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L’agence zéro: Thriller
L’agence zéro: Thriller
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Livre électronique226 pages3 heures

L’agence zéro: Thriller

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À propos de ce livre électronique

Les Etats-Unis, de nos jours. Isaac est un officier de la police de Boston, mis sur la touche pour avoir témoigné contre ses collègues dans une vaste affaire de corruption. Il est approché par un certain Muldowney, qui lui propose un poste dans l’énigmatique Agence Zéro, un bureau de renseignements dont les autres agences amé­ricaines ignorent l’existence même. Isaac accepte l’offre et est inté­gré au sein d’une équipe en charge de faire la lumière sur une série de disparitions dans l’Etat du Massachusetts. Très vite, ses certi­tudes vont être remises en question, et Isaac va devoir apprendre à se reconstruire au travers d’un univers qui s’effondre.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Joshua Lenoir est né à Strasbourg au début des années quatre-vingt. Ingénieur de formation, il développe une pas­sion pour le cinéma, les jeux vidéos, la bande dessinée, la science-fiction. Il commence à écrire ses propres histoires au travers des jeux de rôles qu’il anime auprès de ses amis. Avec l’Agence Zéro, il signe son premier roman.
LangueFrançais
Date de sortie18 mai 2021
ISBN9782889492626
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    Aperçu du livre

    L’agence zéro - Joshua Lenoir

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    Joshua Lenoir

    L’Agence Zéro

    Introduction

    Chaque année aux États-Unis, 611 000 personnes sont déclarées disparues. Et ce n’est que le chiffre des personnes dont la disparition a été rapportée par leurs proches, le cas des individus isolés étant quasiment impossible à quantifier. Sur ces disparus déclarés, les deux tiers sont des mineurs, et on compte presque autant d’hommes que de femmes. La majorité de ces cas sont des fugues, et les disparus sont pour l’essentiel retrouvés au bout de quelques semaines. Le Bureau Fédéral d’Investigation (FBI pour les intimes) communique un autre chiffre à mettre en parallèle, celui du total moyen des dossiers ouverts : 85 000. Cela signifie qu’à chaque instant sur le territoire, il y a 85 000 individus dont on ignore la situation : fugue, enlèvement, suicide ou accident dans un coin reculé. Pour une population de 327 millions, cela représente moins de 0.03 % des citoyens.

    Dans l’absolu, un esprit froid et calculateur pourrait considérer ces chiffres comme négligeables, car c’est bien ce qu’ils sont : négligeables. D’un côté, chaque année aux États-Unis, ce sont quelques milliers d’individus qui disparaissent définitivement sans laisser de trace. Aucune conclusion satisfaisante à leur histoire, leur existence s’achève comme un livre dont les dernières pages ont été arrachées. Mais de l’autre, sur la même période, ce sont 600 000 Américains qui meurent d’une maladie cardiovasculaire. Autant sont emportés par diverses formes de cancer. Les décès par overdose s’envolent depuis quelque temps, portés par la récente crise des opioïdes, et talonnent désormais les décès liés au diabète, à hauteur de 80 000. Loin derrière, on retrouve les décès par balle, à peine 13 000 par an si on exclut les suicides.

    Le chiffre des morts par balle peut sembler étonnamment bas dans la liste, sachant qu’il n’est même pas classé dans les dix premières causes nationales de décès. Dans un pays qu’on décrit malade de ses armes, un chiffre comme 13 000 décès semble presque anecdotique. Pourtant, on parle des fusillades tous les jours dans les journaux télévisés : intervention policière, règlement de comptes entre gangs, différend familial qui vire au drame, accident sordide impliquant un enfant et une arme non sécurisée, etc. Ces événements produisent généralement des images spectaculaires à base de gyrophares, d’hommes en tenue tactique criant férocement des ordres, de femmes en pleurs, de personnel médical au visage grave, le tout sur des décors faits de taches de sang, d’impacts de balle et de verre brisé.

    On n’a rien de tout ça avec un accident cardiovasculaire. La vision d’un obèse sur un lit d’hôpital n’intéresse personne. Ce n’est pas une image qui génère de l’émotion. On pourrait croire que si la victime est un tant soit peu célèbre, la situation serait différente. Mais si même la mort d’Elvis Presley n’a rien changé aux habitudes de vie des Américains, rien ne le fera. Au final, c’est l’image qui prime : une illustration choquante fera toujours la une, car elle touche les spectateurs à un niveau émotionnel. Et lorsque les émotions sont impliquées, l’écart se creuse entre les faits objectifs et leur perception par le grand public.

    Il en va de même avec les enlèvements. Chaque année, on estime à une centaine les cas d’enlèvements par des étrangers, au sens où la victime ne connaît pas son agresseur. Statistiquement, c’est un événement extrêmement rare, bien plus rare que l’enlèvement par un parent suite à une dispute sur la garde de l’enfant par exemple. Si la victime est mineure, la mobilisation va au-delà de la une des journaux télévisés : on déclenche ce qu’on appelle l’alerte AMBER (America’s Missing : Broadcast Emergency Response, également inspiré par le prénom d’une jeune victime – Amber Hagerman – dont l’enlèvement suivi du meurtre en 1996 n’a jamais été élucidé), un dispositif national qui diffuse des messages d’alerte sur tous les canaux de communication possibles : internet, télévision, radio, panneaux routiers, etc. Toute la sphère d’information est immédiatement et continuellement saturée : photos de l’enfant avec son animal de compagnie favori, plans larges des parents en pleurs assis sur le canapé de leur salon, gros plans sur les mains de la mère crispées sur une peluche, interrogations sur l’absence de larmes du père : on dépasse le cadre de l’information, on expose le citoyen lambda à une overdose d’émotions, en allant même jusqu’à lui envoyer des notifications par téléphone simplement si sa géolocalisation le place dans le périmètre des événements. Tout ça pour un dispositif dont le taux de succès ne dépasse guère les 20 % aux États-Unis. À nouveau, une logique froide et calculatrice aurait déjà abandonné le système – ou l’aurait réformé en profondeur. Ou aurait peut-être déjà commencé par lui changer son nom : lui donner le prénom d’une victime dont l’affaire n’a jamais été élucidée, c’est condamner l’histoire à se répéter. Mais le changement est impossible : un politicien ou technocrate qui s’attaquerait à ce dispositif serait accusé de négliger les enfants ou pire, de ne pas les aimer – un crime impardonnable dans une Amérique moderne et puritaine. Personne ne veut entendre que le système dans lequel il vit est horriblement faillible, que la vie est fragile et que la sensation de sécurité apportée par la société dans laquelle on paye ses impôts n’est qu’une illusion. L’être humain est génétiquement construit pour s’inquiéter pour ses enfants. Il n’y a pire cauchemar pour un parent que de voir son enfant disparaître, d’imaginer tout ce qu’il pourrait subir aux mains d’un ou plusieurs individus mal intentionnés, surtout lorsque les journaux explorent en continu tous les scénarios possibles, illustrations en trois dimensions à l’appui.

    Dans les cas d’enlèvement d’enfants par des inconnus, l’issue – lorsqu’il y en a une – est souvent tragique. Le cycle habituel a alors lieu : on appelle aux prières et aux dons pour la famille, on souhaite une justice rapide et expéditive, et on espère que ça ne se reproduira jamais. Mais on fait rarement une analyse des causes et des défaillances dans le système. On ne se demande pas par exemple pourquoi les équivalents de l’alerte AMBER en Europe ont un taux de réussite supérieur à 90 %. On refuse de se remettre en question. C’est risquer de reconnaître ses propres erreurs, et personne ne veut de la mort d’un enfant sur la conscience.

    Mais aussi traumatisante soit la disparition d’un enfant, c’est un événement statistiquement très rare. On parle rarement des autres disparitions, et certainement pas avec une telle couverture médiatique. C’est l’arbre qui cache la forêt. Une forêt abominable où personne n’a envie de s’aventurer, de peur de s’y perdre. Ou pire, d’y faire une mauvaise rencontre.

    1

    Le petit cercueil ne contenait pas le corps d’un animal cette fois-ci. Isaac s’autorisa un bref instant à penser que sa situation s’améliorait quelque peu, comme un rayon de soleil qui perçait les nuages lors d’un jour gris. Mais il savait pertinemment qu’il se leurrait. Le maigre rayon de soleil ne faisait qu’éclairer le site d’une horrible catastrophe aérienne dont les rares survivants étaient à l’agonie. L’odeur des excréments qui tapissaient les parois intérieures du cercueil se glissa dans ses narines. Isaac nota qu’ils s’y étaient mis à plusieurs, car il y avait au moins deux couleurs. Définitivement trois à juger des consistances. Il y avait en plus, au milieu de cet amalgame aux nuances marron, un grain de maïs que la teinte jaune rendait particulièrement visible. Celui-ci avait échappé à la digestion de son propriétaire, probablement quelqu’un qui ne prenait pas le temps de mastiquer correctement ses aliments. Isaac referma le cercueil miniature, ouvrit le tiroir de son bureau, en sortit un sac-poubelle et enveloppa consciencieusement le cadeau laissé par ses collègues, avant de le déposer au fond de sa corbeille à papier. Cela faisait cinq mois et quatre jours qu’Isaac endurait sans broncher ce genre de provocation. Il s’était fait un point d’honneur à ne jamais y répondre, ni même montrer la moindre émotion, et ce n’était pas aujourd’hui qu’il allait briser sa promesse. Mais ce n’était pas l’envie qui manquait. On finissait par s’habituer à tout, et la situation d’Isaac ne faisait pas exception. Les premiers jours où il avait reçu ces cadeaux, il scrutait le bureau, cherchait dans les yeux de ses collègues un air qui trahirait les responsables. Peine perdue. Il n’y trouvait qu’un sentiment général de malice et dédain. Ils étaient tous responsables. À divers degrés, certes, mais quelle différence ? Au fil des semaines, Isaac prit l’habitude de fuir les regards, et se coula un peu plus dans son travail. Ce n’étaient pas les affaires qui manquaient à la police de Boston.

    Malgré sa situation de paria, Isaac ne s’était pas pour autant retrouvé au placard. Certes, on l’avait muté de la patrouille de rue à un poste de bureau. On lui avait donné une petite table en plein milieu de l’espace ouvert. Mal assis, le dos dans le passage, Isaac était exposé et vulnérable. On continuait à lui donner du travail, des dossiers à analyser, compléter, classer, archiver. C’était une rétrogradation qui n’en portait pas le nom. Son rôle décisif dans l’affaire Ortega, le scandale qui avait ébranlé l’ensemble du service jusque dans ses plus profondes fondations, interdisait toute forme de licenciement ou déclassement. La police de Boston ne pouvait pas se permettre un deuxième scandale en mettant à la porte un lanceur d’alerte. En tout cas, pas aussi tôt. On espérait simplement que l’isolation et les petites humiliations quotidiennes le pousseraient à la démission ou mieux, au suicide. Une sortie discrète, sans faire de vagues. Mais Isaac était un idéaliste, et avait une fierté mal placée qui lui interdisait de partir. C’était aux autres de changer, pas à lui. Contrairement au reste du service, il n’avait rien à se reprocher.

    – C’est moi ou ça sent la merde ?

    Un officier s’était arrêté à quelques pas de son bureau. Il reniflait avec force, marchait lentement dans la direction d’Isaac. Il fit le tour de sa table de travail, dérangeant au passage les dossiers en laissant ses doigts glisser sur la surface, et se pencha sur la nuque d’Isaac, violant toutes les barrières de sa distance intime, et renifla bruyamment en remontant au niveau de son oreille.

    – Ah non, c’est juste Isaac !

    Il éclata de rire, accompagné d’une poignée d’officiers qui avaient assisté à la scène d’un air goguenard. Héroïquement, Isaac réprima le réflexe de s’imaginer l’intérieur des muqueuses nasales de son bourreau. L’image était pourtant toute prête, haute en formes et en couleurs, mais elle resta enfouie quelque part dans son subconscient. Elle reviendra le hanter plus tard, dans son sommeil.

    – Agent Cortez, s’exclama Isaac avec un sourire artificiel, encore écœuré par le bruit du reniflement qui résonnait en lui, ravi de vous voir en pleine possession de vos capacités olfactives. Surtout pour quelqu’un pour qui l’argent n’a pas d’odeur.

    Les sourires s’effacèrent d’un coup. Chacun se replia sur son travail. Cortez s’éloigna, gardant la tête haute.

    – T’es un homme mort, souffla Cortez avant de disparaître dans le couloir.

    Isaac replongea dans ses dossiers. C’était un jeudi matin ordinaire.

    Quelques heures plus tard, les premières livraisons de pizzas, sandwichs et plateaux de sushis – invariablement préparés par des cuistots chinois – commencèrent à arriver, signifiant qu’on n’était plus très loin de la pause de midi, même si la notion de pause était toute relative. La plupart des officiers mangeaient à leur poste ou se regroupaient autour d’un bureau. Isaac préférait déjeuner à l’extérieur, évitant ainsi les situations inconfortables. On ne lui demandait plus depuis longtemps de participer au pot commun lors des commandes. Isaac le regrettait, car il avait une repartie toute prête qu’il n’a juste jamais eu l’occasion de placer. Il prit sa cantine et sa poubelle qu’il vida en chemin vers le parc. C’était une précaution nécessaire, certains de ses cadeaux avaient déjà été recyclés et lui avaient été réofferts.

    C’était une belle journée de printemps. Peut-être encore un peu fraîche pour certains, mais déjà trop ensoleillée pour Isaac dont les yeux toléraient mal la lumière trop vive. Aujourd’hui comme hier, il marchait d’un pas égal vers son havre de paix habituel : le parc Christophe Colomb, un espace vert particulièrement inintéressant. Pas de plantations rares, pas de construction remarquable, il n’était même pas localisé dans un quartier animé. Son aménagement était notamment mal fichu, avec de nombreux sentiers finissant en impasse, et des bancs pour la plupart exposés au soleil. Il n’y avait même pas une statue de Christophe Colomb, un détail qui néanmoins réjouissait Isaac. Il avait toujours nourri un mépris amer pour l’Espagnol génocidaire que les historiens américains avaient totalement absous de ses péchés. L’histoire était toujours écrite par les vainqueurs, et cela impliquait le retrait des manuels d’histoire de toutes les atrocités commises en son nom, que ce soient les mutilations en masse, le trafic d’êtres humains ou l’usage systématique du viol comme outil d’oppression, y compris sur les enfants. Christophe Colomb était un monstre, et il avait des parcs et des rues à son nom. Il jouissait même d’un jour de fête sur le calendrier, célébrant sa découverte du continent, alors qu’il n’était même pas le premier Européen à y avoir posé le pied. Isaac se demandait souvent dans quelle mesure le reste de l’Histoire telle qu’on l’enseignait était juste.

    Ses pensées furent interrompues par une anomalie. Le parc était toujours vide à cette heure de la journée, ce qui signifiait que le seul banc à l’ombre devait être libre. Mais pas ce jour-là. Ce jour-là, un homme était assis à sa place. Quadragénaire, costume gris, l’homme lisait le journal. Froissé dans ses habitudes, Isaac hésita quant à la marche à suivre. Il pouvait s’installer sur un autre banc, mais il serait exposé au soleil. Il pouvait déjeuner dans un autre parc, mais le plus proche était à une quinzaine de minutes de marche. L’indécision le gagna. Un instant passa, ainsi qu’une joggeuse en leggings noirs. Finalement décidé à profiter de son seul instant de paix dans la journée, il se dirigea vers son banc.

    – Est-ce que ça vous ennuie si je m’assieds ici ?

    – C’est un pays libre, répondit d’un ton égal l’homme sans lever les yeux.

    Toujours légèrement contrarié, Isaac s’assit, ouvrit sa cantine et déballa son sandwich au poulet. À la troisième bouchée, il se rendit compte que l’homme n’avait littéralement pas bougé depuis leur rencontre. Il n’avait pas tourné une page, pas échangé un regard. Il n’aurait pas répondu à sa question, l’homme aurait aussi bien pu être un mannequin de grande surface. Isaac l’inspecta discrètement : l’homme portait un costume bien taillé, des chaussures cirées, des lunettes de soleil noires aux montures fines, une montre en acier poli. Aucune bague, pas de tatouage visible. Ses lunettes masquaient mal de nombreux cernes, l’homme ne devait pas avoir dormi depuis des jours. Il avait une cravate rayée dans les vert-de-gris, et une épinglette représentant le drapeau américain au revers de son veston. Pas d’attaché-case. Il ressemblait à n’importe quel employé de bureau qui prenait sur sa pause pour lire son journal. Un journal daté d’hier.

    Isaac vivait dans un monde cartésien, un monde où il existe une explication logique et rationnelle pour tout. Cet homme et son journal étaient une anomalie. Et Isaac devait en savoir plus.

    – Ils ont vu juste ? demanda-t-il en tournant ostensiblement sa tête vers l’homme.

    – Je vous demande pardon ?

    – La météo, ils ont vu juste pour aujourd’hui ? dit-il en pointant la date sur le journal.

    L’homme sourit et plia soigneusement le quotidien avant de le jeter dans la poubelle à côté du banc. Sa composition venait de changer, il tentait de garder une expression impassible mais Isaac devina une pointe de fébrilité.

    – Toujours aussi observateur, Isaac.

    Le cœur d’Isaac manqua un battement. Il regarda immédiatement autour de lui, cherchant véhicules et personnes suspectes, identifiant les issues du parc et les zones pour se mettre à couvert en cas d’échange de tirs. Mais l’homme et lui étaient les seuls visiteurs du parc. Quelques oiseaux chantaient dans

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