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Police Judiciaire
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Livre électronique366 pages5 heures

Police Judiciaire

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À propos de ce livre électronique

Originaire de Mont de Marsan, aujourd’hui expatrié aux Philippines, Emeric Goubelle met à profit les 15 années qu’il a passées comme Auxiliaire de Police d’abord, puis comme Gardien de la Paix OPJ, dans différents quartiers et différents services de la PJ Parisienne, pour plonger le lecteur au cœur de plusieurs enquêtes d’une brigade criminelle et d’une brigade des stups.
LangueFrançais
Date de sortie13 nov. 2019
ISBN9782312070285
Police Judiciaire

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    Police Judiciaire - Emeric Goubelle

    cover.jpg

    Police Judiciaire

    Emeric Goubelle

    Police Judiciaire

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2019

    ISBN : 978-2-312-07028-5

    En guise de remerciements

    À la fin des polars publiés dans les grandes maisons d’édition l’auteur remercient en général une ou deux dizaines de personnes qui l’ont aidé dans sa tâche, documentalistes, experts en tout genre, rewriters etc. L’ouvrage que vous allez lire est une œuvre artisanale, écrite par moi seul, atteint de cécité, sur un clavier QUERTY, aux Philippines où je réside, que mon père, lui aussi aveugle, a réécrit, à 10000 kilomètres de là, sur un clavier AZERTY (le clavier QUERTY n’étant pas adapté aux subtilités de la langue française), en y ajoutant ses connaissances historiques. C’est lui aussi qui en a fait les corrections, « à l’oreille », grâce à une synthèse vocale, un dernier coup d’œil ayant été porté par Laetitia et Nicole.

    Malgré ce travail de relecture et de correction, il se peut que quelques fautes de frappe ou de mise en page, quelques coquilles leur aient échappé, et je demande votre indulgence.

    Je remercie les Éditions du Net d’avoir accepté de publier ce texte qui s’appuie sur mes souvenirs de flic de base, puisque j’ai été gardien de la paix OPJ à Paris, dans les « beaux quartiers » (XVIe et XVIIe arrondissements) et dans le très cosmopolite XIXe, où se trouvent de nombreuses cités populaires où se trament les trafics en tout genre.

    Je remercie également ma compagne Laarne, qui m’a soutenu moralement pendant mes heures d’écriture ainsi que mes enfants, qui ont dû me supporter pendant ces périodes….

    PREMIÈRE PARTIE :

    Brigade Criminelle : Les enquêtes du groupe Cerveza

    Prologue : Présentation de mon groupe

    Je suis le commandant Philippe Pikon. À mon arrivée à la Brigade Criminelle au 36 Quai des Orfèvres, il y a 15 ans, comme le veut la tradition, on m’a donné le surnom de « Cerveza ». Pourquoi ? Tout simplement pour le Picon-bière ; et comme je suis d’origine espagnole, on a traduit « bière » en castillan, soit « Cerveza » ! J’ai eu beau expliquer à mes collègues que mon nom se prononce PI-KONE, à l’espagnole, il n’y a rien eu à faire. De sorte qu’aujourd’hui, on ne me connait plus que sous le nom de Cerveza ; même mes supérieurs m’appellent ainsi, c’est devenu mon véritable patronyme dans toute la Police Judiciaire et également au Palais de Justice, où les procureurs ne me connaissent que sous ce nom. Je me demande souvent si l’Administration connait mon véritable nom de famille, si l’on excepte le comptable chargé d’établir mon bulletin de salaire et de vérifier mes notes de frais…

    Cela ne me chagrine pas puisque je n’ai pas honte de revendiquer mes origines andalouses. En effet, mon grand-père a suivi ses parents originaires de Grenade, quelques jours après la mort du poète, dramaturge, peintre, pianiste et compositeur, Federico Garcia Lorca, fusillé par les Franquistes le 19 Avril 1936, entre Viznar et Albacar, en compagnie de plusieurs opposants à la rébellion dirigée par le général félon Francisco Franco. Après avoir traversé l’Espagne, échappant à plusieurs bombardements d’avions allemands ou italiens, les nazis et les fascistes étant alliés de Franco, grâce aux résistants républicains, il est arrivé en France plusieurs mois plus tard, où il a été interné dans un de ces camps de la Côte Vermeille, où les Républicains espagnols étaient prisonniers. C’est pourquoi je suis né à Rivesaltes, petite ville du Roussillon, célèbre pour son vin doux naturel et pour avoir vu naître le maréchal Joffre. Après avoir fait mes débuts à Perpignan où j’ai épousé Elizabeth, j’ai été muté à Paris, où j’habite désormais dans le XVe arrondissement, rue du capitaine Scotte. Mon épouse travaille au siège du LCL à la Défense et nous avons deux enfants, Théo, 15 ans et Lina, 12 ans. J’adore mon métier et il faut reconnaitre que le groupe que je dirige, connu sous le nom de « Groupe Cerveza », connait un taux de réussite assez exceptionnel, très proche de cent pour cent d’élucidation des affaires dont il a à traiter. Le seul point noir, mais c’est la même chose pour tous les flics, quelque soit leur spécialité, les stups, les moeurs, etc. ou leur grade, c’est que ce boulot est si prenant que je passe plus de temps ici, avec mes collègues, qu’avec ma famille. D’où, parfois, des tensions, il faut que le conjoint ou la conjointe ait le cuir assez solide pour supporter les nuits à rallonge, les week end de permanence, les heures supplémentaires… Pas étonnant que la plupart des couples de flics ne résistent pas. Et la hiérarchie ne nous aide guère, multipliant les tracasseries administratives, appuyant sur les freins budgétaires, rognant sur le matériel qui frise souvent l’obsolescence, des véhicules qui ont 200 000 kilomètres au compteur et qui ne sont pas adaptés à ceux des truands, des pannes à répétition, des ordinateurs d’un autre âge… Mais on a le métier si chevillé au corps qu’on s’adapte, faisant des miracles avec des bouts de ficelle. Car notre philosophie de vie, c’est de rendre la justice, de mettre les meurtriers et les assassins, les violeurs, les trafiquants de toutes sortes, les truands de tous poils, à l’ombre. Et que la justice passe…

    Mon bras droit, presque mon alter égo, c’est Brenda, lieutenant de police. Vous avez deviné que ce n’est pas son vrai prénom. Non, en effet, elle s’appelle Beverly, prénom dont l’a affublé son père d’origine irlandaise. James Douglas est né à Cork, a épousé une lilloise et ils tiennent un pub, évidemment irlandais, « le Saint-Patrick », rue de la Convention, dans le XVe, où ils servent des Guiness et des Irish Coffee. Avec mon équipe, on va, de temps en temps, y décompresser, quand une affaire nous prend trop la tête… Rien de mieux qu’une bonne bière rousse pour oublier la noirceur de l’humanité que nous côtoyons presque chaque jour. Beverly a été rebaptisée « Brenda », tout simplement parce que dans la série « Beverly Hills », l’héroïne s’appelle Brenda. Parfois, les flics sont de grands enfants, un rien les amuse…, cela permet de faire baisser la tension. Brenda est une jolie fille, grande, svelte, d’un beau blond vénitien, cheveux mi-longs légèrement ondulés coupés au carré, un visage pâle constellé de taches de rousseur comme il sied à une descendante de la verte Erin, de grands yeux vert émeraude. Elle me fait penser à Marlène Jobert jeune, dans le film « Dernier domicile connu », où elle joue le rôle d’une flic débutante qui suit, toujours en courant, Lino Ventura, à la recherche d’un truand, de son dernier domicile connu à l’autre. Cette lieutenant de 35 ans est toujours habillée de façon élégante, genre « fashion victim », tailleur-pantalon, veste mi-longue ou blouson de marque ; seules ses chaussures adaptées à la marche montrent qu’elle n’est pas un mannequin mais un flic et un bon. Et ne vous y fiez pas, c’est une adepte des arts martiaux et c’est une redoutable experte des armes à feu. Elle s’entraine régulièrement dans le stand de tir du nouvel immeuble de la PJ, rue du Bastion. Les « clients » de Brenda auraient tort d’oublier que sous son apparente fragilité, se cache une redoutable sportive qui n’a pas froid aux yeux qu’elle a magnifiques. Brenda est d’une réflexion remarquable et grâce à elle, on a résolu pas mal d’affaires. C’est pourquoi je l’ai proposée pour le grade de capitaine pour cette année, mais j’espère pouvoir la garder dans le groupe après sa nomination au grade supérieur. Brenda est notre procédurière ; c’est elle qui vérifie tout sur les dossiers d’enquêtes, les dates sur les procès-verbaux, les heures de rédaction, la mise en page, la numérotation de la procédure, bref, c’est une pièce essentielle de notre dispositif. Après elle, c’est moi qui me tape la vérification car il est impossible pour nous qu’un avocat puisse casser une procédure pour vice de forme. Et cette procédure est ensuite signée par le commissaire après une troisième vérification.

    Elle a un petit copain, un artiste, intermittent du spectacle, ce qui lui pose moins de problèmes que pour moi, en ce qui concerne ses horaires. Et elle n’a pas de charge de famille. Elle vit en appartement, rue de Flandres dans le 19ème.

    « Durex » est le surnom de Nicolas Condom. Vous avez compris l’astuce ? « Condom », en anglais, veut dire « préservatif » (les Britanniques adorent se faire photographier à côté du panneau d’entrée de la petite ville de Condom dans le Gers) et « Durex » est une marque connue de ce produit. Originaire de Lyon où ses parents tiennent un « bouchon » lyonnais dans la vieille ville, il tient de ses origines son goût pour la bonne chère et le beaujolais. Ce quadragénaire, célibataire endurci, est aussi un amateur de « bonne chair », c’est-à-dire qu’il est un coureur de jupons invétéré. Ses collègues disent de lui « qu’il tire sur tout ce qui bouge » ressemblant à une femme ; selon ces mauvaises langues, même un tronc d’arbre attifé d’une robe passerait à la casserole… D’autres affirment que, quand il a fait son service militaire dans les paras, il aurait « sauté » une chèvre après lui avoir bloqué les pattes arrière dans les poches de son treillis… Mais comment faire taire les mauvaises langues ? Tout cela montre son addiction au sexe. Mais il n’a aucune chance avec Brenda qui ne manque jamais une occasion de le rembarrer, ce qui est vexant pour lui parce que Brenda est loin d’être un « tronc d’arbre en jupe » !!! À part les femmes, son seul centre d’intérêt est le foot et tout particulièrement, le PSG ; il assiste à tous les matchs au Parc des Princes, quand il n’est pas de service. En effet, Durex est gardien de la paix et nous faisons souvent des permanences ensemble. Les permanences associent un gradé et un gardien. Le gradé fait les premières constatations sur la scène du crime, tandis que le gardien de la paix s’occupe des procès verbaux moins importants, nous formons un binôme complémentaire indispensable à la bonne marche d’une enquête et Durex est un excellent policier.

    Durex est un sacré numéro qui met beaucoup d’ambiance dans le groupe mais, un bon conseil, ne lui présentez jamais votre femme, c’est un conseil d’ami que vous avez intérêt à suivre !

    Le quatrième mousquetaire de la bande est Eric Delpeyrat, brigadier de police. Originaire de Ribérac en Dordogne, il porte le même patronyme qu’une célèbre entreprise agro-alimentaire née elle aussi en Dordogne à la fin du XIXe siècle, dont le siège se trouve aujourd’hui à Mont de Marsan, dans les Landes, spécialisée dans la transformation des palmipèdes gras (foies gras, magrets, confits, gésiers confits, cous farcis et tous les autres produits dérivés issus des canards et des oies gras). C’est pourquoi il a été rebaptisé « Pato », « canard » en espagnol… Pato a la carrure d’un rugbyman de deuxième ligne, 1 mètre 90, 110 kilos. Une voix qui fleure bon le Sud-Ouest. Comme la plupart des « armoires à glace », il est marié à une femme petite, mince, encore très jolie alors qu’elle a atteint, comme lui, la cinquantaine, professeur de lettres classiques au Lycée Henri IV. Malgré son air bourru, il est très gentil et amateur de musique classique et d’opéra. Quand il a du temps libre, il torture son vélo dans de longues ballades dans la vallée de Chevreuse, ou, pendant ses vacances, sur les routes vallonnées de son Périgord natal, le long de la belle vallée de la Dordogne. Leurs trois enfants ont quitté le domicile familial de Bonneuil-sur-Marne et ont tous un bon boulot à Paris.

    Quand il est au complet, mon groupe compte 8 membres, OPJ (Officiers de Police Judiciaire) et gardiens de la paix, mais il est rarement au complet puisque il faut tenir compte des congés, des RTT, des jours de repos, chacun d’entre nous travaille 5 jours suivis de deux jours de repos. De sorte que nous sommes de garde le week-end régulièrement, par roulement. Les autres membres de la « bande à Cerveza » sont :

    Dominique Manouchian, un Marseillais, surnommé « l’Arménien », fervent supporter de l’OM ; quand Durex et lui se rencontrent, les discussions portent évidemment sur leurs clubs de cœur respectifs et ça fait parfois des étincelles !

    Vincent N’Guyen, de parents laotiens, connu sous le nom de « le Chinois ».

    Antonin Francine, un Antillais, père de 4 enfants, est surnommé, lui, soit « Farina », à cause de la farine « Francine »…, ou « Rhum » à cause du rhum « Trois-Rivières », ville où il est né.

    Pascal Rossi, un vrai corse, a récolté le surnom de « Tino », évidemment.

    Mohammed el Mallé, est né de parents harkis, près de Villeneuve-sur-Lot ; il a récolté les surnoms, au choix, de « Momo » ou de « Gad », pour Gad el Mallé…

    C’est pourquoi un groupe de la PJ est soudé comme une famille, car ses membres passent beaucoup de temps ensemble, de jour comme de nuit, en semaine comme en week end et bien souvent, nous passons plus de temps ensemble qu’avec nos familles. Cela explique que les vraies vies de famille sont rendues très difficiles et que le taux de divorce chez les flics est très élevé : peu de couples résistent à ces horaires décalés, ces absences à répétition, ces appels téléphoniques en pleine nuit pour aller sur une scène de crime, la plupart des crimes se déroulant la nuit, ces vacances écourtées parce qu’on est rappelé en urgence… Les enfants surtout pâtissent de l’absence d’un père ou d’une mère, car il y a de plus en plus de policiers femmes qui s’avèrent souvent d’une redoutable efficacité. Brenda en est une parfaite illustration, alliant charme et intelligence, beauté et perspicacité. Moi, j’ai de la chance, mon couple résiste depuis près de 20 ans aux aléas de la profession. Il faut dire que j’ai une épouse qui s’est adaptée à mon genre de vie, qu’elle a un travail intéressant et que nos deux enfants sont plutôt faciles à vivre, très autonomes, ayant beaucoup de copains. De sorte que nous passons des instants d’intimité, trop rares certes, dans une excellente ambiance. Elizabeth et moi partageons, il est vrai, les mêmes goûts pour la littérature, l’histoire et nos conversations sont généralement riches, chacun apportant à l’autre son expérience et ses connaissances. J’apprécie particulièrement ces moments familiaux qui m’éloignent de mon métier où nous voyons ce qu’il y a de pire chez l’homme, la violence, la haine, la jalousie, la cupidité… Et il y a des affaires particulièrement scabreuses, qui vous marquent à jamais… Sans une vie familiale équilibrée, les flics tombent facilement en dépression, ou, compte tenu du rythme de vie, des heures sup’ à rallonge et généralement pas payées, dans le « burn out ». Ce qui conduit parfois au suicide. Le taux de morts par suicide chez les flics est largement supérieur aux autres professions. Depuis le début de ma carrière, il y a maintenant 20 ans, j’ai ainsi perdu une dizaine de collègues qui ne supportaient plus leur mal-être.

    Si vous suivez l’actualité, vous devez vous demander pourquoi mon groupe est toujours basé au 36 Quai des Orfèvres alors que la plupart des services de la PJ ont déménagé, depuis septembre 2017, au nouveau siège flambant neuf, 36 rue du Bastion ?

    En effet, La Direction Régionale de la Police Judiciaire (DRPJ Paris, ou DPJ) est une direction rattachée à la Préfecture de Police de Paris. Elle se situe aujourd’hui 36 rue du Bastion, dans le XVIIe arrondissement, pas très loin du ministère de l’Economie et des Finances, à Bercy. La nouvelle construction offre 5000 mètres carrés supplémentaires par rapport aux anciens locaux du 36 Quai des Orfèvres ; elle est haute de 9 étages, avec plusieurs niveaux en sous-sol pour accueillir entre 200 et 300 places de parking pour les voitures sérigraphiées ou banalisées. L’édifice est ultra moderne et très sécurisé : la façade du rez-de-chaussée est bétonnée pour préserver une attaque kamikaze, le vitrage renforcé à l’épreuve des balles, un maillage de caméras vidéo-surveillance et des hommes en faction protègent les abords. Ce bâtiment est doté d’un stand de tir et d’une salle de sport. Il jouxte le nouveau tribunal de Paris qui accueillera, dans quelques mois, le tribunal de grande instance et les tribunaux d’instance jusque-là répartis dans les 20 arrondissements de la capitale.

    Ainsi décrit, ce nouveau 36 peut faire rêver. Mais pas moi. Mon groupe, lui, se sent bien au vrai 36, le bon vieux 36 du Quai des Orfèvres. Pourquoi cet attachement ? C’est vrai qu’il est vieux, n’est plus adapté aux conditions de travail modernes, qu’il n’a pas d’ascenseur, que les bureaux sont exigus, qu’il y fait trop chaud l’été, froid l’hiver, qu’il est mal éclairé… Mais ce bon vieux 36 a une HISTOIRE, il est patiné par les décennies, il fait partie du patrimoine de la Police, de la littérature, du cinéma, des séries télévisées. Il sent bon la blanquette de veau de Mme Maigret, l’odeur de la bière, du vin blanc et des sandwichs que les flics faisaient monter de la légendaire Brasserie Dauphine. Ce 36 est hanté par les carrures des flics de cinéma, Jean Gabin, Bruno Crémer, Jean Richard, Alain Delon, Lino Ventura et j’en passe…, mais aussi celles des grands flics et des truands célèbres qui y ont été conduits sous bonne escorte. Il rappelle aussi les évasions célèbres, les suicides spectaculaires de certains prévenus qui n’ont pas hésité à sauter par une fenêtre laissée ouverte… Il sent le vieux bois, la sueur, la poussière. Il sent le poids du passé. La preuve est qu’afin de garder le nom mythique du 36, le numéro de l’entrée dans la rue du Bastion du nouveau bâtiment est au 36, bien qu’il ne corresponde à rien dans la numérotation de la rue !!!

    L’emplacement du 36 historique s’inscrit dans un écrin ciselé par les premiers rois capétiens, qui ont choisi Paris comme capitale de leur royaume et l’île de la Cité comme centre du pouvoir politique, judiciaire et religieux. Le 36 est situé dans une dépendance du Palais de Justice donnant sur un des quais de l’île de la Cité, berceau de la ville-capitale, à l’arrière de la Préfecture de Police. Face à la PJ se trouvent l’hôpital de l’Hôtel-Dieu et la cathédrale Notre-Dame, joyau de l’art gothique. Avec la Conciergerie où fut emprisonnée Marie-Antoinette, la Sainte Chapelle, construite par le roi Saint Louis pour servir de châsse à la couronne d’épines du Christ et à un morceau de la Vraie Croix, constitue un des vestiges du Palais de la Cité, où résidaient les premiers rois capétiens, qui s’étendait sur le site de l’actuel Palais de Justice.

    Quand on fait face au Palais de Justice, se trouvent dans l’aile droite, le dépôt, où sont incarcérés les suspects à la fin de leur garde à vue, les prisonniers en attente de leur jugement et les locaux de la police scientifique. L’aile gauche, donnant sur le quai des Orfèvres, abrite le seul et vrai 36 à mes yeux. C’est un bâtiment de 3 étages, surmonté d’un clocheton, ce qui lui a valu, dans l’argot parisien, le nom de « Tour Pointue », desservis par un escalier en bois ; pour accéder au troisième il faut monter plus de 70 marches, car il n’y a pas d’ascenseur. Sur la gauche de cet escalier, c’est le vide, de sorte que lorsque on fait monter un suspect pour un interrogatoire, il faut le placer à notre droite, contre le mur, pour éviter qu’il ne saute dans le vide, soit pour s’échapper, soit pour se blesser et avoir droit à l’hôpital, soit pour se suicider.

    Il est vrai que le 36 du quai des Orfèvres date de près de 150 ans et ne correspond plus aux normes d’aujourd’hui. Le bâtiment a en effet été construit entre 1875 et 1880 sur l’emplacement de l’ancien hôtel du premier président de la cour d’appel de Paris, qui fut détruit par l’incendie volontaire survenu lors de la Commune de Paris, le 24 Mai 1871 et qui détruisit également une bonne partie du Palais de Justice mitoyen. La Préfecture de Police de Paris a donc dû quitter son ancien emplacement et fut installée dans les nouveaux locaux par Jules Ferry dans une partie des bâtiments du Palais de Justice qui venaient d’être reconstruit, au 36 quai des Orfèvres. La police s’y installa au 1er Août 1913 ; à l’époque, les policiers se déplaçaient à cheval ou à vélo et se faisaient narguer par les truands, comme ceux de la bande à Bonnot qui se déplaçaient, eux, dans de puissantes berlines, ce qui motiva les forces de l’ordre à se donner de nouveaux moyens ; c’est alors que naquit la Police Judiciaire qui se donna pour mission la répression des crimes et délits.

    En Septembre 2017, après le départ en Juin de la Brigade des Stupéfiants (BS), les derniers services de la PJ ont déménagé au Bastion, dans la Cité Judiciaire de Paris, près du futur tribunal de Paris, Porte de Clichy. Seule la Brigade de Recherche et d’Intervention (BRI), nommée aussi l’Antigang, reste dans les locaux pour intervenir plus rapidement en cas d’attaque terroriste.

    Seule la BRI ? Non, pas vraiment, car mon groupe, à l’instar du petit village gaulois d’Astérix, fait de la résistance. Pourquoi ? Parce que notre brigade est un peu spéciale, avec ses cent pour cent de taux d’élucidation des affaires que l’on nous confie. Pour l’instant, arguant du fait que nous avions besoin d’être plongés dans « le jus » du passé du 36, j’ai fait pression sur la direction de la PJ qui n’a pas osé nous jeter en dehors de nos bureaux. Les autres collègues – peut-être jaloux ? – nous appellent actuellement « la brigade fantôme du 36 ». On nous a toutefois relégués au troisième étage, dans les anciens locaux des Stups, sous les toits.

    Combien de temps durera cet arrangement ? Bien malin qui pourrait le dire. En effet, il est envisagé de transformer une partie du site pour y accueillir les collections du musée de la Préfecture de Police qui se trouvent à l’étroit au dernier étage du commissariat du Ve arrondissement, au 4 de la rue de la Montagne-Sainte-Geneviève.

    Première enquête : un crime (presque) parfait

    UN WEEK-END DE PERMANENCE

    En ce dimanche 18 Janvier, comme tous les quatre week ends, je suis de permanence dans mon bureau du troisième étage de ce bon vieux 36. Il n’y a pas grand monde dans le bâtiment depuis qu’il a été abandonné par la plupart des services, installés désormais dans les locaux flambant neufs, mais sans âme, sans odeur, sinon celui des meubles « design », des peintures encore fraîches, alors qu’ici cela sent l’humanité dans toute sa diversité, le tabac froid, l’odeur du café de mauvaise qualité, la transpiration et j’en passe de moins ragoutantes. Mais ça sent LA VIE.

    Ce week end a été jusqu’ici plutôt calme. À midi je suis allé manger en compagnie d’Elizabeth et des enfants au restaurant « le Beaujolais », pas très loin du 36. Il y a une heure, Elizabeth m’a téléphoné pour me dire qu’ils étaient allés voir le dernier Star Wars, ne me demandez pas quel est le numéro de l’épisode, il y en a tant que je m’y perds et, de toute façon, ce n’est pas le genre de cinéma que j’apprécie ; Elizabeth, elle non plus, n’aime pas trop ça, mais il faut bien faire plaisir aux enfants et que voulez-vous faire un dimanche de Janvier, quand la température parisienne n’a pas dépassé les 6 degrés de la journée et que la bise balaie les rues désertes de la capitale ? J’ai occupé mon temps à jouer au poker en ligne, à regarder le patinage artistique à la télé, les commentaires de Nelson Montfort, de Fabrice Candéloro et Annick Dumont sur France 3 m’amusent toujours et notamment les « dérapages » verbaux plus ou moins sexuels de l’ancien patineur qui a révolutionné la façon de mettre en scène le patinage, longtemps « académique » en interprétant des rôles de composition, d’Artagnan, le Parrain, etc. Les prouesses des patineurs sont époustouflantes et la grâce des patineuses est un régal pour les yeux. Après tout, on peut être fidèle et apprécier les jolies femmes. J’aime beaucoup le couple de danse sur glace Guillaume Sizeron et Gabriella Papadakis, dont l’entente fait merveille. Cela doit être mon côté fleur bleue, mais ce sport me plaît, n’en déplaise à ceux qui y voient « un sport de lopettes ». Mais ceux qui affirment ça n’on qu’à faire la même chose, ils verront bien que c’est loin d’être facile et qu’il faut être sacrément costaud pour effectuer tous ces sauts et ces portés… De temps en temps, je suis descendu fumer une gauloise ; eh oui, je n’ai pas sacrifié à la mode des Marlboro, préférant de loin les bonnes vieilles cigarettes brunes qui furent longtemps fabriquées en France par la SEITA. Fumer ici, maintenant, relève presque de l’exploit sportif, car il faut descendre et donc remonter les 70 marches qui nous conduisent au sommet de la « Tour Pointue ».

    J’entends les cloches de Notre-Dame qui m’indique qu’il est 18 h. Je m’apprête à rentrer dans la chaleur du foyer familial, je transfère les appels de mon téléphone fixe du bureau sur mon portable professionnel, car la permanence dure jusqu’au lundi matin et toute affaire criminelle sur Paris, je le sais, ça fait partie du job, est pour ma pomme ; je passe mon manteau, prêt à affronter une température qui doit maintenant flirter avec le zéro et le vent hivernal, quand la sonnerie de mon portable, une sirène de police-secours, eh oui, cela doit vous faire rigoler, se fait entendre. Et merde, finie la soirée douillette à la maison !

    – « Allo, commandant Cerveza ? C’est l’État Major. Le Procureur de Paris, Dominique Martin, lui aussi il est de permanence et il doit être furax d’être dérangé à l’heure de l’apéro…, fait appel à vos services. Désolé commandant…

    – Bonjour, ou plutôt bonsoir, explique-moi le topo.

    – Cela se passe au Bois de Vincennes, dans le XIIe, du côté de la Porte Dorée, au lac Daumesnil, sur l’île de Bercy. Un homme qui promenait son chien a trouvé un crâne que le staff a déterré, en grattant un peu. La Police-Secours, les policiers du 3e district, le procureur sont sur place et vous attendent.

    – Dis leur que je pars immédiatement du bureau et que je serai sur scène dans maxi 30 minutes. »

    Le procureur de permanence, Dominique Martin, n’est pas mal, j’ai déjà travaillé avec lui à deux ou trois occasions, il laisse la Crim’ travailler à sa guise et il ne cherche pas à mettre de bâtons dans les roues. Cela aurait pu être pire, car certains procs veulent tout diriger, tout contrôler et ils nous emmerdent.

    Et voilà, mon dimanche soir foutu, adieu mon plateau-repas, les pieds dans les charentaises, devant le match Nantes-Monaco. Et tout ça à cause d’un putain de promeneur et son clébard. Mais qu’est-ce qu’ils foutaient par ce temps à ne pas mettre un honnête homme dehors, sur cette île, à se promener ! Il y en a qui sont vraiment givrés ! Avant de quitter le 36, j’avertis par téléphone Elizabeth que je rentrerai tard ou, peut-être pas du tout. Cela n’entraîne aucune mauvaise humeur de sa part, elle en a l’habitude…

    Bon, ça ne sert à rien de se lamenter, mais avant de partir, il faut que j’avertisse Durex… et lui, il risque de le prendre moins bien que mon épouse, surtout si il est en bonne compagnie…

    – « Allo, Durex, c’est Cerveza. T’es toujours en train de tirer ton coup avec ta petite nem ?

    – D’abord, c’est pas une Thaïlandaise mais une Japonaise et je suis sur le bout de gras depuis hier matin, elle en redemande, la coquine ! Y a rien de mieux que les Asiatiques, je te dis. Et c’est pour me dire que tu rentres chez toi que tu m’interromps en plein travail ?

    – Tu laisses tomber ta nippone et tu rappliques au 36 et fissa, je pars au Bois de Vincennes, pas pour les putes, mais parce qu’un promeneur de chien a trouvé un crâne. Le proc’ m’a appelé pour que j’aille faire les premières constatations. J’ai besoin de toi au bureau car je vais t’envoyer le promeneur solitaire pour audition. Alors rapplique ton cul.

    – Fais chier, merde, mais OK, je suis là dans une demi-heure, le temps de prendre une douche avec mon petit sumo poids plume. »

    Le Bois de Vincennes est le plus grand espace vert de Paris, avec ses 10 000 hectares. Situé à l’Est de Paris, il dépend du XIIe arrondissement. Il est constitué de 5000 hectares d’espaces boisés, le reste étant voué aux pelouses et à diverses infrastructures, comme le château de Vincennes, où on raconte que Saint Louis rendait la justice sous un chêne (ce qui a permie à un homme politique, André Santini, de remporter le « prix de l’humour politique », en affirmant, au sujet d’un ministre de la justice : « Saint-Louis rendait la justice sous un chêne, le ministre la rend comme un gland… »), le célèbre champ de courses spécialisé dans les épreuves de trot, le zoo de Paris, la Cartoucherie où se trouvent des lieux réservés au théâtre et aux spectacles, des routes pour la circulation automobile, des pistes cavalières, des chemins de promenade

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