Prophylaxie de l’oppression
ES SPECTACLES SONT INTERDITS. Les magasins, les cafés resteront ouverts le moins longtemps possible afin de réduire la propagation. […] Il n’y aura plus de réunion publique. Les groupes de plus de trois personnes seront dispersés. Il est également interdit de flâner. » Cette litanie d’interdits n’est pas la dernière annonce de Jean Castex à propos du Covid mais un extrait de la pièce d’Eugène Ionesco, montée à Paris en 1970. Fou de théâtre et comédien lui-même, Christophe Barbier, ancien directeur je-m’en-foutiste. C’est au nom de l’intérêt collectif et d’un futur bien mal engagé qu’il s’alarme de la facilité avec laquelle nous avons succombé à ce qu’il nomme les « tyrannies de l’épidémie »: celle de la peur, des statistiques, des médecins, des populistes, des baby-boomers… Les incessantes critiques autour de la stratégie gouvernementale seraient de peu de poids face à ce constat: nous nous confinons sur demande, rentrons à l’heure du couvre-feu, et remplissons à peu près correctement les attestations de sortie. Des vies au chevet de nos corps en péril, lesquels, nous l’avons oublié, peuvent tout aussi bien dépérir du manque de liens sociaux, d’échappées culturelles et de communions spirituelles. « On peut, avec l’approbation de l’Etat, acheter de la viande, regarder son chien uriner ou transpirer en courant », ironise l’auteur. C’est là « un renversement du sacré, qui rabaisse la condition humaine à ce que le gouvernement nomme l’“essentiel”, alors qu’il ne s’agit que du “nécessaire”, c’est-à-dire toutes les contingences, souvent vulgaires, de l’existence ».
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