Quand passent les vautours: Dystopie
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À propos de ce livre électronique
2032 : en France, un parti d’extrême-droite « le Matin Clair » accède au pouvoir. Une chape de plomb s’abat sur le pays. Des Tribunaux du Peuple sont institués. Les « mauvais » citoyens sont stigmatisés. Les médias libres s’expatrient. Une journaliste, réputée de gauche, Louise Martinot, décide de rester et d’enquêter en s’infiltrant dans les arcanes du nouveau pouvoir. Une investigation à haut risque, qui n’effraie pas la professionnelle, jusqu’à ce que les meurtres se multiplient autour d’elle. Entre manipulations et mensonges, Louise ne pourra se fier à personne pour sortir du piège dans lequel elle s’est engouffrée. Saura-t-elle profiter des conflits et contradictions internes au système en place ? Ou devra-t-elle échanger son intégrité contre sa liberté ?
Une journaliste décide de rester et d'enquêter, mais les meurtres, les manipulations et les mensonges ne tardent pas à l'entourer... Partez à la découverte d'une dystopie emplie de suspense dont vous ne pourrez plus détacher vos yeux !
EXTRAIT
–Louise Martinot, du Saphir !
–Bienvenue, vous êtes attendue !
L’hôtesse d’accueil est à l’image du bâtiment. Impeccable, soignée, avenante, en un mot très « pro ». Elle a déclenché la caméra qui permet aux responsables de constater mon arrivée et de mettre en marche toutes sortes de procédures d’accueil.
Je me remémore une dernière fois les raisons qui m’ont poussée à tout faire pour pénétrer dans cette souricière. La curiosité est un vilain défaut, mais elle reste la principale qualité d’un journaliste d’investigation. Et puis, j’ai encore l’orgueil de croire qu’entre la guerre et la civilisation, je peux aider les autres à choisir par ma seule plume.
Je connais la guerre. Mon problème, c’est que je ne la déteste pas. Je ne l’aime pas au point de la faire, mais elle me fascine. Tant que les hommes seront les hommes, la guerre sera la guerre. L’Europe occidentale a évacué ce fléau de son territoire depuis un siècle, le reléguant dans des contrées lointaines d’où personne n’espère le voir revenir. Présente depuis longtemps sur tous les lieux de conflits, je ne peux plus me passer de cette adrénaline qui me submerge chaque fois que je côtoie la violence humaine. Une vraie droguée. Je me demande même si ce n’est pas pathologique.
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Aperçu du livre
Quand passent les vautours - Philippe Laperrouse
Préambule
Je m’appelle Louise Martinot, journaliste à Saphir qui reste le seul hebdomadaire d’information libre dans la France d’aujourd’hui.
Depuis les élections françaises de 2032, les loups sont sortis du bois. Après plusieurs tentatives infructueuses, l’extrême droite a enfin conquis le pouvoir. Le parti du Matin Clair a obtenu une courte majorité à l’Assemblée, trois mois après l’arrivée de son principal leader Ludovic Barrant à l’Elysée. La France d’en bas est figée, comme un enfant qui contemple les dégâts, en se mordant les lèvres après avoir commis une énorme bêtise.
Depuis vingt ans, de nombreux signaux avertisseurs avaient agité les urnes. À chaque élection, les commentateurs mettaient en avant la montée des partis extrémistes. Aujourd’hui, il est trop tard.
Le bien-vivre ensemble n’est plus d’actualité. Les nouveaux gouvernants mobilisent l’ardeur de leurs sympathisants sur un seul combat : l’anéantissement des ennemis supposés de la République.
Mais le pouvoir se trouve bientôt confronté à une sournoise contradiction.
Dans un curieux réflexe d’autodéfense, les Français ne pensent qu’à se reproduire au lieu de « se battre ». Peu d’autres peuples sont aussi féconds. Dans quelque temps, il faudra compter plus de soixante-dix millions de personnes dans l’Hexagone.
Bien secondés par des marchands de soupe et de bonheur, les entreprises et les chercheurs n’ont pas cessé de contribuer à élever le bien-être de la population. De la maison qui se nettoie toute seule de la cave au grenier, jusqu’à la voiture qui ne se conduit plus, les conditions de vie des ménages n’ont jamais été aussi confortables. Du coup, l’être humain occidental a sombré dans l’indolence et l’oisiveté, mères de tous les vices, en particulier celui de ne plus avoir envie de se dresser contre les injustices faites à ses contemporains.
Les Français ont pris d’autant plus goût à l’existence que les médecins se sont plu à l’allonger. La miniaturisation a révolutionné leurs pratiques. Des cellules minuscules intégrées ou ingérées par le corps permettent de soigner ou de prévenir les principales pathologies. On vit plus longtemps et plus longtemps en bonne santé. Personne n’a envie de revenir là-dessus.
Les hommes et des femmes ne veulent plus souffrir des caprices du climat. Les vêtements d’aujourd’hui sont bourrés de technologies. Des vestes tissées de fibres synthétiques nouvelles permettent d’avoir chaud en hiver sous des épaisseurs très minces. Des sous-vêtements régulent la température du corps ou bien favorisent la circulation sanguine, ou encore aident à lutter contre le stress.
Le progrès efface peu à peu les effets de l’imbécillité humaine. Dans les villes, la voiture est encore reine, mais les problèmes d’embouteillage, de parking sont contenus. L’automobile électrique triomphe enfin. Les petites bagnoles dominent le marché. On construit de plus en plus de véhicules pour deux personnes, voire pour une. La voiture sans chauffeur trouve sa place au fur et à mesure que les artères sont mises en réseau.
Les maisons et les appartements sont désormais construits de manière à minimiser les consommations d’énergie. Le bois connait un regain d’intérêt. La France, bien pourvue en forêts en tire un avantage économique. La domotique envahit les foyers. On trouve des écrans tactiles dans toutes les pièces. Les corvées ménagères sont réservées à des robots. Une unité centrale stocke toutes les informations nécessaires à assurer le bien-être des occupants qui peuvent surveiller d’un seul clic des choses aussi différentes que la température ambiante, le remplissage du frigo, la santé des enfants.
En dépit de toutes ces avancées, les chefs du Matin Clair le disent : la République est à la merci de ses ennemis. Les Français n’en sont pas forcément conscients, aussi faut-il leur ressasser le même message : des adversaires sont là, tapis dans l’ombre, farouches, déterminés, jaloux de leur niveau de vie et de leurs prérogatives. Il faut se mobiliser, se tenir prêts à en découdre. Il n’existe pas d’autre destin possible.
Par exemple, il serait bien que le Français n’aime pas son voisin, un être malfaisant par essence. Dissimulé derrière la haie de son jardin, dissimulé dans le fond de sa voiture, caché derrière son bureau, il est là, le lâche, jouissant sans retenue de ses avantages acquis : ses niches fiscales, ses jours de RTT, ses primes pour l’emploi ou les naissances, sans parler de ses tickets-restaurants…
Se haïr entre voisins, c’est bien, mais c’est insuffisant.
Problème : la population s’est endormie dans une douillette illusion de sécurité. Depuis cent ans, plus aucune armée ne s’aventure sur le territoire national ce qui n’arrange pas son besoin viscéral de se sentir agressée. Cultiver le sentiment belliqueux du peuple dans ces conditions devient un tour de force pour les élites. Découvrir un agresseur potentiel de la nation est un défi à relever pour les responsables.
Certes, la récente défaite de l’équipe tricolore, lors de la Coupe du Monde disputée en Chine a permis aux fans de se liguer contre la perversité de l’arbitre espagnol qui les a injustement privés de victoire et d’étendre cette rancœur à l’ensemble du peuple ibérique, mais l’affaire n’a duré que deux semaines.
Il a fallu compter, une fois de plus, sur les Américains qui, submergés par une nouvelle crise déclenchée par l’excès de crédit dans leur économie, ont cru bon de réfugier leur production derrière des barrières douanières inviolables, refusant toute concurrence avec les produits européens.
Il y a aussi les Bulgares qui profitent des règlements tarabiscotés de l’Union Européenne pour envahir le marché du travail. Il est bien loin le temps où les économistes s’alarmaient d’un taux de chômage à 10 %. Aujourd’hui, ne pas travailler lorsqu’on est en âge de le faire n’est plus une anomalie du système. Le gouvernement vient d’abolir la publication du taux de chômage.
Les nouveaux gouvernants ont compris le parti qu’ils peuvent tirer de cette phobie d’autrui. Ils ont allongé la liste des ennemis accrédités. Les immigrés, bien sûr, emportent la palme, ils sont accusés de tout. En seconde position, les délinquants sont bien placés. La prison, la prison et encore la prison, c’est la seule solution. Un peu plus loin, on trouve les bénéficiaires de prestations sociales, les poètes, les historiens, et les homosexuels comme toujours.
La détestation de son voisin s’accroît, l’individualisation de la société se répand et l’homme isolé s’affaiblit, devenant formaté et soumis à la volonté des élus.
Tout pourrait donc aller pour le mieux dans le monde extrémiste, sauf que les Français n’ont aucune envie de sacrifier leur confort matériel ou intellectuel. Tout se passe comme si ces individualistes franchouillards avaient élu des chefs qui veulent partir en guerre, sans avoir la moindre intention de s’enrôler sous leur bannière.
***
Dans cette situation, la première solution à laquelle j’ai pensé est de faire comme la majorité des Français : m’occuper de mes oignons. Au sens propre comme figuré, puisque ma mère cultive depuis longtemps ces bulbes dans le jardin de sa maison limousine. Après tout, les journalistes sont des êtres comme les autres.
De tout temps, les dictatures ont divisé pour régner en découpant les peuples en trois sous-ensembles : les collabos, les rebelles et ceux que j’appelle les malheureux, qui sont nulle part, trop orgueilleux pour collaborer, trop froussards pour se rebeller. Je ne déteste pas les malheureux, d’abord parce qu’ils sont les plus nombreux, ensuite parce qu’ils ne sont pas à l’aise dans leurs baskets et enfin parce qu’il ne s’en faudrait de pas grand-chose pour que j’en fasse partie.
La direction du Saphir s’est repliée au Canada, dès la prise du pouvoir par les apparatchiks du Matin Clair. Elle peut y continuer ses activités sur la Super-Toile. En tant que journaliste, j’avais le choix entre me réfugier à Montréal avec la rédaction pour tenir la rubrique culinaire ou sportive ou bien rester en France pour enquêter. À bientôt cinquante ans, après avoir parcouru le monde dans tous les sens et parler indéfiniment de guerres lointaines et ignorées, la première solution était la plus raisonnable. J’ai donc logiquement choisi la seconde : rester dans