nombreux que les chats, et qui gueulaient du matin au soir. Maintenant, elle est au propre, au calme, et mange à sa faim, mais elle s'ennuie avec sa maîtresse qui ne fait rien et ne joue pas avec elle, ou du moins ne sait pas comment s'amuser. Elle essaye pourtant. Quelquefois, assise dans son profond fauteuil, tout en regardant la télé, elle agite une tige avec un ruban et des clochettes, sous l’œil complètement indifférent d'Annabelle.
LES SOIRÉES SONT LONGUES, alors la chatte se met en boule sur le sofa, s'enfonce dans le coussin moelleux, et rêve de souris et d'oiseaux maladroits qui ne la voient pas, tapie dans l'ombre d'un buisson. Madame Genest s'absorbe dans son feuilleton télévisé, cependant que sa main effleure gentiment la petite boule soyeuse qui dort. C'est le moment de la journée, où la chatte se montre vulnérable, et Me Genest ronronne de plaisir comme Annabelle. La nuit est bien installée, et a tiré son rideau noir dans le quartier et le reste du monde. La vieille dame entrebâille la fenêtre de la cuisine, éteint les lumières du salon, et après un dernier câlin à Annabelle qui vient de se réveiller, entre dans la chambre à coucher. La chatte s’étire, baille, puis saute allégrement sur le sol. Tout d'abord, elle trotte dans la chambre, et vérifie que la vieille dame est bien sous sa couverture, puis elle se rend dans la cuisine, où elle sait qu'elle trouvera la petite soucoupe pleine de lait frais. Des petites gouttes blanches perlent sur ses babines, vestiges du tentant liquide. Sans perdre de temps, sa patte de velours en efface toutes les traces. Aux aguets, à présent, elle écoute avec passion les bruits du logis. Son regard phosphorescent lance des éclats vert lumineux, et scrute tous les endroits où un intrus peut se cacher. La chasse est ouverte.
AOÛT ET SES GROSSES chaleurs rendent les jours difficiles pour Madame Genest, qui ne possède pas la climatisation. Elle vaque dans son logis, vêtu d'une robe en coton sans forme et sans manches. Des babouches en toile aux pieds, elle glisse plus qu'elle ne les lève sur le parquet lustré. Bien que ces babouches ne tiennent guère à ses pieds déformés par l’arthrite, elle ne supporte rien d'autre, car elle a toujours plus chaud aux extrémités que le reste de son corps, et ses petons ont bien doubler de volume ces jours-ci. Quant à Annabelle, sa volumineuse fourrure, en dépit de sa mue chaque printemps, reste suffisamment abondante pour qu'elle cherche la fraîcheur du carrelage de la cuisine, le plus souvent possible. Heureusement, sa maîtresse a fait installer un ventilateur au plafond du salon. C'est sur la bibliothèque qu'elle fait ses siestes, car de là-haut, les lames du ventilateur brassent l'air qui dérive vers elle à chaque passage, faisant voltiger le pelage léger, et lui procure un semblant de fraîcheur.
TOUJOURS EST-IL QUE ce midi, Me Genest en voulant ranger un large saladier de céramique dans le buffet du salon, l'a fait tomber sur les carreaux de la cuisine dans un grand fracas de verres cassés. Annabelle, qui sommeillait juste à côté, étirée de toute sa longueur sur le carrelage, sous l'effet de l'explosion sonore, catapulta en biais, droit devant-elle, et alla percuter de plein fouet les jambes de la vieille dame. Me Genest sous le violent impact de la chatte fit un pas en avant, tentant de garder son aplomb, mais sa babouche prenant son envol, elle perdit l’équilibre et bascula de tout son long, la tempe droite rencontrant la dure réalité d'un beau carreau de grès gris perle. Elle ne bougea plus.
ENTRE-TEMPS LA CHATTE, les yeux agrandis de peur, trouva refuge sous le buffet du salon, ce même meuble qui devait recevoir le maintenant inexistant saladier. Son petit cœur palpite encore bien rapidement, alors qu'elle scrute les conséquences de la catastrophe. Des gros morceaux de céramique orange s’étalent sous les jambes et le ventre de sa maîtresse, tandis que d’innombrables éclats jonchent le sol avoisinant, dépassant la tête grise et bouclée, et se dispersent jusqu'à venir la narguer dans sa cachette. Annabelle se met à l'aise parmi les moutons de poussière qui volettent depuis qu'elle les a dérangés. Le silence s'installe, Me Genest est toujours immobile. Maintenant rassérénée, la chatte cède à la somnolence.
LA DURETÉ DES CARREAUX ainsi que la chaleur grandissante, déloge Annabelle de son abri. Cependant, avant d'aller plus avant, elle évalue de son regard perspicace, le déroulement qui a suivi après sa fuite. Allons bon, sa maîtresse est encore couchée par terre, figée dans la même position. Et puis les débris éparpillés n'ont pas été enlevés. Ces observations sont rassurantes, bien qu’incompréhensibles pour la chatte, qui n'a auparavant, jamais vu la vieille dame dormir à même le sol. Oui, mais les personnes sont d’étranges créatures qui ne réagissent pas du tout comme les autres. Lentement, elle s'approche, plaçant ses pattes avec précaution entre les fragments de poterie, et se