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Le meilleur reste à venir: Roman
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Livre électronique305 pages8 heures

Le meilleur reste à venir: Roman

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À propos de ce livre électronique

Antoine, homme d’affaires divorcé, a trois enfants, Pierre, Baptiste et Hélène et ils vivent à Londres dans une villa avec Hortense, la gouvernante. Leur vie va être bousculée par l’arrivée d’Andrea, une artiste de trente-cinq ans, jeune maman célibataire qui débarque dans la capitale britannique pour ouvrir une galerie d’art un peu spéciale. Entre musique, peinture, chant et danse, sortie d’adolescence et découverte de l’amour, chacun va vivre des émotions fortes. Mais quelqu’un a-t-il remarqué cette ombre qui aurait le pouvoir de tout faire voler en éclat ?

À PROPOS DE L'AUTEURE

France-Isabelle Dieu écrit depuis qu’elle sait tenir un crayon. Curieuse de tout et notamment des relations entre les personnes, elle prend, un grand plaisir à rencontrer des gens et à découvrir leurs multiples facettes. Elle a ainsi développé son sens de l’observation, son imagination et sa créativité, que ce soit par l’écriture ou le dessin. Originaire de la région parisienne où elle a passé un bac commerce puis étudié les mathématiques, elle l’a quitté vers trente ans pour s’installer en Charente où elle travaille dans l’informatique en tant qu’animatrice aux usages numériques.
LangueFrançais
Date de sortie4 juin 2020
ISBN9791037709318
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    Aperçu du livre

    Le meilleur reste à venir - France-Isabelle Dieu

    Chapitre 1

    Révolution

    Il se leva, réunit quelques dossiers et les glissa dans sa mallette. La journée avait été longue mais féconde puisqu’il venait de signer un contrat de plusieurs millions de livres avec les Japonais. Ses affaires allaient bien.

    C’est exactement ce qu’il pensait en se renversant dans son fauteuil, les mains derrière la nuque tout en laissant échapper un soupir de satisfaction.

    Son espace de travail était vaste, moderne, alliant avec goût des matières chaleureuses aux coloris sobres. Les baies vitrées prenaient tout un mur et agrandissaient la pièce ; elles étaient indispensables dans cet endroit qu’il souhaitait clair en plein cœur de la capitale britannique. Au fond se tenaient son imposant bureau en verre et son fauteuil en cuir noir. Lui faisant face, la table de réunions, entourée d’une dizaine de sièges, était couverte de plusieurs piles de dossiers. Elle était peu utilisée la plupart du temps : Antoine la trouvait trop austère et impressionnante et lui préférait le confort et la convivialité des sofas et fauteuils club. Même seul, c’est dans le canapé qu’il aimait s’installer avec son ordinateur portable. Antoine avait besoin de fixer sa personnalité à ce lieu où il passait le plus clair de son temps ; ainsi, son bureau regorgeait-il de plantes vertes et de fleurs coupées, dans une ambiance zen. Il prétendait que ces éléments rendaient l’atmosphère moins pesante et qu’il était plus agréable de travailler dans un contexte comme celui-ci.

    Deux ans auparavant, lorsque son entreprise avait emménagé dans ces locaux, il avait mis un point d’honneur à faire en sorte que ses employés (qu’il appelait collaborateurs, terme qu’il trouvait plus valorisant) s’y sentent particulièrement bien. Aussi avait-il fait venir une équipe de décorateurs, qui avait coordonné avec le personnel l’esthétique des différents bureaux. Antoine était contre les openspaces à l’américaine, préférant des ambiances plus personnelles, plus intimistes. Et son propre espace de travail était la parfaite représentation de sa politique.

    Âgé de quarante-huit ans, dynamique et souriant, il était apprécié de son équipe pour ses qualités humaines et sa façon d’ouvrir le dialogue afin de dissiper les troubles susceptibles d’entacher la convivialité de l’entreprise. Il avait confiance en ses collaborateurs, ce qui lui permettait, en s’appuyant sur eux, d’être un véritable requin dans son métier.

    Sur le plan personnel, tout n’était pas aussi idyllique. Sans avoir pour autant l’impression de vivre en enfer, il n’avait plus la vie idéale et reposante qu’il avait eue. Un soir, il était rentré à la maison et avait trouvé une lettre de Graziella qui lui annonçait leur rupture.

    « Antoine,

    Je ne peux plus supporter cette vie avec toi, elle n’a plus de sens. Je suis allée voir un avocat et je demande le divorce.

    Inutile de chercher à me joindre.

    Je te laisse les enfants : ils ne veulent pas partir avec moi. Occupe-toi bien d’Hélène. Je la prendrai un week-end sur deux dès son retour de France.

    Ne fais pas l’enfant et comprends bien que cette vie m’est insupportable.

    Graziella »

    Le choc avait été d’autant plus violent que ni lui ni ses enfants n’avaient pressenti que ça arriverait. Antoine ne s’était jamais imaginé faire sa vie sans Graziella. Il l’avait aimée dès le premier regard alors qu’il était encore étudiant et qu’elle était déjà mannequin. L’arrivée de leurs trois enfants, Pierre, Baptiste et Hélène, n’avait fait que le conforter dans cette idée. Ils semblaient une famille indestructible. Graziella avait toutefois l’habitude de le tyranniser sous différents prétextes, mais il la laissait faire et s’en amusait, même. Souvent, elle se calmait dès qu’elle le voyait sourire devant sa mauvaise foi manifeste et ils riaient ensemble de ces excès d’humeur.

    Il s’était donc retrouvé seul avec les enfants.

    Si Pierre avait à l’époque vingt-trois ans et Baptiste tout juste vingt, Hélène n’avait que onze ans et avait mal vécu le départ de sa mère. Fort heureusement, elle était très proche de Baptiste et celui-ci s’était démené pour équilibrer sa vie. Il ne remplaçait pas la mère absente mais était devenu son confident. Quand Antoine, très proche de ses enfants en dépit de son travail, n’était pas à la maison, Baptiste savait trouver les mots pour calmer, encourager, consoler sa sœur.

    Le départ de Graziella, après avoir été considéré comme un drame présageant la dissolution des liens familiaux, eut finalement l’effet inverse et chacun était heureux de rentrer à la maison et de retrouver les autres pour raconter la journée, dîner, ou regarder un film, écouter Baptiste jouer du piano ou goûter les desserts surprises de Pierre. Chacun avait trouvé sa place, finalement, et Hortense, la gouvernante, n’y avait pas été étrangère. Elle s’était toujours arrangée pour qu’Antoine et les enfants dînent ensemble dans un contexte toujours plus chaleureux. Elle avait souvent écouté, séché les larmes, calmé les colères et l’agressivité. Elle avait pris le temps d’expliquer, de suggérer, de peser le pour et le contre et avait ainsi de bien loin dépassé ses prérogatives de gouvernante. Elle faisait partie de la famille.

    Antoine se redressa avec un sourire et décida qu’il était plus que temps de rentrer retrouver les enfants. Aujourd’hui n’était pas un jour comme les autres : Hélène fêtait son seizième anniversaire. Il enfila sa veste, prit sa mallette et quitta son bureau. Il salua le portier de l’immeuble et entra dans le parking où sa Bentley l’attendait. En chemin, il s’arrêta chez un fleuriste pour acheter un énorme bouquet pour sa fille. Il était heureux et le soleil couchant semblait l’encourager à la bonne humeur.

    Il passa la grille de la villa Barthélemy et après avoir mis sa voiture dans le garage, il remonta l’allée vers la porte principale de la grande maison, en prenant le temps de regarder les fleurs et les arbres épanouis après cette journée ensoleillée qui touchait à sa fin.

    La villa était un grand bâtiment moderne au milieu d’un extraordinaire jardin. L’allée qui menait de la rue à la maison était goudronnée et bordée de buissons colorés. De tous côtés, la pelouse fraîchement tondue agrandissait l’espace. Par endroit, on trouvait un bosquet, un buisson fleuri, par touche, laissant libre la plus grande partie de l’étendue verte.

    La porte d’entrée ouvrait sur un grand vestibule en deux parties, séparées par un muret de briques sur lequel était posé un vide-poches. À droite, un placard renfermait les vêtements d’extérieur, les clés, et autres accessoires. À gauche, de l’autre côté de la fenêtre, se trouvait la porte de la cuisine.

    Le sol de la seconde partie de l’entrée, une marche plus bas, était en marbre clair et deux fauteuils ainsi qu’un guéridon se trouvaient dans le coin sous l’escalier menant à l’étage. Une console soutenait une lampe et de grands vases contenant divers objets (boules transparentes, plumes, billes colorées, branchages peints…) étaient posés à même le sol et contrastaient avec la pâleur du marbre.

    Le côté droit ouvrait sur un salon moderne et vivant. Des magazines étaient empilés sur la table basse. Un tapis bleu, moelleux recouvrait le sol et les fauteuils avaient des formes cubiques, ce qui n’enlevait rien à leur confort. La tendance était au bleu, au mauve, avec des touches de couleurs plus chaudes telles que des beiges et des bruns clairs, le tout dans des nuances lumineuses. Le salon traversait la maison et formait un L avec la salle à manger : celle-ci en occupait le fond et possédait une autre porte conduisant dans la cuisine. À l’extrémité du salon et sur toute la partie salle à manger, une baie vitrée ouvrait sur une véranda, elle-même donnant sur la terrasse. À l’extérieur, un salon composé d’une table basse et de canapés en bois exotiques recouverts de coussins rouges offrait à la terrasse une touche de modernité raffinée.

    Chaque pièce avait son lot de toiles aux murs, de vases fleuris, de lampes diffusant des lumières douces et tamisées. Les meubles avaient pour la plupart été trouvés chez des antiquaires et customisés par Graziella avec l’aide des enfants. Ainsi, le buffet qui avait trouvé sa place dans le salon avait-il été décapé et repeint, dans un gris bleuté patiné, par Graziella. Hélène, trois ans à l’époque, jouait à faire de la peinture avec sa mère. Elle s’était approchée du meuble et y avait posé ses petites mains couvertes de peinture orange. Et le meuble était resté comme ça, unique en son genre, portant encore bien des années plus tard, les empreintes de la petite fille devenue adolescente.

    Se débarrassant de sa veste et de sa mallette, Antoine appela :

    « Hélène ! »

    Mais c’est Hortense qui sortit de la cuisine et vint le saluer. Elle lui adressa un large sourire :

    Hortense retourna en cuisine et Antoine alla frapper à la porte de la bibliothèque située derrière le salon et y entra sans attendre de réponse.

    C’était une pièce plus petite que le salon, regorgeant de rayonnages couverts de livres. Deux fauteuils, un tapis, de nombreux coussins permettaient de s’y installer confortablement.

    Il trouva Baptiste et Hélène affalés par terre en train de lire des bandes dessinées. Lorsqu’ils virent Antoine, ils se levèrent d’un bond pour l’accueillir. Baptiste poussa un profond soupir :

    Elle éclata de rire et vint embrasser son père.

    Hélène le frappa avec un coussin.

    Il lui prit le coussin des mains et la coursa dans la maison, accompagné des rires d’Antoine et de Pierre qui arrivait juste.

    Lorsqu’ils revinrent dans la bibliothèque, complètement essoufflés et hirsutes, Antoine tendit l’immense bouquet à Hélène qui en fut folle de joie.

    Elle embrassa son père et alla se faire aider par Hortense dans la cuisine pour les disposer dans un vase.

    Antoine et ses fils en profitèrent pour aller au salon où ils s’installèrent pour boire un verre avant de passer à table. Hélène les y rejoignit et posa les fleurs sur la table basse.

    Tous éclatèrent de rire. Antoine décida qu’Hélène avait assez attendu et qu’il était temps pour elle de découvrir les cadeaux que chacun avait déposé près de la table du salon.

    Elle s’enthousiasma du premier, offert par Pierre. Il s’agissait d’un collier et d’un bracelet assorti, faits en chaîne fantaisie couleur argent.

    Elle faillit pleurer avec le cadeau de Baptiste : en artiste accompli, il avait peint une toile représentant un piano aux couleurs et aux textures étonnantes, alliant, dans des proportions peu communes, des étendues d’eau bleue. L’instrument semblait apparaître à travers une multitude de gouttes plus ou moins transparentes. La palette de couleurs allait du blanc éclatant au noir profond brillant en passant par des bleus, des mauves, des roses lumineux. Le plus surprenant était peut-être les plumes (de vraies plumes), qui semblaient retomber mollement sur l’instrument, comme s’il était un oreiller crevé. La toile était grande et magnifique. Hélène la regarda, émut et murmura :

    Baptiste ne répondit pas, se contentant d’adresser à sa sœur un sourire gêné. Il ne s’attendait pas à ce qu’elle puisse réagir aussi vivement, même s’il était conscient d’avoir mis tout l’amour qu’il avait pour elle dans ce tableau. La voir ainsi le rendait lui-même plus émotif qu’à l’accoutumée.

    Antoine regardait ses enfants avec tendresse et pour mettre fin à la gêne pudique qui s’installait et de laquelle il devenait de plus en plus difficile de sortir, il toussota pour attirer l’attention sur lui :

    Elle prit donc le dernier cadeau, une enveloppe colorée, assez lourde. Elle contenait un billet d’avion, de la documentation et son passeport.

    Tous se mirent à rire. Hélène se sentait heureuse et légère. Elle ne s’attendait pas à toutes ces marques d’attention, non qu’elle n’en ait jamais eu avant, car ses anniversaires avaient toujours été des fêtes formidables, mais elle ressentait depuis quelque temps un besoin d’indépendance, et n’avait réussi à en parler ni à Hortense, ni à Baptiste. Elle avait conscience qu’en effet, elle avait grandi, même si, à son grand désespoir, elle gardait un physique de petite fille. C’est la raison pour laquelle les attentions de ses hommes la touchaient si profondément : ils avaient su, sans qu’elle en parle, à quoi elle aspirait : être traitée un peu plus comme une femme et un peu moins comme une petite fille. À cet instant elle irradiait de bonheur.

    La voyant ainsi, souriante et heureuse, Antoine renonça à lui demander si sa mère lui avait souhaité également son anniversaire. Il n’avait pas envie de voir son sourire radieux disparaître, ne fût-ce que quelques secondes.

    Ils passèrent à table : le dîner fut des plus joyeux, et Hortense s’était surpassée. Elle s’était même attablée avec eux, comme c’était le cas la plupart du temps pour les anniversaires.

    Entre rires et discussions, Pierre semblait pourtant en attente de quelque chose. Et c’est quand Hortense leur apporta une tasse de café sur la terrasse où ils venaient de s’installer qu’il s’adressa à son père sur un ton faussement détaché :

    Antoine réalisa à cet instant qu’il était devenu le centre d’intérêt d’une conversation qui n’avait que trop longtemps attendu. Il était logique que ses enfants soient inquiets pour lui. Souvent, Pierre et Baptiste plaisantaient avec lui de son célibat alors qu’eux enchaînaient plus ou moins les conquêtes féminines (faire la différence entre les amies et les amantes de ses fils était un exercice auquel Antoine avait depuis longtemps renoncé). Il comprit que, ce soir-là, leur humour cachait en réalité la crainte de le voir rester seul.

    Baptiste prit à son tour la parole :

    Antoine les regarda un moment puis décida qu’il était temps de jouer franc jeu avec eux. Après tout, ils étaient à même de comprendre :

    Antoine regarda ses enfants à tour de rôle et vit à quel point le sujet semblait leur tenir à cœur et comme ils pouvaient s’inquiéter pour lui. Il leur sourit :

    À ces mots, Pierre, Baptiste et Hélène affichèrent des mines plus souriantes et plus enthousiastes :

    Pierre éclata de rire et Antoine leva les yeux au ciel en haussant les épaules. Mais Hélène semblait réfléchir.

    Elle hésita, se demanda si cette réflexion n’avait pas blessé son père et décida d’argumenter pour éliminer les éventuels doutes dans l’esprit d’Antoine. Ses frères, surpris de sa remarque, la regardaient avec grand intérêt.

    Elle chercha quoi répondre et devant son mutisme, Baptiste prit la relève :

    Antoine les écouta encore quelques minutes argumenter sur tous les aspects positifs qu’aurait une action de ce type sur sa vie, sur la leur et sur les possibilités qui s’offriraient à lui par la suite. C’était touchant pour lui de voir comme ils se démenaient et se soutenaient pour le convaincre, ce qui dénotait également leur inquiétude à son égard. Pourtant, l’idée faisait son chemin et il commençait lui-même à trouver des arguments positifs. Il promit d’y réfléchir plus sérieusement.

    Cette soirée familiale ne s’éternisa pas et bientôt, chacun reprit ses activités.

    Baptiste alla aider Hélène à accrocher son tableau dans sa chambre. C’était une pièce qui ressemblait aux appartements d’une princesse : dans une prédominance de couleurs claires se trouvait un grand lit blanc, très confortable et débordant de coussins aux formes et aux coloris divers. Pourtant, le lit semblait petit tant la chambre était vaste. Dans un coin avaient été installés une grande table basse, des poufs et deux banquettes où Hélène aimait recevoir ses amis : ils y passaient d’ailleurs de longues heures en discussions à bâton rompu, les sujets étant, bien entendu, toujours assez proches des flirts et relations entre garçons et filles, parfois des professeurs. Hélène aimait particulièrement les soirées avec Karen et Laura, ses deux meilleures amies. Entre elles, elles expérimentaient maquillage et essayage de vêtements. Ses poupées et jeux de fillettes avaient peu à peu laissé la place à des palettes de maquillage et à des portants croulants sous une multitude de tenues des plus diverses. Son château de princesse fait de bois et de tissus aux couleurs vives avait été remplacé par une étagère géante chargée de CD, livres et DVD. Non, elle n’était plus une gamine et le tableau de Baptiste en serait une preuve supplémentaire quand il ornerait le mur de sa chambre.

    Alors que Baptiste monté sur un escabeau tentait de planter un clou au-dessus de l’une des deux banquettes, Hélène, le tableau dans les mains, lui demanda :

    Il mit la toile en place, descendit de l’escabeau et admira quelques instants l’effet produit en posant la main sur l’épaule de sa sœur. Puis il la regarda : elle semblait songeuse. Il s’affala sur l’une des banquettes.

    Hélène vint se blottir contre son frère qui lui caressa doucement les cheveux.

    Ils continuèrent à parler quelques minutes puis Baptiste regagna sa chambre et Hélène alla dans la salle de bains, enfila un grand T-shirt et un caleçon de Pierre et se mit au lit. Sa journée avait été géniale : Andrew, les cadeaux, New York, Baptiste, toujours rassurant.

    Une seule ombre au tableau, toutefois : sa mère ne l’avait pas appelée.

    Pierre étant parti retrouver des amis après le dîner, Antoine s’était retrouvé seul et avait décidé de se détendre avec un livre sur la terrasse. Au bout d’une vingtaine de minutes, il finit par renoncer : la conversation avec Pierre, Baptiste et Hélène lui donnait matière à réflexions et l’empêchait de se concentrer sur sa lecture. Les enfants ne savaient pas à quel point ils avaient raison quand ils l’avaient encouragé au relooking. Parce qu’à bien y réfléchir, ça avait toujours été Graziella qui s’était occupée de ses tenues de lui choisir ses costumes, ses chemises, ses chaussures. Il lui faisait confiance, elle avait un goût sûr en matière de mode. Mais elle n’était plus là et il était en effet temps pour lui de s’en affranchir.

    Prendre rendez-vous pour revoir son apparence n’était pas quelque chose d’anodin : c’était pour lui une manière de consommer son divorce, et cette idée lui donnait un grand sentiment de légèreté. Tout devenait limpide dans sa tête et il se demandait comment il avait fait pour ne pas s’en rendre compte plus tôt ! La solution était là, en effet. Parce qu’en vérité, il n’allait pas faire un simple relooking. Non, Antoine commençait une sorte de révolution, SA révolution.

    Chapitre 2

    Une proposition inattendue

    La salle d’attente était déserte et consistait en trois fauteuils qui n’avaient plus d’âge, installés dans le couloir peu éclairé, en face de l’impressionnante porte capitonnée marron du bureau directorial.

    Andrea n’était pas nerveuse : cette convocation ne pouvait pas être inquiétante car elle avait toujours entretenu de très bons rapports avec sa hiérarchie. On appréciait son travail et ses initiatives ainsi que son sens de l’humour.

    Et puis, et surtout, elle n’avait rien à se reprocher.

    Toutefois, c’était la première fois qu’elle était convoquée toute seule dans ce grand et impressionnant bureau et, bien que très détendue, elle était quand même interrogative.

    La porte s’ouvrit et c’est avec un sourire décontracté que le directeur lui-même l’invita à entrer. Tandis qu’il contournait son bureau, il l’invita à s’asseoir et lui proposa une tasse de café qu’elle accepta avec plaisir. Ils prirent un peu de temps pour échanger quelques banalités puis il aborda les motifs de cet entretien.

    Il lui souriait avec un regard bienveillant, paternaliste. Il était vraiment fier d’elle et ne le cachait pas. Andrea se demanda ce que lui réservait la suite de cette conversation.

    Elle fut surprise, et à la limite de l’inquiétude mais le directeur continua de sourire avec la même bienveillance.

    Allait-il lui proposer d’aller travailler à l’étranger ? Elle qui rêvait de quitter la France depuis longtemps, pas forcément pour s’installer de manière définitive ailleurs, mais pour vivre autrement, elle commençait à se demander si c’était ce qu’on allait lui proposer.

    Andrea ouvrit de grands yeux étonnés. Elle soumettait au minimum une idée par jour à la direction ! Souvent ses idées retenaient l’attention, parfois se transformaient en projet mais l’ouverture de l’école était vraiment un sujet de grande réflexion : l’enseignement proposé ne devait pas diviser la population intéressée en deux groupes, l’un composé d’artistes aux talents prometteurs mais sans moyen financier et l’autre de personnes fortunées mais sans grandes aptitudes artistiques. Toute la complexité du projet était là. Or, l’école était privée et avait besoin des fonds rassemblés grâce aux cours payants. Le conseil d’administration s’inquiétait que l’ouverture de l’école à d’autres classes sociales fasse perdre des élèves. Sans cet argent, l’établissement ne pourrait pas survivre. Ça semblait totalement aberrant que l’aspect financier prenne autant de place dans un contexte artistique et que le manque d’argent puisse être un frein à la création, mais c’était pourtant une réalité liée à la société de consommation. L’art coûtait cher, bien que tout le monde dans les divers milieux artistiques ait conscience qu’il aurait dû être accessible à tous, sans discrimination. L’école avait souhaité être novatrice sur ce challenge.

    Et, apparemment, une solution avait été trouvée.

    Andrea perdit immédiatement son sourire. Elle ne s’attendait pas à ce qu’on lui propose un poste comme celui-là, aussi important et qui impliquait de grandes responsabilités.

    Andrea mit quelques secondes à assimiler l’information, son regard passant du bureau, au visage de l’homme qui lui faisait face.

    Andrea n’en revenait pas. Une augmentation, un nouveau travail très différent mais dans un domaine qui lui plaisait et qu’elle maîtrisait, et à Londres en plus ! C’était comme si elle rêvait tout éveillée.

    Elle remercia le directeur, le salua et quitta son bureau pour retourner dans sa salle de classe.

    Pendant le cours qui commença quelques minutes plus tard, elle laissa ses élèves continuer leur projet en cours, répondant aux questions et s’efforçant de se concentrer sur leur travail.

    Mais son esprit vagabondait ailleurs, dans la capitale britannique où elle n’était pas allée depuis plusieurs années. Il fallait qu’elle prenne le temps de réfléchir très sérieusement.

    À l’heure de déjeuner, elle retrouva l’une de ses amies dans une brasserie proche de l’école, pour un déjeuner prévu de longue date. Ça tombait bien ! Ce serait elle qui aurait quelque chose à raconter pour une fois.

    Anne-Lise était une femme de trente-neuf ans mais en paraissait dix de moins. Grande, les cheveux et les yeux bruns, elle était élégante, habillée et maquillée avec beaucoup de goût. Sa stature longiligne lui permettait de porter aussi facilement les jeans que les robes de soirée. Elle optait souvent pour des looks sophistiqués qui contrastaient avec son caractère insouciant et désinvolte. Elle s’amusait de rien, riait beaucoup mais avait une rare profondeur d’âme et en connaissait long sur les comportements humains. Elle avait fait de brillantes études en psychologie avant de se rendre compte qu’elle ne voulait pas en faire son métier. Armée de son doctorat, elle s’était finalement orientée vers un poste de directrice en évènementiel dans l’un des plus grands hôtels parisiens. Audacieuse et brillante, elle excellait dans l’organisation de colloques, de défilés de mode et autres festivités mondaines.

    Andrea l’avait rencontrée lors d’un séminaire sur l’art indien qui s’était tenu une dizaine d’années plus tôt et dont l’organisation avait été confiée aux mains expertes d’Anne-Lise. Elles s’étaient croisées, elles s’étaient souri et bizarrement, elles s’étaient comme reconnues. La compréhension entre elles auraient pu être celle d’amies d’enfance. À

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