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Trois voix
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Livre électronique93 pages1 heure

Trois voix

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À propos de ce livre électronique

Un écrivain bloqué aux prises avec l’oubli. Une peluche vaudou reçue en guise de cadeau. Des meubles en kit porteurs d’une malédiction. Trois histoires, trois voix, un chœur.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Bryan Brach, fervent admirateur des mondes fantastiques à la manière de Stephen King, Lucius Shepard et Bram Stoker, s’immerge régulièrement dans des univers envoûtants pour tisser des récits étonnants. Son premier ouvrage, "Trois voix", révèle ainsi l’éclosion d’un talent prometteur.
LangueFrançais
Date de sortie29 avr. 2024
ISBN9791042225704
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    Aperçu du livre

    Trois voix - Bryan Brach

    Hypnagogie

    J’ai toujours rêvé de devenir écrivain. Mais je n’ai jamais trouvé la patience de m’asseoir à mon bureau pour écrire sérieusement. La patience ou le courage de me confronter à mes démons. Les quelques fois où j’y étais contraint – par une dissertation à rendre le lendemain, par exemple – je compensais mon sentiment de médiocrité par des mots abscons, surannés et superfétatoires. Les événements que je m’apprête à raconter, toutefois, me pressent de faire simple. S’il n’est pas déjà trop tard…

    Avant de me retrouver acculé devant la page blanche, je menais une vie d’étudiant dissipé. Je me réveillais à pas d’heure et reprenais la bringue de la veille, quand ma conscience ne me commandait pas de revenir en cours de temps à autre. En première année de langues et littératures, j’ai préféré profiter de ma liberté dûment acquise après dix-huit ans de scolarité obligatoire. Mes parents n’auraient pas été enchantés d’apprendre qu’ils finançaient en réalité une année « sabbatique ». Grand bien leur fasse !

    Tout commença un matin de février, au lendemain d’une soirée mémorable où la mémoire elle-même s’effiloche. Curieusement, je me levai avec le chant des oiseaux, léger comme leurs plumes et frais comme la rosée. Je m’en souviens comme si c’était hier, certainement parce que ce fut le premier réveil à l’aube de cette année académique.

    Par contraste, des relents de bière stagnaient dans les vingt mètres carrés de mon studio ; par-dessous, je flairai l’arôme plus subtil, plus entêtant du cannabis. Au saut du lit, j’ouvris grand les deux battants de la porte-fenêtre restée close toute la nuit. La bise m’ébouriffa les cheveux, fouetta les tentures bleu marine et dispersa les vapeurs de la veille.

    Sept, huit, neuf… Neuf bouteilles vides se massaient sur la table basse, devant le canapé-lit déplié. Une tache marronnasse gondolait le bois, au niveau du coin inférieur droit. Dessus, au bord du vide, un pilulier renversé vomissait des cachets multicolores sur la moquette anthracite. De quelle drogue s’agissait-il ? Je m’emparai du flacon ; aucune étiquette ne me renseigna. À qui pouvait-elle bien appartenir… ?

    Je fermai les yeux et pris une ample bouffée d’oxygène. Les pensées, limpides, dérivaient sur le fleuve de ma conscience. J’y vis mes amis, Théo, Ben, Caro, l’échec de ma dernière session d’examen, l’idée d’un potentiel roman… Mais impossible de me souvenir de la soirée, malgré tous mes efforts de concentration. En descellant mes paupières, je me sentis étranger au décor, à mon propre environnement.

    Peut-être qu’un peu d’eau me rafraîchirait la mémoire ? Je me dirigeai dans la salle de douche, survolant les déchets – paquets de chips, sachets de bonbons, miettes de biscuits, bouteilles de Coca et autres crasses… – qui jonchaient le sol. Je nettoierais tantôt.

    Avant d’ouvrir le robinet, je me contemplai dans la glace juste au-dessus. Je m’attendais à déceler sur mon visage quelque indice de la veille – cernes, yeux bouffis, teint cireux… Rien. Jamais, depuis la puberté, ma peau n’avait paru aussi lisse et nette. Même l’acné tardive qui, hier encore, constellait mes tempes avait disparu.

    Je me penchai davantage quand un courant d’air, par la porte entrouverte, rafla mon image dans le miroir. Mon cœur rata un battement, et je me cramponnai au lavabo pour ne pas défaillir. Je n’osai plus relever la tête ; l’œil noir du siphon me sembla tout d’un coup plus attrayant.

    Mais la curiosité qui me disputait à l’effroi prit le dessus. Le soulagement fut instantané : mon reflet ébahi me dévisageait dans la glace.

    Que s’était-il passé ? Une hallucination, très probablement. Un phénomène similaire s’était déjà produit, deux mois auparavant. Je prenais une douche après un réveil cotonneux, lorsqu’une main décharnée a surgi d’entre les rideaux. Le mirage n’a duré qu’une fraction de seconde. Il aurait pu toutefois me coûter quelques vertèbres, si je ne m’étais pas rattrapé à la barre qui suspendait le pommeau.

    Ma figure recouvrit ses couleurs avant de s’effacer à nouveau. Elle reparut l’instant suivant, et s’éclipsa derechef. Encore et encore, comme si un fantôme passait en coup de vent entre le miroir et moi. Bon sang ! Je palpai mes bras, mon torse, mon visage. Tout y était, sauf mon reflet. Entre deux clignements, la glace réfléchissait la douche derrière moi.

    Qu’était-il en train de m’arriver ? Si les souvenirs me faisaient défaut, peut-être ne serait-ce pas le cas de mes amis. Je m’arrachai au lavabo et me précipitai dans le salon. Mon téléphone se rechargeait sur le clic-clac. Il glissa par deux fois entre mes mains moites avant que je ne trouve le numéro de Théo dans mon répertoire.

    — Bro, il est en train de se passer un truc de…

    Mais la voix enregistrée sur son répondeur coupa ma phrase. Évidemment. Théo ne se levait jamais avant midi. Pareil pour les autres – à moins qu’ils ne soient en cours. Je devais ronger mon frein en attendant.

    Que faire ? Je suivis son exemple et me recouchai. Je n’avais pas sommeil, mais fermer les yeux sous la couette me semblait être le meilleur moyen de tuer les heures. Pas un instant l’idée de sortir prendre l’air ou d’aller en cours ne m’effleura les synapses. Même ma résolution d’effectuer un brin de ménage s’évanouit avec la fraîcheur matinale.

    Midi sonna. Pourtant, je n’étais pas allongé depuis cinq minutes. En posant les pieds sur la moquette, je me crus prisonnier d’un mauvais rêve.

    Le sol avait été désencombré et la table basse, débarrassée de ses cadavres. Le linge qui, ce matin encore, pendait sur le séchoir, avait été plié sur une chaise avec un soin quasi maternel. Je battis des paupières pour dissiper l’illusion, mais force était de constater que ce n’en était pas une. Quelqu’un avait profité de mon somme – m’étais-je vraiment endormi… ? – pour décrasser l’appartement.

    Quelqu’un, ou quelque chose.

    Un frisson courut le long de mon échine. Non, impossible ! Je m’ébrouai pour me chasser cette idée de la tête. Impossible ! Les fantômes n’existent pas, et les fantômes maniaques de la propreté encore moins. Ma santé mentale commençait à me jouer des tours, voilà tout. J’ai déjà connu des épisodes dépressifs par le passé ; la drogue n’avait certainement pas aidé.

    Sans surprise, le pilulier aussi avait disparu. Envolée, la preuve de mon délire…

    Je me massai les paupières, la tête lourde. Non, la drogue n’expliquait pas tout. Retour à l’hypothèse de départ : quelqu’un avait voulu me faire une farce. Peut-être ma propre mère, qui sait ? Mes parents possédaient un double des clefs. Après avoir reçu mon dernier relevé de notes par la poste – il fallait bien

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