Le 23 mars 2023, le fugitif sud-coréen Do Kwon, 31 ans, est interpellé à l’aéroport de Podgorica, la capitale du Monténégro, en possession d’un faux passeport. Le géniteur de la cryptomonnaie Terra, accusé d’avoir délesté ses investisseurs de dizaines de milliards d’euros, fait l’objet d’un mandat d’arrêt émis par les autorités de son pays. Le gendarme de la Bourse américaine, la SEC [pour Securities and Exchange Commission], a également engagé des poursuites contre lui quelques semaines plus tôt. Depuis six mois, l’homme est visé par l’une des fameuses notices rouges d’Interpol, appels planétaires à localiser ou arrêter un criminel.
La cavale de l’Italien Edgardo Greco, membre de la redoutable mafia calabraise ’Ndrangheta, aura duré beaucoup plus longtemps. Seize ans exactement. Installé en France sous le nom de Paolo Dimitrio, le sexagénaire devenu pizzaiolo est cueilli le 2 février 2023 à Saint-Étienne, dans la Loire, par une équipe franco-transalpine d’enquêteurs. L’un d’eux porte un gilet frappé du logo I-Can – le nom de la traque mondiale coordonnée par Interpol et financée par l’Italie afin d’anéantir ’Ndrangheta. Le patronyme de Greco figure lui aussi sur une notice rouge. « Il ne doit exister aucun refuge durable pour ces malfaiteurs, où que ce soit dans le monde, déclare au JDD Magazine l’Allemand Jürgen Stock, secrétaire général d’Interpol depuis 2014. Il faut parfois dix, vingt ou trente ans, mais nous finissons par arrêter la grande majorité d’entre eux. »
C’est la raison d’être de cette Internationale des polices, née pour combattre la criminalité transnationale voilà bientôt cent ans. Dix décennies bouleversées par les conflits, chahutées par les progès de la technologie, émaillées de défaillances et de controverses. L’idée d’une union sacrée contre le crime émerge au tournant du XXe siècle. Grâce à l’automobile et au chemin de fer, les constate dès 1893 le criminologue Franz von Liszt. En avril 1914, la principauté de Monaco abrite le premier congrès de police judiciaire internationale. Vingt-quatre États sont représentés. On vante la coopération et les extraditions. On cloue au pilori les obligations diplomatiques et les contraintes administratives. observe le journaliste et écrivain Laurent Greilsamer dans un livre très documenté, (Fayard, 1997). Mais la Première Guerre mondiale étouffe ces velléités. Pas pour longtemps. Le 7 septembre 1923, la Commission internationale de police criminelle, ancêtre de l’actuelle Organisation internationale de police criminelle, voit le jour à Vienne, en Autriche, où elle établit ses quartiers. Sans les Français, qui ne rejoignent le club que cinq ans après. La priorité est alors à la lutte contre les contrefaçons et la falsification de passeports, à la constitution d’un registre d’empreintes digitales et au fichage des éventreurs de coffres-forts, pickpockets, voleurs à la tire, escrocs au mariage, aux assurances et aux chèques…