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Livre électronique318 pages4 heures

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À propos de ce livre électronique

Easy Monroe, détective privé, pratique la boxe de l’homme saoul. Sans la boxe. Il réalise qu’il a été engagé pour un contrat le jour où un caïd mafieux lui intime l’ordre d’interrompre ses recherches. Commencera alors pour Easy une enquête sur l’enquête, imbibé de mauvais alcool.
LangueFrançais
Date de sortie16 avr. 2013
ISBN9782312009735
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    Aperçu du livre

    Inextinguible - Xénomorphe

    cover.jpg

    Inextinguible

    Xénomorphe

    Inextinguible

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2013

    ISBN : 978-2-312-00973-5

    Avertissement

    EN RAISON D’UN GRAND NOMBRE DE SÉQUENCES

    PARTICULIÈREMENT HARDCORE

    LA LECTURE DE CET OUVRAGE EST

    FORTEMENT DÉCONSEILLÉE

    AUX MINEURS DE MOINS DE 16 ANS,

    AUX FEMMES ENCEINTES,

    AUX PERSONNES ÂGÉES,

    AUX GENS TROP SENSIBLES,

    AUX PERSONNES CARDIAQUES,

    AUX CHOCHOTTES,

    ET AUX PSYCHANALYSTES FREUDIENS.

    VOUS ÊTES PRÉVENUS.

    Like a bird on the wire

    Like a drunken in midnight choir

    I have tried in my way to be free

    Leonard Cohen - Bird on the wire

    in Songs from a room (1969)

    I.

    La journée, comme les précédentes ces derniers mois, avait mal commencé pour Easy Monroe. Pendant trois ou quatre bonnes secondes, il avait cru que ça irait, et finalement non. Verdict, toujours le même : gueule de bois carabinée. Il s’était assis dans son lit, le temps de s’assurer qu’il s’agissait bien de son propre lit, avait compté ses membres et ses côtes. Tout était là. Se redressant, l’afflux sanguin même pas brusque avait suffi à déclencher cette putain de migraine du matin. Et en plus de quoi, il avait vraiment mal au sac. D’un coup de pied affaibli par le mauvais sommeil à l’éthanol, il avait repoussé la couette et s’était laissé glisser vers le sol, où il avait enfin pu poser les pieds. Parquet flottant beige, et froid. Chair de poule sur tout le corps et un début de grosse envie de gerber. Par déduction, on était sûrement lundi. Ou mardi. Ou un jour en « di ». Il avait marché trois pas jusqu’à la table du salon, avait pris le paquet de clopes, l’avait ouvert, en avait extrait une, l’avait allumé et cette première taffe de la journée avait définitivement fini de mettre en place les conditions d’une imminente projection de sucs gastriques. Il avait attrapé la bouteille de J&B sur la table et en avait soulevé le culot jusqu’à hauteur des yeux pour s’apercevoir que « Non, en effet, il n’y avait plus rien à boire... » L’avantage de se lever à 15 heures, c’est que personne ne peut vous reprocher de boire dès le matin. Un détour rapide en cuisine, une fouille consciencieuse des placards plus tard et la conclusion s’imposait : plus une goutte d’alcool dans l’appartement. Il y a, c’est connu, deux façons efficaces de faire passer la gueule de bois. Boire beaucoup d’eau, manger sainement et patienter, ou bien re-boire. Easy Monroe n’avait jamais été vraiment patient. La solution la plus simple et la plus rapide avait toujours été la meilleure à ses yeux. Quelque chose comme un besoin irrépressible de suivre son instinct. C’est d’ailleurs de manière évidente que l’on lie l’instinct aux tripes. Et les tripes d’Easy se rappelaient cruellement à son bon souvenir. Par chance, le trajet de la cuisine à la salle de bains était court, et il réussit à retenir dans sa bouche ce qui allait, dans la cuvette, se révéler être de la pizza. Les tempes en sueur, les genoux nus sur le carrelage froid, Easy fut soumis à l’habituelle hésitation : se relever au risque de vomir de nouveau ou attendre dans cette position de vomir de nouveau. Commençons par se moucher dans du papier toilette, pensa-t-il. Le nez bien dégagé, l’odeur du contenu de son propre estomac répandu sur la faïence déclencha la seconde vague. Un commandement de la bible du buveur : toute pizza entrée par la bouche sortira par le nez. Easy se félicita, dans un soubresaut de ses boyaux, de n’avoir pas opté pour le pepperoni ou la merguez. Les quatre fromages suffisaient déjà amplement à lui attaquer les sinus. Nouvelle suée glaciale jusque dans le cou, mais le gros de l’alerte était passé. Easy pouvait envisager de se relever, en se tenant précautionneusement au mur. Ce qu’il fit. Les mains appuyées sur la vasque du lavabo, il jeta un œil dans le miroir. Une vraie sale gueule, comme d’habitude. Une douche pourrait probablement effacer certaines traces en surface, mais c’était un problème de fond. De fond de tripes. Retour au salon pour un vidage minutieux du porte-monnaie. 20 euro. De quoi acheter de la bière ET du whisky. Tout n’allait finalement pas si mal. Dans moins d’une heure, la gueule de bois serait à la fois une marque du passé et un présage du futur. Mais seul comptait « l’instant ». Demain ? Et bien, on verrait demain !

    En enfilant ses chaussures, Easy Monroe se demanda depuis combien de temps il n’avait pas réellement dessoûlé. Bien entendu, les bribes de mémoire avaient cette fâcheuse tendance de partir avec la pizza du matin. Difficile dans ces conditions de reconstruire un emploi du temps solide. Easy avait déjà du mal à deviner le jour de la semaine de ce jour précis, alors si l’image de lui sobre lui revenait vaguement en tête, il n’arrivait pas pour autant à le placer sur sa frise chronologique. Si Chronos est absent, alors utilisons la logique, pensa Easy en refermant la porte de son appartement. Il se rappelait ne pas avoir bu la semaine où il n’avait pas eu d’argent. Ne pas avoir pu boire, plus précisément. Il descendit l’escalier et se retrouva dans la rue. Et la semaine qui avait suivie, il avait dégoté une affaire, avait empoché sa prime et son premier geste avait été d’acheter des cigarettes et du whisky. Le genre de prime qui permet de tenir un mois. Donc, la dernière fois que j’ai été sobre, c’était le mois dernier, douta-t-il en entrant chez l’épicier.

    – Salam Aleïkoum !

    – Bonjour, monsieur Monroe.

    L’épicier asiatique ne comprenait jamais la blague. Mais dès l’entrée d’Easy, il sortait le trousseau de clés lui servant à ouvrir l’armoire cadenassée des alcools.

    – Un J&B, comme hier, monsieur ?

    – Ouais.

    Il lui restait assez pour deux bières à fort titrage, une fois déduit le prix faramineux de la bouteille de sky. Easy savait bien qu’en marchant deux kilomètres de plus jusqu’au supermarché, il économiserait deux euro. Mais à un euro du kilomètre, sa gueule de bois le poussait à la flemmardise.

    – Je vaux plus cher que ça, déclara-t-il à haute voix.

    – Pardon, monsieur ?

    – Non, rien. Laissez tomber.

    Easy se planta devant la caisse, et pendant qu’il fouillait son porte-monnaie, il pouvait lire sa propre affichette collée sur le comptoir, avec seulement deux bandelettes arrachées depuis le jour où il les avait faites coller ici.

    Easy Monroe – Détective privé

    Discrétion & Efficacité

    Sinon, tout bien réfléchi, peut-être qu’il aurait été plus judicieux de mettre « soif d’argent et d’alcool ». Le nombre de clients n’aurait pas varié beaucoup, mais le nombre de clients surpris ou déçus aurait baissé exponentiellement.

    – 20 euro 20, monsieur.

    – Rien de nouveau ?, demanda Easy en pointant l’affichette du doigt.

    – Non, monsieur. Désolé, monsieur.

    Il était énervant à la longue à lui donner du « monsieur » à chaque virgule. De l’obséquiosité, voilà ce que c’était ! Il claqua la monnaie sur le comptoir, fit demi-tour et sortit de l’épicerie-capharnaüm. Sur le trottoir, planté devant la poubelle, un léger rayon de soleil sur le visage, il alluma une cigarette en décapsulant la languette métallique de la 8,6. Quelle putain de bière de tox dégueulasse songea-t-il en approchant la canette de sa bouche. Exactement ce dont j’ai besoin. La première gorgée du liquide goudronneux fit sursauter ses entrailles, dans un mélange de « Nous allons vomir ! » et de « Chouette, de la bière ! » Il s’avéra finalement que la première gorgée, les yeux fermés chauffés par le petit rayon de soleil, fut aussi la dernière. Easy rouvrit les yeux, à peine surpris de voir des petits points noirs danser devant ses yeux, et jeta la canette dans la poubelle. Surtout ne pas roter. Ça pourrait ne pas être un rot.

    Un énorme quatre-quatre noir aux vitres fumées s’arrêta au bord du trottoir au moment où Easy s’apprêtait à repartir. La vitre passager se baissa électriquement, et la vilaine tête d’un gars apparut en gros plan face à lui.

    – Monroe ? Easy Monroe ?

    Quand ça commence comme ça, ça continue rarement bien.

    – Qui le demande ?

    – Il faut qu’on discute. Montez à l’arrière.

    La phrase prononcée par ce type n’avait en rien l’air d’être une question, ni même une invitation courtoise. Easy pensa qu’il risquait bien de mourir ici, une bouteille neuve à la main, une bière dans la poche, et son flingue sur sa table de chevet (comme un con) s’il n’obéissait pas à l’injonction du gros mec. La portière arrière s’ouvrit. Un rapide coup d’œil à l’intérieur du véhicule lui apprit que les mecs étaient trois, et que celui qui venait de lui ouvrir tenait une arme pointée sur lui. Oui, vraiment, ça puait l’embrouille.

    – Montez !

    Dilemme simple : je m’exécute ou ils m’exécutent. Monroe décida donc de monter dans la voiture, puissamment armé d’une contondante bouteille de J&B neuve. Il referma la portière et l’engin démarra. En observant les types, aucun souvenir d’eux ne remonta à la surface.

    – Je suis censé vous connaître ?

    Absence de réponse qui signifiait sûrement « non ».

    – Je peux fumer ?

    Absence de réponse qu’Easy décida de considérer comme un « oui » en ouvrant sa deuxième bière.

    – Si vous permettez... J’ai un peu la gueule de bois. Où allons-nous ?

    – Rencontrer quelqu’un qui souhaite vous parler.

    – Votre Boss, j’imagine, dit-il avec une emphase volontaire sur l’anglicisme pour indiquer aux sbires qu’ils n’étaient que des larbins.

    Absence de réponse et grognements. La grosse bagnole roulait en direction de la sortie de la ville à vive allure. C’est marrant, pensa Easy, comme les vitres fumées n’empêchent pas de voir l’extérieur. Si ça n’avait été que lui, il aurait opté pour un filtre total, histoire de ne pas être emmerdé avec le paysage, tant qu’à faire. Cette deuxième bière requérait plus de délicatesse que la première. De petites gorgées, de petites volutes, de petits coups d’œil à droite à gauche. On se dirigeait vraiment en rase campagne. Easy était déjà passé par ici, en toute certitude. Quand il avait encore sa voiture et son permis. Il n’y avait pas si longtemps. Easy nota cette règle pour lui-même au cas où il aurait un futur : toujours prendre ton arme, même quand tu vas juste acheter à boire.

    Le quatre-quatre pénétra dans une immense propriété boisée. Au loin, un manoir aux allures de XVIIème siècle se découpait sur l’horizon. Bon timing, la bière était finie. Ce parc et cette bâtisse semblait remonter à la surface de la mémoire d’Easy mais de manière diffuse. Était-il déjà venu, avait-il vu des photos, en avait-il entendu parler ? Trop tôt pour répondre. Devant le perron, le chauffeur arrêta la bagnole, le passager avant descendit et lui ouvrit la portière.

    – Descendez !

    – « Montez ! Descendez ! » Vous, vous n’avez pas un job facile...

    – Ta gueule !

    La grande classe vraiment ! Quelle idée de porter un costard à cinq plaques pour tenir des propos orduriers et faire le travail de serviteur aux ordres d’un patron ?! Easy fut poussé sans ménagement jusqu’à la porte d’entrée qui s’ouvrait justement à son approche. Le chauffeur était resté au volant, et le mec de derrière était descendu, le flingue toujours à la main. C’était le passager avant qui le poussait à l’intérieur.

    – Woh Woh ! Doucement, Nestor, je sais encore marcher.

    – Avance !

    – Alors comme ça on perdu le vouvoiement des premières minutes ? On devient intimes ?

    Le vilain gars à la vilaine tête l’avait poussé contre la porte en bois ciré et lui avait dit :

    – Monsieur Oswald va vous recevoir au salon. Je vous attends ici.

    Le retour du vouvoiement avait sûrement été induit par la présence dans sa phrase du nom de son patron. Le genre de gars qui devait le faire suer de respect ou de trouille. Mais pour Easy, un « Monsieur Oswald » ou un « Bernardo Machin » c’était la même connerie d’inconnu. Il avait donc franchi la porte que le factotum refermait derrière lui. Il découvrait un grand salon richement meublé, décoré avec goût, dont le mur de droite était constitué d’une immense bibliothèque pleine à dégueuler de la littérature sur les tapis épais. Le sieur Oswald, si c’était lui, lui réservait un début de conversation clichesque. Comme dans les mauvais films dans lesquels il avait probablement appris son rôle de « Parrain », il lui tournait le dos et faisait face à la fenêtre. De toutes façons, c’était ça ou le fauteuil tournant à roulettes. Ou la variante du mec occupé à faire un mini-golf sur une mini-langue d’herbe synthétique. Il allait sans doute lui parler sans tourner la tête, en marque compassée de mépris. Alors Easy, en s’avançant vers le bureau face auquel il finirait par être invité à s’asseoir, prit un verre à whisky sur le buffet de gauche. Cette bouteille ne resterait pas neuve. D’office, il s’assit et fit cliqueter la collerette métallique du J&B. Il espérait sincèrement qu’Oswald lui dirait « Asseyez-vous, servez-vous à boire. » alors qu’il l’avait déjà fait. Petite provocation. Grosse rasade dans le verre, bascule immédiate et nouvelle rasade. Easy en était à ce moment où la gueule de bois se fait oublier, et le salue avec un « On se voit demain matin ! »

    – Je vous connais, monsieur Monroe, mais je ne pense pas que vous, vous me connaissiez. N’est-ce pas ?

    – Pour être honnête, votre dos de costume ne me rappelle personne.

    Oswald décroisa les mains qu’il avait dans le dos, et allongea les bras le long du corps avant de se retourner. Il se posa ensuite dans le gros fauteuil président qui faisait face à Easy, le dos raide, et posa ses mains écartées bien à plat sur le sous-main en cuir. Un vrai psychopathe, pensa Easy en l’observant par dessus le rebord du verre, bientôt vide, de whisky. Qui pourrait se tenir dans cette position affectée sans s’apercevoir aussitôt du ridicule de la situation et sans en changer ? Un type qui aime que son interlocuteur sache qu’il surjoue ses postures. Un dingue, en gros. Easy se demanda s’il n’allait pas lui-même croiser les bras très haut sous le menton, légèrement incliné vers la droite, une petite moue étonnée sur le visage, à la manière d’un faux rappeur ou d’un faux boy de boys band. Le bronzage et l’huile corporelle en moins...

    – Il eut été plus simple de me joindre à mon numéro. Il est sur toutes les affichettes en ville.

    – Je tenais à vous rencontrer. Plus de solennité.

    – Plus de pression, aussi.

    – Aussi.

    – Vos cerbères sont malcommodes.

    – Oui. Ils sont bien dressés. Ils attaquent d’un simple claquement de doigts.

    – Une vraie meute de bâtards, j’imagine !

    Raidissement évident de la colonne vertébrale d’Oswald, qui joignit alors ses mains devant lui et prit quelques vingt secondes pour s’assurer que les doigts étaient bien parfaitement alignés les uns avec les autres. Putain de maniaque, ça c’était sûr !

    – Vous n’êtes pas en position de faire de la provocation, monsieur Monroe.

    – Comme on dit dans les mauvais films...

    Le type restait impassible, mais Easy se doutait qu’il était à presque rien de l’horripiler franchement, aussi fit-il malencontreusement exprès de renverser du whisky en se servant son troisième verre.

    – Vous devriez rester conscient, monsieur Monroe. Les affaires que nous avons à traiter réclament toute votre attention.

    – J’ai bientôt atteint mon niveau normal de conscience, rassurez-vous. Encore une ou deux taches sur votre kilim et vous aurez l’honneur de parler au vrai Easy Monroe.

    Bascule du verre, nouveau remplissage et nouvelle bascule. Easy se demanda quelle heure il pouvait être pour qu’une bouteille de J&B achetée dans l’heure précédente soit déjà à moitié pleine. Pas de montre. Un coup d’œil rapide sur son téléphone portable. 17 heures.

    – Je vous écoute, Oswald !

    Easy avait fait exprès, bien entendu, d’omettre le « monsieur » que ses gens semblaient accoler à son prénom. Si c’était son prénom. Maintenant, il lui suffisait d’allumer une cigarette dans ce salon à l’odeur impeccable pour parachever son œuvre d’énervement de l’interlocuteur.

    – Vous n’allez pas allumer ça ici.

    Ça avait sonné comme « Je vais vous faire abattre. » Le gars était à point. Mais mieux valait quand même respecter cette menace pour entendre la fin de la discussion.

    – Peut-être qu’en ouvrant légèrement une fenêtre ?

    – Non ! Ça suffit ! Maintenant vous allez m’écouter !

    Oswald s’était levé d’un bond, et avait claqué ses deux mains sur le bureau. Easy était heureusement déjà trop détendu pour sursauter, ce qui semblait avoir calmé le vilain monsieur méchant.

    – Vous faites le malin alors que vous êtes assis sur une histoire qui risque de vous péter à la gueule !

    Ouh ! Le mauvais choix de vocabulaire ! Easy estima que le masque venait de craqueler et que par un subtil aïkido mental, il était temps d’entrer dans la phase d’écoute attentive des propos d’Oswald. La moindre petite pique à l’avenir devrait suffire à le plonger aussitôt dans un état de colère intense.

    – Je vous écoute attentivement. Allez-y. Pardon. J’ai encore la tronche dans le pâté depuis la soirée d’hier. J’en oublie mes bonnes manières et ma courtoisie. Je ne vous interromprai plus, croyez-moi.

    Oswald s’était rassis et avait pris la grande inspiration qui allait précéder la grande tirade.

    – Vous êtes en affaire avec mon ex femme. Je veux que vous abandonniez vos recherches dès aujourd’hui.

    Easy se demanda soudain laquelle des deux nouvelles était la mauvaise : qu’il soit en train de perdre une affaire qui pouvait potentiellement – au vu de la baraque de Monsieur – lui rapporter un gros paquet de pognon, ou qu’il n’ait aucun souvenir de Madame...

    – Je ne connais aucune « Madame Oswald ».

    – Melinda Rosewood, son nom de jeune fille.

    – Pas plus. Désolé.

    – Écoutez, Monroe ! Arrêtez vos conneries ! Je sais qu’elle vous a engagé, et je sais même pour quoi. Figurez-vous que je l’ai moi-même fait suivre par un de vos concurrents, et que j’ai fait en sorte de mettre tous ses téléphones sur écoute ! Elle était chez vous le 12.

    – Je ne sais même pas quel jour on est, mon vieux... Alors le 12...

    Un silence pesant pendant lequel Oswald considéra lentement la possibilité qu’Easy dise vrai. Il posa de nouveau ses mains bien à plat sur le bureau. Ça devait être sa contenance. Sa position d’équilibre. Son exercice de zen.

    – Vendredi dernier, vers 20 heures.

    – Et on est ?

    – Vendredi 19, Monroe ! Vous êtes une épave...

    Easy souleva la bouteille à hauteur de leur échange de regards.

    – Comme vous le constatez, je suis encore à moitié à flots. Mais sincèrement, je n’ai aucun souvenir de ça.

    – Admettons. Bref ! Vendredi dernier au soir, ma femme est venue chez vous. Elle est restée une heure et demie et est repartie en taxi jusqu’à son appartement. Je sais qu’elle vous a engagé pour retrouver la trace de notre fils, Patrick.

    – Parce que vous avez mis des micros dans mon bureau ?

    – Non. Parce qu’elle a ensuite appelé ma fille et lui a raconté votre entrevue.

    Easy porta une nouvelle fois son verre à sa bouche pour s’apercevoir qu’il était déjà vide. Erreur classique de débutant. Il se retrouva donc comme un con sous les yeux du gars Oswald qui le voit absorber la dernière goutte d’un verre vide. Melinda Rosewood, Melinda Rosewood, Melinda Rosewood ? Aucune résonance dans le cerveau liquide d’Easy. Vendredi dernier vers 20 heures ? Aucune image, ni précise ni floue.

    – Il faudra probablement que j’aille fouiller mon propre bureau pour retrouver les traces de tout ça.

    – Non. Vous ne le ferez pas. Parce que vous allez interrompre vos recherches.

    – Recherches que, pour être honnête, je n’ai pas commencées, ignorant que je suis d’avoir à les faire...

    – J’ai beaucoup de mal à vous croire, Monroe. Mais tant mieux si c’est le cas. Vous oubliez cette affaire. Je sais où est Patrick. Inutile que Melinda l’apprenne. Ce qu’il fait, à ma demande, ne la concerne pas. Ce n’est finalement qu’une inquiétude maternelle naturelle au mauvais moment.

    – Madame Rosewood semble ne pas avoir confiance en vous, mon vieux... Si jamais elle sait ce que vous savez...

    – Elle ne le sait pas. Melinda et moi sommes en froid depuis des années. Nous ne communiquons plus que par avocats interposés. Mais tout ça n’est pas votre problème. Je veux juste m’assurer que vous m’avez bien compris.

    – Oh, soupira Easy en remplissant son verre aux trois quarts, j’entends clairement la menace. Et j’avoue que ça me donne à réfléchir. Ce qu’en règle générale, je m’efforce de ne pas avoir à faire.

    Oswald resta silencieux, les yeux braqués sur Easy, la mâchoire crispée. Le whisky brûlait la langue, et l’envie d’une clope devenait réellement pressante.

    – Quelle est la suite du programme ? Vous me faites raccompagner chez moi par vos hommes ? Ou ils me descendent dans une ruelle sombre ?

    – Je ne souhaite pas que la police vienne mettre le nez dans mes affaires privées.

    – Oh, vous savez, je ne sais pas moi-même où je suis à ce moment précis, je ne vois pas comment ces connards de flics le sauraient...

    Oswald s’était levé. Il avait tout à fait la posture de celui qui prend congé.

    – Wolf va vous raccompagner.

    La porte s’ouvrit à ce moment là, et ledit Wolf, le sale type avec la sale tête et le sale vocabulaire, la lui maintint ouverte pour qu’il sorte. Il fallait commencer par se lever, de préférence sans s’appuyer au bureau, ce qui aurait fait mauvais genre. Easy referma la bouteille, et entreprit de marcher vers la porte. Arrivé au milieu du salon, il fit un brusque demi-tour, retourna au bureau, reprit son verre qui n’était pas vide, et le siffla d’un trait.

    – C’est votre verre, mais le contenu m’appartient, pas vrai ?

    Et il sortit, laissant Oswald fulminer, debout sur un cher tapis d’orient taché de whisky à 17 euro. Wolf précédait Easy dans le couloir, et lui ouvrit la porte d’entrée (qui du coup devenait porte de sortie).

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