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La Dernière Garde - Tome 2: L'Héritier
La Dernière Garde - Tome 2: L'Héritier
La Dernière Garde - Tome 2: L'Héritier
Livre électronique274 pages3 heures

La Dernière Garde - Tome 2: L'Héritier

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À propos de ce livre électronique

Arwald le Loup a reformé « la Meute ». Felymée l’immortelle, Thom le nain débrouillard, Alrow l’archer infaillible et Clamane le poète érudit ont répondu à l’appel de leur capitaine. Ils constituent la dernière garde de Valkryst, le prince héritier, face au démon assassin Lamenoire. Le destin les rattrape aux confins du royaume, dans une tour assiégée, en proie aux flammes. Meurtrie et amputée, la Meute devra se relever pour poursuivre sa mission…
La Dernière Garde s’inscrit dans une série de romans constituant les chroniques épiques et fantastiques du royaume de Rougeterre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Denis-Christian GÉRARD vit à Nancy, la cité des Ducs de Lorraine. La lecture du Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien fut la révélation qui guida son imagination d’enfant vers d’autres mondes. Il eut alors envie de créer et raconter ses propres histoires. Ses premières nouvelles circulèrent en secret sur les tables de ses camarades lycéens, pendant les cours. Parallèlement, il s’abandonna corps et âme au jeu de rôles. Plus tard, il entreprit la rédaction de plusieurs romans dans lesquels il joue avec l’Histoire (à la manière d’Alexandre Dumas ou de Walter Scott) ou l’invente (à la façon de Robert E. Howard).
LangueFrançais
ÉditeurEncre Rouge
Date de sortie27 août 2021
ISBN9782377898701
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    Aperçu du livre

    La Dernière Garde - Tome 2 - Denis Gérard

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    Denis-Christian GERARD

    Les Chroniques de Rougeterre

    LA DERNIÈRE GARDE

    Tome 2 – L’héritier

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    Roman

    Dessin de couverture : David BULLE

    Prologue

    Rien ne semble pouvoir détourner le terrible Lamenoire de sa mission : assassiner Valkryst le prince héritier, et mettre un terme à sa lignée. Arwald et ses compagnons gagnent du temps et le protègent de leur mieux, en attendant de trouver un moyen de lutter contre l’insaisissable créature démoniaque. Considérés comme des hors-la-loi, ils sont également traqués sans relâche par le capitaine Aimery de Castelrol.

    Aux confins du royaume, Arwald et la Meute ont retrouvé leur ami Clamane, le poète érudit. Mais, satisfait de son existence au milieu de ses précieux parchemins, ce dernier hésite à reprendre du service. De plus, il conserve une rancœur tenace envers la famille royale.

    Hélas, le pisteur Mi-Cri a retrouvé la trace de la petite compagnie et guide les troupes de son maître, le capitaine Aimery, jusqu’à la tour fortifiée de Clamane. Un siège s’ensuit. Devant la résistance acharnée d’Arwald, Aimery perd la raison et fait incendier l’édifice. La Meute disparaît dans les flammes dévorantes…

    Seuls Syllea et Petit-Thom, capturés avant le drame, restent en vie. Leur sort dépend maintenant d’Aimery de Castelrol, mais également du cruel Mi-Cri…

    Chapitre 1 : Le champion de Castelrol

    Syllea ouvrit les yeux et fut éblouie par la lumière du jour naissant. Elle se tenait couchée sur le flanc gauche, la joue et le front meurtris par un parterre de cailloux aux arêtes cruellement saillantes. Une odeur puissante de brûlé malmenait ses narines irritées. Elle ne sentait plus ni ses bras ni ses jambes et comprit rapidement qu’ils étaient si bien entravés que la circulation du sang y était ralentie. Quant à la moiteur désagréable qui irradiait dans son dos, elle lui fit comprendre qu’un autre partageait très étroitement son sort.

    — Thom… est-ce toi ? balbutia-t-elle.

    — Syllea ! lui répondit le nain. Erod soit loué, j’ai bien cru que tu avais passé l’arme à gauche.

    — Que…

    Elle tenta de se redresser mais la douleur qui lui vrilla aussitôt la tempe la fit retomber lourdement au sol.

    — Reste calme, lui conseilla son compagnon d’infortune. Ne bouge pas. Le mal de crâne va finir par s’estomper.

    Il mentait. C’était comme si sa propre caboche menaçait d’exploser à tout moment, mais il ne voulait surtout pas que la voleuse change de position et soit témoin du même spectacle funeste que lui. En effet, couché contre la jeune femme, Thom était aux premières loges : à cent pas à peine, juste devant lui, se trouvaient les restes éboulés, gris de cendre et fumants de la tour de Clamane. Les soldats d’Aimery, maintenus à distance par la chaleur encore vive, étaient éparpillés autour des ruines de l’édifice, ne sachant ni comment réagir ni comment interpréter l’événement. Après tout, ils avaient assassiné leur propre roi cette nuit.

    — Arwald ? demanda Syllea. Et les autres ? Sais-tu si… s’ils sont saufs ?

    Petit-Thom sentit sa gorge se serrer. Que devait-il répondre ? À quoi bon éluder la triste vérité ? Cela ne ramènerait pas les amis tombés. Jadis, le Loup, Felymée, Alrow et Clamane étaient capables de faire des miracles ensemble. Combien de fois s’étaient-ils sortis de justesse de situations pires qu’inextricables ? Mais cette fois-ci, la chance leur avait, semble-t-il, fait faux bond. Il faut croire que la Meute appartenait à une autre époque, glorieuse et révolue ; la reformer aujourd’hui s’était révélé être une erreur fatale.

    — Thom, je t’en prie… dis-moi s’ils sont saufs.

    Le nain soupira, cherchant les mots les moins cruels, les moins rudes possibles, mais il n’eut pas besoin d’ouvrir la bouche, un autre s’en chargea pour lui.

    — Tous morts, lança Burton en s’approchant des deux prisonniers. Brûlés vifs dans leur cachette sans avoir la moindre chance de se défendre. Leurs os calcinés reposent maintenant sous des tonnes de gravats.

    — Non… bredouilla Syllea tandis que ses yeux s’embuaient de larmes. Qu’avez-vous fait ?

    — Après avoir assassiné ton souverain et sa dernière garde, tu viens tourmenter les survivants, sergent, grogna Petit-Thom. Quel guerrier digne d’éloges tu fais !

    Contre toute attente, le vieux soldat tomba à genoux devant le nain. Son visage noirci par la suie, sa barbe hirsute et ses yeux rougis lui donnaient l’allure d’un dément.

    — Loin de moi l’idée de tourmenter quiconque, petit homme, souffla-t-il la voix brisée par une émotion sincère. Je ne voulais pas en arriver à ce drame… Je ne voulais pas… Erod m’en est témoin…

    Thom cracha devant Burton.

    — Sois tranquille, Erod te jugera quand tu rendras ton dernier souffle, régicide ! Car c’est ainsi qu’il faut vous nommer maintenant, toi, ton seigneur et sa bande de tueurs ! Tu te lamentes comme une vieille femme mais qu’as-tu fait pour empêcher que cela ne se produise ? Qu’as-tu fait ?

    Il aurait pu continuer ainsi longtemps, à éructer son trop-plein de haine et de rancœur sur le vétéran abattu. Mais, dans son dos, Syllea pleurait à chaudes larmes ; et l’expression insoutenable de la douleur de la jeune femme ainsi que les tremblements nerveux de son corps firent perdre instantanément à Thom toute velléité combative. Alors il se tut et ferma les yeux pour tenter de contenir son propre désarroi. Dans cet état second, il entendit à peine Aimery aboyer ses ordres à la troupe, sur le ton arrogant et méprisant qui caractérisait si bien le chevalier.

    Des hommes d’armes vinrent trancher les liens des prisonniers. Mais ces derniers, incapables de se servir de leurs membres rendus douloureux par l’afflux sanguin subitement rétabli, durent être portés comme des paquets de linge sale et mis en selle sur un cheval commun. Bientôt, ils prirent la route en direction de Castelrol au milieu d’une colonne de vingt cavaliers seulement. Dix soldats avaient été désignés pour rester sur place et fouiller les gravats à la recherche des restes des victimes. Tant qu’ils le purent, Thom et Syllea se déhanchèrent sur leur selle pour observer l’oriflamme mortuaire de fumée noire qui, lentement délitée par la brise, tentait de s’élever loin au-dessus de la Passe-du-Levant.

    À la nuit tombée, la troupe d’Aimery fit halte à Espandio, un village paisible de trente-trois âmes. Ces dernières ne s’attendaient certes pas devoir entamer leurs réserves de nourriture pour contenter une vingtaine d’estomacs de soldats affamés. Mais le choix ne leur fut pas donné. Et qui eût osé défier l’autorité du premier chevalier du royaume ? Aimery réquisitionna la ferme la plus cossue pour son confort personnel et ordonna à sa troupe de monter le camp tout autour.

    Dans la pièce principale du bâtiment, le chevalier se tenait assis, seul devant les reliefs d’un repas copieux. Il rota bruyamment après avoir vidé d’un trait une énième coupe de piquette puis s’essuya les mains sur un pan de nappe rugueuse.

    — Des traîtres… maugréa-t-il, aviné, tandis que le liquide coulait sur son menton et son plastron. Tous des traîtres… même ce vieux roquet de Burton ne peut s’empêcher de contester chacun de mes ordres… et mes hommes, ces bâtards, me regardent du coin de l’œil comme s’ils n’avaient plus confiance… Est-ce ma faute si le roi n’a pas survécu ? Valkryst m’a-t-il laissé le moindre choix ? Il avait perdu la tête, il était devenu dément ! Il pactisait avec Arwald le régicide ! Mais qui sait, peut-être même l’avait-il commandité pour assassiner son propre père ? Maudits soient-ils tous ! En fait… je n’ai plus que toi, l’ami, tu es le dernier de mes fidèles.

    Il attrapa une cuisse de poulet à demi rongée et la lança vers un coin de la pièce plongé dans l’obscurité. Une main bandée blafarde émergea aussitôt de l’ombre pour récupérer la nourriture avec avidité.

    — Merci bien, mon maître. Tu es généreux avec Mi-Cri.

    — C’est normal… Sans tes incroyables dons de pisteur, je n’aurais jamais retrouvé la trace de ce chien d’Arwald, poursuivit Aimery. Quel dommage que tu sois aussi laid et puant. J’aurais pu faire de toi… mon nouveau sergent. Mais à quoi ressemblerais-tu vêtu d’une cotte de la garde de Castelrol ? Les gens te prendraient pour mon bouffon… Un bouffon monstrueux. Quant à ton odeur de bête crevée, elle épouvanterait jusqu’aux chevaux…

    Il s’esclaffa en postillonnant.

    — Le maître est trop bon avec Mi-Cri. Mais Mi-Cri ne veut pas être un soldat… Non, non.

    — Allons bon ! Tu es donc insensible aux honneurs. Dans ce cas, quel autre bienfait pourrais-je t’octroyer pour récompenser ta loyauté ?

    Le petit être sortit sa tête lunaire de la pénombre, ses yeux n’étaient que deux fentes noires et inquiétantes.

    — Ah, il… il y a bien que’que chose qui ferait très très plaisir à Mi-Cri… siffla-t-il, tel un serpent venimeux.

    — Par Erod ! À la bonne heure ! Et de quoi s’agit-il ? Parle !

    — Oh, Mi-Cri voudrait bien… la femelle…

    — La femelle ? Tu veux dire…

    — Oui… la femelle à la peau blanche, la prisonnière… elle ferait vraiment très plaisir à Mi-Cri…

    Sous l’effet de la surprise, Aimery de Castelrol éclata de rire et manqua de s’étouffer. Après avoir toussé bruyamment et repris son souffle, il se tourna vers le petit pisteur.

    — Il y aurait donc un vrai mâle caché sous ce physique disgracieux ! lança-t-il d’une voix rauque. Sache que je consens à te donner la petite servante de bon cœur, elle ne me sert à rien après tout. En réalité, je n’ai besoin que du nabot pour qui je nourris quelque projet d’envergure…

    Le visage de Mi-Cri sembla s’illuminer et sa bouche fine se tordit en un simulacre de sourire.

    — C’est promis à Mi-Cri ?

    — Oui, c’est promis, mon abominable et petit ami. Mais ne perdons pas de temps, poursuivit le chevalier en se levant avec peine de sa chaise. Je suis plus que curieux de voir ce que tu comptes faire de ta… nouvelle propriété.

    D’un pas rendu mal assuré par l’abus de vin et par sa cheville foulée, le jeune seigneur se saisit d’une lanterne puis se dirigea vers la sortie. Mi-Cri s’élança sur ses talons, à quatre pattes, tel un animal de compagnie.

    La nuit venait de tomber et les soldats qui n’étaient pas de garde se reposaient devant leurs tentes, au pied des feux sur lesquels finissaient de griller les pièces de viande soustraites aux réserves d’Espandio. Quelques téméraires osèrent lancer un regard noir vers leur seigneur tandis qu’il traversait leur camp en boitant, mais ce dernier les toisa. Bombant le torse, il exhibait la cotte de mailles nordane prise à Arwald comme un trophée. Et, en vérité, c’en était un. En portant cette pièce d’armure historique, il se sentait invincible. L’égal d’un dieu de la guerre. D’ailleurs n’avait-il pas survécu à un coup mortel porté par une Velkerie ? Qui pouvait se vanter d’en avoir fait autant ? Même le puissant Rol le Noir était tombé sous les coups de l’une de ces harpies.

    — La traîtrise est partout, susurra-t-il à Mi-Cri qui marchait à son côté. Mes hommes me tiennent rigueur d’avoir transformé leur jeune roi en charbon de bois… mais ils ne comprennent pas le service que j’ai rendu au royaume. La traîtrise est vraiment partout…

    Le petit être ne répondit pas, il se moquait bien des états d’âme ou des obsessions de son maître. Pour lui, seule comptait la jeune femme détenue dans la vieille grange vers laquelle il trottait et ce qu’il allait bientôt lui faire endurer…

    Dans la semi-obscurité de l’édifice aux planches disjointes, Syllea et Petit-Thom tentaient de reprendre quelques forces en buvant une soupe de légumes trop claire, sous la surveillance d’un duo de soldats fatigués. Maculés de sang séché et de poussière grise, affalés sur un lit de paille défraîchie, les survivants de la Meute ressemblaient à des mendiants de longue date. Ils étaient encore sous le choc de la disparition tragique de leurs amis. Aussi, quand la porte de la grange s’ouvrit, ne levèrent-ils même pas la tête vers les nouveaux venus, nimbés de la lumière jaune émanant de leur lanterne.

    — Mais… qui a osé détacher et nourrir ces deux vermines ? aboya Aimery.

    Tels des pantins de bois montés sur ressorts, les hommes d’armes sursautèrent et se mirent au garde à vous devant leur suzerain. C’est à peine s’ils remarquèrent le nabot aux yeux bridés qui piaffait d’impatience à son côté.

    — En fait… c’est moi, Messire, répondit l’un d’eux craintivement. Mais sur ordre du sergent Burton, précisa-t-il hâtivement. Je… je ne me serais jamais permis de le faire de ma propre initiative…

    Le premier chevalier du royaume pesta comme un charretier puis fit un effort considérable pour chasser la hargne qui s’insinuait en lui.

    — Eh bien, encore une fois, je dois avouer que le sergent m’irrite sérieusement, dit-il d’une voix fébrile. Cela devient une habitude, ces temps-ci. Mais je réglerai mes comptes avec lui en temps utile. En vérité, l’heure est à la détente. En effet, mon ami Mi-Cri et moi-même sommes venus nous amuser.

    Ces derniers mots sonnèrent comme un avertissement sinistre pour Syllea et Petit-Thom, si bien que les deux compagnons d’infortune levèrent la tête de concert vers le chevalier.

    — Mais dans quel état pitoyable elle est ! s’exclama ce dernier en désignant la jeune femme. Elle n’est vraiment plus très appétissante. Es-tu certain que tu en veux toujours, mon disgracieux vassal ?

    — Oui, la femelle est parfaite… pour ce que Mi-Cri veut en faire, mon maître.

    — Dans ce cas, je n’ai qu’une parole. Gardes, dépouillez la fille de ses hardes et amenez-la au centre de la grange, pour que mon serviteur et ami ici présent puisse disposer d’elle comme… comme il l’entend.

    Syllea échangea un regard horrifié avec Petit-Thom. Ce dernier tenta aussitôt d’interpeller Aimery.

    — Messire, je vous en prie, je vous en conjure ! Cela n’est pas digne d’un seigneur tel que vous ! Laissez-la tranquille ! Elle n’est pas votre ennemie ! Son implication dans cette histoire est due au hasard ! S’il vous plaît, laissez-la tranquille !

    Les suppliques eurent l’effet escompté sur les deux soldats qui s’immobilisèrent. Ils se tournèrent vers leur chef, comme pour obtenir de nouvelles instructions. Hélas, ce dernier se révéla bien moins sensible qu’eux.

    — Allons, mettez mes ordres à exécution ! ordonna-t-il, le visage dénué de toute émotion.

    Alors, les gardes se jetèrent sur la pauvre Syllea épouvantée et entreprirent de déchirer ce qui restait de ses vêtements. Bien sûr, elle tenta de se débattre de toutes ses forces restantes et Thom voulut s’interposer, mais les coups qui s’abattirent sur eux brisèrent leur résistance. Le nain fut repoussé violemment contre une cloison et s’en trouva à demi assommé, tandis que la jeune femme à la nudité exposée était traînée sans ménagement vers un Mi-Cri tremblant et bavant d’une excitation malsaine.

    — Maîtrisez-la ! lança Aimery toujours impassible.

    En soupirant, les soldats la plaquèrent sur le dos et œuvrèrent pour écarter ses cuisses de force mais, à leur grande surprise, elle cessa soudain de résister. Contre toute attente, sa voix claire teintée d’un accent de haine farouche résonna dans la grange.

    — Allez, que le petit monstre prenne son plaisir et qu’on en finisse ! Il ne sera pas le premier à me forcer, j’en ai vu d’autres au palais royal. Et vu sa taille, il y a de grandes chances pour que je ne le sente même pas !

    Imperméable à la raillerie, Mi-Cri s’avança jusqu’à sa proie et la contempla avec avidité. Elle était belle avec ses seins fermes, son ventre plat, ses hanches étroites et ses longues jambes. Quant à sa peau, si lisse, si blanche, si parfaite. De sa triste vie de bâtard, il n’avait jamais vu créature plus merveilleuse et envoûtante. Alors, cédant à ses basses pulsions, il se débarrassa de ses braies sales et s’allongea sur le corps chaud de la jeune femme. Maladroitement, péniblement, il s’insinua en elle puis, assuré de la posséder enfin pleinement, il s’échina à sa besogne immonde, grognant à chaque va-et-vient. Son visage hideux arrivait à peine à hauteur de la poitrine de Syllea, pourtant cette dernière pouvait sentir la fétidité de son souffle régulier. Contenant ses larmes et son dégoût profond, elle ferma les yeux en s’imaginant qu’elle enfonçait lentement une dague en plein cœur de son tourmenteur. Quand le bâtard atteignit le faîte de son plaisir odieux, il se mit à pousser des couinements ignobles, semblables à ceux d’un goret. Les deux gardes s’écartèrent d’un pas, mal à l’aise, presque écœurés. Même Aimery commençait à trouver le spectacle dérangeant.

    — Allons Mi-Cri, tu t’es assez… amusé, dit-il sur un ton agacé. Laisse-la maintenant.

    Soulagée de sa pulsion bestiale, la créature obtempéra et se retira de la jeune femme en haletant tel un animal.

    — J’avais raison… lança alors Syllea. Je n’ai rien… senti… du tout… Autant être prise par un eunuque…

    Mais sa voix brisée ne fit que trahir son émotion, son profond désarroi et dégoût. Faisant montre d’une insensibilité parfaite, Mi-Cri remonta soigneusement ses braies puis tourna son affreuse tête jaunâtre vers son seigneur.

    — Le maître a dit qu’la femelle était à Mi-Cri et Mi-Cri n’en a pas tout à fait fini avec la femelle, déclara-t-il froidement.

    Une dague à la lame aussi brillante qu’affûtée venait d’apparaître dans sa main droite. La voleuse crut défaillir en l’apercevant.

    — Mais par Erod ! s’exclama Aimery. Que comptes-tu lui faire avec ça ? Laisse-la, te dis-je !

    — Mais le maître n’a-t-il pas promis à Mi-Cri ?

    Le chevalier resta interdit, percevant la détermination froide et obscène du petit sang-mêlé derrière les deux fentes noires qui traversaient son visage émacié.

    — Le maître n’a-t-il pas promis à Mi-Cri ? insista-t-il.

    — Oh, bon sang ! Oui, oui j’ai promis ! Après tout qu’ai-je à faire de cette garce ! Alors vas-y, fais ce que tu veux, mais de grâce, fais-le vite !

    Satisfait, le petit homme enjamba la pauvre Syllea, tétanisée par la peur, et s’assit à califourchon sur son ventre nu, immobilisant ses bras sous ses genoux. Bien calé, il exhiba son arme.

    — Le jeu est simple, dit-il avec la froideur d’un serpent. Mi-Cri va faire très mal à cette belle femelle. Pour pas avoir mal, cette belle femelle va révéler le secret qu’elle a volé à l’autre belle femelle, la guerrière blonde, dans la clairière de la grande forêt, sous les branches du grand chêne. Oui, Mi-Cri vous observait dans l’obscurité mais, hélas, l’était trop loin pour bien entendre tous les mots. Mi-Cri est pas idiot et il en a tiré des conclusions… mais il demande aujourd’hui confirmation.

    Syllea fut saisie d’effroi. Elle se revit aussitôt en situation, espionnant Arwald et Felymée et obtenant à leur insu des informations qui la dépassaient. Que savait exactement le petit être ? Bluffait-il ? Pouvait-elle lui raconter une fable ?

    — Non… je… non… bredouilla la jeune femme, terrorisée, et ne sachant qu’inventer.

    Alors, sans l’ombre d’une hésitation, le bourreau traça un sillon sanglant sur l’épaule de Syllea. Cette dernière serra les dents pour retenir un gémissement de douleur et d’effroi.

    — Le secret ?

    — Mais je… je ne détiens aucun… secret… balbutia-t-elle. Je ne comp…

    La lame dessina une nouvelle entaille écarlate sur son torse puis entre ses seins. Le sang coulait sur sa peau pâle, se mêlant à la sueur et s’accumulant sous elle en une flaque brillante. Cette fois-ci, Syllea laissa échapper un cri plaintif et déchirant qui s’entendit dans tout Espandio. À ce moment, Petit-Thom reprit conscience au fond de la grange et la scène qu’il découvrit le glaça jusqu’aux os.

    — Aimery ! Arrêtez ça, par pitié ! Vous êtes un chevalier, vous ne pouvez laisser commettre une telle atrocité ! Intervenez, je vous en conjure ! implora-t-il.

    Le jeune noble, choqué et pâle comme un mort, fut saisi d’un sursaut de sens moral. Comme hébété, il posa sa lanterne au sol, empoigna son épée et commença à en faire glisser la lame hors du fourreau, presque décidé à secourir la voleuse. Hélas, son âme viciée fit rapidement taire ce réflexe incompatible

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