Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Du thé pour les vautours
Du thé pour les vautours
Du thé pour les vautours
Livre électronique130 pages2 heures

Du thé pour les vautours

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Du macabre au mystique, de l’insondable Château des Embruns aux éprouvantes Montagnes Embrasées, ici commence votre périple dans un monde indistinct et périlleux, où affleurent les vestiges d’une grandeur déchue. Découvrez comment un cambrioleur désespéré, une jeune héritière imbue de sa beauté ou même une cité tout entière peuvent sombrer en un instant dans l’innommable… et vous, lecteur, avec eux !
Ces six nouvelles de longueurs diverses entendent donner un nouveau souffle pestilentiel aux machinations du Destin, qui s’y montre tantôt cruel, tantôt cynique, mais toujours implacable.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Lucas Mommer réside dans la province de Liège, où il enseigne le français et le latin. Une curiosité pour les témoignages du passé, sous toutes leurs formes, l’a amené à se passionner pour les civilisations antiques et d’Asie centrale, ainsi que leur histoire militaire. En littérature, cette inclination se traduit par un goût immodéré des mondes perdus et décadents, dont Clark Ashton Smith est le meilleur représentant à ses yeux.
LangueFrançais
ÉditeurTourments
Date de sortie19 sept. 2022
ISBN9782372242561
Du thé pour les vautours

Auteurs associés

Lié à Du thé pour les vautours

Livres électroniques liés

Fantasy pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur Du thé pour les vautours

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Du thé pour les vautours - Lucas Mommer

    cover.jpg

    Lucas MOMMER

    DU THÉ POUR LES VAUTOURS

    RECUEIL DE NOUVELLES

    ÉDITIONS DES TOURMENTS

        À Pierre, pour son amitié.

    À Anne-Marie, pour m’avoir fourni le pupitre.

    LE CHÂTEAU DES EMBRUNS

    Kingly cadavers in robes of time-rotted brocade, with worms seething in their eye-pits, poured a blood-like wine into cups of the opalescent horn of unicorns. Lamias, trident-tailed, and four-breasted chimeras, came in with fuming platters lifted high by their brazen claws. Dog-headed devils, tongued with lolling flames, ran forward to offer themselves as ushers for the company.

    Clark Ashton Smith

    – Je vous ai promis une histoire sans pareille, et si mon flair ne m’a pas trompé, vous allez être servi. Voyez-vous, Ekhrim le Fétide n’a pas toujours exsudé cette odeur rance de viscères de poissons faisandées qui allait le priver irrémédiablement de toute compagnie féminine, même monnayée, et lui mettrait presque quotidiennement aux trousses une meute de chats affamés. Ces derniers, qui pullulent dans les bas-quartiers où vit Ekhrim, donnent d’ailleurs si bien la chasse à ce que leur odorat prend pour un gigantesque mérou défraîchi que bien souvent, la victime de cette fâcheuse méprise n’a d’autre refuge que « Le Saltimbanque onaniste », mais oui ! l’établissement même où nous nous trouvons, pour échapper aux légions de crocs à l’assaut de ses filets postérieurs. Une ribaude dans une ville d’hommes sans bras n’eût mené existence plus éprouvante.

    « Mais délaissons à présent ce ton burlesque, qui ne siérait point à pareil récit d’épouvante, car enfin, c’est bien de cela qu’il s’agit ! Quelques notes d’humour ont de tout temps été jetées au visage des pires monstres, afin d’exorciser l’effroi bien légitime qu’ils nous inspirent. Espoir absurde ! Peu importe combien d’artifices mentaux l’humain invoquera dans sa chute terrible, le gouffre de la peur n’en demeurera pas moins sans fond. L’histoire d’Ekhrim, en l’occurrence, n’a rien à envier aux plus insondables abysses, et la survie inespérée qui fut la sienne ne doit pas être prise à tort pour de la fortune ; celui sur qui la Mort a laissé son stigmate se trouve condamné à mourir à chaque instant.

    « Or, pour en revenir à mon propos – qui n’est qu’un pâle préambule au véritable récit, celui que seule peut livrer la victime – les effluves nauséabonds qui valent à Ekhrim son sobriquet et ses tourments ne sont point dus à une quelconque vocation de pêcheur, loin s’en faut : comme vous l’avez sans doute constaté, la région de Creux-Vallon est exclusivement recouverte de collines rocailleuses et érodées, et la mer la plus proche est à plusieurs dizaines de jours de chevauchée. Comment Ekrhim peut-il alors empester le poisson ? Faites donc preuve d’un peu de patience, mon gaillard ! Les mystères, comme les femmes, ne se dévoilent qu’aux plus méritants. Où en  étais-je… Ah oui ! Croyez-le donc ou non, mais avant que sa puanteur ne mît à mal sa furtivité, Ekhrim était le plus fin cambrioleur de toute la contrée.

    « Mais tenez, le voici justement qui entre ! Le petit bonhomme chafouin à l’allure maupiteuse, là, dans l’entrebâillure de la porte ! Ne vous avais-je pas dit que je connaissais ses habitudes mieux que personne ? Voilà qu’il s’assoit tant bien que mal à la table de l’alcôve, au plus près de la fenêtre – vous comprendrez bientôt la raison de cette lubie. Vous dites ? Ah pour ça, il n’a plus sa fière dégaine d’antan, notre Ekhrim : voyez l’œil torve, le dos voûté, les mains qui tressautent inexplicablement comme une charrette sur un sentier de montagne… La cendre tombée sur ses cheveux ne doit pas vous abuser non plus ; il n’a pas trente ans. Mais pouah, quelle puanteur infecte ! Même d’ici, vous la sentez, n’est-ce pas ? Mille écrevisses qu’on eût laissé rôtir au soleil de midi ne dégageraient pas de pareils relents, je vous l’accorde. Regardez comme les gens refluent vers le fond de la salle pour échapper aux miasmes pestilentiels. Nous, nous tiendrons bon, mon lascar ! Vous n’êtes pas d’ici mais je pressens que vous en avez vu d’autres ! Et puis, allez, ce gaillard mérite notre mansuétude. Il a vu ce qu’aucun d’entre nous ne devrait voir, et il s’acquitte de son devoir aussi dignement que son odeur de poiscaille le lui permet. Quel devoir, vous dites ? Celui de mémoire, pardi ! Ekhrim est un témoin vivant, bien malgré lui, croyez-moi, de ce que ce monde peut receler de pire en matière de décrépitude et d’abjections, des choses qu’il vaut mieux méconnaître, comme nous, qu’abhorrer à juste titre, comme lui.

    « Espérons que la Harpie se tienne tranquille cette fois, et    peut-être que l’effroyable divertissement que je vous ai promis arrivera. Ce qu’elle a fait, la Harpie ? Peuh, c’est une moins-que-rien, une souillon, et malgré son âge avancé, une fervente débauchée, plus encore de l’esprit que du corps, le genre qui se pend à votre bras comme un veau aux mamelles de sa mère et vous susurre mille propositions grivoises pour que vous remplissiez sans cesse son godet, puis qui vous fausse subitement compagnie au moment de passer à l’action, vous laissant cul nu et interloqué dans une venelle sombre ! Je l’ai vue à plusieurs reprises monter sur une table et, encouragée par la vilenie générale, soulever ses jupons rapiécés pour agiter à la vue du pauvre Ekhrim une vulve flétrie comme un mollusque écalé, en comparant son odeur avec… Enfin, vous avez compris. Pardon ? Oui certes, le parallèle n’est pas sans fondement… Reprenez donc de notre fameuse bière brune lourdement épicée, ça vous endormira un peu le museau.

    « Ah ! Voilà que le misérable miracle se produit ! Observez ces deux étrangers qui se lèvent et se dirigent vers notre pauvre bougre avec un cruchon rempli de sa douce faiblesse. Sûrement, l’aubergiste leur aura promis une histoire sensationnelle s’ils parvenaient à délier la langue de notre homme. Eh bien, il s’agit justement de l’horrible récit que je vous ai promis, moi aussi. Laissons-les mener dignement leurs salutations avant de nous approcher. Cela nous laisse encore un peu de temps, suffisamment pour vous rappeler que ce que vous allez entendre est la plus immonde vérité. Malgré son air dépenaillé et son ancienne vocation de bandit, Ekhrim est un homme cultivé, et un bon orateur de surcroît ; il ira droit à l’essentiel et ne vous épargnera aucun détail sordide, aussi cette horreur sera-t-elle plus crue encore, dépouillée de ses atours comme un cadavre jeté dans le fossé. Vous allez entendre une funeste raison de lâcher la bride à cette peur sourde et viscérale des châteaux en ruine, dont la silhouette se détache la nuit sur fond d’orage, ou que le voyageur aperçoit, juchés sur quelque arête rocheuse, tordant leurs tours délabrées vers la lune. Après cette histoire, vous ne vous laisserez plus abuser par leur immobilité séculaire : la plupart de ces bâtisses, contre lesquelles notre instinct nous met souverainement en garde, ne sont que des monstres à la dérive et que le filet du Temps, lentement, a ramenés sur des rivages interdits et hostiles aux hommes. Êtes-vous sûr de vous ? … Très bien. Même si vous faites confiance à vos tripes, finissez ce pichet, vous en aurez bien besoin. Voilà que notre affligeant rescapé passe déjà à   table ! Vite, n’en perdons pas une miette, installons-nous derrière eux. Vous dites ? Volontiers, je reprendrai la même chose que vous. »

    ***

    – … et pour cette raison, j’avais besoin d’argent, et vite. Vous vous en doutez, il fallait que j’entreprisse le casse le plus audacieux de ma carrière pour réunir une telle somme. Mais où frapper ?

    « J’avais déjà triomphé de la vigilance de nombreux nantis. En l’occurrence, je démarrai ma carrière par les cibles aisées que constituaient les demeures sises à l’intérieur même de la cité. Pour m’immiscer dans ces forteresses du luxe, je soudoyai des gardes, je débauchai de jeunes bourgeoises crédules – je vous rappelle que la malédiction odorante ne m’avait pas encore frappé –, j’empoisonnai des molosses à la méfiance endormie par la pitance facile, ou encore jouai au funambule à des hauteurs vertigineuses, lorsque je ne m’en remettais tout simplement pas à ma dextérité pour crocheter les serrures de sous-sols mal gardés.

    « Trois règles d’or toutefois. La première, qui paraît naturelle : opérer toujours de nuit. La deuxième, que j’appris à mes dépens : ne jamais remuer deux fois la même fourmilière. Enfin, la plus sacrée : ne s’attaquer qu’à ceux dont la fortune était bâtie sur la sueur et le sang des plus faibles. Hélas, par les tristes temps que nous vivons, ce dernier point réduisait à peine la liste. Tous les coups étaient permis en dehors de ce petit credo, et la diversité de mes méthodes venait à bout des myriades de barrières que l’Opulence, dans sa défiance de démone bouffie, avait soin de dresser autour de ses multiples lieux de culte.

    « Une fois à l’intérieur, l’instinct faisait le reste. Je devenais aussi impalpable que les mauvais songes dans lesquels mes victimes étaient embourbées, et seule la marée lumineuse de l’aurore eût pu me débusquer. Chaque cambriolage fructueux éloignait la faim pour des mois entiers, mais plus grisante encore était la satisfaction d’avoir subtilisé à ces charognards une part de la carcasse sur laquelle s’exerçait leur voracité sans faim.

    « Après pareils coups d’éclat, la nuit me berçait de rêves doux et colorés, tels qu’aucun voleur n’en a jamais connu – est-on seulement voleur quand on déleste des assassins ? C’est peut-être ce qui me manque le plus de ce temps-là : la certitude de trouver, au bout de la journée, un certain repos de l’âme. Désormais, les noirceurs de la nuit ne donnent que plus de consistance aux ombres que ma jeune carcasse décharnée traîne derrière elle lors des journées sans soleil. Mais nous arrivons justement au glissement fatidique, à la chute dans le trouble et le fangeux qui satisfera votre curiosité morbide.

    « Car l’on n’arpente pas impunément les sentiers du crime. Comme je vous l’ai dit, de sinistres conjonctures m’avaient attaché, en tout temps et en tous lieux, l’ombre d’impitoyables représailles. J’en arrivai à un point

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1