La tondue: Roman historique
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À propos de ce livre électronique
Pierre a 6 ans en 1944. La France vient d’être libérée ! Vont commencer alors des règlements de compte dont les femmes seront les premières victimes. Sa mère, Janine, ne sera pas épargnée, elle sera tondue pour avoir aimé un officier allemand. L’enfant est témoin de cette humiliation. En 1958, Pierre part faire son service militaire en Algérie. Lui, le pacifiste qui a horreur des armes, va tuer un homme, un rebelle ! Ces deux évènements vont l’aigrir. Il estimera responsable de ses tourments la société, dont il cherchera à se venger. Pourtant, il devra rendre compte à la justice de ses agissements. C’est dans l’enceinte d’une Cour de Justice que se déroule ce roman avec les témoins, à charge et à décharge, qui feront resurgir le passé. Mais n’est-ce pas ce qu’il a voulu ?
Bien que cet ouvrage soit une pure fiction, il jette néanmoins un regard sur une des pages les plus sombres de notre histoire : celle de l’épuration qui suivit la libération.
Plongez avec ce roman historique émouvant dans les années qui ont suivi la libération, à travers le destin d'un homme dont le procès fait apparaitre les conséquences d'un bien sombre passé.
EXTRAIT
— Votre déclaration est de première importance, car vous avez eu Pierre Dubreuil sous vos ordres, durant la guerre d’Algérie, et vous dirigez maintenant une agence de surveillance et de gardiennage. Vous êtes prestataire de services, notamment pour les banques. Le hasard a voulu que ce soit un de vos salariés qui soit agressé par le prévenu. Parlez-nous d’abord du soldat Dubreuil !
— C’était un garçon difficile à cerner. Je ne dirai pas qu’il avait une double personnalité, mais plutôt qu’il traînait derrière lui un passé douloureux. Si je me rappelle bien, il avait perdu son père avant même qu’il ne vienne au monde. Il vivait seul avec sa mère dans un petit village de la Somme. Il pouvait être gai un jour, et taciturne le lendemain. Il s’isolait souvent, et personne n’allait l’ennuyer.
— Pouvait-il être violent ?
— Non, il n’a jamais eu un mot plus haut que l’autre. Il se faisait respecter, mais il ne méprisait passes camarades. Par contre, avec la hiérarchie, c’était un peu plus difficile. Il ne reconnaissait pas l’autorité. Il entendait parler d’égal à égal avec les gradés. Si on avait compris ça, tout se passait pour le mieux. Je ne me souviens pas lui avoir donné un ordre. Je lui disais simplement « il y a ceci ou cela à faire, veux-tu y aller avec Untel » et il se mettait au travail.
— Il a été médaillé pour un acte de bravoure.
— Oui, et il a eu du mal à accepter cette décoration pour avoir tué un homme. Il n’aimait pas les armes, bien que ce soit un tireur exceptionnel, doué d’un sang-froid remarquable. Il prétendait que c’était de la légitime défense. Il a accusé le coup, avec sa force de caractère, mais il ne s’en vantait pas. C’était comme ça, un point c’est tout ! Par la suite, il a évité de se mettre en première ligne, mais sa façon de se positionner pour couvrir ses camarades était inhabituelle pour un conscrit. Il avait l’œil partout, et il nous a écarté bien des désagréments. On pouvait lui faire confiance, c’était un stratège. S’il avait voulu, il aurait pu faire une carrière militaire, mais il rejetait énergiquement cette éventualité.
— A-t-il manifesté des idées politiques, voire anarchiques ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Ancien journaliste pigiste, passionné par l’Histoire, Jean-Claude Flament s’est intéressé durant plusieurs années à la guerre 14-18, et plus particulièrement aux fusillés pour l’exemple. Après 9 livres consacrés à ce thème, il a décidé d’écrire des polars et des romans, en ayant toujours à l’esprit ce passé, dont on ne parle pas, devenu tabou parce que dérangeant.
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Aperçu du livre
La tondue - Jean-Claude Flament
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La tondue
Préambule
Bien que cet ouvrage soit une fiction, il jette néanmoins un regard sur une des pages les plus sombres de notre histoire : celle de l’épuration qui suivit la libération en 1944.Plus de deux cent mille femmes furent tondues en France, soupçonnées d’avoir eu des relations sexuelles avec l’occupant, que l’on nommait lacollaboration horizontale. Elles subirent diverses humiliations, à commencer par la coupe de leur chevelure, le traçage sur leur crâne de la croix gammée avec du goudron ou du rouge à lèvres, le passage à travers la foule sous les crachats et les coups. Certaines eurent leurs vêtements arrachés et c’est complètement ou partiellement dénudées qu’elles circulèrent au milieu de la population.
Parfois, leurs relations n’avaient été qu’amicales ou festives, ou elles n’allèrent pas plus loin que la proximité professionnelle.Mais la punition fut la même. Pour d’autres, il s’agissait d’une liaison amoureuse sincère.
Dans certains départements, les prostituées ne furent pas inquiétées, la vindicte populaire estimant alors qu’elles n’avaient fait que leur métier.
Les rapports n’avaient pas besoin d’être intimes pour être répréhensibles. Le simple fait de travailler pour les Allemands ou de les côtoyer, qu’il soit avéré ou pas, mais véhiculé par la rumeur publique, était suffisant.
Dès l’installation des CLL (Comités Locaux de Libération), leurs membres partirent à la recherche des femmes à punir. Des résistants FFI agirent au nom d’une justice populaire. D’autres s’improvisèrent juges, sans aucun contrôle hiérarchique, sans pouvoir, et sans l’accord des autorités constituées qui les désapprouvaient et appelaient à la fin des brimades.
Quatre-vingt mille enfants naquirent de ces relations sexuelles, volontaires ou imposées, avec des soldats de la Wehrmacht.
Les femmes tondues connurent un traumatisme parfois estimé plus important que le viol. Elles se refusèrent durant des années le droit au bonheur.
Le tournant d’une vie
Pierre Dubreuil était assis à la terrasse d’un café. Son allure de consommateur jouissant d’une journée ensoleillée n’avait rien qui puisse attirer l’attention sur lui. Il avait l’air d’un paisible jeune homme. Pourtant il était tourmenté. Il avait fait son service militaire en Algérie, une absence qui avait duré vingt-huit mois. Depuis son retour, il y a deux ans, il ne retrouvait pas l’équilibre psychologique qui était le sien avant d’être appelé sous les drapeaux. Il ne faisait pas la différence entre ses pulsions et ses émotions ni entre le bien et le mal. Sa jeunesse fut tourmentée par des évènements qui l’avaient privé de sommeil, puis qui s’étaient estompés là-bas, de l’autre côté de la Méditerranée. Une camaraderie imposée, un emploi du temps hors du commun, l’éloignement, avaient fini par chasser de vieux démons pour faire place à d’autres. Sa participation à une guerre qui ne voulait pas dire son nom, et à qui l’on octroyait aisément les motspacification ou maintien de l’ordre, n’avait rien arrangé.Il avait beaucoup de mal à réintégrer la vie civile, du moins celle qui était la sienne auparavant. Il n’avait pas retrouvé son travail, et ses amis avaient disparu comme par enchantement. En l’envoyant en Afrique du Nord, ce n’était pas uniquement sa jeunesse que la France lui avait volée, c’était une tranche de son existence.Aujourd’hui, il ne lui restait plus que sa mère qu’il aimait beaucoup, mais elle avait eu son lot de souffrances, et il ne voulait pas l’importuner avec ses états d’âme. Elle avait un gentil mari, un homme bon qui la rendait pleinement heureuse, et avec qui il s’entendait bien.
Sa présence en cet endroit n’était pas anodine. Pierre surveillait les allées et venues d’un établissement bancaire situé à proximité. Il souhaitait savoir s’il était possible de pénétrer à l’intérieur, et de faire main basse sur une partie de l’argent liquide, sans trop de difficultés. Il ne ferait pas ça pour s’enrichir, il n’était pas cupide. Il voulait simplement nuire à ceux qu’il considérait comme responsables de bien des maux dans la société. Il haïssait ces hommes avides de pouvoir,prêts à tout pour arriver au plus haut de la hiérarchie, y compris à marcher sur leurs semblables. Pierre faisait une fixation sur le capitalisme, représenté par les banques. Chaque fois qu’il passait devant l’une d’elles, il ressentait une forme de dégoût. Il associait ses idées à ce qu’il avait vu en Algérie.Il avait constaté la différence flagrante entre les gros propriétaires terriens etle peuple algérienvégétant à la limite de la pauvreté. Certes, tous les pieds noirs n’étaient pas des exploiteurs, mais tous les Algériens vivaient plutôt chichement. Puis, il y avait les jeunes gens du contingent chargés de protéger les premiers contre une armée de libération : les politiciens au service de la finance contre une nation qui voulait son indépendance.Pour lui, ces troufions étaient des soldats citoyens, encadrés par des hommes dont c’était le métier de faire la guerre, des individus privés de leur vie civile durant deux années et demie,mis à la disposition d’autres qui voyaient leur solde gonflée par leur présence hors du territoire.
Pierre ne se situait pas dans l’éventail des idées. Il ne s’était jamais posé la question de cette façon. Il n’était pas assez instruit idéologiquement pour faire la part des choses. Il ne faisait pas la différence entre la gauche et la droite. Il était du parti des révoltés et des aigris. Un jour, quelqu’un lui avait dit « toi, tu es un anarchiste ». Il s’était accommodé de l’explication. Si c’était cela l’anarchie, alors il avait adopté la définition et pris le qualificatif comme un compliment.
En face, les mouvements se faisaient rares. Apparemment, l’établissement recevait peu de monde. Il avait décidé d’y pénétrer pour avoir une idée de ce qui se passait à l’intérieur. Il avait saisi le prétexte d’une demande de renseignements pour l’ouverture d’un compte bancaire afin d’observer les alentours. Il n’avait pas vu de vigile, pas de système de sécurité sophistiqué, et les guichets étaient facilement accessibles.La brunette derrière la vitre était sympathique. Elle lui avait donné quelques explications, mais lui avait surtout remis une liasse de prospectus. Il avait gentiment remercié la jeune femme qui l’avait si aimablement reçu, puis il était revenu s’installer à la terrasse de la brasserie. L’heure de la pause de la mi-journée était venue, et il voulait savoir si des précautions particulières étaient prises.Au contraire, les volets roulants métalliques n’avaient pas été baissés, et les employéesétaientsorties comme s’il s’agissait d’un simple bureau. Il avait regardé arriver, droit sur lui, deux charmantes personnes, dont celle qui avait dialogué avec lui quelques instants auparavant. Les deux femmes s’étaient installées à côté de lui. Il n’avait pas fallu longtemps pour qu’une conversation s’engage entre les consommateurs.Puis était venu pour elles le moment de réintégrer leur travail. Elles avaient pris congé de leur voisin, multipliant les sourires et les paroles aimables.
Pierre s’était dit qu’il serait hasardeux de tenter quelque chose dans cette agence. Il ne voulait pas être reconnu, à la merci d’un regard oud’une voix qui aurait retenu l’attention des employées. Il avait bien remarqué l’intérêt qu’elles lui portaient. Il était jeune, beau garçon, et sans être un séducteur, il savaitqu’il plaisait. Il avait donc décidé d’abandonner non pas son projet, mais de chercher une autre banque où il prendrait soin de ne pas sympathiser avec celles qu’il était censé agresser. Il avait rapporté d’Algérie deux révolvers qui lui seraient utiles pour intimider ses victimes.
Plusieurs jours s’étaient écoulés avant qu’il ne jette son dévolu sur l’agence d’un petit village. Là, pas de terrasse de bistrot pour l’accueillir, mais un banc public dans un parc ombragé. Muni d’un journal qu’il faisait semblant de lire à l’approche de promeneurs, il avait surveillé les lieux. L’endroit était paisible, trop sans doute puisqu’il eut le sentiment de s’être assoupi un instant. Puis, toujours sous le même prétexte, Pierre avait poussé la porte. Tout lui paraissait simple, un guichet avec une seule personne, peu de monde entrant et sortant, et un trottoir d’une largeur démesurée qui lui permettrait de poser une moto sans gêner le passage. Il ne lui restait plus qu’à fixer le moment le plus propice ! Il avait choisi un jour de marché, en début d’après-midi. Il pensait qu’après l’animation du matin, le quartier redeviendrait plus calme. Auparavant, il avait pris soin de voler une grosse cylindrée.
Casqué, portant un blouson de cuir au col remonté très haut, il était méconnaissable. Son apparition avait surpris la préposée au guichet, et une cliente. Dès qu’il avait prononcé les mots « vite l’argent »,l’employée s’était souvenue que la consigne n’était pas de résister, encore moins de faire du zèle. Devant le témoin tétanisé, et la caissière pressée de le voir partir comme il était venu, Pierre avait empoché les liasses qui lui étaient tendues.
En quelques secondes, il fut dehors, enfourchant la moto qui démarra immédiatement. Il était déjà loin lorsqu’il avait perçu le bruit strident d’une sirène. Il déposa l’engin emprunté dans un endroit passager, puis se fondit dans la population. Il avait réussi son premier braquage avecfacilité. Le lendemain, à la lecture des quotidiens, il avait eu une certaine jubilation à découvrir les interrogations et les hypothèses formulées par les journalistes.La rapidité de l’action les déconcertait, quant à la police « elle n’écartait aucune piste ».
Après avoir soigneusement caché son butin, Pierre était resté plusieurs mois tranquille. Il avait trouvé un travail de chauffeur poids lourd en intérim qui lui plaisait bien. Au volant de son camion, il sillonnait les routes de France et passait les frontières, ce qui non seulement occupait ses journées, mais surtout son esprit. Une fin de mission l’avait laissé au repos quelques semaines. Il avait décidé de retenter l’expérience du braquage. De nouveau, il s’était mis en quête d’un établissement bancaire un peu isolé, et surtout le plus éloigné possible d’un poste de police ou d’une gendarmerie. Ses actions coup de poing devaient lui donner toutes les chances de s’enfuir avant l’arrivée des forces de l’ordre. Après plusieurs repérages, suivant une méthodologie répétée et enregistrée dans sa tête, il faisait un choix. La première étape était le vol d’une moto, qui devait se dérouler la veille. Il ne voulait pas priver la victimede son moyen de transport plus d’une journée, voire deux. La deuxième phase,c’était le braquage lui-même.
Celui-ci eut autant de succès que le premier avec, en plus, la satisfaction de constater que le butin était considérable. Il avait remarqué que les papiers du deux-rouesétaient dans une boîte à gants. Il avait recherché, et trouvé, les coordonnées du propriétaire, et il lui avait téléphoné pour lui indiquer l’endroit où il pourrait récupérer sa machine. Il l’avait rassuré, l’engin était en parfait état, et il s’était même excusé.
Les journalistes se déchaînaient sur l’homme à la moto. L’un d’eux n’avait pas réfléchilongtemps pour ajouter « qui semait la terreur dans toute la région ». Ils auraient pu préciser qu’il portait une culotte et des bottes de moto. La police se voulait confiante, elle commençait, disait-elle, à avoir une piste sérieuse.
Comme précédemment, l’argent dérobé avait été déposé en lieu sûr. Le chef de l’entreprise de transport