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Quand j'étais chômeur
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Quand j'étais chômeur
Livre électronique177 pages2 heures

Quand j'étais chômeur

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À propos de ce livre électronique

Dans les années 80, Jean-Pierre Raison a connu une longue période de chômage. En 2015, il revient sur ce passé douloureux à travers un témoignage stupéfiant. Mais, au lieu de nous faire revivre son vécu sous la forme d’un récit autobiographique, il nous propose - après l’avoir remanié - le texte qu’il a écrit « sur le vif », en 1984-1985, au moment le plus pénible de sa traversée du désert. Un texte mêlant acidité et tendresse pour exprimer la colère et la souffrance. Eh oui ! Lorsque le chômage s’éternise, le désarroi et le découragement sont tels que pour résister, garder la tête haute, ne pas sombrer, l’on est tenté de jouer avec le mal qui nous dévore, à donner libre cours à nos pulsions obscures, à s’autoriser toutes les audaces. Pour échapper au néant dans lequel il s’enlisait, Jean-Pierre Raison s’est raccroché à cette littérature flamboyante où les mots vibrent et les émotions éclatent. Ainsi a-t-il puisé dans ses tripes Quand j’étais chômeur, un ouvrage « dérangeant, hors du commun, super-original, impubliable certes, mais plus que prometteur », selon le grand éditeur Pierre Belfond (en 1985). Un texte qui était censé contribuer à sa rédemption et à son salut. Sauf que, malgré ou à cause de l’écriture, l’ex-cadre d’entreprise n’a jamais retrouvé le statut qui était le sien avant que ne survienne ce satané licenciement pour motif économique. Non content de se transformer en galère, cet accident professionnel aura ruiné sa carrière et bouleversé son existence. Triste consolation ou bonheur total, il lui aura aussi permis d’aller au bout de son destin, soit d’accomplir une œuvre littéraire.
LangueFrançais
Date de sortie20 juil. 2015
ISBN9782312034904
Quand j'étais chômeur

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    Aperçu du livre

    Quand j'étais chômeur - Jean-Pierre Raison

    cover.jpg

    DU MÊME AUTEUR

    QUAND LE BONHEUR SE FAIT CHAGRIN

    Les Éditions du Net, 2014.

    L’ÉCRITURE EST UNE DROGUE DURE

    Les Éditions du Net, 2013.

    LE QUOTIDIEN D’UN O. S.  DU JOURNALISME

    ou l’édifiant témoignage

    d’un correspondant de presse nantais

    Éditions du Petit Pavé, 2011.

    RETROUVAILLES À L’ANSE ROUGE

    Éditions du Petit Pavé, 2009.

    LE RETOUR DE L’ABBÉ FOURNIER

    Éditions du Petit Pavé, 2007.

    AU-DELÀ DES APPARENCES

    Éditions Opéra, 2002.

    POUR QUELQUES MOTS DE TROP

    Éditions Opéra, 1997.

    L’ARLEQUINE

    Media France Éditions, 1994.

    Quand j’étais chômeur

    Ne dites jamais à un éventuel employeur

    que vous n’avez plus aucune activité,

    il vous soupçonnerait d’être au chômage.

    Ne lui dites pas non plus

    que vous êtes inscrit à l’ANPE,

    il vous prendrait pour un demandeur d’emploi.

    J. SÉGAGA, de l’Institut.

    Illustration de couverture :

    photo de Jean-Pierre Raison ; droits réservés.

    (À l’angle de la rue de Strasbourg et de la rue de l’Union,

    l’entrée de l’« ANPE Nantes Château », semblable à ce qu’elle était dans wles années 80, sauf que l’immeuble a rajeuni

    et que la petite rue de l’Union est devenue piétonne.)

    Jean-Pierre Raison

    QUAND

    J’ÉTAIS

    CHÔMEUR

    témoignage

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2015

    ISBN : 978-2-312-03490-4

    img1.jpg

    Ma carte de bus valable dans l’agglomération nantaise

    Aujourd’hui comme hier, l’un des rares « privilèges » du demandeur d’emploi nantais ayant peu de ressources, c’est de pouvoir se déplacer gratuitement en bus (et en tramway depuis 1985) aux quatre coins de l’agglomération, et donc de s’évader de chez lui à son gré (sauf quand le sournois repli sur soi en décide autrement et le contraint à se priver de cette liberté-là). Par économie, puis par goût, j’ai beaucoup utilisé ce mode de transport en commun dans les années 80, brisant ainsi cette chaîne de l’isolement qui retient le chômeur prisonnier, et qui, à son corps défendant, le condamne à la solitude. Inversement, lassé de trop de périples urbains aux buts improbables, l’écrivain que je suis, sous prétexte de voyager intérieurement, s’est souvent laissé embarquer dans des plongées insensées et des explorations hasardeuses. Mais l’alternative était celle-ci – s’en sortir ou périr –, et, grâce à ma passion pour l’écriture, j’ai fini par vaincre, comme ce livre le prouve.

    Préambule

    Avant la création de Pôle emploi, le service public de l’emploi se composait essentiellement d’un établissement public administratif, l’Agence nationale pour l’emploi (ANPE), et d’une association, l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (l’Unédic). L’ANPE, avec des agences sur l’ensemble du territoire, avait pour mission de « centraliser les offres et les demandes d’emploi, d’effectuer des statistiques sur les demandeurs d’emploi, et d’aider les personnes à la recherche d’un emploi dans leurs démarches et leurs parcours professionnels » (Wikipédia). L’Unédic, et son réseau d’Assédic, étaient « chargés de la gestion de l’assurance chômage ». En décembre 2008, la fusion de ces deux structures a donné naissance à Pôle emploi.

    Pour ma part, en tant que cadre d’entreprise, domicilié à Nantes, je relevais de l’agence locale « ANPE Nantes Château », section spécialisée Cadres et Techniciens, tel que l’indique le recto de ma carte d’inscription. Au verso de cette même carte figurent mes pointages successifs, par quinzaine, et sur une année (voir les illustrations pages suivantes). Eh oui ! À l’époque, le demandeur d’emploi ne correspondait pas, et ne remplissait pas ses obligations, par Internet. Il devait aller tous les quinze jours faire tamponner sa carte à la mairie de Nantes. C’était très humiliant. Il avait les mêmes contraintes qu’un détenu en liberté conditionnelle soumis à un contrôle administratif (et judiciaire). À cette différence près qu’on ne lui offrait pas de bracelet électronique, ce qui aurait pourtant fait un joli effet sur ses chaussettes ratatinées made in Taïwan.

    Quant à la photo de la couverture du livre (© Jean-Pierre Raison), elle illustre idéalement le nom de l’agence locale de l’ANPE dont je dépendais, puisque l’on voit, en arrière-plan, le château des ducs de Bretagne. L’on a ici un bel aperçu du rempart – qui date du XVe siècle et qui a été récemment rénové – et d’un édifice intérieur. Au premier plan, l’entrée de l’agence, située 12, rue de Strasbourg, saute aux yeux tant elle est majestueuse avec sa grille de fer forgé et son mascaron (la sculpture centrale apposée sur la clé de voûte). L’immeuble lui-même ne manque pas de cachet, surtout si on le compare aux Pôles emploi d’aujourd’hui. On a beau dire, cela donne envie d’accéder à l’agence… sans pour autant s’y inscrire de bon gré.

    Pour être complet sur le chômeur que j’étais alors, et sur ses outils d’investigation du marché du travail, il faut, en plus des établissements du service public de l’emploi évoqués plus haut, mentionner un organisme privé : l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) que je hanterai durant plus d’un lustre, et qui sera pour moi un précieux lieu d’accueil et de conseil.

    Voilà le contexte dans lequel je menai mon combat, et je vous prie de croire que si cette période de chômage fut éminemment difficile, il m’en reste néanmoins d’indéfectibles souvenirs. Et Dieu sait si j’ai pu y trouver matière pour écrire ce livre, et d’autres, par exemple ce roman très autobiographique, intitulé Au-delà des apparences.

    Ci-contre, le verso de l’une de mes cartes de pointage.

    Dans les années 80, le demandeur d’emploi doit faire tamponner sa carte de pointage (délivrée annuellement) à la mairie, tous les quinze jours.

    img2.jpgimg3.jpg

    Le recto de cette même carte de pointage.

    À la lecture des mises en garde ci-dessus, on constatera que de mon temps le contrôle des demandeurs (et chercheurs) d’emploi était plus strict, plus tatillon, et surtout plus humiliant que maintenant. Il fallait se déplacer à la…

    img4.jpg

    …mairie, prendre la longue file d’attente, et faire viser sa carte par un agent municipal, tous les quinze jours, et non seulement « actualiser » sa situation par Internet, chaque mois. Dans l’œil du préposé, on lisait parfois : « Toujours pas de boulot, celui-là ! » On repartait soulagé, mais démoralisé.

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    Un tract de la CFDT du 12 mars 1983.

    Si, en 1983, le chômage semblait moins préoccupant qu’en 2015, il inquiétait tout autant les syndicats. Ceux-ci incitaient légitimement les demandeurs d’emploi à manifester, vu qu’à Nantes les chômeurs représentaient 16 % de la population salariée.

    Avant-propos

    Comme beaucoup, j’ai connu une longue, très longue, trop longue période de chômage, mais je n’étais pas (et je n’ai jamais été) un chômeur comme les autres. Sans doute est-ce prétentieux – ou idiot – d’écrire cela, mais c’est mon sentiment. Peut-être serait-il plus juste de dire : « Il n’y a pas un chômeur identique. » Ou mieux : « Chacun ne chôme pas de la même façon. » Avec le temps, surtout, le chômeur finit par s’adapter à sa situation (ou plutôt à son absence de situation), et à se forger une nouvelle personnalité. D’ailleurs, la seule manière d’accepter cette réalité (sa mise à l’écart du « système », puis son exclusion sociale), c’est de résister. Et donc de se construire un « monde nouveau », puisque le chômeur est en dehors de (presque) tout, étranger à ce qui l’entoure. Son réel à lui n’a pas de consistance, étant donné que le chômeur a de moins en moins d’existence. Il ne peut rien partager avec autrui, car il entretient des rapports avec peu de gens.

    Précision importante : ici, je m’exprime en tant que célibataire sans emploi, et non pas en tant que père de famille en rade avec les siens. Certes, si le père boit constamment la tasse (c’est dur à avaler le chômage !), toute la famille trinque, ne serait-ce que par contagion, sans compter l’oseille, qui fond aussi vite à l’ombre qu’au soleil.

    À quoi bon disserter sur le chômage de longue durée et sur le chômeur à courte vue ? Pour lui, il y a ni d’avant, ni d’après, il n’y a qu’un présent assommant et débilitant. Je pourrais vous en parler pendant des heures, de l’oisiveté et du désœuvrement, mais ne peuvent vraiment comprendre cette épreuve que ceux ou celles qui l’ont vécue, et qui la subiront toute leur vie, s’ils en réchappent !

    Après avoir tenté de vous convaincre que chaque chômeur est une exception qui confirme la règle (chômer, c’est l’enfer pour ceux qui aiment travailler ; c’est l’aubaine pour ceux qui n’ont plus envie de travailler ; c’est de la rigolade pour ceux qui n’ont pas besoin de gagner leur vie), je reviens sur mon idée du début, cette impression de ne pas avoir été un chômeur « comme les autres ». Ça, c’est la faute de ma chère et tendre mère qui n’a pas cessé de me dire, en le regrettant : « Toi, t’es pas comme tout le monde ! »

    Pourquoi, tout en m’aimant à la folie, se plaignait-elle de moi ainsi, alors que j’étais un enfant adorable, un adolescent charmant, un gentil garçon, un bon copain, et ainsi de suite ? Parce que je m’écartais trop de la normalité ? Oui et non, parce que j’avais des sorties qui la déconcertaient, des réponses inattendues qui s’échappaient de ma bouche, mais pas de celles de mes frères. C’était seulement ça. Ou ce fut d’abord ça, car dans ma famille et dans mon entourage, mes répliques ont souvent fait mouche. Et, avec l’âge, ça ne s’est pas arrangé, mes réparties ont même empiré. Mes bons mots n’ont eu d’égales que mes vacheries. Que voulez-vous, j’étais un homme d’esprit ! Et j’aimais cela, ça me demandait peu d’effort. J’y prenais d’autant plus de plaisir que l’on redoutait mes boutades et mes piques{1}. Problème : je n’avais pas toujours conscience de choquer et de vexer. J’y voyais rarement de quoi blesser, même si je me régalais parfois de petites méchancetés. Seulement, en vieillissant, j’ai outrepassé les bornes du « socialement correct », je suis devenu désinhibé (décoincé, décomplexé). Moins grave que d’être drogué, mais tout aussi dangereux dans un pays où la liberté d’expression est un leurre.

    Cela étant dit – et bien dit –, si, à l’oral comme à l’écrit, je ne suis vraiment pas « comme les autres », dans la vie de tous les jours, je ressemble à Monsieur Tout-le-Monde, ou peu s’en faut. Je m’éloigne rarement loin des clous, et je finis toujours par rentrer dans le rang, comme ce fut le cas au régiment, que j’ai fait tardivement, à 25 ans (grâce à un sursis qui m’a permis de prendre du bon temps, tout en étudiant sérieusement). Bilan : j’ai quitté l’université avec une maîtrise de sciences économiques en poche. Ce diplôme-là n’est pas en soi un sésame pour dégoter un job, mais ça pose son homme dans un CV (et ça impressionne les autodidactes… quand ça ne les rend pas jaloux). Ça compense les points faibles, ces blancs qui interpellent d’autant plus qu’ils correspondent à une inactivité prolongée. Des points doublement négatifs puisqu’ils ne rapportent aucun point de retraite.

    Je reviens sur cette tendance à ne pas faire « exactement » comme le commun des mortels. Je vous prie de me croire : je ne me comporte pas ainsi pour me distinguer. Non, telle est ma nature, c’est inné, je suis comme cela depuis ma naissance. Est-ce un avantage ou un handicap ? Tout dépend de l’endroit où l’on se place. Du point de vue de beaucoup, et même de la majorité des gens, je suis un être à part, voire un original. Mais, si je regarde mon passé, et donc ma trajectoire professionnelle (dans le travail comme au chômage), force est de constater que je suis plutôt unique dans mon genre, ce qui pourrait passer pour un avantage. Sauf que j’en ai parfois souffert, tout en en ayant tiré parti et bien profité (pour moi, mieux vaut être quelqu’un de différent ou de singulier, qu’une personne ordinaire). À dire vrai, et à mes yeux, ce putain de chômage de longue durée aura été pour moi une espèce de bénédiction du ciel. Ce n’est pas une raison pour me condamner d’office. Disons les choses comme ceci : je n’ai jamais rien fait pour me retrouver au chômage, mais je n’en ai sans doute pas toujours fait assez pour en sortir. Je ne confesse pas ici une faute, je suis simplement en train de reconnaître mes torts.

    Par exemple, alors que l’on m’avait dispensé d’effectuer mon préavis de trois mois afin que je puisse me positionner au plus vite sur le marché du travail et entamer des recherches, à peine inscrit à l’ANPE, j’ai cédé à la tentation des stages de formation (à l’informatique et à la gestion des PME). Ces temps d’initiation ou de perfectionnement à des disciplines nouvelles sont toujours les bienvenus, mais ils sont parfois bizarrement interprétés par les employeurs qui voient

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