Le secret d’Albertine

Albertine avait apporté au château sa gaieté et sa vivacité. A tout juste 18 ans, elle n’était pas ce qu’on appelle une beauté, mais quand elle souriait, son visage s’illuminait et ses yeux pétillaient tant et tant que nul ne résistait à son charme. Au village, quand elle avait dit qu’elle allait travailler pour le comte et la comtesse de Saint-Avon, plus d’une lui avaient lancé des regards envieux.

Mme Leblanc, l’intendante, lui avait indiqué quelles seraient ses tâches et l’avait confiée à Berthe, une autre domestique avec laquelle elle partagerait une chambre sous les combles. Berthe était petite, boulotte, rougeaude, avec le cheveu terne et surtout une langue bien pendue qui fonctionnait plus pour les critiques que les louanges. Elle n’attirait guère les regards, mais son énergie et son efficacité lui valaient l’estime de l’intendante.

Berthe avait emmené Albertine dans leur chambre où l’attendait son uniforme posé sur ce qui serait son lit. Albertine avait enfilé la longue robe noire des domestiques, sur laquelle elle avait noué un tablier blanc brodé sur les bords et montant en chasuble sur les épaules. Elle fixa sur ses cheveux blonds remontés en chignon la petite coiffe blanche complétant sa tenue de service. Berthe avait levé les yeux au ciel en l’entendant babiller sur son bonheur d’avoir été engagée.

– Tu risques de vite déchanter, ma belle ! Moi, ça fait trois ans que je suis au service du comte et de la comtesse. Quand ils reçoivent au château – et crois-moi, c’est souvent ! – on n’a pas assez de bras pour abattre tout l’ouvrage !

– Ça me va ! L’ouvrage ne m’a jamais fait peur, avait répliqué Albertine en jetant un coup d’œil satisfait dans le miroir abîmé de la chambre. Berthe avait haussé les épaules. Elle lui avait montré ensuite ce qu’il y avait à faire : aérer les chambres, changer les draps, épousseter les meubles, faire briller les miroirs, battre les tapis…

Rien de bien difficile pour Albertine.

– Ah, j’oubliais