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Une vie de Flic: Un flic de terrain témoigne sans tabou
Une vie de Flic: Un flic de terrain témoigne sans tabou
Une vie de Flic: Un flic de terrain témoigne sans tabou
Livre électronique315 pages4 heures

Une vie de Flic: Un flic de terrain témoigne sans tabou

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À propos de ce livre électronique

Biographie des 15 années ou j’ai servi dans la police comme gardien de la paix à Paris.
LangueFrançais
Date de sortie25 juin 2019
ISBN9782312066868
Une vie de Flic: Un flic de terrain témoigne sans tabou

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    Une vie de Flic - Emeric Goubelle

    cover.jpg

    Une vie de Flic

    Emeric Goubelle

    Une vie de Flic

    Un flic de terrain témoigne sans tabou

    (Ancien Gardien de la paix, OPJ, matricule 461 088)

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2019

    ISBN : 978-2-312-06686-8

    À mes amis et collègues :

    Thomas Sitko, dit « Kiko »

    Jean-François Lopez dit « Jeff »,

    Et Thierry Lignot.

    Trois collègues du XIXe arrondissement de Paris, broyés par l’Institution policière, décédés par suicide avec leur arme de service.

    Reposez en paix, mes collègues et amis…

    À noter que, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, il y a 36 pour cent de morts par suicides de plus dans la police que dans le reste de la population. Un chiffre à méditer…

    Introduction

    Un peu de vocabulaire argotique policier.

    Au fil des décennies, les malfrats ont mis leur imagination en branle pour affubler les policiers qui les pourchassaient de noms argotiques, que la littérature policière s’est empressée de reprendre à son compte. De cet éventail de surnoms quelques uns se sont imposés.

    Le mot le plus usité pour désigner un policier est assurément FLIC. D’où vient ce nom ?

    FLIC viendrait de l’allemand FLICK, qui peut se traduire par « garçon », « jeune homme », que les malfrats d’outre-Rhin ont donné à leurs policiers.

    FLIC viendrait, selon d’autres sources, du mot allemand FLIEG, qui signifie « mouche », et aurai été utilisé par analogie avec le mot « mouche » qui, sou l’Ancien Régime, en France, signifiait « policier ». Dans les romans que Jean-François Parraud consacre aux « Enquêtes de Nicolas le Floch, commissaire aux affaires extraordinaires du roi au Châtelet », sous Louis XV et Louis XVI, ce mot de « mouche » est constamment employé pour désigner les agents de police de l’époque. Ce mot donnera plus tard « mouchard », celui qui dénonce…

    FLIC aurait une origine plus récente et bien française. L’expression remonterait à l’époque où les rues de Paris étaient pavées. Les gardiens de la paix d’alors, qui ilotaient, étaient munis, en guise de matraque, d’un long bâton, qui pendait à leur ceinture, et qui, à chaque pas, heurtaient le pavé faisant un son « flic flic ». La nuit, dans le calme de la ville, quand les policier patrouillaient par deux le son « flic flic » annonçait l’arrivée des policiers.

    L’xpression « 22, voila les flics » aurait deux origines. La première, qui me parait trop intellectuelle, aurait été l’expression employés par les voyous qui annonçaient l’arrivée des policiers en criant « chef, 22, voila les flics » ; or, 22 représente la somme de la position dans l’alphabet des lettres C H E F (C : 3 ; H : 8 ; E : 5 ; F : 6… L’addition de ces 4 chiffres donne bien le nombre 22).

    Une autre explication, à mon avis, plus simple et moins intellectuelle est la suivante : les gardiens de la paix ilotaient par deux ; les jambes d’un homme forment les deux bâtons du 11 ; deux hommes cela fait bien 22.

    D’où l’expression : « 22, voilà les flics ».

    KEUF n’est que le verlan de FLIC.

    Un autre terme pour désigner les policiers, encore très usité, est le mot « poulet ». Pourquoi assimiler un policier à un poulet ? Pour comprendre il faut faire un peu d’histoire.

    Lors de la Commune de Paris l’hôtel particulier du premier président de la cour d’appel de la Seine et une partie du palais de justice attenant furent incendiés le 24 Mai 1871. On décida la reconstruction du palais de justice sur cet emplacement sur le quai des Orfèvres. La construction dura de 1875 à 1880. Le ministre de l’intérieur, Jules Ferry, y installa la préfecture de police dans une partie du palais de justice. Or, autrefois, quai des Orfèvres, devant l’hôtel du premier président de la cour d’appel, se trouvait un marché aux volailles et des rôtisseries. Comme la police judiciaire s’installa là, au numéro 36, en 1913, les Parisiens, frondeurs, ne tardèrent pas à appeler « poulets » les policiers. Pendant les travaux, Jules Ferry installa provisoirement la préfecture de police dans l’ancienne caserne de Paris qui se trouvait sur l’emplacement de l’ancien marché aux volailles de Paris, d’où le nom dont on l’affubla, « la maison poulaga (poulaga signifiant poulailler) ».

    Il y a une soixantaine d’années encore, quand la circulation aux carrefours n’était pas régulée par des feux tricolores ou des ronds-points, c’est un policier qui, muni d’un bâton blanc et d’un sifflet faisait la circulation, au milieu du carrefour, monté sur une sorte de kiosque couvert pour l’abriter de la pluie. Comme cette espèce de guérite ressemblait à un appareil ménager qui venait d’envahir la batterie de cuisine des Françaises, , on eut tôt fait de baptiser cet endroit, où il y avait un « poulet » et que ça sifflait, de « cocotte-minute »…

    Deux mots entrés dans le langage populaire « type » et « mec », pour désigner un homme, sont issus du jargon policier :

    – « Type » servait à désigner un individu selon sa couleur de peau : un suspect de « type européen » (aujourd’hui on dit plutôt de « type caucasien »), pour un individu blanc ; un cadavre de « type africain » pour désigner un noir. Etc.

    – «Mec » est en fait formé des initiales de « Mis En Cause ». Ainsi au lieu de dire, « Gardien, allez chercher le Mis En Cause pour une audition », on disait, « Gardien, allez chercher le MEC pour une audition ».

    L’expression, moins usitée de nos jours, de « Panier à salade » pour désigner un car police secours, date de l’époque où les cars police secours avaient leurs vitres protégées par des grillages pour éviter les caillassages ; ils ressemblaient ainsi aux anciens paniers à salade fabriqués dans une sorte de grillage ; et comme ces cars n’étaient pas confortables, les détenus y étaient secoués comme la salade à essorer dans le panier à salade…

    Prologue. Ceci n’est pas un roman, mais le vécu quotidien d’un flic de terrain

    Au fil de ce témoignage, vous allez vivre au quotidien, la réalité de la vie d’un flic de base travaillant sur Paris.

    Ainsi, chacun de vous pourra se faire sa propre opinion sur cette profession, que l’on croit connaître, tant les séries policières envahissent les écrans de télévision, mais, qui, à travers ce prisme, est déformée et, malheureusement, fantasmée, et sur les capacités de la police à agir au mieux des intérêts de tous pour assurer la sécurité des citoyens. Vous n’aurez aucun mal à constater qu’entre la fiction et la réalité, il y a un monde, fait de planques, de peur, de violence, de drames, de mesquineries, de guerre des services, de suspicions, de conflits d’intérêt entre les institutions policière et judiciaire.

    Pour cela, je ne vais relater que des faits concrets, des actions conduites sur le terrain, auxquels j’ai été directement mêlé, vous retracer les relations que j’ai pu entretenir avec les différentes hiérarchies, policière, judiciaire, administrative ou encore syndicale.

    Au fil de ces pages, vous entrerez dans l’univers et les dessous de cette « Grande Maison » qu’est l’institution policière. Vous découvrirez la vaste hypocrisie de sa gestion et l’opacité de sa relation avec les syndicats.

    Ce récit n’est pas un roman, même s’il en a parfois l’allure, tant la réalité dépasse souvent la fiction. Le vocabulaire y est donc cru, sans fioritures, c’est celui que nous employons et que nous subissons chaque jour.

    J’ai été policier pendant 12 ans, de Janvier 1998 à Décembre 2010, de l’École Nationale de Police à Police Secours, en passant par la Police Judiciaire, la BAC civile, et le commissariat de quartier.

    J’ai fait à peu près le tour de tous les services de police. De plus, de par mon action de syndicaliste, j’ai côtoyé les plus hautes autorités politiques et administratives.

    Grâce à mon vécu, je suis en mesure d’apporter des solutions qui permettraient de mettre en place une grande réforme de cette vieille administration. Car il est bien de dévoiler les dessous, de critiquer, mais il est encore mieux d’apporter des idées sinon des éclairages.

    En effet, je ne vois, à l’heure actuelle, aucun parti politique ou syndicat en mesure d’apporter des solutions convenables, efficaces et surtout durables contre la délinquance dans notre pays.

    Cet ouvrage a été rédigé en deux temps. La première partie, le témoignage choc du matricule 46 10 88, le mien quand j’étais gardien de la paix, OPJ, a été écrit, sur la base de mes souvenirs, en 2013. Je l’ai retravaillé et y ai ajouté des anecdotes, toujours véridiques, en 2018 Elle relate les actions auxquelles j’ai effectivement participé entre 1998 et 2010, période pendant laquelle les principaux ministres de l’Intérieur ont été Jean-Pierre Chevènement, homme de gauche, et Nicolas Sarkozy, homme de droite, dont les idées politiques, fortement orientées par leur famille de pensée respective, ont marqué les décisions, souvent contradictoires, qu’ils ont prises.

    La deuxième partie, portant sur le racisme supposé des policiers m’a été dictée, en 2017 par un dramatique fait divers qui a défrayé la chronique et suscité une vague de commentaires dans l’opinion, au début de cette année là. C’est toujours au travers de mon vécu que j’essaie de répondre à cette question : les policiers sont-ils racistes ?

    ************

    Ma carrière en quelques dates :

    Novembre 1995-Octobre 1996 ! Service militaire dans la Police Auxiliaire : stage à l’École de Police de Périgueux, puis, à partire du 30 Décembre 1996, policier auxiliaire à Saint-Maurice et à Charenton-le-Pont.

    Janvier-Décembre 1998 : élève gardien de la paix à l’École Nationale de Police de Périgueux.

    Janvier-Avril 1999 : gardien de la paix dans le xvIe arrondissement de Paris.

    Mai à Octobre 1999 : affecté à la DOPC (Direction de l’Ordre Public et de la Circulation) Base 1 Europe dans le XVIIe, avec surveillance des ambassades et immeubles de personnalités.

    Octobre 1999 : muté dans le XIXe arrondissement, d’abord à la brigade J 3, avec le brigadier Zymanski, comme chef de groupe, pendant un mois ; puis versé dans la brigade J de nuit, ou j’i ai fait Brigade anti-cambriolage, BAC civile, police secours, SARIJ (Service d’Accueil, de Recherche et d’Investigation Judiciaire : c’est le service de l’IOJ où on présente les demandes de garde à vue, où on pratique les auditions des plaignants, des suspects et des témoins, où on établit le dossier judiciaire, avant de contacter le parquet pour décider si le prévenu doit être gardé à vue ou être libéré), GRI, (Groupe de Recherche et d’Investigation : c’est un groupe au sein du commissariat central de l’arrondissement, qui agit un peu à la façon de la PJ, sur des cambriolages, des affaires de stups, sur d’anciens dossiers non résolus, et qui reprend des enquêtes que les commissariats de quartier n’ont pas pu résoudre, avec des filatures, des écoutes téléphoniques, prises d’empreintes etc.), jusqu’en Août 2007.

    Août 2007-Septembre2009 : Brigade des Stups dans la 3e DPJ de Paris.

    Octobre 2009-Décembre 2010 : gardien de la paix en journée au commissariat de Mont de Marsan.

    PREMIÈRE PARTIE :

    Le témoignage choc du gardien de la paix, matricule 46 10 88

    Chapitre 1. Première expérience de flic de base comme policier auxiliaire

    On peut dire que j’ai commencé ma carrière de « flic » de terrain dès le mois de Décembre 1996. En effet, à cette époque là, le service militaire était encore – pour un an –, obligatoire, et, fidèle à ma vocation, j’ai demandé d’effectuer cette année (que beaucoup considéraient alors comme une « corvée », de service dans la police, comme Auxiliaire de Police. Après un mois de formation à l’École de Police de Périgueux, le provincial landais que je suis est affecté, en Décembre 1996 à Saint-Maurice, commune du Val de Marne (94), dans la banlieue parisienne, qui dépend du commissariat de Charenton-le-Pont, ces deux communes jouxtant le Bois De Vincennes, au Nord-Est de Paris. La première chose qui frappe le novice que je suis, c’est que le commissaire est « un peu spécial ». En effet, en dehors de son activité policière, ce qui ne veut pas dire en dehors de ses heures de service…, il écrit des scénarii-policiers évidemment – pour la série télévisée très prisée sur TF1, « Commissaire Moulin », dont l’acteur principal et, souvent, réalisateur, est Yves Rénier. Souvent, ce commissaire circulait dans son commissariat, la tête en l’air, échafaudant des histoires qu’il pourrait transcrire en scénario. Et, on voyait, assez fréquemment, le comédien-réalisateur vedette de la Une, venir au commissariat de Charenton-le-Pont, s’enquérir de l’avancée d’un scénario, susceptible d’être porté à l’écran. Je me souvient avoir réalisé la couverture d’un de ses scénarii, « La main jaune ».

    J’ai rencontré, dans ce commissariat quelques personnages connus qui essayaient d’utiliser leur notoriété pour « griller la politesse » devant les autres « Français lambdas » qui venaient, eux aussi, déposer plainte. Un jour, une de ces personnalités se présente pour porter plainte à la suite dun cambriolage à son domicile. Il veut passer devant tout le monde, au lieu de « faire la queue » :

    – Vous ne savez pas qui je suis ? Je suis Laurent Fignon !

    Laurent Fignon est alors un ancien champion cycliste très connu, qui a arrêté sa carrière en 1993, vainqueur à deux reprises du Tour de France en 1983 et 1984, dont la défaite pour 8 secondes, derrière l’Américain Greg Lemond, dans la dernière étape du Tour 1989 a ému toute la France…

    Le brigadier, qui recueillait les plaintes, sans perdre son aplomb, lui rétorque :

    – Vous seriez Napoléon que vous feriez la queue comme tout le monde.

    Et Laurent Fignon dut obtempérer…

    Une nuit, c’est l’humoriste canadien, alors très en vogue en France, Anthony Cavanagh, qui arrive, tout excité, qui veut, lui aussi, passer devant les plaignants « lambdas », qui sont sans doute aussi « dans la merde » que lui – car on ne vient pas porter plainte sans raison valable de nuit dans un commissariat –, à la suite du vol de son portefeuille dans le XXe arrondissement. Lui aussi a dû en rebattre de ses prétentions de « passe-droit »…

    Après tout, on est en démocratie, et les privilèges ont été abolis dans la nuit du 4 Août 1789, si je ne m’abuse ?

    En tant que PA (Police Auxiliaire) j’ilôtais dans les rues de Saint-Maurice, en compagnie du brigadier Bazin. Pour vous décrire le personnage, haut en couleurs, je peux vous dire qu’il était moustachu, genre « belles bacchantes », coiffé avec une raie sur le côté, le nez plein de trous par l’alcool, ancien alcoolique…, supporter acharné du PSG, abonné de la tribune de la Porte d’Auteuil, à une époque où le PSG ne jouait pas les premiers rôle dans le championnat de France. Ancien sous-marinier, il affirmait que :

    – Quand tu pars 6 mois en mer, enfermé dans cette « boîte à sardines » dès l’âge de 16 ans, on était accompagné d’un chien pour l’enculer de temps en temps, fallait bien s’occuper !

    Voilà ce qui situe bien le personnage, fort en gueule…

    Policier, il était très strict, il fallait que les chaussures soient toujours bien cirées, la tenue impeccable, sans un pli, et il n’hésitait pas à pousser des « gueulantes » mémorables quand un d’entre nous avait l’outrecuidence d’arriver avec quelques minutes de retard, même si, dans la région parisienne, on est tributaire des aléas des transports en commun et des embouteillages…

    – Veux pas le savoir, vous n’avez qu’à vous démerder pour arriver à l’heure !

    Et que répondre à ça ? Après tout, nous étions là au titre du service militaire, et, dans les casernes, à l’époque, ça ne rigolait pas avec la ponctualité et la tenue réglementaire…

    Finalement, sous ses dehors de « Parisien brut de décoffrage », Bazin était attachant, et nous sommes devenus amis. Avant que je termine mon « service militaire », Bazin est parti à la retraite et a été remplacé par un jeune sous-brigadier, un Lyonnais, fana detamogotchi, petit compagnon virtuel fort en vogue à l’époque. Il en avait au moins une dizaine sur son bureau !, ce qui devait l’occuper une bonne partie de son temps, car il fallait penser à nourrir, sortir, habiller etc. Ces bébés ou ces animaux ou ces bébés virtuels sous peine de les voir « mourir »… À cette époque, c’était une véritable folie, qui n’avait pas son tamagotchi ? Une mode qui, comme toutes les modes, – souvenez-vous du hula hoop, du scoubidou, des porte-clefs –, passe aussi vite qu’elle a envahi l’espace culturel, 6 à 8 mois, et qui disparait aussi vite qu’elle est apparue, sans qu’on s’en rende compte, ayant fait la fortune de quelques fabricants, qui avaient senti le vent venir…, et qui sont à l’affût d’une nouvelle mode aussi éphémère pouvant leur faire gagner quelques millions de dollars en quelques mois… Aux dernières nouvelles, ce sous-brigadier n’a pas fait long feu dans la police et s’est tourné vers la création de sites Web, ce qui était plus en raccord avec sa passion des gadgets électroniques… Décidément, on voit de tout, dans la police, vous ne trouvez pas ?

    En tant qu’agent de Police Auxiliaire, j’arpentais, en compagnie d’un autre PA, Franck Choine, les rues de Saint-Maurice et de Charenton-le-Pont. J’aimais bien Franck, un garçon sérieux, bosseur, avec lequel le feeling est tout de suite passé ; et c’est sans doute pour cette raison que nous avons obtenu de bons résultats. La preuve de notre bonne entente, c’est que 20 ans plus tard, et alors que nos chemins se sont éloignés, nous restons en contact. Formant un binôme actif, nous rendions visite aux commerçants, qui étaient heureux de voir des « flics » (même si nous n’en étions pas vraiment), cela les rassurait : c’est ça, la police de proximité, se faire connaître des habitants, les rassurer, dissuader les petits délinquants de s’en prendre à la population… Le commerce que nous préférions était « Saint-Maurice voyages », où nous avions droit à une tasse de café ou à une boisson fraîche, en fonction de la température et de la météo.

    Nous faisions également les « points écoles », c’est-à-dire que nous étions présents pour réguler la circulation aux abords des écoles lors des rentrées ou des sorties des élèves. Quand nous étions requis pour cette tâche, nous devions assurer cela 2 fois le matin et 2 fois l’après-midi, durant 30 minutes, consacrées à faire traverser en sécurité les enfants sur le passage protégé. Mon collègue et ami Franck, qui était en poste deux mois avant mon arrivée, m’a mis en garde que sur un de ces « points école » il y avait parfois une nymphomane, peut-être d’origine péruvienne ou mexicaine, une latino-américaine assurément, qui n’hésitait pas à venir embrasser le PA en faction et à lui « toucher les roubignolles » ! Un jour que j’étais en faction à ce « point école », je remarque en effet une jeune latino âgée d’une vingtaine d’années, un peu boulotte, qui semblait me dévorer des yeux. Étant prévenu, je ne lui ai pas répondu quand elle m’a adressé la parole. À mon avis, elle ne devait pas « avoir les lampes allumées à tous les étages »… Mais, toujours d’après Franck, certains PA n’avaient pas su (ou voulu ?) résisté à la tentation et avaient succombé aux charmes et aux avances explicites de la demoiselle… Comme il nous arrivait d’être d’astreinte le week end, ceux qui restaient à l’appartement où nous étions logés, en principe chargés du ménage…, égayaient parfois leur solitude, comme ce fut le cas pour Laurent, par exemple, avec la donzelle pas farouche… Mais il y avait intérêt à ne pas se faire prendre par la hiérarchie, sinon on passait un sale quart d’heure… Mais la chair est faible, surtout quand on n’a que 20 ans et qu’on est éloigné de sa famille… Faut bien que jeunesse se passe…

    Pour vous dire qu’on en voit des bizarreries dans ce métier, je peux vous raconter aussi que, en bas de l’immeuble où les PA résidaient, nous voyions chaque jour, et chaque nuit, une femme postée à l’entrée. Intrigués, nous avons demandé aux voisins ce qu’elle faisait là. On nous a alors répondu qu’elle attendait sa mère, qui habitait dans cet immeuble, mais qui était décédée depuis plus d’un an… Cela n’empêchait pas sa fille, choquée par cette disparition, de l’attendre ainsi jour et nuit, ne s’absentant que le temps de se changer et de manger… Il y a des gens qui devraient se trouver en HP, mais qui sont dans la rue… Heureusement, celle-là ne semblait pas dangereuses, mais sérieusement dérangée tout de même ! Et aurait mérité d’être suivie et soignée…

    Au cours de nos déambulations à travers les rues et les quartiers de ces deux communes, il est arrivé à Franck et à moi de trouver et de signaler des voitures volées abandonnées (qui ont ainsi pu retrouver leurs propriétaires), mais aussi plusieurs cadavres dans le bras de Marne… C’est ainsi que, aux environs du 15 Janvier 1997, nous avons trouvé un cadavre flottant dans ce bras de Marne ; il s’avère que c’était le corps d’un Chinois, qui avait disparu depuis le 31 Décembre précédent, à la sortie du restaurant chinois de Saint-Maurice et n’avait plus donné de nouvelles depuis. Nous avons appris par la suite que l’enquête de la Brigade Criminelle qu’il s’agissait d’un espion chinois qui faisait des photos d’entreprises stratégiques françaises, pour le compte du gouvernement de la République Populaire de Chine. Il y a fort à parier que la DGSI s’est activement penchée sur cette affaire… Une autre fois, nous avons signalé la présence d’une voiture flottant dans ce bras de Marne, qui était remontée à la surface : à l’intérieur, au volant, se trouvait un tronc humain (sans bras, sans jambes, sans tête…), la colonne vertébrale dépassant du dos…, attaché par la ceinture de sécurité ! Les vitres de la voiture étaient ouvertes pour faciliter la submersion du véhicule. Il s’agissait assurément d’un meurtre, sans doute un règlement de comptes.

    Les PA que nous étions ont ainsi rapidement compris qu’il fallait avoir le cœur bien accroché pour travailler dans la police. Dès l’âge de 20 ans, j’en avais déjà vu pas mal !, et, ce, avant même d’avoir intégré l’École de Police ! Bref, aux dires de nos supérieurs, « pour une fois, voilà des PA qui font un vrai boulot et qui sont efficaces ». Inutile de vous dire que Bazin, le brigadier sous la responsabilité duquel nous étions, était aux anges : cela lui permettait de présenter un bilan positif à sa hiérarchie. Pas mauvais ça, n’est-ce pas, dans un dossier de notation ?…

    J’ai terminé mon service militaire en Octobre 1997.

    Première classe. J’aurai bien prolongé mon contrat dans ce même service, mais la rentrée à l’École de Police était prévue en Janvier 1998. En attendant, j’ai travaillé dans un Quick Drive à Créteil avant de devenir serveur dans la brasserie de Saint-Maurice, le Cent-Vins, tenue par un Portugais sympa, Abel. Saint-Maurice jouxtant le champ de courses de Vincennes, Abel était un accroc aux courses de chevaux, surtout à celles de trot, spécialité de l’hippodrome voisin. Parmi ses clients habituels on trouvait de nombreux drivers et entraineurs qui venaient se décontracter après les réunions hippiques. Parmi eux, le plus célèbre était Jan-Michel Bazire, le crack aux multiples victoires et aux nombreuses cravaches d’or. Bazire possédait une puissante Audi, qu’il me demandait parfois de ranger sur le parking. Un jour que je venais d’effectuer cette petite manœuvre, je vois débarquer plusieurs gendarmes qui me demandent si Jean-Michel Bazire était présent dans le restaurant. Comme je leur répondais qu’il n’était pas là, ils me répondirent qu’il devait être là puisqu’ils avaient vu sa voiture sur le parking… Dans le restaurant, les gendarmes interpellent le driver, lui passent les menottes et l’emmènent à la gendarmerie. Motif de cette arrestation spectaculaire ? Le jockey avait été flashé à 280 km/h sur l’autoroute… Rigolard, Bazire déclare à ceux qui l’accompagnaient :

    – Ne vous en faîtes pas, gardez le rôti au chaud, je serai de retour dans 10 minutes.

    Et, de fait, un peu plus de 10 minutes plus tard, Bazire retrouvait ses amis et reprenait le repas là où il s’était, arrêté, comme si de rien n’était. Un simple coup de fil au ministre avait suffi pour faire libérer le « fou du volant », sans son permis toutefois, évidemment… Et, à la fin du repas, Bazire fêtait « sa libération » en sablant le champagne, et j’en ai profité, comme tout le personnel de la brasserie d’Abel ! Un grand seigneur quand même, ce pilote, apparemment plus à l’aise dans son sulky que dans sa berline allemande… Il est vrai que sur l’hippodrome on ne risque pas d’être flashé pour excès de vitesse…

    Un autre jour, Jean-Michel Bazire vient boire une pression avant la réunion du soir. Je lui dit que j’avais l’intention de jouer son cheval dans le quinté. Il m’a alors répondu :

    – Surtout ne parie pas sur mon cheval, je ne vais pas gagner, il va galoper et je vais être

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