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La gestion des ressources humaines pour la réussite scolaire, 2e édition
La gestion des ressources humaines pour la réussite scolaire, 2e édition
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Livre électronique863 pages13 heures

La gestion des ressources humaines pour la réussite scolaire, 2e édition

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À propos de ce livre électronique

Malgré les restrictions budgétaires et les exigences croissantes en matière de performance, les directions d’établissement scolaire doivent assurer la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage. Cette nouvelle édition de La gestion des ressources humaines pour la réussite scolaire établit le lien entre la gestion des ressources humaines et la réussite scolaire et propose une description du système éducatif. La planification, l’organisation, la direction et l’évaluation sont analysées et les thèmes au cœur de la gestion des personnes sont abordés (recrutement, formation, motivation, mobilisation et gestion des conflits).

Le présent ouvrage, mis à jour en tenant compte du contexte actuel (qui n’est plus celui de l’austérité budgétaire), propose de nouveaux cha­pitres et de nouveaux éléments ayant une incidence sur la réussite scolaire – l’école en milieux francophones minoritaires au Canada, le milieu socio-économique de l’élève et de l’école, le genre : directrice ou directeur ? – en faisant ressortir, entre autres, l’importance du leadership. Il veut fournir aux gestionnaires, aux étudiants et aux professeurs en administration scolaire des ressources documentaires en français.
LangueFrançais
Date de sortie28 févr. 2018
ISBN9782760547612
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    La gestion des ressources humaines pour la réussite scolaire, 2e édition - Jean-Joseph Moisset

    Introduction générale

    Il est devenu une banalité de dire que les ressources humaines constituent les intrants les plus importants de toutes les organisations et entreprises, quel que soit leur secteur d’activité. Il en est de même du caractère prépondérant du rôle que la gestion des ressources humaines est appelée à jouer pour la bonne marche et le succès de ces organisations. Ces vérités de La Palisse sont encore plus vraies pour les établissements scolaires dont les activités, en amont (les enseignants) comme en aval (les élèves), sont essentiellement axées sur le facteur humain. Cela ne signifie pas, bien au contraire, que les ressources matérielles et financières ne sont pas importantes. Et on peut dire sans crainte de se tromper que les fonctions reliées à la gestion des ressources humaines de l’école influencent la qualité de l’enseignement et de l’apprentissage et, en conséquence, la réussite scolaire.

    Par ailleurs, trois autres raisons, de type contextuel ou conjoncturel, justifient d’accorder une plus grande attention à la gestion des ressources humaines en éducation au Québec. La première a trait aux pressions de plus en plus fortes exercées sur les institutions éducatives pour une plus grande efficience et pour une formation de meilleure qualité, compte tenu des restrictions budgétaires et des exigences croissantes en matière de productivité et, donc, de qualification de la main-d’œuvre dans le contexte de la mondialisation des échanges. La deuxième succède à la réforme scolaire dans laquelle le Québec s’est engagé, par suite de la refonte de la Loi sur l’instruction publique en 1997, dont l’une des dimensions majeures est un mouvement de redistribution des pouvoirs de décision et de gestion en faveur des établissements scolaires, ayant comme conséquence, entre autres, un accroissement des responsabilités des directeurs d’établissement scolaire. Enfin, la troisième raison, en liaison étroite avec les éléments précédents, concerne la réussite scolaire du plus grand nombre possible, voire de tous les élèves, consacrée par l’actuelle réforme comme étant la «priorité» du système scolaire.

    Nous tenons à souligner ici que la présente édition de La gestion des ressources humaines pour la réussite scolaire se base sur la Loi modifiant la Loi sur l’instruction publique visant à renforcer le rôle des parents et des établissements d’enseignement dans la gouvernance scolaire suite à l’adoption du Projet de loi no 105 à la 1re session de la 41e législature en mars 2016¹.

    Maintes raisons nous ont amenés à répondre favorablement à la demande de réédition de cet ouvrage qui porte sur la gestion des ressources humaines dans les organisations et les établissements scolaires. Dans une double perspective, il vise, d’une part, à répondre aux besoins des étudiants et des professeurs œuvrant dans le champ de l’administration scolaire et plus spécifiquement de la gestion des ressources humaines en éducation. Nous faisons face à un manque flagrant d’ouvrages et de ressources documentaires en français, pertinents et d’actualité dans ce domaine spécifique. Il s’adresse, d’autre part, à tous les gestionnaires scolaires et principalement aux directeurs qui ont la responsabilité du bon fonctionnement des organisations et des établissements scolaires et de la réalisation de leurs objectifs, essentiellement la réussite des élèves. Ainsi, le titre demeure La gestion des ressources humaines pour la réussite scolaire.

    Au-delà des éléments contextuels évoqués plus haut et qui s’y reflètent, l’ouvrage, dans son contenu essentiel, est articulé autour des trois fonctions classiques de base et des processus fondamentaux qui y sont associés et constitutifs de la gestion des ressources humaines appliquée au milieu scolaire, à savoir:

    1l’acquisition des ressources humaines, consistant à veiller à la dotation des organisations et entreprises en personnel adéquat, au double plan quantitatif et qualitatif, relativement à leur mission;

    2la conservation ou le maintien des ressources humaines acquises, ayant trait à des conditions de travail et d’autres facteurs susceptibles de favoriser une certaine qualité de vie et la satisfaction au travail du personnel œuvrant dans ces organisations;

    3le développement des ressources humaines, concernant la garantie aux employés, au-delà de leur rendement et de leur contribution à la réalisation des objectifs de l’organisation, de possibilités de répondre à leurs besoins propres et de croître au plan personnel et professionnel.

    Cependant, pour des raisons liées à des objectifs d’enseignement, d’apprentissage et à certains enjeux du contexte actuel, cette nouvelle édition comprend dix-sept chapitres, et est structurée en six parties.

    La première, Une présentation générale, s’articule autour de deux chapitres. Le chapitre 1 introduit le lecteur à la problématique de la gestion des ressources humaines en éducation, définie et située dans le domaine de la gestion en général et dans le champ de l’administration scolaire en particulier, ainsi qu’aux principaux courants théoriques qui ont marqué l’évolution de ce champ d’études. Le chapitre 2, pour sa part, présente le système scolaire du Québec, mettant en relief l’établissement scolaire et les principales autres instances du système, à travers leurs finalités, leurs fonctions, leurs acteurs principaux et leurs modes d’organisation, tout en faisant ressortir les fonctions de gestion des ressources humaines dans la dynamique du fonctionnement de ces organisations et la réalisation de leurs objectifs.

    La deuxième partie traite de la fonction d’acquisition des ressources humaines et comprend les chapitres 3, 4 et 5. Le chapitre 3 porte sur la planification stratégique des ressources humaines et des emplois. Après en avoir identifié et défini les notions de base, il présente un modèle illustrant les principales étapes du processus tout en mettant en relief les outils de travail susceptibles d’y être associés et leurs modalités d’application. Le chapitre 4 prolonge les réflexions du troisième chapitre, mais en se concentrant sur l’identification, l’analyse et l’évaluation des postes ainsi que sur les techniques et approches généralement mises à contribution dans ces opérations. Les chapitres 3 et 4 ouvrent ainsi la voie aux trois activités immédiatement associées à l’acquisition des ressources humaines: le recrutement, la sélection et l’orientation du nouveau personnel de l’organisation, objet du chapitre 5.

    La troisième partie, composée des chapitres 6 à 12, examine la fonction de conservation des ressources humaines à travers quatre problématiques importantes. Le chapitre 6 traite de l’organisation du travail en milieu scolaire, perçue comme l’aménagement des tâches et des relations entre les postes dans le milieu de travail. Elle constitue l’un des facteurs clés favorisant la rétention du personnel au sein de son organisation. Ces divers éléments ne sont pas sans lien avec les conditions de travail en général et de la rémunération en particulier du personnel, but de la négociation et de l’application des conventions collectives sur lesquelles porte le chapitre 7. L’importance de la convention collective, principal instrument régissant les relations de travail entre l’employeur ou son représentant et les employés, est mise en évidence, tant en ce qui concerne la démarche et les approches permettant d’y aboutir qu’en ce qui a trait à certaines modalités de son application. Le chapitre 8 traite de la gestion des conflits, phénomènes inhérents à la vie des organisations et peut-être même à la nature humaine. Ils ne sont pas forcément négatifs et sont même susceptibles d’être des facteurs de renouveau et de dynamisme; raison pour laquelle ce chapitre précise la notion de conflit, en identifie les principaux types et présente quelques méthodes et techniques dont l’application permet leur résolution, notamment en milieu scolaire. Le chapitre 9 porte sur la qualité de vie, la satisfaction et la motivation au travail, trois phénomènes étroitement liés et déterminants pour la conservation du personnel d’une organisation. Ils sont analysés de manière détaillée, leurs éléments constitutifs et leurs interrelations mis en relief à partir d’un modèle qui illustre bien leur importance dans le cadre de la gestion des ressources humaines. Le chapitre 10 a été révisé de manière radicale de sorte qu’il s’agit d’un nouveau chapitre sous le titre De la confiance à l’agir stratégique en lien avec les capsules vidéos produites par les chercheurs. Le chapitre 11 porte sur la gestion des mouvements des ressources humaines en termes de cheminement de carrière qu’il met en perspective par rapport, d’une part, au phénomène de leadership des directions d’établissement scolaire et, d’autre part, au climat organisationnel de ces établissements et à ses facteurs psychosociologiques. Le chapitre 12, tout en étant quasiment nouveau, traite de la formation, comme élément clé de la gestion des ressources humaines, particulièrement en milieu scolaire et dans un contexte général de plus en plus marqué par le vieillissement prématuré des savoirs et l’accélération des changements, notamment technologiques. Ce chapitre, au-delà de la saisie des principaux concepts et modèles associés aux divers types de formation qu’il permet, en fait ressortir toute l’importance pour le développement des ressources humaines de l’établissement scolaire et pour la réussite des élèves.

    La quatrième et dernière partie de l’ouvrage aborde précisément quelques dimensions et enjeux majeurs de la gestion des ressources humaines à l’école face à certaines perspectives de changement. Ainsi, le chapitre 13 traite de la dynamique des rôles et des responsabilités des directions d’établissement en relation, d’une part, avec la commission scolaire et, d’autre part, avec le conseil d’établissement, instance nouvellement créée par la Loi sur l’instruction publique (modifiée en 1997 et 2017) dont procède l’actuelle réforme scolaire. Dans la même perspective, mais de manière plus spécifique, le chapitre 14 aborde la fonction de la planification en la traitant dans la perspective du projet d’établissement scolaire, perçu désormais comme une stratégie importante pour la gestion de l’école et la réussite des élèves au Québec. Le chapitre 15 s’attaque à la question du leadership et de la réussite scolaire des élèves en milieu défavorisé, réalité particulièrement complexe et très contrastée dont l’auteure dresse un portrait. Le chapitre 16 aborde la question de la gestion des ressources humaines en éducation et le genre. Il met en relation le sexe et le leadership du personnel de direction des écoles, en mettant en relief certains éléments de discours en lien avec la performance supérieure des filles par rapport à celle des garçons et en faisant ressortir la possible influence de ces enjeux sur une gestion des ressources axée sur la réussite scolaire. Mais au-delà, le chapitre 16 reconnaît les progrès réalisés par les femmes dans la prise de leur place à des postes élevés dans l’administration publique et privée et dans différents domaines prestigieux et rémunérateurs, traditionnellement perçus comme la chasse gardée des hommes. Les auteures font ressortir qu’il reste beaucoup à faire pour une véritable égalité en matière d’emploi entre le genre féminin et le genre masculin. Le chapitre 17 traite de la problématique de la réussite scolaire en milieux francophones minoritaires (MFM) au Canada, élément commun à tous, et les enjeux spécifiques très variés qui y sont liés.

    Au-delà des choix fondamentaux sous-jacents à la structure d’ensemble de cet ouvrage portant sur la gestion des ressources humaines dont la description précédente fait ressortir la cohérence globale, chacun des chapitres, dans un souci didactique, procède d’une sélection d’éléments de contenu substantiels correspondant à des objectifs clairement énoncés au préalable et en lien de complémentarité les uns par rapport aux autres. En outre, dans le tout comme dans les parties, se jouxtent et s’interpénètrent des dimensions théorique et pratique, les concepts, principes et méthodes, étant toujours présentés et expliqués tout en laissant leur juste place aux modèles et approches propres à des interventions et à leurs modalités d’application. Tout cela, dans le contexte du milieu scolaire du Québec et du Canada, mais tout à fait adaptable à d’autres milieux francophones du monde, l’orientation privilégiée étant la gestion des ressources humaines et la réussite scolaire des élèves.

    1Voir sur le site de l’Assemblée nationale le document: 16-105.pdf.

    PARTIE 1 /

    UNE PRÉSENTATION GÉNÉRALE

    CHAPITRE 1 /

    Un aperçu, l’historique et le contexte actuel

    Jean-Joseph Moisset

    Objectifs

    Au terme de ce chapitre, le lecteur devrait être en mesure de:

    ›définir la «fonction ressources humaines» en elle-même et de bien la comprendre comme composante du système global de gestion des organisations;

    ›identifier, en termes d’activités, les volets constitutifs majeurs de la gestion des ressources humaines;

    ›mettre en relief et saisir, dans leur articulation, les principales étapes de l’évolution du champ de la gestion des ressources humaines et reconnaître les visions philosophiques et courants théoriques généraux qui les sous-tendent;

    ›distinguer les dénominations marquantes de l’évolution de la terminologie dans le domaine;

    ›dégager les éléments caractéristiques fondant la spécificité de la gestion des ressources humaines en éducation et ses relations d’appartenance à la famille des sciences de la gestion en général et de la gestion des ressources humaines en particulier.

    Mener à bien les objectifs des organisations, quels que soient leur taille, leur domaine d’activité, leur caractère lucratif ou non, le secteur, public ou privé, auquel elles se rattachent, est un défi auquel sont confrontées les sociétés depuis toujours. La diversité des contextes dans lesquels il se déroule, le temps qui passe avec les changements qu’il entraîne ne semblent pas avoir modifié l’essence de ce phénomène, dont la dénomination a sans doute connu une certaine fluctuation: administration, gestion, management, etc. Il s’agit toujours de coordonner les efforts des personnes travaillant ensemble, en les orientant vers la réalisation de la mission, des buts et des objectifs de l’organisation et son développement. Aujourd’hui, plus que jamais, la gestion (terme qui sera utilisé dans la suite de cet ouvrage) occupe une place importante dans les sociétés modernes, dont la qualité de vie et le bien-être des citoyens reposent lourdement sur la compétence et la vision des leaders à la tête de leurs institutions. Au fil des dernières décennies, et depuis la Seconde Guerre mondiale, la gestion, au sens d’art ou de science, s’est imposée comme objet incontournable d’étude et de recherche, dont la contribution s’avère essentielle, particulièrement avec la mondialisation des échanges et l’accroissement de la concurrence au sein des pays et entre les pays.

    Cela est encore plus vrai quand on considère ce domaine d’étude et de recherche dans ses applications au secteur de l’éducation, ou de manière plus particulière, aux ressources humaines en éducation. Certes, le secteur de l’éducation a pour vocation, au-delà de la transmission de l’héritage culturel d’une génération à une autre, d’assurer la formation d’hommes et de femmes capables d’épanouissement personnel et de contribution significative au bon fonctionnement et à la croissance des diverses sphères d’activités constitutives de la vie de leurs pays. L’atteinte des objectifs de l’éducation conditionne ainsi, dans une large mesure, la stabilité et le développement des collectivités humaines. La responsabilité des gestionnaires des organisations et des ressources humaines en éducation est d’autant plus importante.

    Au-delà de certaines précisions conceptuelles qu’il vise à apporter à la gestion des ressources humaines en éducation, ce premier chapitre sera l’occasion de présenter les principaux paradigmes et les étapes marquantes de l’évolution de ce domaine d’étude que nous considérons ici comme un sous-champ spécifique de la gestion des ressources humaines, elle-même composante de la gestion en général.

    1 /La gestion des ressources humaines en éducation

    Comme il a été mentionné plus haut, le terme «gestion», utilisé au sens large comme ensemble de fonctions ou champ d’études, de recherche et d’intervention, s’applique de manière générale à des organisations œuvrant dans n’importe quel secteur d’activité, de caractère public ou privé, lucratif ou non, et de manière particulière à leurs éléments constitutifs – financier, humain et matériel. Les expressions «principes de gestion», «gestion participative», «gestion de la santé», «gestion de l’éducation», «gestion des transports», etc., nous sont familières et traduisent la multiplicité et la diversité des connotations associées au concept de gestion. Mais, au-delà de cette multiplicité et de cette diversité des notions et applications particulières de la gestion, il y a un élément central et transversal, c’est la manière d’aménager les ressources de l’organisation et de coordonner les efforts de ses membres en vue de la meilleure réalisation possible de sa mission et de ses objectifs.

    Autour de ce noyau central s’est constitué, à partir d’apports divers, un ensemble de connaissances et de pratiques relatives aux comportements des organisations, aux comportements des individus et des groupes au sein des organisations, relatifs également à ces processus touchant les ressources de l’organisation, acquisition, transformation, contrôle, distribution, etc. Au confluent de la gestion, il y a les apports de presque toutes les sciences humaines, allant notamment de la psychologie à la science politique, en passant par l’économique et la sociologie, sans compter ceux des sciences mathématiques et statistiques, pour ne citer que celles-là. De la sorte, il y a comme un faux débat dans la question souvent soulevée sous forme de dilemme: la gestion est-elle une science ou un art?

    La gestion est certes un art, «l’art de faire faire les choses», comme on dit souvent, l’accent étant mis, d’une part, sur les qualités d’intuition et de créativité, le leadership du gestionnaire plutôt que sur ses connaissances théoriques et, d’autre part, sur des processus et des procédures devant mener à une certaine efficacité de l’action plutôt que sur des modèles et des principes scientifiques et techniques. Mais elle est aussi une science, ou mieux, pour utiliser l’expression de Girard (Barnabé et Girard, 1987, p. 6), «un champ d’études carrefour, une science synthèse s’abreuvant, comme il a été mentionné plus haut, à diverses disciplines du vaste champ des sciences sociales, des sciences du comportement et des sciences de l’organisation». C’est, en d’autres termes, ce que suggère Simon (1983, p. 3) quand il souligne qu’«une théorie générale de l’administration doit inclure des principes d’organisation qui garantissent de bonnes décisions, au même titre qu’elle doit comporter des principes qui assurent une action efficace». Et pour leur part, Crener et Monteil (1971, p. 7-8) soutiennent que «le management n’est pas seulement un art et une science, il est plus grand que l’un et l’autre […] englobant une certaine idée de l’homme, […] une sorte de vision du monde».

    Voilà donc bien assise notre notion de la gestion qui s’applique à toutes les sphères d’activités, dont celle de l’éducation. À l’évidence, les organisations éducatives ont certes leur spécificité qui repose, au-delà de leur caractère généralement public et non lucratif, sur le fait que l’humain en constitue l’objet essentiel, tel qu’illustré dans la figure 1.1: à l’entrée – l’élève comme élément de base à transformer; au centre – l’enseignant comme principal agent des processus de cette transformation; et à la sortie – l’élève transformé (savoir, savoir-faire et savoir-être) comme produit. Cette spécificité des organisations et activités éducatives a des implications pour la gestion et les gestionnaires des ressources humaines en éducation. Pour les auteurs de cet ouvrage et la vision qu’ils entendent véhiculer, cela signifie non seulement que la ressource humaine est la composante la plus importante de l’organisation scolaire, mais aussi que le respect de la personne est un principe fondamental qui doit imprégner toutes les activités de gestion des ressources humaines.

    FIGURE 1.1 /Vue systémique de l’organisation scolaire

    À la suite de Freud, qui considérait l’éducation, la direction et l’analyse comme trois métiers impossibles, Pelletier et Charron (1998) soulignaient la complexité et les difficultés du dirigeant scolaire qui exerce finalement ces trois métiers à la fois. Il se préoccupe de formation (des élèves), assume les fonctions de direction (de l’établissement scolaire) et est souvent appelé à apporter soutien psychologique et réconfort moral (aux élèves, aux membres de son personnel et voire parfois à des parents d’élèves). Cette complexité du métier de gestionnaire de l’éducation et des ressources humaines en éducation tient sans doute à l’incertitude inhérente au travail managérial tant dans ses aspects opérationnels que stratégiques, mais aussi et peut-être surtout, à l’imprévisibilité des acteurs humains dans l’exercice de leur marge de manœuvre au sein de l’organisation et au caractère souvent contradictoire de leurs intérêts et de leurs aspirations.

    Ce n’est donc pas le moindre défi du chef d’établissement scolaire ou du gestionnaire scolaire que de responsabiliser, de motiver et de mobiliser l’ensemble des ressources humaines de son institution pour la réussite des élèves. Il importe maintenant, au-delà de ces considérations générales, d’une part, de se pencher sur la «gestion des ressources humaines» dont on mettra en relief les éléments constitutifs majeurs, l’importance et la place au sein d’une organisation scolaire et, d’autre part, de suivre dans son évolution la terminologie en la matière et de présenter les paradigmes ou courants de pensée qui ont marqué la constitution de ce champ d’études, de recherche et d’intervention.

    2 /Quelques précisions terminologiques

    Dans la section précédente, il a été mis en évidence que l’élément humain occupe une très large place au sein des organisations éducatives en général, et de l’établissement scolaire en particulier, qui peuvent ainsi être considérées comme des systèmes. De la revue de quelques auteurs parmi les plus importants qui ont développé l’approche systémique, comme Van Bertalanffy (1951), Edgar Morin (1977), de Rosnay (1975) ou Le Moigne (1978), nous avons dégagé une définition du concept de système et ses caractéristiques. Essentiellement, il s’agit d’une «totalité» au sens d’unité globale formée par un ensemble d’éléments de natures diverses, interreliés, organisés et en interaction, en fonction d’un but commun. Totalité organisée, un système est plus que l’addition de ses composantes, c’est aussi les interrelations entre ses éléments constitutifs, lesquelles, même définies et orientées par la raison d’être de l’organisation, ne donnent pas moins à cette dernière un certain degré de complexité. Cette complexité des systèmes est d’autant plus élevée que leurs composantes et leurs relations sont nombreuses et qu’ils entretiennent des rapports étroits avec leur environnement. Nous y reviendrons.

    Appliquée à un établissement scolaire, la notion de système permet d’identifier de manière systématique les élèves et les divers personnels enseignant et non enseignant, les infrastructures (locaux répondant à divers usages), les équipements et matériels d’ordre didactique ou pédagogique, les budgets et le temps, les programmes, curriculums et méthodes pédagogiques, les systèmes d’information et de communication et tout l’ensemble des relations tissées entre les personnels, les élèves, les parents d’élèves, le milieu (autorités scolaires, autorités locales, les représentants de la société civile, etc.). L’indispensable transformation des ressources, dont les élèves, avons-nous souligné, constituent la matière première, donne lieu à toute une gamme de processus d’action au nombre desquels doivent être mises en relief les activités liées à l’enseignement, à l’apprentissage et à l’organisation et la gestion éducatives. De ces dernières, se détache la gestion des ressources humaines qui, dans l’optique du présent ouvrage, doit être orientée vers la mission de l’école (sous-entendue, instruire, socialiser et qualifier) et des organisations scolaires qui, ultimement, est la réussite scolaire des élèves.

    D’entrée de jeu, on soulignera une assez grande diversité dans les termes par lesquels, au fil du temps, on a traduit ou désigné les activités associées à la coordination des efforts des personnes travaillant au sein des organisations ou des entreprises. Sans aucun souci d’exhaustivité, mentionnons entre autres les principaux concepts suivants: administration du personnel, direction du personnel, gestion du personnel, gestion des ressources humaines, direction des ressources humaines, service du personnel, service des ressources humaines, fonction «personnel» et fonction «ressources humaines». Il y a lieu d’apporter quelques précisions à ces concepts qui, au moins en ce qui concerne les deux appellations globales de «personnel» et de «ressources humaines», montrent qu’il y a eu évolution dans la vision que l’on se fait des individus dans les organisations.

    Prenons les trois expressions «administration, direction et gestion du personnel» qui réfèrent toutes à l’ensemble des activités touchant l’acquisition, la conservation et le développement des personnes à l’emploi d’une organisation. L’utilisation d’un terme plutôt qu’un autre marquera tel ou tel aspect sur lequel on veut focaliser ou mettre l’accent. Ainsi, l’administration du personnel met davantage en relief les politiques, normes et procédures encadrant les comportements des employés dans l’exécution de leurs tâches. Tout en étant proche des deux autres, elle en diffère par son caractère statique et passif, garante, dirait-on, de la stabilité et de la permanence de l’organisation, voire de ses façons de voir et de faire, sinon de sa culture globale. La direction du personnel est certes dynamique, allant au-delà des faits et gestes des employés dans leur fonctionnement au quotidien pour se préoccuper de planification et de développement, tant de l’organisation que des personnes à son emploi. Par ailleurs, soulignons que l’expression «direction du personnel» fait davantage référence aux relations hiérarchiques entre ceux et celles qui, au sein de l’organisation, dirigent le travail et ceux qui l’exécutent. Administration et direction du personnel peuvent être considérées comme deux volets complémentaires de la gestion du personnel qui doit reposer sur une vision d’ensemble reliée à la raison d’être de l’organisation et en fonction de quoi sont assurées la coordination et la cohérence des activités d’acquisition, de conservation et de développement des personnes au service de l’organisation.

    Cet ensemble d’activités et de responsabilités qui y sont associées, théoriquement tout au moins, doit être assumé d’une manière ou d’une autre, quelles que soient la mission et la taille de l’organisation. En ce sens, on parlera de la «fonction personnel» que l’on distingue du «service du personnel», unité administrative qui, au sein d’une organisation d’une certaine taille, est spécialement chargée, d’une part, de seconder les responsables hiérarchiques dans l’exercice de leurs fonctions de gestionnaire du personnel et, d’autre part, de fournir des réponses appropriées aux questions relatives à l’ensemble et à la carrière des personnes travaillant dans l’organisation. Jusqu’à un certain point, utilisant une métaphore, on dirait qu’en matière de gestion du personnel, la «fonction personnel» est le contenu, et le «service du personnel» est un contenant particulier. Il va sans dire que le contenu est, de loin, plus important que le contenant, même si ce dernier peut devenir un indice majeur du poids d’une organisation et du degré d’importance qu’elle attribue à la «fonction personnel». Du reste, intéressante et valable en théorie, cette dernière distinction s’estompe dans la pratique et doit surtout être mise en perspective à la lumière de l’évolution historique qu’a connue la notion de gestion du personnel elle-même.

    Certes, dans les organisations en général, et les organisations scolaires en particulier, on n’a pas toujours accordé une grande importance à la «fonction personnel». De manière correspondante, le niveau de considération attribuée aux employés eux-mêmes était plutôt faible, perçus très longtemps comme des commodités au même titre que les matières premières, des éléments de coûts à comprimer au maximum. Rien d’étonnant alors que les activités reliées au recrutement et à la sélection du personnel, à sa conservation et à son développement, fussent alors assumées un peu vaille que vaille par les responsables, hommes à tout faire, au moins au plan de la gestion des organisations. Même les organisations du secteur de l’éducation, et l’école en particulier, dont la spécificité a été démontrée plus haut, n’ont pas été moins influencées par cette conception dominante, au moins jusqu’au début des années 1950 dans la plupart des pays occidentaux. Peut-être auraient-elles dû se démarquer des entreprises et organisations des autres secteurs d’activité et même prendre une position de leadership. Encore fallait-il qu’elles soient imbues de leur raison d’être et surtout de leurs objectifs spécifiques dont on connaît l’importance cruciale pour la vision et l’élaboration des politiques de gestion en général et de gestion du personnel en particulier. Mais on sait, jusqu’à aujourd’hui, combien il est malaisé de clarifier et de rendre convergents les objectifs des institutions éducatives tellement marqués par la diversité des acteurs qui y œuvrent. Toujours est-il que, là comme ailleurs, le passage d’une fonction «personnel» exercée à la petite semaine à des services de personnel spécialisés et bien structurés, sans minimiser l’influence de l’évolution quant à la taille des organisations désormais plus grandes et plus complexes, coïncide avec un changement dans la terminologie qui amène à substituer au terme «personnel» celui de «ressources humaines».

    Alors que les distinctions faites précédemment entre administration, direction, gestion, fonction, services, encore valables, étaient basées sur des aspects techniques ou l’ampleur du phénomène analysé, désormais, les distinctions entre les termes «personnel» et «ressources humaines» sont fondées sur un changement de vision, de modèle ou de paradigme sous-tendant les activités reliées aux personnes à l’emploi de l’organisation. Il s’agit de la perception que l’on se fait de l’employé. Selon cette nouvelle conception traduite par l’expression «ressources humaines», la personne au travail n’est pas une simple commodité de l’organisation, mais la plus importante de ses ressources. Une ressource pas comme les autres, parce qu’au-delà des objectifs de l’organisation à la réalisation desquels elle contribue, elle a ses besoins et ses aspirations propres à la satisfaction desquels l’organisation doit elle-même contribuer.

    3 /Les composantes et les objectifs

    Cette section nous amène à nous pencher sur la fonction «ressources humaines» dont seront mis en relief les éléments constitutifs. Revenant sur la définition systémique qui a été avancée précédemment, on soulignera ici que la fonction ressources humaines comporte un ensemble d’activités interreliées, orientées vers des objectifs spécifiques, mais concourant à la réalisation de la mission de l’organisation. La littérature développée dans le domaine regroupe généralement ces activités en trois grandes catégories: l’acquisition des ressources humaines, la conservation ou la rétention des ressources humaines et le développement des ressources humaines. Chacune de ces catégories sera définie et analysée en vue d’en faire ressortir l’importance et la place au sein de l’organisation.

    3.1 /L’acquisition des ressources humaines

    Cette première catégorie répond à la préoccupation essentielle de doter l’organisation des ressources humaines nécessaires à son fonctionnement et à son développement. Elle comprend donc plusieurs opérations spécifiques. D’abord, il y a celles que nous appellerons les préalables, qui sont préparatoires aux activités d’acquisition proprement dites. Ce sont essentiellement les activités liées à la planification des ressources humaines, c’est-à-dire la prévision à court, moyen et long termes des besoins de l’organisation en ressources humaines et les activités d’analyse des postes, visant à décrire et spécifier les caractéristiques des fonctions et tâches des divers postes à combler ainsi que leurs exigences respectives. Viennent, en deuxième lieu, les activités d’acquisition proprement dites des ressources humaines, qui sont principalement au nombre de trois: le recrutement, la sélection et l’accueil.

    Les besoins de l’organisation ayant été identifiés et analysés à travers les postes à combler, la première démarche est le recrutement qui consiste à déployer un certain nombre de moyens en vue d’attirer un nombre suffisant de candidats présentant les preuves de qualification les habilitant à pourvoir aux postes vacants. La deuxième démarche est celle des opérations associées à la sélection, visant à choisir parmi les candidats potentiels la personne présentant le profil le plus adéquat au regard des caractéristiques et des exigences du poste à pourvoir. Il est inutile d’insister sur l’importance de cette double démarche dont dépend la qualité des ressources humaines au sein de l’organisation. Mais l’acquisition des ressources humaines ne se termine pas avec la sélection du candidat, même idéal, ce qui se produit malheureusement trop souvent, avec de possibles conséquences négatives, tant pour l’individu que pour l’organisation. Il importe en effet que le candidat retenu soit bien accueilli et bien orienté au départ dans son nouveau poste, première étape de son intégration dans sa nouvelle organisation. Cette dernière étape du processus d’acquisition des ressources humaines, souvent négligée, constitue donc une condition initiale importante de la conservation des ressources humaines au sein de l’organisation. Le chapitre 5 reprend plus en détail ces divers aspects relatifs à l’intégration du nouvel employé.

    3.2 /La conservation des ressources humaines

    Il ne suffit pas d’attirer les ressources humaines, en quantité et qualité adéquates. Encore faut-il être capable de les maintenir au service de l’organisation. Traditionnellement, on associe à la conservation ou à la rétention des ressources humaines de l’organisation les activités portant, d’une part, sur les conditions de travail des employés, notamment leur rémunération et leurs avantages sociaux et, d’autre part, sur les possibilités et les conditions de leur cheminement de carrière, en particulier l’appréciation de leur rendement et l’attribution de promotions ou de récompenses.

    Le gestionnaire, dans l’accomplissement des fonctions liées à la conservation des ressources humaines, devrait être mû par le souci permanent de l’équité, naturellement par la recherche d’un juste équilibre, d’une part, entre la prestation de l’employé et la contreprestation qui lui est offerte sous forme de rémunération, d’avantages sociaux et d’avancement dans la carrière et, d’autre part, entre les conditions des uns par rapport aux autres. Aux activités liées à la rémunération et aux avantages sociaux s’ajoutent celles portant sur l’organisation du travail, la qualité du milieu de travail et la qualité de vie au travail qui sont tout aussi importantes pour la conservation des ressources humaines. Est-il nécessaire de souligner ici que ces questions ne sont pas l’apanage exclusif ou unilatéral du gestionnaire des ressources humaines, mais font l’objet de négociations entre lui et l’employé ou, dans les organisations syndiquées, sont encadrées par des conventions collectives négociées entre les représentants de l’organisation (employeur) et les syndicats représentant les employés.

    Dans tous les cas, les résultats de l’ensemble de ces activités influencent fortement la satisfaction et la motivation au travail des employés et leur sentiment d’appartenance à l’organisation. Il en est de même de la troisième composante, en termes d’activité, de la gestion des ressources humaines.

    3.3 /Le développement des ressources humaines

    Le dernier bloc d’activités, constitutif de la fonction ressources humaines, concerne le développement personnel et professionnel des personnes au service de l’organisation. Ces activités, liées à la formation et au perfectionnement des ressources humaines de l’organisation, ont connu une assez forte expansion depuis deux ou trois décennies, de manière générale à cause de la nouvelle vision des employés et de la reconnaissance de leurs besoins qui s’est imposée. Mais aussi de l’accélération du changement, de la croissance exponentielle des connaissances scientifiques, des innovations technologiques et de l’évolution des législations encadrant les relations de travail et les droits et devoirs respectifs des employés et des employeurs qui nécessitent une actualisation régulière des savoirs et savoir-faire. Dans le secteur de l’éducation au Québec, outre les facteurs généraux mentionnés, les transformations quasi permanentes depuis la réforme scolaire ont fini par institutionnaliser les activités de formation continue des personnels scolaires.

    Il faut cependant souligner que tout en permettant à l’individu de s’épanouir, de développer son potentiel et d’évoluer dans sa carrière, les programmes de formation et de perfectionnement ne contribuent pas moins à la réalisation des objectifs de l’organisation à travers l’amélioration de la productivité et du rendement de l’employé.

    D’abord, on peut dire que la fonction des ressources humaines s’articule essentiellement autour des opérations visant à doter l’organisation des ressources humaines adéquates au double plan quantitatif et qualitatif. Ensuite, elle s’attache à déterminer et offrir aux employés des conditions de travail, en termes individuels et collectifs, les incitant à rester dans l’organisation et à y développer leur loyauté et leur sentiment d’appartenance et enfin, sur la base de leurs besoins, à rendre possibles pour les employés des programmes de formation et de perfectionnement concourant à leur développement personnel et professionnel. Quelle que soit la mission de l’organisation, l’objectif global de la gestion des ressources humaines est l’adéquation la plus parfaite possible entre les qualités et attentes de l’organisation et les caractéristiques et aspirations des employés à son service. Cette adéquation forme la condition stratégique la plus importante pour la réalisation des finalités et de la mission de l’organisation. Dans le secteur de l’éducation, il s’agit bien évidemment de la réussite scolaire des élèves. Avant de passer à l’analyse historique de l’évolution de la gestion des ressources humaines, nous présentons la figure 1.2 illustrant la gestion des ressources humaines dans ses composantes et ses objectifs.

    FIGURE 1.2 /Gestion des ressources humaines en éducation: ses composantes et ses objectifs

    4 /L’évolution

    La gestion des ressources humaines, telle qu’elle a été définie et analysée dans les sections qui précèdent, à l’échelle de l’histoire des sociétés modernes, est plutôt récente, découlant d’une longue évolution dont on peut rapprocher les débuts à ceux du XXe siècle. Toutefois, on reconnaît aisément que les préoccupations liées à la recherche de l’efficacité et de l’efficience dans les activités de production, que ce soit de biens ou de services, et les relations de travail qui y sont associées, ont existé bien longtemps avant l’émergence et le développement de courants théoriques systématiques ou d’écoles de pensée à leur sujet. Or, ces préoccupations sont au coeur et constituent peut-être l’essence du phénomène de gestion, quel qu’en soit l’objet. Mais pour les fins de notre propos, qui consiste à mettre en relief les étapes marquantes de la genèse de la gestion des ressources humaines contemporaine, nous distinguerons d’abord deux grandes périodes: celle d’avant et celle d’après le début du XXe siècle, avec peu ou prou la Première Guerre mondiale comme point de repère.

    4.1 /Avant le XXe siècle

    Point n’est besoin de remonter au déluge. Il nous suffira, comme plusieurs auteurs avant nous, de commencer avec le Moyen Âge européen, période où, comme l’ont souligné Sékiou et al. (1986, p. 4), «l’on a vu apparaître les premières relations entre salariés et employeur à l’intérieur d’une institution née sous la poussée d’un phénomène urbain inconnu jusqu’alors: la corporation». Certes, à la différence de ce qui avait existé jusque-là, la période préhistorique, pourrait-on dire, où les «relations de travail» étaient celles de maîtres à esclaves ou quasi esclaves (serfs), avec les corporations, on assiste pour la première fois à une organisation du travail volontaire et libre. Mais, comme le souligne Barnabé (1981, p. 29), elle «est strictement hiérarchique et réglementée», avec le maître trônant au sommet de la pyramide, au-dessus du compagnon, au niveau intermédiaire, et de l’apprenti, qui se retrouve au bas de l’échelle.

    Au plan idéologique, le courant dominant de cette période est celui tracé par l’Église et les maîtres à penser sont les théologiens, comme Thomas d’Aquin, pour en citer un parmi les plus célèbres. Toute autorité vient de Dieu, celle des évêques et des prélats autant que celle des patrons. La règle fondamentale en matière de gestion est celle de la soumission de ceux qui sont aux échelons inférieurs de la pyramide.

    Encadrant le développement du négoce et de l’artisanat pendant plus de quatre siècles (XIIIe jusqu’au milieu du XVIIIe siècle), avec la découverte du Nouveau Monde et l’enrichissement de l’Europe, ce système va évoluer graduellement pour donner naissance à la Révolution industrielle qui représente autant le produit des développements qui l’ont précédée que le catalyseur de toute une série de transformations et d’innovations dans les processus d’organisation et les moyens de la production, mais aussi des modes de vie des populations.

    Sans pouvoir s’étendre ici sur ces phénomènes, on les rappellera comme autant d’éléments qui vont influencer les rapports entre les employeurs et les employés et la gestion des ressources humaines. C’est d’abord l’expansion des marchés, entraînée, d’une part, au plan interne des pays par l’exode rural et les phénomènes d’urbanisation, de développement des infrastructures de production et des voies de communication, et au plan externe, d’autre part, par la croissance du commerce entre les pays d’Europe et entre l’Europe et le Nouveau Monde. C’est ensuite l’éclosion de nouvelles sources d’énergie et techniques de production accompagnée d’un accroissement, jusque-là inconnu, de la taille des unités de production. Les usines prennent la succession des maisons de production. L’efficacité des nouveaux moyens et modes de production et la recherche de l’efficience entraînent une division de plus en plus poussée du travail, une spécialisation des tâches et une uniformisation des comportements, tous phénomènes aux antipodes de la créativité de l’artisan et de l’originalité de son produit qui prévalaient au Moyen Âge.

    Désormais, les relations personnalisées entre maîtres, compagnons et apprentis vont faire place à des rapports nouveaux entre «patrons» et «ouvriers», marqués de plus en plus par l’anonymat.

    Le nouveau système permet un accroissement important de la production dont les ouvriers profitent peut-être en recevant des salaires plus élevés que les gages que pouvaient leur offrir les «Maîtres». Mais les conditions de travail, tant au plan matériel que psychologique, ne sont pas moins globalement plus dures, surtout mises en perspective par rapport aux exigences et au coût de la vie dans les agglomérations naissantes. L’on comprend dès lors que la période de la Révolution industrielle, après les premières tentatives désordonnées des ouvriers, de sabotage des machines et de la production, soit également l’éclosion du syndicalisme, comme vaste mouvement visant à regrouper les travailleurs au sein d’associations, chargées de négocier leurs conditions de travail avec les patrons. Ce ne fut pas aisé, mais entre le premier quart et la fin du XIXe siècle, vont se mettre en place, dans les pays d’Europe, en commençant par l’Angleterre, pays de naissance de la Révolution industrielle, et en Amérique du Nord, aux États-Unis et au Canada, les réseaux des grandes associations syndicales qui continuent, directement par elles-mêmes ou par leurs héritières, à marquer encore aujourd’hui les relations de travail et la gestion des ressources humaines.

    Au plan idéologique, le libéralisme économique classique domine avec Adam Smith comme père fondateur et principal maître à penser. Il n’est pas nécessaire d’entrer ici dans les détails du modèle légué par Smith, philosophe dans sa Théorie des sentiments moraux (1759; trad. française, 1999) et économiste dans sa Richesse des nations (1776; trad. française, 1843). Soulignons ici que, pour Smith, la liberté, dont la base est la propriété, est la condition du progrès et que le meilleur ordre économique est celui fondé sur les intérêts et les agissements individuels avec le moins possible, sinon à l’exclusion totale, d’interventions de l’État. À partir de ces postulats sont développés les aspects plus techniques de son modèle, à savoir la division du travail comme facteur d’efficacité de la production, d’échange entre les agents économiques et source d’accumulation du capital et d’enrichissement des nations. En matière de relations de travail et de gestion des ressources humaines, c’est le principe du laisser-faire qui doit prévaloir, même si cela aboutit souvent à une certaine inégalité sociale et à une marginalisation d’un certain nombre d’individus.

    C’est contre ces effets pervers du capitalisme que va s’en prendre un autre maître à penser de cette période, également philosophe et économiste. À l’encontre de l’école de pensée précédente, Karl Marx soutient en effet que, loin d’être une base pour la réalisation de la liberté, la propriété privée est à la racine de l’aliénation des êtres humains, dans la mesure où le propriétaire des moyens de production, le patron, s’accapare le produit du travail des travailleurs. De là à affirmer la nécessité de la suppression de la propriété privée, il n’y avait qu’un pas que Marx a franchi allègrement. Mais Marx est conscient que cette nécessaire transformation radicale de la société, démontrée par l’arme de la dialectique du matérialisme historique, ne va pas de soi. Aussi n’hésite-il pas à prôner le recours à la dialectique des armes, de la révolution violente autrement dit, pour y parvenir, d’autant plus que, de son point de vue, la lutte des classes est le moteur de l’histoire.

    Dans cette optique, les relations entre les employeurs et les employés constituent un enjeu et un champ de confrontation, dans la mesure où les premiers sont purement et simplement des exploiteurs des seconds. Conséquemment, la gestion des ressources humaines serait en quelque sorte l’opium des travailleurs, pour utiliser une métaphore chère à Karl Marx.

    Les deux courants de pensée présentés brièvement plus haut qui traversent cette étape dite de la Révolution industrielle ont sans doute perdu leur mordant au fil de l’histoire, mais ne continuent pas moins à influencer les événements marquants qui se sont produits depuis le début du XXe siècle dans le domaine de la gestion des ressources humaines.

    4.2 /Le XXe siècle et après

    La plupart des auteurs considèrent le début du XXe siècle comme la période où prend naissance la «science de l’administration» aussi bien que de l’organisation scolaire moderne. Les découpages en tranches de l’évolution qui s’est produite depuis varient selon les chercheurs, même s’ils se recoupent en grande partie, finalement. Barnabé (1981), sans les qualifier, distingue d’abord les développements de l’avant-guerre (1900-1915), période marquée par F. Taylor; la deuxième, celle de l’entre-deux guerres (1916-1945) d’où émerge le mouvement des relations humaines; la troisième période, celle des développements d’après-guerre (1946-1960) et la dernière, celle des développements récents (1961-1980).

    Hoy et Miskel (1982, p. 1) soulignent pour leur part que durant les 80 dernières années, la science de l’administration a connu trois phases dans son évolution:

    1la pensée classique (1900);

    2l’approche des relations humaines (1930);

    3l’approche des sciences béhavioristes (1950).

    De leur côté, Dolan et al. (1988, p. 14), citant Kochan et Capelli, distinguent quatre principales périodes dans l’évolution de la gestion des ressources humaines: la première (1900-1930) dite de l’émergence de la fonction «personnel»; la deuxième (1930-1959) correspondant à la croissance accélérée du syndicalisme et l’émergence de la fonction «relations industrielles»; la troisième (1960-1980) reliée au retour progressif de la fonction «personnel» et la quatrième période intégrant la fonction «gestion des ressources humaines» à la fonction «relations de travail» (1980 à aujourd’hui).

    Pour leur part, Petit et al. (1993, p. 5) retiennent que

    depuis le tournant du XXe siècle, le domaine de la gestion des ressources humaines, tant sur le plan conceptuel que pratique, a connu une évolution en trois phases: la première phase, de 1920 à 1960, correspondant à la gestion du personnel, la deuxième phase, de 1960 à 1980, associée à la gestion des ressources humaines et la troisième, de 1980 à aujourd’hui, correspondant au courant des stratégies d’entreprise et qualifiée de gestion stratégique des ressources humaines.

    À la suite de ces auteurs et considérant les développements des deux dernières décennies, nous distinguons, pour notre part, quatre phases marquantes dans le siècle qui vient de s’achever concernant l’évolution de la gestion des ressources humaines.

    4.2.1 /La phase néoclassique ou la recherche de l’efficience (1900-1930)

    Héritière de la pensée classique axée sur le libéralisme économique, la première phase d’après le début du XXe siècle est marquée par une préoccupation centrale, la recherche de l’efficience, définie par un rapport maximal entre un niveau de production (extrants) et une quantité donnée de ressources (intrants), soit que la production augmente tandis que la quantité des ressources reste fixe ou que la quantité des ressources diminue alors que la production reste la même. Dans cette première phase, selon le facteur privilégié pour obtenir l’efficience, se démarquent nettement trois sous-tendances.

    L’efficience technico-scientifique

    L’approche dite du management scientifique dont la paternité est attribuée à F. Taylor (1856-1915) vise à obtenir l’efficience dans les organisations industrielles par une utilisation efficace des travailleurs. C’est en 1911, dans son ouvrage, The Principles of Scientific Management, que Taylor a systématisé sa pensée, aujourd’hui connue sous le nom de taylorisme et associée au modèle mécaniste.

    De fait, pour Taylor, le travailleur est une extension de la machine qu’il utilise. Il est possible, à partir d’observations systématiques de ses gestes au travail et des analyses scientifiques de ses mouvements associés aux temps ou à des délais d’exécution de tâches, de trouver la meilleure manière de faire (the one best way) pour la réalisation de chaque tâche relevant de l’organisation. Autour de ce principe central viennent se greffer quelques autres idées importantes, toujours en vue de l’efficience:

    •sélection pour chaque tâche, définie clairement au préalable, de la personne la plus apte à son exécution;

    •définition précise et rigoureuse de normes et procédures devant encadrer l’exécution du travail à accomplir;

    •coordination de l’ensemble des tâches à exécuter;

    •séparation stricte des fonctions de direction/supervision (dirigeants) des tâches d’exécution (subordonnés);

    •association rigoureuse de la rémunération à la performance, le succès étant récompensé et l’échec pénalisé.

    L’efficience administrative

    La deuxième sous-tendance, souvent qualifiée d’approche du management administratif, doit sa théorisation à Henri Fayol (1841-1925). Loin d’être en opposition à la pensée de Taylor, le management administratif la complète, ajoutant la structure organisationnelle du travail à l’ingénierie des tâches comme facteur d’efficience. Le geste techniquement efficient du travailleur de Taylor s’accompagne désormais du comportement administratif efficient du dirigeant de Fayol, découlant de quelques fonctions majeures qui deviennent autant de prescriptions:

    •planification, dans le sens d’anticipation de l’avenir et de programmation en conséquence des activités;

    •organisation, dans le sens d’aménagement dans un ensemble articulé des éléments financiers, matériels et humains de l’organisation pour des fins données;

    •commandement, dans le sens d’amener les gens au sein de l’organisation à exécuter correctement leurs tâches;

    •coordination, dans le sens de faire en sorte que toutes les activités soient intégrées, c’est-à-dire articulées les unes par rapport aux autres et orientées vers les buts de l’organisation;

    •contrôle, fonction consistant à veiller à ce que tout soit exécuté selon les normes, procédures et règles établies et les consignes données.

    Il y a, sous-jacents à ces fonctions, des principes de base au nombre desquels il faut citer la division du travail et la spécialisation des tâches, l’unité de commandement et de direction, l’autorité, la responsabilité et le principe de discipline. Ces fonctions et principes seront repris et amplifiés plus tard par d’autres auteurs, dont Gulick et Urwick (1937) qui y ajoutent la budgétisation et la reddition des comptes.

    L’efficience bureaucratique

    La bureaucratie comme modèle d’organisation ou comme facteur d’efficience dans les organisations est

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